4
Washington – trois jours plus tard
Sam entra dans le pub et referma son parapluie. Le bar était bondé et bruyant mais il y faisait agréablement chaud.
La jeune femme ne mit que quelques seconde avant de repérer la personne avec qui elle avait rendez-vous. Contournant un groupe de touristes éméchés, elle s'assit à la table située au fond.
– Salut Sam! lui lança McKay avec un sourire.
– Salut! Tu vas bien?
– Comme toujours! lui lança-t-il en faisant signe à la serveuse. Qu'est-ce que tu bois?
– Oh… Un soda light, merci.
McKay grimaça :
– Comment peux-tu boire ces trucs? C'est infame!
Mais il passa quand même sa commande sans sourciller.
– Est-ce que tu as ce que je t'ai demandé? questionna Sam d'une voix tendue.
McKay attendit que la serveuse revienne avec son verre et s'éloigne avant de répondre:
– Évidemment! Est-ce que je t'ai déjà déçu? dit-il avec un clin d'œil aguicheur.
Sam soupira et avala son soda pour éviter de se faire remarquer. McKay avait beau savoir qu'elle était mariée, il n'avait jamais cessé de lui faire du rentre-dedans. Il semblait persuadé qu'elle lui était destinée et Sam n'avait jamais eu le courage de lui avouer qu'il ne l'intéressait vraiment pas. Elle avait trop besoin de ses compétences et de ses ressources…
Depuis la fermeture du SGC, le Dr Rodney McKay avait ouvert sa boîte d'informatique et cela marchait plutôt bien pour lui. Sous couvert de travailler pour les Aschens, il avait en réalité monté un réseau clandestin destiné à aider ceux qui souhaitaient sortir du système ou au contraire à y entrer sous de fausses identités. Ces services étaient chers mais, les documents qu'il fournissait étaient impeccables.
McKay sortit de sa poche une enveloppe qu'il glissa discrètement vers sa compagne. Sam l'empocha sans même en vérifier le contenu. Elle savait qu'elle pouvait lui faire confiance. Elle avait tout réglé d'avance, par télétransmission cryptée, s'assurant d'effectuer la transaction depuis un compte offshore qu'elle avait ouvert quatre ans plus tôt lorsque Cassie avait eu besoin de papiers d'identité pour aller la fac et qu'il fallait absolument garder son origine secrète pour sa protection.
– Je peux savoir ce qui se passe, Sam? souffla-t-il en posant sa main sur le poignet de la jeune femme.
– Non, je suis désolée… C'est pour ta propre sécurité, s'excusa-t-elle.
– Ouais, je m'en doutais un peu quand j'ai vu la photo sur les documents… Promets-moi que tu feras attention, Samantha…
– Ne t'inquiète pas! Je sais ce que je fais!
– Oui, c'est bien ce qui m'inquiète…
Sam lui serra brièvement la main et lui adressa cette fois un vrai sourire.
– Merci, Rodney… À un de ces quatre.
Elle finit son verre, se leva et disparut dans la foule vers la sortie du bar.
Rodney soupira. Il avait le pressentiment qu'il n'allait pas la revoir de sitôt.
oOo
Jack ouvrit la porte et s'effaça pour laisser entrer Carter.
Il avait toujours l'impression étrange d'enfreindre les règles lorsqu'il se retrouvait dans une pièce, seul avec elle… surtout si la pièce en question était une chambre. C'était idiot mais, certaines habitudes étaient difficiles à perdre. Il pouvait deviner qu'elle était également un peu tendue en sa présence.
– Quoi de neuf? demanda-t-il en baissant le son de la télévision qui passait un match de hockey.
Sam sortit une enveloppe kraft de l'intérieur de son blouson et la lui tendit.
– Votre nouvelle identité.
Il prit le parquet et fit glisser le passeport électronique dans sa main. On aurait dit un vrai. Il jeta un coup d'œil au nom inscrit sur le document: «Jonathan Charles O'Malley». Il eut un haussement de sourcils perplexe et Sam fit une grimace:
– Oui, je suis désolée… Nous n'en avions pas parlé et j'ai dû réagir dans l'urgence.
Il hocha la tête.
Il aimait l'idée de porter le prénom de son défunt fils. Quant à O'Malley, eh bien, il avait de bons souvenirs dans ce bar…
– Non, c'est bien. Pour être crédible, un mensonge doit toujours contenir une part de vérité, dit-il en notant qu'elle avait aussi gardé son jour et son mois de naissance mais simplement changé l'année.
