Merci pour vos retours, j'adore vous lire ! Voici un nouveau chapitre, bonne lecture !
Le temps filait vite à Londres. Il ne se passait pas un jour sans que les sœurs Bennet ne reçoivent ou rendent une visite à leurs relations. Les sorties au théâtre et à l'opéra se succédaient aussi, pour le plus grand plaisir d'Elizabeth, qui en raffolait.
Parmi les relations proches de Bingley, on retrouvait bien entendu les Green et les Gardiner. Les deux couples s'étaient tellement appréciés qu'il était devenu étrange d'en recevoir un sans inviter l'autre. Également, M. Darcy, grand ami de M. Bingley, leur rendait souvent visite, pour le plus grand plaisir de Miss Bingley. Il venait souvent accompagné de sa sœur Georgiana, dont l'amitié sincère avec les sœurs Bennet se renforçait chaque jour. Enfin, si le clan de Bingley croisait souvent M. Madden aux différents événements de la société, celui-ci venait aussi souvent prêter ses hommages – cette fois-ci pour le plus grand plaisir d'Elizabeth. Car s'il venait officiellement voir son ami Bingley, ce n'était au final qu'une excuse pour passer du temps avec Miss Bennet. Les deux jeunes gens s'appréciaient grandement et profitaient de ces occasions pour faire plus ample connaissance. Elizabeth en avait presque oublié les manières charmantes de Wickham. Seule la rancœur envers Darcy, qu'elle maintenait avec fidélité, entretenait le souvenir du gentleman.
Elizabeth ne comprenait toujours pas comment les autres pouvaient rester aussi aveugles à la vraie nature du maître de Pemberley. Il lui était pour sa part facile d'entretenir un tel sentiment envers lui car il faisait tout pour se montrer antipathique. Elle se convainquait que même si sa véritable nature ne lui avait pas été dévoilée par Wickham, son talent naturel à juger les caractères aurait suffi à condamner le caractère de M. Darcy. Son orgueil, son air de hauteur, sa façon de la regarder, ses remarques qu'elle prenait comme des critiques… En sa présence, elle se sentait jugée et avait l'impression de ne jamais être à la hauteur.
Au contraire, M. Madden était des plus charmants. Tout était facile avec lui, comme une évidence. Elle attendait chacune de ses visites avec une grande impatience. Ce jour-là, il arriva en début d'après-midi et les ravit pendant quelques heures. S'il se montra charmant avec Jane et Caroline Bingley, son intérêt envers Elizabeth était évident et n'échappa à personne. En partant, il croisa M. Darcy dans l'entrée, venu rendre visiter à son tour. Les deux gentlemen échangèrent des formules de politesse, l'un sortit, l'autre rentra et salua les dames présentes.
– M. Darcy, quelle bonne surprise !
Miss Bingley était toujours la première à se jeter sur lui. Son intérêt envers le gentleman était évident. Le désintérêt de celui-ci en retour l'était tout autant, mais elle semblait malheureusement être la seule à ne pas s'en rendre compte.
Jane et Elizabeth saluèrent également M. Darcy, bien qu'avec moins d'effusions. Le gentleman prit place parmi elles et se fit servir le thé. Il accepta un gâteau et resta silencieux. Miss Bingley se chargea de toute façon de la conversation.
– Qu'il est dommage que vous n'arriviez que maintenant ! Vous avez raté de peu l'une de nos connaissances communes.
– Si vous parlez de M. Madden, nous nous sommes croisés dans l'entrée.
– Vous aurez certainement l'occasion de le croiser de nouveau chez nous. J'ai l'impression qu'il apprécie beaucoup la compagnie de notre Eliza.
Elizabeth piqua un fard à cette remarque plus que déplacée. Elle vit les muscles de la mâchoire de M. Darcy se contracter et songea qu'il devait être gêné autant qu'elle par la remarque inappropriée de Miss Bingley. Jane, qui avait noté l'intérêt de Darcy pour sa sœur, fut quant à elle peinée pour lui. Elle savait que de telles paroles ne pouvaient que le blesser. Sa bonne nature ne pouvait cependant attribuer à Miss Bingley de mauvaises attentions. Sûrement, elle n'avait pas remarqué que M. Darcy appréciait lui aussi beaucoup la compagnie de leur « Eliza ».
