Bonjour chers lecteurs ! Je reviens avec un nouveau chapitre avec un léger retard au niveau de la parution. (En ce moment je passe énormément de temps à l'hôpital à cause de ma santé, du coup je passe moins de temps sur l'écriture.) Cependant, j'espère que ce chapitre vous plaira et vous donnera envie de connaître la suite des aventures d'Ophélia !

Réponses Review : marion00 - Je te remercie pour ton commentaire ! Même si le site c'est bien caché de ne pas me le notifier avant. Je te souhaite une très bonne lecture ;)


Assise sur le bord de sa fenêtre, Ophélia observait le dehors, ses doigts s'enroulant de quelques mèches de cheveux. La lettre d'Irina reposait ouverte sur ses genoux et exhibait les mots de cette dernière à la vue du ciel étoilé. Ces mots la tourmentaient, murmurant des secrets inavoués à ses oreilles.

Qui étaient leurs agresseurs ? Irina avait-elle déjà tout planifié à l'avance, et ce, même jusqu'à cette fameuse agression ? Sans même l'avertir ?

Elle souffla bruyamment en fermant les yeux, un mal de crâne refaisait son apparition. Ceux-ci faisaient d'autant plus leur apparition depuis qu'elle était au château.

_Qu'est-ce que je donnerais pour une aspirine…

Ses doigts massèrent péniblement ses tempes. Une vaine tentative. En connaissant parfaitement ses migraines, il lui restait peu de temps avant qu'elle en arrive au point de vouloir éclater son crâne contre le mur.

Devait-elle essayer de sortir pour trouver quelqu'un ?

La simple vue de la chaise plaquée contre la porte, qu'elle avait décidé de placer dorénavant tous les soirs, lui fit oublier cette hypothèse. Malgré sa détresse, elle préférait rester terrée dans cette chambre plutôt que de prendre le risque de croiser des sorciers.

Butée et résignée, elle s'allongea. Elle abandonna la pression, ses membres se relâchèrent peu à peu et supporta en silence sa migraine. Ses yeux se fermèrent. Elle avait tant sommeil. Son corps le lui réclamait ardemment, mais même en le voulant, elle ne s'endormit que brièvement.

Ses rêves souillés lui refaisaient vivre cette fameuse après-midi. Elle hurlait, se débattait de toutes ses forces, mais rien ne pouvait la sauver de cette emprise sur sa gorge. Le goût de son propre sang s'était répandu sur sa langue, l'air sur ses fraîches blessures brûlait sa peau. Il approcha son visage du sien, ses traits devenaient plus flous à mesure que les centimètres se réduisaient. Tout ce qu'elle décernait était ses yeux, des yeux étincelaient d'une émotion qu'Ophélia n'avait jamais croisée auparavant.

La démence.

Cette démence dans les yeux de son agresseur se nourrissait de chacun de ses cris. Elle sentit le souffle chaud de l'homme s'accrocher à la peau de son cou, il était assez proche pour qu'elle l'entende murmurer.

Je vais t'apprendre à te tenir.

_NON !

Elle se réveilla en beuglant, complètement trempée de sueur.

Des mèches s'accrochaient à son front humide et sa robe collait sa peau. Elle était bonne pour reprendre une douche. Ophélia dut prendre de grandes inspirations pour calmer son cœur. Exténuée par ce cauchemar, elle alla se débarbouiller.

Sa surprise fut grande quand elle tomba nez à nez avec une paire de gros yeux globuleux en sortant de la salle d'eau. Par pur réflexe, Ophélia cria et chercha immédiatement quelque chose pour servir d'arme.

Devant elle, une créature à l'allure rachitique et aux longues oreilles pointues se tenait dans sa chambre, une pile de vêtements dans ses bras. La créature, apeurée de voir Ophélia lever en l'air un bouquin qu'elle avait attrapé, couina des excuses en se mettant à genoux.

_Betsy est désolée ! Betsy a mal effectué son travail !

Ophélia stoppa son geste, étonnée de la tournure que ça prenait. Elle resta près de la sortie, le livre bien serré entre ses mains, prête à le lancer s'il le fallait. La créature continuait de prononcer des excuses, le front plaqué contre le sol.

