Je suis incorrigible, je m'excuse pour l'attente. J'espère que la suite vous plaira, bonne lecture !
Les sœurs Bennet étaient impatientes. Elles avaient reçu une lettre des Gardiner annonçant leur retour à Londres. Après un voyage à Bath chez des amis, ceux-ci avaient rendu visite à la famille Bennet restée à Longbourn. Les deux jeunes femmes n'avaient qu'une hâte : les écouter raconter leur voyage et avoir des nouvelles récentes de leur famille. Elles allaient également pouvoir voir leurs cousins et cousines, qui devaient avoir encore grandi depuis la dernière fois qu'elles les avaient vus. Elles s'empressèrent donc de répondre à leur lettre pour accepter leur invitation à venir prendre le thé.
Leur impatience était telle que si elles n'avaient pas été très occupées par les visites, les jours qui avaient auraient sans doute semblé très longs.
Le jour venu, elles empruntèrent la calèche mise à disposition par M. Bingley. Le thé était sur le point d'être servi lorsqu'elles arrivèrent. Une fois les retrouvailles joyeuses passées, ils s'installèrent dans le petit salon pour prendre le thé avant qu'il ne refroidisse. Jane et Elizabeth demandèrent d'abord des nouvelles de leurs parents et sœurs – tous se portaient bien. Puis elles questionnèrent leur oncle et leur tante sur leur voyage à Bath : ce qu'ils avaient vu, visité, les personnes qu'ils avaient rencontrées, les événements auxquels ils avaient assisté… Ils leur parlèrent surtout des thermes de Bath. Ils avaient pleinement pu profiter des sources d'eau chaudes et en gardaient un très bon souvenir.
Par la suite, les questions fusèrent dans l'autre sens. Alors Jane et Elizabeth s'empressèrent de raconter aux Gardiner tout ce qui s'était passé depuis l'arrivée d'Elizabeth à Londres. L'introduction à la reine, le bal, le théâtre, les nombreuses rencontres faites… En voyant la joie de Jane et l'épanouissement d'Elizabeth, leur oncle et leur tante se sentirent rassurés. M. Bingley veillait bien sur elles et étant donné l'attachement de M. Bennet à ses filles, en particulier à Elizabeth, il serait content de les savoir ainsi épanouies. M. Gardiner émit même la possibilité d'un voyage des Bennet à Londres. Leur mère et leurs jeunes sœurs tannaient apparemment leur père pour venir. Et comme les deux aînées lui manquaient beaucoup, il se sentait fléchir un peu plus chaque jour.
Alors que la visite se terminait, Jane invita leur oncle et leur tante à venir le lendemain prendre le thé. Ils avaient encore tant de choses à se raconter qu'une deuxième visite était bien nécessaire. M. Bingley n'ayant pu venir aujourd'hui, cela leur permettrait également de le voir. Les Green devant également venir, il fut donc décidé qu'ils viendraient dans l'après-midi : ce serait l'occasion de les présenter à leurs nouveaux amis. Deux couples du même âge devraient certainement s'entendre !
Le lendemain, les deux sœurs n'eurent même pas le temps d'être impatiente des visites de l'après-midi car la matinée fut riche de surprises. Elles discutaient dans le petit salon pendant que M. Bingley réglait des affaires quand l'arrivée de M. Madden leur fut annoncée. Elles échangèrent un regard surpris et Elizabeth se surpris à lisser les plis de sa robe. Elle espérait être présentable.
– Nous allons le recevoir dans le grand salon, répondit Jane.
Elles s'y rendirent et quelques minutes plus tard, M. Madden entra dans la pièce.
– Mme Bingley, Miss Bennet. C'est un plaisir de vous revoir.
– C'est un plaisir partagé, M. Madden, répondit Jane avec amabilité malgré le comportement de l'homme envers sa sœur. Mon mari est dans son bureau, je vais le faire appeler pour l'informer de votre présence.
– Bien entendu. Ce n'est cependant pas avec M. Bingley que j'aurais souhaité m'entretenir aujourd'hui.
Son regard se dirigea vers Elizabeth qui se sentit rougir légèrement.
– J'espère que M. Bingley ne m'en voudra pas de vous préférer sa compagnie. Je serais cependant ravi qu'il nous rejoigne s'il le peut.
– Jane, peut-être devrais-tu aller l'informer de la présence de M. Madden ?
L'aînée jeta un regard hésitant à Elizabeth qui lui adressa un sourire qui se voulait rassurant. Jane sortit donc de la pièce pour aller prévenir M. Bingley, laissant la porte ouverte pour préserver les convenances.
Une fois seuls, il y eut un moment gênant.
– Asseyez-vous, M. Madden. Souhaitez-vous boire quelque chose ?
– Je veux bien, oui, merci. Auriez-vous du café ?
