Chapitre 18 - Lui


Le silence dans la salle de classe devint vite assourdissant. De l'autre côté des fenêtres, des rires et des conversations montaient du jardin. Ron secoua la tête. Draco jura intérieurement.

« Pourquoi t'être mise là ? Personne ne devait savoir. Personne ! Je ne peux pas être vu avec toi. »

Puis Ron écarquilla les yeux et agrippa le col de la robe de soirée de Draco, lui faisant échapper la fiole.

— TOI ?

Dans un tintement, le verre se brisa sur le sol, répandant le Polynectar sur les pavés.

— Weasley !

— Qu'est-ce que vous fichez ensemble ?! s'exclama-t-il à Hermione.

Elle l'ignora.

« Malfoy, on ne peut pas te voir dans cette tenue. Je m'occupe de Ron. Va te changer. »

Elle sentit le vertige de Draco comme le sien. Comme si se fier à elle et Ron, revenait à sauter d'une falaise sans être certain qu'une quelconque sécurité le retenait.

« Tu n'as pas le choix. »

Draco fit un pas vers la sortie de la pièce, pâle. Ron lui bloqua aussitôt le passage. Avant qu'ils ne se sautent à la gorge, Hermione intervient :

— Ron, s'il te plaît, laisse le passer. Je vais t'expliquer la situation.

Draco s'arrêta.

— Lui expliquer quoi ?

— Tout.

« Fais-moi confiance. » répéta-t-elle. « Si les Serpentards te croisent et font le lien avec mon cavalier, ce sera bien pire encore. »

La tension devenait écrasante lorsque, enfin, Draco quitta la pièce. Toute l'attention de Ron se redirigea vers elle.

— On va aller ailleurs, décida Hermione.

Comme elle ne voulait pas de lui dans la Salle sur Demande, elle finit par monter dans la tour d'astronomie. De là-haut, les jardins décorés de fées ressemblaient à un labyrinthe coloré. Ici au moins, personne ne pourrait surprendre leur conversation.

— Tu es venue au bal… avec Malfoy ?

Ron arracha un des fils qui pendaient de ses manches.

— C'est une longue histoire. Je lui avais promis de ne rien dire.

— Tu lui as fait une promesse ?

Hermione rassembla les pans sa robe et ses pensées avant de lui exposer l'incident de la forêt Interdite, les conséquences de la potion et leurs tentatives pour rompre le lien. Au début, Ron l'écoutait les sourcils froncés, comme prêt à relever la moindre incohérence, mais plus elle parlait plus il semblait avoir heurté un mur à pleine vitesse.

— Attends, attends, alors ça veut dire que tu entends Malfoy en permanence ? Et que lui t'entend ?

— Uniquement ses pensées. Donc quand nous parlons à voix haute il ne peut pas savoir de quoi, juste ce que je ressens.

Juste ?

— Mais pas quand nous portons lui sa chevalière et moi ce bracelet, ajouta-t-elle en levant le poignet.

Les rubis et l'or prirent un discret éclat à la lumière de la lune.

— Alors c'est lui qui t'avait offert ça, dit Ron. Attends, ça ne fait qu'une semaine que tu es débarrassée de lui ?

Elle acquiesça. Qu'il ait remarqué et se souvienne du jour où elle avait mis le bracelet pour la première fois la surprenait. Dans son esprit, Malfoy guettait, à l'affût du moindre ressenti, de la moindre pensée.

— Et pourquoi tu as décidé d'aller au bal avec lui ? Tu n'es quand même pas tombée am…

— Ne sois pas stupide, le coupa-t-elle d'un ton sec. Si j'ai accepté c'était… J'étais de mauvaise humeur. Entre les devoirs qui prenaient du retard, nos recherches qui n'aboutissaient pas et… enfin, disons que Malfoy a proposé que nous nous y rendions ensemble.

— Alors c'était avec lui que tu étais à Pré-au-Lard. Pourtant Neville t'avait demandé avant lui, non ?

Une drôle de sensation au creux de son estomac la fit resserrer sa prise sur la robe. Ron continuait retirer les fils de ses manches sans la regarder, mais il avait accordé plus d'attention à ses faits et gestes de ces derniers jours qu'elle ne l'aurait cru possible.

— Je n'avais aucune intention de me rendre au bal à ce moment-là. Ensuite il y a eu… nos disputes et il ressent tout ce que je ressens alors…

— Ça devait être assez terrible pour qu'il décide de t'inviter, marmonna Ron. Je suis désolé, je ne voulais pas te blesser. D'abord Harry, après toi, cette année, je fais vraiment tout de travers.