_Pardonnez cette misérable elfe, Betsy jure de ne plus vous importuner.

L'entendre ainsi s'excuser accentuait son mal de tête.

_Assez ! ordonna Ophélia.

L'elfe de maison sursauta, se recroquevillant un peu plus sur elle-même. En notant le tremblement de cette petite chose, Ophélia s'adoucit légèrement et usa d'un ton plus doux.

_Que fais-tu là, comment es-tu entrée ?

L'elfe de maison présenta les vêtements qu'elle tenait maladroitement contre elle.

_Betsy venait vous déposer vos vêtements. Ils ont été lavés et raccommodés. Le directeur m'a demandé de vous servir de manière discrète pour ne pas vous déranger…Elle baissa son visage bien bas, ses longues oreilles pendantes lui donnèrent l'air de chien battu. Mais Betsy n'a pas réussi la tâche que le grand Directeur lui a donnée.

Sans qu'elle n'ait le temps de réagir, l'elfe de maison se mit à se fracasser le haut du crâne sur le sol à plusieurs reprises. Betsy repartit dans une litanie d'excuses. La situation perdait tout son contrôle, Ophélia se figea devant un tel spectacle.

_Arrête-toi, fit Ophélia en retrouvant ses esprits. Tu vas finir par te faire mal !

Betsy n'écoutait pas, continuant à se blesser elle-même. Prise d'une soudaine colère, Ophélia l'attrapa par le bras et la secoua.

_Vas-tu t'arrêter ?! Qu'est-ce qui ne va pas chez toi ?

L'elfe de maison pleurait à grosses larmes dans ses bras.

_Betsy ne veut pas décevoir le directeur. Betsy veut être une bonne elfe de maison.

Déjà, je voudrais que tu te calmes, je ne comprends rien…

Après quelques larmes, la petite-elfe finit par se reprendre. Ophélia se rendit compte de leur proximité et s'écarta, imposant une nouvelle distance entre elles. Betsy se lança dans des explications accompagnées de reniflements.

_Betsy a été envoyée par le directeur pour servir Miss Low. En tant qu'elfe de maison servant l'illustre école de magie, Betsy vous servira durant tout votre séjour.

Quelques jours auparavant, le directeur l'avait convoqué dans son bureau, lui donnant comme instructions de servir Ophélia, en insistant sur la discrétion de ses services. L'elfe de maison avait ressenti un si grand honneur de recevoir ses instructions de l'incroyable sorcier. Elle était fière qu'Albus Dumbledore place sa confiance en elle, une jeune elfe venant tout juste d'arriver au château.

Ophélia évalua l'elfe de maison du regard.

Betsy possédait de longues oreilles légèrement pendantes autour de son visage, un nez prononcé et bombé, deux grands yeux de la couleur d'un ciel d'été ensoleillé. Elle était habillée d'une toge marronne dont les armoiries de l'école étaient brodées au niveau du cœur.

Maintenant qu'elle la regardait ainsi, Betsy ne lui paraissait pas le moins du monde dangereuse. D'une maigreur à faire peur, la modeste créature aurait presque pu lui sembler attachante par son côté chétif.

_Quand tu dis servir, tu entends quoi par-là ?

_Betsy apporte tous les jours vos repas dans votre chambre. Si Miss a besoin de quelque chose, elle peut demander à Betsy de le lui apporter.

_C'est donc toi qui t'occupes de mes repas. Ophélia s'assit sur sa chaise, se mettant ainsi au niveau de Betsy. Merci.

L'elfe de maison ouvrit grand ses yeux. Ses reniflements se stoppèrent net par l'étonnement.

_Miss n'a pas besoin de remercier Betsy, c'est son travail de servir les sorciers.

Ophélia se rembrunit. Betsy venait de la voir comme une sorcière. Elle passait son temps à grappiller des informations sur la magie et le monde des sorciers, mais ce n'était pas pour autant qu'elle se considérait comme l'une d'entre eux. Tout n'était qu'une immense farce à ses yeux.