Elle l'avait vieilli de cinq ans. Il grogna:
– Je n'étais pas assez vieux pour vous…
Elle rougit et bredouilla en s'excusant:
– Il fallait que ça colle avec le vaccin antivieillissement… J'ai pensé que ça éveillerait moins les soupçons si je trichais un peu…
Elle avait pensé à tout et il n'était qu'un vieux grincheux…
– Merci, Sam. C'est super. Combien je vous dois pour ça?
– Rien du tout.
– Allons, je suis sûr que de faux papiers d'une telle qualité, ça doit coûter plutôt cher au marché noir… J'ai de l'argent de côté.
Elle secoua la tête et rétorqua:
– L'argent n'est pas un problème. J'ai un compte spécial pour ce genre de dépenses imprévues.
– Entendu, concéda-t-il. Laissez-moi au moins vous inviter à dîner alors.
Elle savait qu'elle n'aurait pas dû mais elle avait accepté avant même que son cerveau ait pu avoir le temps de protester.
Jack glissa son passeport dans une poche intérieure de sa veste en cuir et enfila le vêtement avant de sortir de la chambre.
En marchant à ses côtés dans le couloir vers l'ascenseur, Sam se surprit à glisser sa main dans le creux du bras de Jack. Un léger sourire flotta sur les lèvres de l'ancien Colonel tandis qu'il l'escortait d'un pas tranquille.
Ils choisirent un restaurant chinois, à deux rues de l'hôtel. L'endroit était tranquille et agréable.
Il passèrent commande et Jack demandapour briser la glace:
– Comment va Cassie? Je suppose que si vous êtes restée en contact avec Janet, vous la voyez toujours.
– Oui. Elle est à l'université.
– Ah! Qu'est-ce qu'elle étudie?
– L'archéologie. Elle sera diplômée à la fin de l'année.
– Tiens? C'est drôle! J'aurais cru qu'elle suivrait les pas de sa mère!
– Il faut croire que les soirées de babysitting de Daniel ont généré une vocation! s'amusa-t-elle.
– Ouais… Il peut être assez passionné quand il parle de ses cailloux… concéda Jack.
Leurs plats arrivèrent et, rapidement, Sam lorgna vers l'assiette de Jack. Il la vit faire, se rappelant avec tendresse leurs soirées d'équipe à la lointaine époque où ils formaient encore tous une famille.
– Servez-vous, proposa-t-il en poussant vers elle son plat de wontons aux crevettes.
– On partage si vous voulez?
Elle avança également son assiette remplie de nouilles sautées.
Ils piquèrent agréablement dans les plats l'un de l'autre tout en bavardant, jusqu'à ce qu'il ne reste rien.
Avec le café, on leur servit une assiette de biscuits traditionnels du bonheur. Sam en prit un et le cassa en deux pour en extraire le petit parchemin caché à l'intérieur. Elle eut un sourire mélancolique en lisant la maxime.
– Qu'est-ce qui est écrit? demanda Jack, curieux.
– «La plus grande victoire n'est pas de ne jamais tomber mais de se relever à chaque chute».
Jack lui sourit. Cela n'aurait pas pu être plus juste…
– À mon tour!
Il ouvrit un autre biscuit et lut: «Pour pouvoir contempler l'arc-en-ciel, il faut d'abord endurer la pluie».
Jack ne put se retenir de rire.
Sam l'imita et bientôt, ils furent tous deux pris d'un joyeux fou-rire. Sam s'essuya doucement le coin des yeux avec sa serviette pour effacer quelques larmes qui perlaient et Jack se demanda si c'étaient des larmes de rire ou de chagrin qui débordaient de son âme.
Il tendit sa main sur le côté libre de la table et elle posa ses doigts dans la paume offerte, acquiesçant en silence lorsqu'il lui demanda si elle allait bien.
Se ressaisissant, Sam déclara:
– Janet part prévenir Teal'c demain matin de notre plan. Le prochain voyage pour Chulak est dans deux jours. Cela nous laisse le temps de nous préparer.
– Entendu.
– Nous devrions rentrer à l'hôtel, il se fait tard, proposa-t-elle.
Il paya leur addition et se leva pour l'aider à enfiler sa veste en jean. Sam frissonna au contact de sa main chaude dans le bas de son dos lorsqu'il la guida vers la porte du restaurant. Une fois dehors dans la rue, sa main resta en place et elle en profita pour se rapprocher de lui, sa hanche frôlant la sienne alors qu'ils cheminaient côte à côte.
Ils entrèrent dans l'hôtel sans un mot et prirent l'ascenseur.