Ses yeux la piquèrent. Sans réfléchir, elle l'étreignit et recula presque aussitôt. Il se racla la gorge, mal à l'aise.

— Il faut que tu me promettes de ne parler de tout ça à personne. Pas même à Harry.

— Parce que Malfoy ne veut pas ? demanda-t-il.

Son ton n'était plus aussi amer.

— Parce qu'en échange j'ai obtenu qu'il vous laisse tranquille et j'apprécie la paix que ça nous a procurée jusqu'ici.

— Je me disais bien qu'il était bizarrement calme… Très bien comme tu veux. Je suis sûr qu'Harry ne dirait rien non plus, mais si tu y tiens.

— Merci.

Soulagée, elle adressa un sourire à Ron.

« Où es-tu ? » demanda-t-elle.

Elle sentait sa présence dans les escaliers de la tour, tout proche d'elle. Ron enfonça ses manches effilées dans les poches de sa vieille robe de bal.

— Alors… vu que le bal n'est pas encore terminé…

Hermione lui jeta un regard interrogateur.

« Je t'attends. »

Le cœur battant, elle recula d'un pas.

— La situation est un peu compliquée. Je ferai mieux d'aller… je vais m'assurer que tout est clair pour lui aussi.

— Je suppose que je ne peux pas t'accompagner ?

Dans aucun scénario, réunir Ron et Malfoy une seconde fois était une bonne idée. Face à son silence, l'expression de Ron s'assombrit.

— C'est bon j'ai compris te fatigues pas. Mais s'il te fait quoi que ce soit, dis-le moi et je lui ferai payer.

« Quelle blague. »

Hermione se mordit la lèvre pour ne pas sourire puis approcha de la rampe d'escalier. Un peu plus bas, dans l'ombre des marches, une silhouette se détachait de l'obscurité. Après un signe de tête en direction de Ron, elle descendit le rejoindre. De retour dans une chemise simple, Malfoy l'observait, les mains dans les poches de pantalons. Il recula un peu plus hors de vue, l'invitant à le suivre.

« Ça fait longtemps que tu nous écoutes ? » demanda-t-elle.

« Je préfère être ma propre source d'information. »

Un pas lourd dans les escaliers la fit s'enfoncer un peu plus dans les ténèbres. Malfoy récupéra sa chevalière dans la poche de son pantalon, coupant le contact entre eux, alors que la silhouette de Ron poursuivait sa descente sans les voir. Malfoy le suivit des yeux, un faible éclat faisant briller ses iris gris. Ce regard acéré quand il réfléchissait, ni Harry ni Ron n'avait une expression semblable.

Puis il croisa le sien. Elle se détourna aussitôt.

— Je comptais te faire un résumé de ce que tu avais manqué, mais puisque tu as tout écouté, je suppose que tu as tes réponses ? dit-elle rapidement. Je vais retourner dans ma salle commune.

Elle tourna les talons. Son cœur avait raté un battement. Et il battait fort à présent. À sa grande horreur, la connexion entre eux se rétablit avant qu'elle n'ait pu mettre de l'ordre dans ses pensées. Malfoy s'approcha dans son dos.

— Qu'est-ce qu'il se passe Granger ? Je te sens fébrile.

— Remets ta chevalière. Je vais me coucher.

Il prit sa main, lui fit faire un tour sur elle-même et posa l'autre sur sa taille, comme s'ils se préparaient à danser. Hermione haussa les sourcils, dissimulant son trouble. La pénombre, le silence qui les entourait et la soirée qu'ils venaient de passer ensemble en étaient sûrement la cause.

— La cause de quoi ? souffla-t-il.

Elle retira sa main et recula.

— Du fait que je ne te trouve plus aussi désagréable ces derniers temps. Ne me fais pas changer d'avis.

Elle se déroba et descendit la tour d'astronomie au rythme des coups répétés dans sa poitrine. Arrivée en bas, elle souffla, ralentit le pas et tâcha de se calmer pour ne pas lui donner plus matière à jaser. Allongée dans son lit, elle gardait son esprit vide depuis un long moment lorsqu'il daigna enfin remettre sa chevalière.

Enfin seule, elle poussa un long soupir.

La soirée avait été éprouvante et elle avait eu un moment de faiblesse. Tout ce qu'elle espérait, c'était qu'il ne se reproduise plus jamais.


Et après tout, l'espoir fait vivre, comme on dit.