Ce dernier ne s'éternisa d'ailleurs pas. Il se montra peu bavard, comme perdu dans ses pensées. Il subit en silence les monologues de Miss Bingley qui ne cessa de l'accaparer pendant toute la durée de sa présence. Son visage semblait figé, mais son regard songeur se porta assez longuement sur Miss Bennet à deux reprises. Il prit congé rapidement, après leur avoir promis de transmettre leurs amitiés à sa sœur.
Ce genre de situation devait cependant se reproduire car deux semaines plus tard, M. Madden et M. Darcy leur rendirent visite en même temps. Miss Bingley proposa une promenade dans le parc avoisinant afin de profiter du beau temps. Jane n'étant pas en grande forme, elle préféra rester à l'intérieur afin de se reposer. Inquiet, M. Bingley ne voulut pas laisser sa femme seule, ce à quoi les autres répondirent qu'ils pouvaient aussi bien se passer de la promenade. Mais le couple Bingley insista tellement, disant qu'ils culpabiliseraient beaucoup trop s'ils se privaient à cause d'eux, que le quatuor se laissa convaincre de faire cette promenade sans eux. Très vite, Miss Bingley s'accapara le bras de M. Darcy, laissant à M. Madden tout le plaisir de prendre celui de Miss Bennet. Cette dernière était une bonne marcheuse, contrairement à Miss Bingley, si bien que bientôt, Miss Bingley et M. Darcy se firent distancés.
– Voilà donc que nous servons de chaperons, M. Darcy. J'espère que cela ne vous ennuie pas.
– Vous semblez être persuadée que M. Madden s'intéresse à Miss Elizabeth, et que cet intérêt est réciproque.
– Oh, je le suis ! Une femme voit ces choses-là. Il suffit de voir les regards et les sourires qu'ils échangent.
Darcy leur porta davantage d'attention. Il était vrai que Miss Elizabeth souriait beaucoup, mais il ne trouvait rien d'étonnant à cela chez elle, car c'était dans sa nature.
– Je ne sais ce que M. Madden trouve à Miss Bennet, mais il est évident qu'il est très épris, reprit Miss Bingley. C'est un très bon parti, c'est une chance inespérée pour Eliza.
– Ne pensez-vous pas que Miss Elizabeth pourrait obtenir d'autres bons partis ? Dans le cas où votre théorie se vérifierait, M. Madden serait peut-être le plus chanceux des deux.
– Nullement ! Il pourrait avoir une femme accomplie. J'ai beaucoup d'affection pour notre pauvre Eliza, elle a de nombreuses qualités, mais elle est loin d'avoir eu l'éducation nécessaire, et elle n'a même pas la beauté pour elle. Vous conviendrez avec moi que mon frère a eu plus de goût en choisissant Jane.
– Je ne suis pas d'accord. Il est vrai que Mme Bingley est une très belle femme, mais Miss Elizabeth n'a rien à lui envier. Je trouve qu'elle a de très jolis yeux. D'ailleurs, plus le temps passe et plus j'en viens à penser qu'elle est l'une des plus belles femmes de tout mon entourage. L'une des plus accomplies, également.
Miss Bingley marqua un arrêt, sous le choc. Elle se reprit néanmoins rapidement et afficha son plus beau sourire hypocrite.
– M. Darcy, seriez-vous aussi sous le charme d'Eliza ? Je n'en reviens pas. Quand faudra-t-il que je vous présente mes vœux de bonheur ?
– Voilà bien la question que j'attendais. L'imagination des femmes court vite et saute en un clin d'œil de l'admiration à l'amour et de l'amour au mariage. J'étais sûr que vous alliez m'offrir vos félicitations.
– Oh ! Si vous le prenez ainsi, je considère la chose comme faite. J'attendrai votre carton d'invitation. Mais ne tardez pas trop, car M. Madden pourrait bien vous devancer !