La cabine sembla tout à coup très petite à Sam. Elle remarqua à quel point Jack sentait bon et combien sa présence tout près d'elle était agréable et familière. Ils n'avaient jamais été aussi proches, à part en de trop rares occasions. Leur plus intime rapprochement avait eu lieu lors de leur séjour dans cette cité où les travailleurs étaient enfermés sous la glace mais, ce n'était pas vraiment eux, à cause du gel de leur mémoire. Sam en gardait pourtant des souvenirs très précis: la chaleur de la peau de Jonah contre la sienne, la rugosité de ses doigts caressant des endroits sensibles de son corps, l'intensité de ses baisers qui éveillait un feu inconnu en elle. Elle se souvint de sa tristesse lorsqu'elle avait réalisé qu'elle devrait abandonner Therra pour redevenir Samantha Carter.
Elle rougit et Jack se demanda quelles pensées pouvaient bien traverser son merveilleux cerveau pour qu'elle réagisse ainsi. La porte de son étage s'ouvrit trop tôt pour qu'il arrive au bout de cette réflexion et Jack hésita une fraction de seconde.
Avec un soupir contenu, il fit un pas en avant pour s'extraire de la cabine et de la tension sexuelle qu'il sentait grandir de seconde en seconde. Il ne put s'empêcher de se retourner, espérant la regarder une dernière fois avant que les portes ne se referment sur elle. Mais, lorsque l'ascenseur poursuivit sa route, Sam était là, sur le pallier, derrière lui.
Elle le regardait, comme si elle n'était pas vraiment sûre d'avoir fait ce qu'il fallait. La rougeur délicate qui courait sur ses joues descendit dans son cou et s'étala délicieusement sur sa poitrine alors que Jack la contemplait, hésitant entre la raccompagner poliment à sa chambre située à l'étage au-dessus ou l'attirer vers sa propre tanière.
Son cerveau militaire lui hurlait que c'était une très mauvaise idée mais des années de désir inassouvis parlaient un tout autre langage.
Lentement, il tendit la main vers elle, lui offrant finalement le choix. Elle ne mit qu'une seconde pour s'en saisir et le rejoindre. Il passa son bras autour de sa taille et de sa main libre, ouvrit la porte de sa chambre. Il se poussa pour la laisser entrer en premier, lui laissant la latitude de faire marche arrière si elle changeait d'avis.
Mais Sam avança.
Il la suivit et ferma la porte sans la verrouiller.
Lorsqu'il se retourna, elle lui faisait face, à un mètre de lui. Avant qu'il réfléchisse à son prochain mouvement, elle effaça la distance qui les séparait et prit son visage en coupe dans ses mains. Elle caressa ses joues avec ses pouces, le scrutant de ses immenses yeux bleus. Un bref instant, Jack songea qu'il n'y aurait pas de plus belle façon de mourir que de se noyer dans ces yeux.
Il relâcha le souffle qu'il avait retenu dès l'instant où sa peau avait touché la sienne.
Jack garda les yeux ouverts jusqu'au dernier moment alors qu'elle se penchait et se léchait les lèvres, persuadé qu'il était impossible que cela soit réel.
Samantha Carter n'allait pas l'embrasser… N'est-ce pas?
Sa bouche avait la douceur de la soie et le goût du paradis.
Jack ferma les paupières et se laissa emporter par l'intensité du moment.
Il replia ses bras autour de la taille de Sam tandis qu'elle glissait ses mains de son visage à son cou, caressant les cheveux courts sur sa nuque. Lorsque sa langue se glissa entre ses lèvres pour quémander un accès à sa bouche, Jack se soumit à elle et la laissa l'explorer tout son saoul.
Il laissa échapper un gémissement sourd lorsqu'elle plaqua expérimentalement ses hanches contre les siennes et il réalisa que les choses étaient en train de s'enflammer.
Avec douceur et tendresse, il s'écarta et brisa le baiser, les laissant tous deux essoufflés. Il posa son front contre le sien et respira fort pour se calmer.
– Je crois que nous devrions ralentir un peu… souffla-t-il.
– Humm… soupira-t-elle en blottissant son visage dans le creux de son cou, déposant un baiser léger sur la ligne de sa mâchoire.
Il lui prit les poignets et l'obligea à reculer un peu pour pouvoir capturer son regard.
Elle était tellement belle avec ses yeux brillants de désir et ses lèvres gonflées par leur baiser.
– Je ne veux pas que tu le regrettes demain matin. Je ne m'en remettrai pas cette fois, murmura-t-il d'une voix à peine audible.
Elle frissonna à ses mots. Il n'avait jamais été aussi honnête ni aussi direct sur ce qu'il ressentait. Peut-être que finalement toutes les limites entre eux n'étaient vraiment dues qu'à leurs grades et à cette fichue loi.