Elle acquiesça et appela la domestique pour qu'elle amène du café et du thé, puis ils se retrouvèrent de nouveau seuls et visiblement aussi mal à l'aise l'un que l'autre.
– Miss Bennet, déclara finalement M. Madden, je tenais à m'excuser pour le comportement que j'ai eu l'autre jour au théâtre. Je vous prie de ne pas me juger sur ce seul instant car je dois reconnaître que ma conduite n'était pas digne de celle d'un gentleman. J'ai utilisé vos confidences contre vous et ne mérite pour cela que votre mépris.
Elle fut touchée qu'il le reconnaisse. Au moins, contrairement à un certain gentleman, M. Madden était capable de s'excuser.
– Je n'éprouve aucun mépris pour vous, M. Madden, soyez-en rassuré.
– N'ai-je point perdu votre estime ?
– Nullement. Je sais combien il est parfois difficile de se limiter dans la plaisanterie.
Elle ne pouvait lui reprocher d'avoir voulu rire de son caractère et de celui de M. Darcy quand elle était la première à s'amuser de celui des autres.
– Votre caractère est tout ce qu'il y a de plus aimable, Miss Bennet, soyez-en assurée. J'ai conscience qu'en plus d'avoir usé de votre confiance, ma remarque vous a mise dans une situation délicate. J'espère que vous ne m'en tiendrez pas trop rigueur, reprit l'Américain.
– M. Madden, je vous en prie, n'y pensez plus ! Vous êtes déjà tout pardonné.
– Merci, Miss Bennet. Prenez quand même cette boîte de chocolats en guise de ma bonne foi. J'espère que vous les aimerez.
Elle fut touchée de ce cadeau et lui adressa un sourire.
– Je saurai les apprécier, merci.
Sa sœur réapparut alors, aux côtés de son mari.
– Madden, comment allez-vous ? Que me vaut le plaisir de vous voir ? s'exclama M. Bingley avec un grand sourire.
– Très bien, Bingley, merci ! Je passais dans le quartier et je me suis dit que c'était l'occasion de vous rendre visite.
– Vous avez bien fait ! Ah, je vois que l'on vous a déjà servi, parfait.
Du thé fut servi au couple Bingley et ils discutèrent tous les quatre jusqu'à la fin de la matinée. Madden prit congé, non sans s'être excusé discrètement une dernière fois à Elizabeth de son comportement. Il s'éclipsa après quelques flatteries, laissant derrière lui une Miss Bennet ravie et rassurée. Elle avait finalement bien jugé son comportement : M. Madden était un gentleman.
L'après-midi fut tout aussi riche en émotions pour Elizabeth. Les Gardiner arrivèrent en premier, habillés de leurs plus hauts habits. Cela était inutile car M. Bingley semblait apprécier tout le monde, quelle que soit leur apparence. Son oncle et sa tante n'y firent pas exception : il se montra charmant avec eux et les invita à revenir leur rendre visite autant qu'ils le souhaiteraient.
Les Green arrivèrent peu après. Comme Elizabeth l'avait pressenti, la rencontre entre les Gardiner et les Green se passa à merveille. Les deux couples s'entendirent aussitôt sur de nombreux points et prirent plaisir à discuter ensemble et à se découvrir. Ne faisant pas partie du même cercle social, ils n'avaient pu se croiser auparavant et le regrettaient profondément car ils passèrent un moment appréciable, tous ensemble. Une fois le thé bu, une partie de cartes fut proposée. Les trois hommes prirent place et Mme Green se joignit à eux pour compléter le quatuor de joueurs. Jane, Elizabeth et Mme Gardiner leur laissèrent volontiers la place, préférant discuter. Le jeu était déjà bien entamé quand un domestique leur annonça l'arrivée de M. Darcy. Elizabeth se tendit à l'évocation de ce nom et lança un regard étonné à Jane, qui ne semblait pas si surprise que cela.
M. Darcy fit donc son entrée et la partie de cartes s'interrompit un instant, le temps des présentations. Mme Green lui proposa ensuite de prendre sa place mais il déclina. Au lieu de quoi, il s'assied sur le canapé, non loin d'Elizabeth. Cette dernière aurait pu parier qu'il ne se sentait pas particulièrement à son aise, malgré son air de hauteur qui semblait ne jamais le quitter. Cela n'empêcha pas sa tante d'engager avec lui une conversation. Elizabeth fut surprise quand elle apprit que M. Darcy n'était pas inconnu à sa parente.
– J'ai longtemps vécu à Lambton, à 500 miles de votre domaine. C'était alors feu M. Darcy, votre père, qui le dirigeait. Un homme remarquable, de ce qu'on en disait.
– Je connais bien ce village, je m'y rendais souvent, enfant. Avez-vous gardé des contacts ?
Elizabeth tenta d'imaginer Darcy enfant et dut admettre que l'image était assez plaisante.