Betsy remarqua que l'un des boutons de sa robe de nuit d'Ophélia n'était pas boutonné. Elle inclina respectueusement sa tête puis se décida à s'approcher pour mieux l'apprêter. Le fait qu'elle prenne l'initiative d'avancer braqua Ophélia. Elle releva sa main devant elle pour la stopper.

_Reste où tu es. Je préfère qu'on garde nos distances.

L'elfe de maison recula immédiatement, la tête baissée, le corps tremblotant de l'avoir une nouvelle fois contrarié par son comportement. Ophélia se sentit oppressée par l'ambiance qu'elle avait elle-même instaurée. Elle toussota et tenta de s'adoucir.

_Qu'est-ce que tu es ? demanda-elle en se grattant l'arrière de la nuque. Elle prenait à peine conscience de la maladresse de sa question. Je n'avais jamais vu d'être de ton espèce avant…Tout à l'heure tu as utilisé le mot elfe pour parler de toi.

Betsy trouva la question forte étrange venant d'une sorcière, mais se contenta d'y répondre tout en dissimulant son étonnement.

_Betsy est une elfe de maison.

Ophélia se souvint que le matin même le Directeur les avait cités, mais qu'elle avait préféré le silence. La curiosité, qu'elle avait mise de côté quelques heures plus tôt, prit un malin plaisir à refaire surface.

_Il y en a plusieurs comme toi ?

_Oui Miss, nous, les elfes de maison qui sommes au château, travaillons pour l'école, expliqua Betsy d'une voix plus enjouée. Les elfes de maisons sont dévoués aux sorciers.

Ophélia, tout en l'écoutant, se massait péniblement les tempes. Sa migraine reprenait du terrain. La petite créature y fit attention et s'enquit de son état.

_C'est juste un mal de tête, assura la jeune femme.

_Betsy peut vous aider ! Laissez faire Betsy !

L'elfe sautilla sur place, elle allait enfin pouvoir servir à la jeune femme. Elle disparut sous les yeux d'Ophélia dans un simple POP sonore, pour revenir dans la chambre quelques instants après, avec de quoi la soulager avec elle. Betsy tenait dans sa frêle main une fiole qu'elle finit par lui tendre.

Ophélia était partagée entre l'émerveillement et l'horreur face à la facilité avec laquelle Betsy pouvait rentrer dans sa chambre. Et si les sorciers pouvaient faire la même chose ? Ils peuvent rentrer comme ils veulent…pensa-t-elle devant cet effroyable prodige.

_Voici pour vous, Miss.

Encore une fois on lui amenait une étrange fiole. Betsy n'avait pas, à première vue, l'air de lui vouloir du mal. Cette mixture pouvait se révéler vraiment efficace à sa douleur. Elle attrapa la fiole que lui donnait l'elfe, non sans cacher son doute envers la potion.

Elle fit rouler plusieurs fois la bouteille dans sa paume. L'inquiétude marquée sur ses traits.

_Es-tu sûre que ça va marcher ? questionna Ophélia.

_Oui ! Betsy vous a rapporté une potion calmante. Miss Low peut avoir confiance.

Ophélia se retint de rire de sa demande. Faire confiance, si facilement ? N'était-ce pas de la folie d'exiger ça de sa personne ?

_Allez-y ! Vous verrez, les douleurs s'en iront au loin !

À contre-cœur, elle débouchonna la fiole puis se mit à sniffer l'odeur. Ophélia poussa un bruit de dégoût et éloigna la fiole de son nez. Rien qu'à l'odeur, elle avait déjà un aperçu de l'affreux goût de la concoction.

_Tu veux me tuer ? Sérieusement, c'est une infection ce truc.

L'elfe de maison insista, promettant le soulagement qu'elle recherchait.

Exténuée par son mal de crâne grandissant, elle se permit de baisser sa garde et but une gorgée de ladite mixture.

Betsy ne lui avait pas menti. Dès qu'elle avala, Ophélia ressentit un apaisement. L'envie de recracher le liquide âpre ne lui manqua pas, mais le désir de ne plus avoir mal fut le plus fort. Elle finit par avaler l'intégralité de la fiole avec peine.