Ce soir, elle avait découvert un autre homme, charmant, galant et encore plus sexy que le Colonel dont elle était tombée amoureuse autrefois, sans espoir.
Mais, il avait raison. Si la vie leur offrait une seconde chance, mieux valait faire les choses bien et prendre le temps d'y réfléchir.
Elle finit par hocher la tête. Ses mains libérèrent son cou, glissant lentement le long de sa chemise jusqu'à retomber sur ses côtés.
– Je te vois demain? demanda-t-elle d'une voix encore rauque du désir qu'elle tâchait de contenir.
– Je vais aller faire du shopping pour notre petit voyage.
Elle lui jeta un regard intrigué et il ajouta:
– Si tu veux venir, tu es la bienvenue…
– D'accord. À quelle heure?
– On se retrouve pour le petit déjeuner?
– D'accord. Bonne nuit Jack…
– Bonne nuit, Sam.
Il lui ouvrit la porte et elle sortit, non sans un dernier regard qui le brûla jusqu'à l'âme.
oOo
Jack n'avait pas beaucoup dormi. Il avait rêvé de Sam.
Il n'avait jamais été prude dans ses fantasmes au fil des années, surtout après quelques événements mémorables qui les avaient rapprochés mais, cela faisait longtemps qu'il n'avait plus pensé à elle de cette façon. Son esprit le lui interdisait car il souffrait trop au matin.
Mais, ce jour-là, en ouvrant les yeux, Jack n'était ni mélancolique, ni en colère. Il était juste heureux. Il avait bien conscience qu'il s'accrochait à un fragile espoir: après tout, elle était encore mariée pour le moment. Il était peut-être un peu tôt pour envisager qu'elle se jette dans ses bras…
C'était pourtant ce qu'elle avait fait la veille au soir…
Il se doucha longuement, prenant le temps de soulager le désir qui consumait son bas-ventre puis, il descendit prendre son petit déjeuner.
Sam était déjà à table.
Il la rejoignit tranquillement.
– Bonjour! Bien dormi?
– Mieux, oui. Alors, où allons-nous? demanda-t-elle en reposant sa tasse de thé à moitié vide.
– C'est une surprise!
Ses yeux chocolat pétillants lui avaient tellement manqué…
Elle hocha la tête et se laissa porter par la journée qui s'ouvrait à eux.
Avec le recul, Sam se dit qu'elle n'aurait pas vraiment dû être surprise lorsque leur virée shopping les conduisit à un magasin de surplus de l'armée. Elle regarda avec amusement Jack commencer à trier des tee-shirts noirs à manches courtes et à manches longues sur une pile. Elle nota qu'il prenait plusieurs tailles puis passait aux pantalons.
Levant le nez vers elle, il lui sourit et dit:
– Je vous laisse vous occuper des vôtres?
– Bien sûr!
Le temps qu'elle récupère deux tenues complètes, Jack avait rassemblé une brassée de vêtements et deux sacs de transport.
– Je suppose qu'on ne pourra pas faire entrer d'armes au terminal? demanda-t-il en lorgnant sur l'armurerie au fond du magasin.
– Non. Rien de métallique ne passera le contrôle. De toute manière, entre les armes et les munitions, cela tiendrait trop de place.
– Et les Zat?
– J'ai pensé à une solution pour ça. J'ai des boîtes au laboratoire qui bloquent les détections. Il faut juste que je passe en récupérer une. Nous devrions pouvoir y cacher deux Zat. Est-ce que ça suffira?
– Pour commencer, oui mais, nous devrons récupérer d'autres armes auprès des Tok'ra ou des Jaffas.
Jack insista pour payer l'ensemble de leurs emplettes et lui proposa de déjeuner une fois débarrassé des affaires à leur hôtel.
Ils marchèrent dans les rues animées de Washington jusqu'à ce qu'ils trouvent un petit restaurant italien qui leur convenait à tous les deux. C'était étonnamment agréable de se balader ainsi avec Jack O'Neill. Sam n'aurait jamais imaginé qu'elle aimerait autant ça.
Ils mangèrent un délicieux plat de pâtes et Jack raccompagna ensuite Sam jusqu'à son lieu de travail.
En arrivant à l'hôtel, il appela Daniel pour le tenir informé des derniers ajustements de leur plan et de leur horaire de départ du lendemain.
– Comment ça se passe avec Sam? demanda Daniel après avoir évité plusieurs fois la question.
– Qu'est-ce que tu veux dire?