– Oui, je corresponds toujours avec des amies qui y sont restées. Nous avons d'ailleurs prévu, avec mon mari, de visiter le Derbyshire, cet été. C'est un endroit merveilleux, et qui m'est très cher. Nous y ferons sûrement escale.
– Si tel est le cas, n'hésitez pas à passer également par Pemberley. Je serais ravi de vous y accueillir, vous et M. Gardner. Dans le cas où je ne serai pas là, je ferai passer le mot à l'intendante.
Au fur et à mesure de la conversation, il avait perdu un peu de son air hautain et semblait à présent plus détendu, alors qu'ils parlaient à présent de Pemberley et se plongeaient dans les souvenirs du passé. Il fallait dire que sa tante était très douée pour mettre les gens à l'aise. Elizabeth estimait néanmoins que s'agissant de M. Darcy, sa réussite tenait du miracle. Elle nota également, même si ce n'était pas la première fois qu'elle s'en faisait la remarque, qu'il semblait très attaché à Pemberley. Il semblait différent quand il en parlait. L'invitation n'en était que plus généreuse.
La partie de cartes s'étant terminée, plusieurs groupes de discussion se formèrent. M. Bingley et Jane entamèrent le dialogue avec les Green tandis qu'Elizabeth, restée avec sa tante et M. Darcy, fut rejointe par son oncle. Une fois n'est pas coutume, bien que Darcy soit au départ beaucoup sur la réserve, les deux hommes semblèrent également s'entendre. Ils discutèrent de nombreux sujets et de nouveau, celui du voyage de cet été refit surface.
– Nous avions pour projet de visiter les grands lacs, mais nous devons finalement être de retour à Londres à la fin du mois. C'est pourquoi nous nous rendrons à la place dans le Derbyshire. D'ailleurs Lizzie, si vous n'avez pas d'autres obligations d'ici-là, nous serions ravis de vous compter parmi nous pendant ce voyage.
– Si tel est le cas, c'est avec plaisir que je vous accompagnerai.
Elle était curieuse de voir le village de Lambton, et encore plus de découvrir Pemberley… même si elle espérait que le maître n'y serait pas présent, à ce moment-là. Au contraire de Darcy, qui était justement en train de les imaginer tous les deux à Pemberley, main dans la main.
Le reste de l'après-midi se déroula joyeusement et après la promesse de renouveler une telle réunion, chacun rentra chez lui content des rencontres faites, des distractions données et des conversations tenues.
La journée du lendemain ne devait pas être plus reposante car elle amenait avec elle Caroline Bingley, la sœur de M. Bingley. Elizabeth ne l'avait pas revue depuis le mariage de sa sœur. Elle se promit de faire un effort pour Jane, même si elle n'avait jamais apprécié la sœur de son beau-frère, dont le caractère hypocrite la rebutait. Caractère dont elle fit preuve dès son arrivée en prenant Jane à la brassée comme si elle l'avait toujours acceptée comme sa sœur. Elle se montra presque aussi chaleureuse avec Elizabeth et celle-ci joua le jeu. En découvrant les changements de décoration faits à la maison, elle refoula bien vite son désappointement et s'épancha en compliments moins sincères les uns que les autres sur les goûts de Jane, qui la remercia grandement.
– Je craignais que les changements ne vous déplaisent.
– Oh non, vous avez très bien choisi ! Et puis, vous êtes maintenant la maîtresse de maison, dit-elle comme pour se le rappeler à elle-même. Il est normal que vous apportiez votre touche. Je serais d'ailleurs ravie de vous aider dans vos choix futurs.
– C'est fort aimable à vous, répondit Jane qui ne voulut pas offusquer sa belle-sœur, même si elle était sûre de lui préférer les conseils de Mme Green en ce domaine. Elle craignait de plus que Caroline Bingley ne lui impose ses choix.
Pendant que Miss Bingley partait se rafraîchir un moment dans sa chambre, Jane demanda à ce qu'on fasse servir des rafraîchissements pour accueillir au mieux la nouvelle venue.
– Mon cher frère n'est-il pas présent pour m'accueillir ? demanda Caroline, une fois redescendue.
Elizabeth vit dans cette remarque la suffisance de Miss Bingley, là où Jane n'y perçut que l'attachement que Miss Bingley portait à son frère.
– Il a dû s'absenter pour des affaires et vous prie de l'excuser. Il sera de retour d'ici la fin d'après-midi pour dîner avec nous.
Si Miss Bingley s'était étonnée de l'absence de son frère, elle n'en demanda pas plus de nouvelles. Elle parla à la place beaucoup d'elle-même, ne s'intéressant que peu aux deux sœurs. Elle se contenta de poser quelques questions d'usage, comme la politesse le voulait. Néanmoins, quand elle apprit que M. Darcy et sa sœur venaient régulièrement leur rendre visite, sa curiosité se décupla et les questions ne tarirent pas jusqu'à l'arrivée de M. Bingley.
