Chapitre 15 - Roux de secours
Le jour du bal, Hermione se sépara tôt d'Harry et Ron qui prenaient la direction du parc et monta se préparer. Elle se félicita d'avoir acheté de généreuses quantités de potion Lissenplis, car ses cheveux se rebellaient contre toute tentative de domptage. À force de s'acharner, elle parvint à obtenir un rendu plus simple à coiffer, mais rien ne tenait comme elle le désirait et elle dut s'y reprendre à cinq fois avant que le miroir lui renvoie un reflet satisfaisant.
Elle ramassa le paquet contenant sa robe et décida de terminer sa préparation dans la Salle sur Demande. Leur point de rendez-vous pour tester le Polynectar et le cheveu rapporté par Dobby était là-bas.
La salle lui offrit un coin à l'abri derrière un rempart de paravent. De l'autre côté, le Vivet s'époumonait. Hermione étendit sa robe sur l'un des paravents et récupéra le Vivet au creux de sa main où il se calma enfin. Elle le ramena avec elle et le déposa sur le perchoir qui venait d'apparaître.
Enfin, elle se débarrassa de ses vêtements et entra dans sa robe, s'enveloppant d'un balai de volants et de soie dorée. Les lacets l'ajustèrent parfaitement à sa taille et elle glissa ses pieds dans les souliers dorés.
Un miroir venait d'apparaître au bord de son champ de vision, mais elle n'osait pas se tourner. Et si la robe continuait de paraître étrange sur elle, comme dans la boutique Gaichiffon ? Ses efforts rendraient-ils ça plus risible encore ?
Elle caressa la tête du Vivet.
— On est assorti tous les deux.
Cette pensée l'apaisa un peu. Sur son poignet, le bracelet en or brillait, ses rubis se détachant nettement. Si elle avait porté un ensemble moins voyant, l'assumer aurait été bien plus aisé. Comme Malfoy ne la laisserait pas se défiler de toute façon, elle pivota vers le miroir. Et resta soufflée.
Même son maintien incertain ne suffisait pas à gâcher le tableau. Comme Malfoy l'y avait obligée dans la boutique, elle se redressa.
Un bruit derrière les paravents la figea. Il était entré. Il était là, mais il ne s'agissait que de Malfoy. Pourquoi se sentirait-elle nerveuse pour Malfoy ?
— Déjà là ? lança-t-il.
— Je suis prête.
— Donne-moi un moment.
Le froissement d'un tissu lui parvint. Elle patienta en caressant le Vivet.
— Personne n'a vu la tenue que j'avais prise pour le bal, mais par mesure de sécurité, j'ai fait venir un autre ensemble de Londres.
— Hmm hm.
— Même sous Polynectar, c'est moi que les vêtements touchent. Je ne peux pas porter n'importe quoi.
— Forcément, répondit-elle en secourant la tête.
Le Vivet sautilla pour réclamer plus de caresses.
— Je suis changé, dit Malfoy.
L'appréhension revint en force. Juste pour lui. Depuis quand l'avis de Draco Malfoy lui importait-il ? Se promettant de remédier au problème plus tard, elle posa la main sur le paravent. Puis l'écarta.
Derrière, les yeux gris de Malfoy s'écarquillèrent légèrement. Lui portait une cape noire sur un gilet blanc aux coutures dorées, discret rappel de sa tenue à elle. Ses cheveux blonds étaient ramenés en arrière, dégageant ses traits fins.
Il s'avança, prit sa main et la fit tourner sur elle-même, l'examinant sous toutes les coutures.
— Weasley va se mordre les doigts.
— J'ai peur que ce soit trop.
Les mots étaient sortis tout seuls. À quoi s'attendait-elle ? Du réconfort ? Venant de Malfoy ?
— Pour un bal habillé, c'est parfait. J'ai choisi ta tenue pour donner une leçon à la belette, pas pour te ridiculiser. Je ne me serai pas assorti à toi autrement.
Les trois miroirs qu'il avait invoqués les reflétaient dans leur tenue de bal, sa main à elle toujours dans celle de Draco. Elle l'a retira doucement et frôla le bracelet qu'il lui avait choisi.