– Eh bien, tu sais! Est-ce qu'elle va bien? Elle vient de foutre en l'air son mariage à cause de toute cette histoire, tu sais?
Jack resta silencieux quelques secondes, se demandant quoi dire à son ami. Il choisit finalement la solution la plus neutre qui éviterait que Daniel l'assomme avec d'autres questions auxquelles il n'était pas prêt à répondre:
– Elle tient le coup. Elle a dit qu'elle avait mieux dormi. Elle a l'air bien.
– Tu sais qu'elle dit toujours qu'elle va bien, même quand ce n'est pas le cas, n'est-ce pas?
– Oui, Danny, je le sais. Tu lui poseras toi-même la question demain, d'accord?
– Ouais, je suppose. À demain, Jack!
– À demain !
SJSJSJSJSJSJ
Daniel passa les formalités administratives et le contrôle de sécurité sans difficulté et attendit ses deux amis dans le hall de départ. Il leur restait vingt minutes avant l'ouverture de la Porte.
Sam et Jack entrèrent dans le terminal ensemble. Ils avaient opté pour des tenues grises à la mode Aschen, veste longue et pantalon droit, pour passer aussi inaperçus que possible parmi la foule des voyageurs. Sam fit signe à Jack de passer en premier au contrôle.
O'Neill déposa d'un geste décontracté ses deux sacs de voyage sur le tapis et présenta son passeport.
L'Aschen scanna le document d'identité et fit avancer les valises dans le tunnel de contrôle.
Il rendit ses affaires à Jackau bout de quelques minutes :
– C'est bon, vous pouvez y aller.
Sam retint un soupir et s'avança tandis que Jack rejoignait tranquillement Daniel.
Carter n'avait qu'un sac et franchit rapidement le poste de contrôle.
La Porte des Etoiles s'alluma bientôt et une voix pré-enregistrée rappela aux voyageurs à destination de Chulak de se présenter pour l'embarquement.
Les trois amis échangèrent un regard et franchirent la Porte ensemble, comme autrefois.
Teal'c et Janet les attendaient de l'autre côté avec Maître Bra'tac et Rya'c.
– O'Neill! Quelle joie de te revoir mon ami! s'exclama Teal'c en donnant une accolade à l'ancien Colonel.
– Moi aussi je suis content de revoir, T! Maître Bra'tac! Rya'c! Doc!
Il les salua à tour de rôle et prit Janet dans ses bras tandis que Daniel et Sam saluaient Teal'c.
– Venez! Allons chez moi! proposa le Jaffa.
Le voir vêtu de la tenue traditionnelle de Chulak rappelait à Jack de mauvais souvenirs mais, il préféra les ignorer pour se concentrer sur la joie de voir sa famille réunie.
Il n'avait pas manqué de noter que, bien que moins gardée que le terminal sur Terre, la Porte des Etoiles était surveillée par trois gardes Jaffas armés de lances.
Avisant une jeune femme tenant un petit garçon par la main, Rya'c déclara avec fierté:
– Je vous présente ma femme et notre fils, Kyr'an.
Sam s'agenouilla et tendit ses mains vers l'enfant:
– Bonjour Kyr'an, tu es tellement grand!
Ce dernier, peu impressionné par les nouveaux venus, courut joyeusement jusqu'à elle et glissa ses petits bras autour de son cou. Sam lui fit un câlin et déposa un baiser dans ses cheveux avant de se relever.
– Il est magnifique, dit-elle aux parents souriants.
– Merci. C'est un grand honneur pour moi de vous présenter le premier Jaffa libre de notre famille, expliqua Rya'c.
Il embrassa sa femme puis, suivit le groupe qui se dirigeait vers la maison toute proche de Teal'c.
Une superbe femme aux longs cheveux blonds les accueillit dans la pièce qui servait de séjour.
– Je vous présente ma compagne, Ishta d'Hak'tyl, indiqua Teal'c.
Ishta leur offrit le salut rituel Jaffa:
– Je suis heureuse de voir que votre passage vers notre monde s'est fait sans incident.
– Merci de nous recevoir dans votre demeure, nous sommes très honorés, répondit Daniel.
Contrairement aux autres Jaffas, Ishta portait un bustier lacé et une jupe de cuir fendue sur la cuisse. Elle avait sur le front un symbole différent que Daniel reconnut comme étant celui d'un Goa'uld mineur dénommé Moloc.
Tandis qu'Ishta les invitait à prendre place et apportait des rafraîchissements pour ses hôtes, Teal'c expliqua à ses amis:
– J'ai rencontré Ishta lors d'une bataille. Je l'ai prise pour un ennemi et nous nous sommes affrontés. C'est une redoutable guerrière.