Darcy ne répliqua pas, laissant Miss Bingley continuer sa verve. Il ne l'écoutait que d'une oreille, occupé pendant le reste de la balade à observer l'autre duo de promeneurs. Se pouvait-il que M. Madden fasse sa demande à Miss Elizabeth ? Celle-ci l'accepterait-elle ? Un sentiment de panique envahit son cœur à cette idée. Il savait que M. Madden était un homme charmeur, il aimait courtiser, mais il n'avait jamais semblé intéressé par le mariage. Cependant, s'il y avait bien une personne qui pouvait le faire changer d'avis, c'était sans doute Miss Elizabeth. Mais elle, était-elle intéressée par lui ? Éprouvait-elle des sentiments à son égard ?
Une fois la promenade terminée, il tint compagnie aux Bingley et à Miss Bennet jusqu'à ce que M. Madden parte, refusant de s'en aller le premier. Les paroles de Miss Bingley raisonnaient en lui et il observait M. Madden et Elizabeth sous un regard nouveau. Ils semblaient en effet très complices, peut-être encore plus qu'au bal. Les voir aussi familiers ensemble lui tordait l'estomac en deux. Il n'avait jamais auparavant éprouvé un tel sentiment de jalousie. Et il se rendit compte que l'idée qu'Elizabeth épouse un autre homme lui était insupportable. Il ne pensait pas son inclination pour la jeune femme aussi forte. Il avait admis être sous son charme, la trouver belle, désirable et pleine d'esprit, mais jusqu'à présent, il avait toujours refusé l'idée d'une union qu'il jugeait déraisonnable. S'il s'était parfois autorisé à imaginer un avenir avec elle, ce n'était qu'en rêves. Il n'y avait jamais songé sérieusement. Les raisons étaient plurielles. Si son absence de relations était amoindrie par le mariage de sa sœur, son manque de richesse et de rang lui restaient préjudiciables.
M. Madden était dans une position similaire à la sienne, et pourtant, il semblait faire fi de tout cela. Darcy le savait fiable dans les affaires et avait apprécié sa compagnie par le passé. Il était en effet venu à Pemberley et y avait séjourné quelques jours. S'ils n'étaient pas aussi proches que des amis, du moins le respectait-il. Il lui tenait seulement un peu rigueur de sa pique envers Elizabeth au théâtre, et était pour cela moins enclin que la jeune femme à lui pardonner.
Il savait pourtant que Madden n'était pas un mauvais homme. S'il n'hésitait pas à jouer parfois du charme dont il savait posséder, il l'avait toujours vu se comporter en gentleman avec elles. Il se souvenait de plus d'une conversation qu'ils avaient eu à Pemberley, au sujet des mères qui cherchaient à marier leurs filles à tout prix. Du fait de sa position et de sa fortune, il était lui aussi pris d'assaut par celles-ci à chaque événement. Mais tout comme lui, il était plutôt du genre à les fuir. Alors était-il sérieux dans ses intentions envers Miss Bennet ? Comptait-il vraiment, comment le pensait Miss Bingley, demander la main d'Elizabeth ? Pourrait-il lui en vouloir si elle acceptait, alors qu'il n'avait rien fait de son côté pour lui témoigner ses sentiments ?
Le souvenir du bal lui revint. Déjà là, il avait jalousé M. Madden, qui avait monopolisé l'attention de Miss Elizabeth une bonne partie de la soirée. Il ne s'était pas inquiété outre mesure de sa propre réaction, car il pensait que son attirance envers la jeune femme s'estomperait avec le temps, mais elle ne faisait que se renforcer. Peut-être aurait-il dû prendre ses distances, mais il ne pouvait s'y résoudre. Chaque jour qui passait ne faisait que renforcer son attachement, même quand il ne la voyait pas. Elle hantait ses pensées le jour et ses rêves la nuit. Au fond, il le savait, il n'y avait qu'une solution pour mettre fin à son tourment. S'y résoudrait-il ?
Une petite review ?