Ses épaules, contractées depuis le début de sa migraine, se relâchèrent. Ophélia souffla, enfin soulagée de sa douleur.

Merci pour ça, la remercia Ophélia en rendant la fiole vide.

_Betsy est au service de Miss Low, Betsy n'a pas besoin de remerciements.

Son regard globuleux se perdit dans la chambre, ses sourcils se levèrent d'étonnement.

_Miss Low n'a pas aimé le repas ?

Le plateau presque vide avait été déposé sur le bord du bureau, la quasi-totalité du plat recouvrait encore le tapis. Ophélia se sentit gênée que l'elfe puisse voir un tel spectacle et s'empressa de s'excuser pour le gâchis.

_Betsy peut vous amener un autre plateau !

_Non, je n'en ai pas besoin, s'empressa-t-elle de répondre. Je n'ai pas très faim ce soir.

En aucun cas elle allait lui expliquer qu'elle préférait ne rien avaler après cette journée. Au lieu de ça, elle feignit la satiété et détourna l'attention de l'elfe en lui proposant le petit pain qui était resté intact malgré la chute du plateau.

Son offre fit ouvrir en grand les yeux globuleux de l'elfe.

_Betsy ne peut pas faire ça, Miss.

_Pourquoi ça ? Tu as déjà mangé peut-être ? demanda Ophélia, loin d'être convaincue par cette possibilité.

Certains des congénères de Betsy l'avaient mise en garde contre cette nouvelle sorcière. Arrivée de nulle part, elle n'était qu'une étrangère aux origines douteuses. Rien qu'à l'odeur qui émanait du corps de la jeune femme, Betsy savait que ces dires étaient loin d'être faux. S'imaginer en train de consommer le petit pain la fit trembler. C'était inacceptable d'accepter, car un coup bas pouvait si vite arriver.

_Betsy n'a pas le droit de le manger…Il a été préparé pour vous. Betsy préfère que Miss le mange elle-même.

_Mange, ça me ferait plaisir que tu puisses en profiter. Je n'aime pas jeter la nourriture, insista-t-elle en lui lançant le pain. Vas-y, je t'en prie. Tu as la peau sur les os.

Betsy était figée face au pain qu'elle avait elle-même préparé avec les autres elfes de maison. La Miss lui paraissait honnête sur ses intentions. L'elfe tenta une dernière fois de la dissuader, mais Ophélia se montra intransigeante, elle devait manger. La petite créature se fit violence pour avaler la première bouchée de pain tout en s'attendant à tout moment qu'Ophélia change d'avis.

Assise de nouveau sur sa chaise, elle l'observait manger sans faire la moindre remarque. Ophélia ne s'était pas attendue à faire la rencontre d'un autre être magique si rapidement. Elle était étonnée qu'une si frêle créature puisse utiliser la magie. Cela la faisant réaliser que la corpulence n'était pas un facteur essentiel pour son utilisation.

En plein milieu de ses réflexions, Ophélia posa une question à l'elfe.

_Pourquoi les elfes de maison doivent-ils obéir aux sorciers ?

Betsy s'étrangla avec sa bouchée. Elle bafouilla, ressentant la crainte de dire des choses qu'il ne fallait pas.

_Car les sorciers sont nos maîtres. Eux seuls le sont. Nous les elfes, aimons répondre aux attentes de nos maîtres et leur apporter satisfaction.

Cette réponse ne plaisait pas à la jeune femme. Ophélia sentit de l'amertume remonter jusque dans sa gorge en réalisant ce que comportait un tel dévouement.

_En fait, vous êtes des esclaves, répondit-elle froidement.

_Oh non ! Vous vous trompez !

_En quoi est-ce que je me trompe ? J'imagine que vous devez faire toutes les tâches ingrates seulement parce qu'ils sont des sorciers, c'est bien ça ? lança Ophélia en se relevant, dégoûtée par tout ça. C'est immonde. Dumbledore et chaque sorcier devraient avoir honte de se servir de vous.