Ishta glissa sa main dans le cou de Teal'c et l'embrassa comme pour le remercier de ses éloges sur ses capacités de combattante. Le baiser était sensuel et Daniel se gratta la gorge tandis que Jack retenait un sourire amusé. Le grand guerrier Jaffa savait toujours aussi bien s'y prendre avec les femmes…
– Ishta est la cheffe d'un groupe de Jaffas femelles qui ont durement combattu pour leur liberté. Son peuple est resté longtemps sous l'oppression de Moloc qui assassinait les bébés femelles mais, avec la chute de nombreux Goa'ulds, son clan peut enfin vivre sans crainte.
Sam semblait choquée par l'histoire plutôt sanglante mais elle ne fit pas de commentaire.
– Je partage désormais mon temps entre Chulak et Hak'Tyl, expliqua-t-elle. Nous cherchons des larves encore implantables pour nos jeunes mais, cela devient de plus en plus difficiles.
Teal'c approuva puis, Jack revint au sujet de leur réunion:
– J'ai vu que la Porte était gardée. Est-ce le cas aussi la nuit?
– En effet. La garde fait des rondes jour et nuit pour éviter une nouvelle invasion Goa'uld. J'ai guetté ces deux dernières nuits pour préparer notre mission. Aux environs de quatre heures du matin, les gardes ont tendance à s'assoupir.
– Bien, nous en profiterons. Nous avons pu faire passer deux Zat, cela devrait nous permettre de dégager le terrain sans faire de blessés, indiqua O'Neill.
Teal'c inclina la tête.
– Sam, tu composeras les coordonnées puisque tu es la seule à les connaître.
Daniel fronça les sourcils, surpris par l'usage du tutoiement entre les deux anciens militaires. Teal'c et Janet paraissaient également étonnés mais personne n'osa faire la moindre remarque. Après tout, ils n'étaient plus dans l'armée ni l'un ni l'autre désormais.
– J'ai pu rassembler deux Zat supplémentaires mais, nous disposons surtout de lances, indiqua Bra'tac en déposant les armes de poing sur la table.
– C'est déjà génial, Bra'tac, merci, répondit Daniel.
Jack attrapa l'un des sacs posés à ses pieds et l'ouvrit sur la table. Il en sortit trois uniformes complets. Vérifiant les tailles, il les disposa devant Daniel et Teal'c. Après avoir jeté un coup d'œil aux chaussures de ville de Daniel, il sortit de l'autre sac une paire de rangers qu'il ajouta aux vêtements de l'archéologue:
– J'ai pensé que tu en aurais besoin… ricana-t-il.
Daniel et Teal'c échangèrent un sourire: c'était comme au bon vieux temps.
– En avez-vous un pour moi?
La voix de Janet surpris Jack. Curieux, il la fixa sans comprendre.
– Un quoi?
– Un uniforme, Colonel.
Comprenant le fil de ses pensées, Jack secoua fermement la tête en déclarant:
– Non. Pas question.
– Je viens avec vous, Monsieur.
– Il n'y a plus de Monsieur qui tienne et la réponse est toujours «non» Doc. C'est trop dangereux.
– J'accepte le risque.
– Pas moi.
– Vous ne savez pas sur quoi vous allez tomber, vous aurez peut-être besoin d'un médecin avec vous, plaida-t-elle.
– C'est justement parce que je ne sais ce qui nous attend que je ne veux pas que vous veniez!
Janet allait protester mais Jack ajouta:
– Il n'est pas question que Cassie perde un autre parent.
Les mots s'étranglèrent dans la gorge du médecin.
Sam contourna la table et vint poser une main réconfortante sur l'épaule de son amie:
– Jack a raison Janet. Tu n'as pas mis les pieds sur le terrain depuis des années…
– Toi non plus que je sache! tenta Janet, tout en sentant qu'elle avait perdu cette bataille.
– Nous avons été en première ligne durant longtemps… Il y a des choses qui ne s'oublient pas, la contra-t-elle.
Vaincue, Janet renonça avec un soupir.
– Vous devriez rester ici quelques jours, ajouta Jack d'une voix plus douce. Si les Aschens découvrent que nous avons quitté la Terre en fraude, ça pourrait être dangereux.
– Entendu…
– Vous êtes la bienvenue chez nous, lui dit aimablement Ishta.
– Merci à vous.
Teal'c lui adressa un sourire amical et confiant.
– Nous devrions manger à présent! Vous avez besoin de prendre des forces! conclut la guerrière en se levant pour mettre la table.
