Ce texte a été écrit dans le cadre des Nuits du Fof organisées par le Forum francophone. Il s'agissait d'écrire, en une heure, sur le thème "Torturer".


Absolument horrifiant

« C'est atroce », commenta le chancelier, les lèvres retroussées sur ses gencives.

Ses yeux n'avaient pas quitté l'hologramme, sur lequel deux droïdes séparatistes écartelaient une civile togruta.

« C'est abominable. »

Ses mains se contractaient dans le vide, comme les serres d'un aigle affolé par un orage menaçant.

Le son de l'enregistrement était coupé, mais on devinait les hurlements de la victime à la contraction de son visage, si forte qu'elle redessinait les marques blanches sur sa peau rouge.

« C'est absolument horrifiant », murmura encore Palpatine, et il se mordit visiblement la joue pour empêcher ses traits de trahir toute l'agitation qu'il ressentait par empathie avec un tel spectacle. Son effort pour maintenir une contenance stoïque était vain : d'abord parce qu'il en aurait fallu bien davantage pour berner les deux Jedi et la sénatrice de Naboo qui constituaient sa seule compagnie tandis qu'il visionnait cette ignoble scène dans son bureau, ensuite parce que maître Ki-Adi-Mundi et maître Yoda, comme Padmé, avaient le regard rivé sur la projection bleutée qui témoignait d'horreurs lointaines et, pourtant, si viscéralement proches.

Padmé avait déjà vu l'enregistrement à deux reprises : une première fois pour prendre connaissance en hâte de son contenu, qu'elle avait soupçonné précieux d'après les démarches que l'ambassadrice togruta avait effectuées pour le lui transmettre en main propre, à elle qui présidait la CSCECGPCPC (la Commission sénatoriale en charge des enquêtes sur les crimes de guerre perpétrés contre des populations civiles), puis une seconde fois pour s'assurer de son authenticité avec le concours du capitaine Typho.

Elle savait le déchirement de la chair, la souffrance sans consolation, la mort injuste. Et pourtant, ou peut-être justement à cause de cela, elle ne put se retenir de sursauter. Elle se força néanmoins à ne pas détourner le regard, pour honorer cette femme qui était morte dans un combat auquel elle n'aurait jamais dû avoir part. À son côté, elle devinait la raideur du chancelier suprême, aussi affecté qu'elle, et la compassion triste des deux Jedi, dont elle percevait également l'affliction, malgré la retenue que leur vocation exigeait.

Ce fut Palpatine qui rompit le silence :

« Penser que des créatures de chair et de sang, des êtres dotés d'un cœur , ont programmé ces droïdes pour qu'ils commettent pareilles monstruosités ! »

Son sidération résonna dans le vaste bureau comme l'onde du choc qu'ielles ressentaient ensemble : jamais Padmé ne s'était sentie si liée à lui qu'en cet instant.


Comme tant d'autres, la scène est restée gravée dans la tête bien faite de la sénatrice Amidala. Et lorsque, deux ans plus tard, elle apprendra par son mari toute la sinistre vérité sur le seigneur sith, son verdict hypocrite tourbillonnera dans sa tête : « Atroce. Abominable. Absolument horrifiant. »