Jamais elle ne pourrait tomber amoureuse de lui. Jamais. Alors pourquoi… ?
Hermione soutint son regard jusqu'à ce qu'il hausse un sourcil.
Très bien, pas de réaction à la mention de « tomber amoureuse de lui », le bracelet n'était pas un moyen sournois de lire dans son esprit sans qu'elle n'entende le sien. D'un autre côté, ce n'était pas parce qu'il ne pouvait pas lire dans ses pensées que ses mots étaient sincères.
Pour mettre fin au silence, Malfoy sortit le Polynectar. Dans la fiole, la potion avait perdu son aspect vaseux pour se teindre d'un gris hésitant. Il l'avala d'une traite et sa grimace la fit sourire. Lui par contre ne souriait pas du tout lorsque son corps se couvrit de cloques grosses comme des bulles. L'effet s'estompa après quelques secondes et Hermione fit appel à tout son sang-froid pour ne pas éclater de rire.
Oh, le sorcier choisi par Dobby correspondait à la majorité des critères de Malfoy, sa taille et son poids étaient même très semblables et ses cheveux et ses yeux, clairs. Sauf que…
— Dobby !
Malfoy observait son nouveau reflet, horrifié. Si ses yeux étaient bleus, ses cheveux tiraient vers le roux. Pas aussi prononcé que celui de Ron, mais roux malgré tout.
Dobby se matérialisa dans la Salle sur Demande, tournant le dos à Malfoy.
— Vous avez besoin d'aide, Miss ?
— Je t'ai fait venir pour que tu m'expliques ça, dit Malfoy en pointant ses cheveux. Je t'ai demandé un sorcier qui me ressemble.
Après une minutieuse étude, Dobby déclara : « Dobby ne voit aucune différence. » puis repartit dans un « crac ». Hermione ne put étouffer un rire.
— Il va regretter d'avoir tenté de me souiller avec cette couleur immonde, dit Malfoy en tirant sur une mèche rousse.
— Allons, cette couleur ne te va pas si mal.
— Insulte-moi encore une fois… dit-il en pointant un doigt vers elle.
Hermione leva les mains.
— Si tu te sens trop souillé pour te rendre au bal…
— Comme si j'avais le choix… Descendons, c'est l'heure.
Il ouvrit la porte de la Salle sur Demande et sortit le premier. Elle franchit l'encadrement à son tour, les bords de sa jupe en frôlant le bois des deux côtés. Sur l'escalier volant, elle posa la main sur sa poitrine. Les battements de son cœur ne cessaient de s'accélérer, saturés entre anxiété et anticipation.
— Et comment suis-je censée appeler mon illustre cavalier ? demanda-t-elle dans un souffle.
— Mon deuxième prénom est Lucius.
— Je ne vais certainement pas t'appeler Lucius.
— Merlin était un grand sorcier, mais personne ne porte ce prénom de nos jours. Tu n'as qu'à m'appeler Arthur. C'était un Roi. C'est adéquat.
— Un Roi moldu.
— Balivernes. Sa demi-sœur était une sorcière, et une sorcière puissante.
Hermione s'apprêtait à lui rappeler qu'il connaissait un autre Arthur, avec lequel il partageait d'ailleurs sa couleur de cheveux actuelle, quand une clameur les frappa. Les élèves se massaient dans le hall bondé, cherchant leur partenaire dans la foule ou se frayant un chemin vers leurs amis d'autres maisons.
Du haut des escaliers, elle repéra aussitôt Ron. Il se trouvait avec Harry dans une robe au velours violet un peu fané. Des fils pendaient autour de son col, comme s'il en avait arraché les broderies et à côté de lui se tenait Padma.
— Wisily est là, dit Malfoy avec un sourire mauvais.
Il glissa sa chevalière des Malfoy dans sa poche, rétablissant leur contact mental, puis lui tendit le bras. Après une dernière hésitation, elle l'entoura du sien. Sur la manche noire, l'or et les rubis du bracelet brillaient avec éclat.
« Nous n'avons plus qu'à soigner notre entrée. » conclut-il.
Je suis à la fois assez fière et relativement désolée pour le titre de ce chapitre.
- Joyeuse Saint Valentin ;)