Sam, Janet et Daniel se levèrent pour l'aider tandis que Jack restait avec Teal'c, Bra'tac et Rya'c pour parler de stratégie.
Le repas avait tout d'un festin. La viande rôtie était délicieusement tendre et les légumes fondants. Jack déclara que la tarte était sûrement le meilleur dessert qu'il avait mangé depuis des années et tout le monde rit gaiement, comme si le destin de la Terre n'était pas, une fois encore, entre les mains d'un si petit nombre.
Après avoir partagé ce moment en famille, Rya'c rentra chez lui et les autres se reposèrent quelques heures.
Jack les réveilla vers trois heures du matin.
Les gars commencèrent à ôter leurs vêtements pour enfiler leurs EDR et Ishta invita Sam à se changer dans sa chambre.
Carter retira avec plaisir les habits gris qu'elle portait et se glissa dans la tenue militaire avec un sentiment de retour aux sources. Elle changea son soutien-gorge pour une brassière de sport et glissa le sous-vêtement dans son sac. Elle roula en boule le reste des vêtements aschens et les confia à Ishta pour qu'elle s'en débarrasse. Elle espérait ne plus jamais avoir à porter ces loques de toute sa vie.
– Je les brûlerai, lui déclara Ishta.
– Parfait!
Sam laça ses rangers neuves et enfila sa veste.
– Est-ce que je peux venir? lança-t-elle depuis la porte, laissant l'occasion à ses amis de finir de s'habiller si ce n'était pas encore le cas.
– C'est bon, Sam, lui répondit la voix de Daniel.
Jack distribuait déjà les armes. Il lui tendit un Zat qu'elle passa dans sa ceinture.
Revoir ses amis vêtus des kakis de l'armée de l'Air était comme faire un bond dans le passé. Sam croisa le regard de Jack tandis qu'il devinait l'émotion qui l'étreignait. Avec un doux sourire, il sortit de son paquetage une grosse enveloppe marron. Sur le dessus était écrit à l'encre bleu un seul mot «Jack».
Janet retint un halètement surpris en la voyant et Sam n'eut aucun mal à reconnaître l'écriture.
– En vous attendant l'autre jour, au SGC, j'ai fouillé dans les tiroirs du bureau du Général Hammond, afin de voir si je ne trouvais rien d'intéressant… Je suis tombé là-dessus, caché sous une pile de dossiers confidentiels oubliés.
Attrapant le côté opposé à l'ouverture, Jack fit basculer l'enveloppe dont le contenu se vida sur la table. Des écussons portant le logo de la Terre et d'autres avec le sigle SG1 apparurent.
– Je pense qu'il savait qu'on en aurait besoin un jour ou l'autre… ajouta-t-il en saisissant un des écussons de mission portant le logo SG1.
– En effet, confirma tranquillement Teal'c.
Les quatre amis collèrent les écussons familiers sur leurs manches avec le sentiment d'être enfin entiers.
– Bien! Je crois que nous sommes prêts à y aller! déclara O'Neill.
– Je vous accompagne au Chappa'ai.
La proposition de Bra'tac ne surprit pas vraiment SG1. Le vieux guerrier les avait bien souvent aidé par le passé.
– Soyez prudents, recommanda Janet en les embrassant pour leur souhaiter bonne chance.
Bra'tac se faufila comme une ombre parmi les maisons jusqu'à la Porte des Etoiles, l'équipe sur ses traces.
Une fois sur place, Jack prit le temps de surveiller le mouvement des gardes.
Teal'c avait vu juste. Deux d'entre eux sommeillaient, appuyés sur leurs armes. Le troisième faisait un tour de périmètre toutes les dix minutes. Il s'éloignait suffisamment pour que Bra'tac puisse l'assommer sans éveiller les autres.
Jack fit signe au vieux guerrier et Bra'tac lui offrit ce sourire fier et suffisant qui avait marqué O'Neill lors de leur rencontre. La cape de Bra'tac disparut dans l'obscurité.
Quelques minutes plus tard, les membres de SG1 entendirent un bruit assourdi; le son d'un corps qui tombe au sol.
Un instant plus tard, Jack aperçut la lueur du signal qu'il avait convenu avec le Jaffa. Il fit un signe silencieux à Teal'c et les deux hommes sortirent du couvert pour s'approcher des deux gardes.
Un coup de Zat sur les deux dormeurs suffit à les rendre inconscients.
La voie étant libre, Sam courut au DHD et composa les coordonnées qu'elle avait mémorisées.
Le vortex jaillit et s'immobilisa, flaque bleue rayonnante dans l'obscurité de la nuit d'encre.
– Bonne chance, mes amis! lança Bra'tac alors que les quatre silhouettes traversaient dans l'horizon des événements.
oOo
Jack émergea le premier de l'horizon des événements, arme au poing. Sam le suivit un instant plus tard avec Teal'c. Daniel fut le dernier à passer, plissant les yeux sous la forte lumière.
Jack ajusta ses lunettes de soleil et sortit sa casquette de sa poche, la vissant sur son crâne. Sam retint un sourire et fouilla ses poches à la recherche de ses propres lunettes de protection.
Ce soleil était vraiment mauvais… Non, en fait, il s'agissait de deux soleils. Alors que le premier était déjà presque au zénith, une seconde boule de feu était en train de se lever à l'ouest. Dans peu de temps, il ferait vraiment chaud.
La planète était un immense désert de sable et de rocaille. Quelques arbres palmés poussaient çà et là dans les escarpements rocheux. Un vent chaud courait au ras des dunes, soulevant le sable en légers tourbillons.
– Eh bien, je ne devrais pas être surpris… lâcha Jack en descendant les marches ensablées de la Porte des Etoiles. Les Tok'ra semblent adorer le sable! Si j'y avais pensé plus tôt, j'aurais pris des uniformes adaptés!
Effectivement, ils seraient passés plus inaperçus dans des EDR «couleur désert» mais, Sam devait avouer qu'elle n'avait pensé aussi loin non plus.
– Nous n'allons pas rester de toute façon, dit-elle simplement en sortant un boitier de sa poche.
– Qu'est-ce que c'est? questionna Daniel en la voyant jouer avec l'appareil.
– Un détecteur de biomasses. C'est sensé repérer les formes de vie à plusieurs kilomètres à la ronde.
– Et?
O'Neill semblait intéressé par son gadget pour une fois.
– Rien pour le moment…
Le mot «Monsieur» flotta dans le silence comme elle le retenait.
Daniel parut s'en amuser; Teal'c tourna la tête comme s'il n'avait pas remarqué et Jack se gratta la gorge avant de dire:
– Bien, alors en avant! Teal'c, tu ouvres la marche avec Carter et son bidule. Daniel, tu restes avec moi.
L'équipe se mit en route à travers le désert.
Le cheminement à travers les dunes était pénible et fatiguant. À mesure que les heures passaient, les soleils étaient de plus en plus chauds et l'air devenait presque irrespirable.
Jack ordonna un arrêt sous les palmes bienveillantes d'un des arbres les plus gros. Il sortit sa gourde et vit les autres en faire autant.
– Allez-y doucement sur l'eau. Nous devons nous rationner. Je n'ai pas l'impression que nous trouverons une source de sitôt, recommanda-t-il.
Il sortit un mouchoir d'une poche et imbiba un peu d'eau pour se rafraîchir le visage et le cou. Sam l'imita. Teal'c semblait le moins sensible à la chaleur extrême. Daniel était rouge et essoufflé. Il ôta ses lunettes et les nettoya comme il pouvait de la sueur qui les occultait.
– La dernière fois, je crois me rappeler qu'ils nous avaient trouvés plus rapidement, non? soupira l'archéologue.
– Oui, c'est aussi mon souvenir, répondit Jack.
– Est-ce qu'on est sûrs qu'ils sont toujours ici? Je veux dire… Les Tok'ra ont pour habitude de changer souvent de base. Ils sont peut-être partis… ajouta Daniel.
Sam gardait les yeux fixés sur la pointe de ses bottes. Son gadget était resté silencieux. Le sable alentour ne portait pas la moindre trace ou empreinte. Rien ne laissait supposer que cette planète était habitée. Et pourtant… Pourtant Sam ne pouvait s'empêcher de penser que les Tok'ra étaient là, quelque part sous ce sable. Elle pouvait presque sentir leur présence.
– On devrait trouver un abri à l'ombre pour passer le reste de la période de jour et attendre qu'il fasse nuit pour avancer encore un peu, proposa-t-elle. Il va bientôt faire trop chaud pour rester en plein soleil.
– Selon moi, il fait déjà trop chaud, répliqua sarcastiquement Jack.
Il suait littéralement sans bouger un cil.
Sortant ses jumelles, il scruta les environs avant de jeter son dévolu sur un amas rocailleux à deux kilomètres environ de leur position.
– Là-bas! On devrait pouvoir trouver de quoi se mettre à l'ombre dans les rochers.
Daniel jeta un regard épuisé dans la direction de son bras tendu. Sans un mot, Teal'c le délesta de son sac à dos et reprit la marche.