_Maître Dumbledore ne traite pas les elfes en tant qu'esclaves ! s'emporta Betsy, vexée pour son maître. Il est gentil et le plus grand des maîtres qu'un elfe puisse espérer !

En réalisant qu'elle venait d'élever la voix sur une sorcière, Betsy plaqua ses deux mains sur sa bouche, lâchant les couverts qui tombèrent au sol. Elle imagina déjà Ophélia informer à son maître la manière dont elle venait de lui parler et la déception qu'éprouverait le directeur envers son comportement. Albus Dumbledore, qui lui avait offert une place au sein de l'école, pouvait bien la renvoyer là où il l'avait trouvée au moindre faux pas.

Avant qu'elle ne puisse s'excuser à multiples reprises, Ophélia la devança, devinant par avance la réaction de l'elfe.

_Je ne veux pas d'excuses. Je préfère que tu me dises ce que tu penses. Et si tu crains que je le répète à ton maître, tu n'as pas besoin de t'en faire, je ne dirais rien.

Elle fut contente de voir que Betsy avait mangé tout le pain. Cela ne lui apporterait rien de se mettre à dos l'elfe de maison et elle préféra garder son propre avis sur le sujet.

_Je te remercie pour ton aide, tu peux aller te reposer maintenant.

Betsy voulut répondre, mais le regard qu'elle lui lança la fit garder le silence. Ophélia pouvait faire preuve de gentillesse, cependant, elle s'était décidée à mettre certaines limites pour sa propre sécurité.

L'elfe de maison la salua en emportant avec elle le plateau repas. En retrouvant son semblant de solitude, Ophélia relâcha sa vigilance.

Elle repensa au regard apeuré de la minuscule Betsy, elle avait été bien plus terrifiée qu'elle. L'elfe de maison lui avait souri avec tant de bonté quand elle lui avait apporté la potion, alors que c'était flagrant qu'elle la craignait.

_Je ne suis pas comme eux, se murmura-t-elle.

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_Miss Low, vous pouvez parler sans crainte dans ce bureau. Nous sommes tous les trois, ici présents, pour vous écouter. » fit-il de son habituelle voix douce qui n'aidait en rien au stress d'Ophélia.

La jeune femme était loin de partager le même avis sur la situation. Depuis une bonne heure, le directeur, sa sous-directrice et le professeur Rogue, attendaient qu'elle daigne leur raconter l'agression qu'elle avait subie.

Ophélia comprenait parfaitement le but de cet interrogatoire, mais sa voix restait prisonnière au fond de sa gorge malgré ses maigres tentatives.

Mettre des mots sur ce qu'elle avait vécu ne lui paraissait pas envisageable. Cela était même insurmontable pour son esprit. Elle sentait de la sueur couler tout le long de l'arrière de sa nuque, tandis que les regards des trois sorciers restaient braqués sur sa personne. La pression de cette attente l'empêchait presque de respirer.

Respire putain, pensa-t-elle avec urgence.

Elle avait beau se répéter mentalement qu'il fallait qu'elle fasse ce premier pas, qu'il était essentiel pour avancer dans toute cette histoire, et surtout, important pour qu'elle puisse trouver l'espoir de retrouver Irina. Et pourtant, Ophélia continuait à être silencieuse.

Ce lourd silence prit finalement fin par l'intervention de la chauve-souris des cachots.

_C'est une énième perte de temps, pesta Severus, les bras croisés. Il est clair que Miss Low préfère garder ses petits secrets, plutôt que de nous faire le plaisir de nous les partager.

Sous l'impulsion de la colère, la langue d'Ophélia se délia par magie.

_Je ne vous permets pas, fit-elle avec acidité. Ce n'est pas par plaisir que je n'arrive pas à en parler.

_On ne peut pas attendre éternellement, tout en espérant que vous terminiez de pleurnicher.

_Severus.

La voix du directeur avait perdue toute sa douceur quand il prononça son prénom. L'avertissement silencieux hérissa Severus. Le directeur s'arma d'un sourire amical et retourna son attention sur Ophélia.

_Ce que le professeur Rogue essayait de dire, avec beaucoup de maladresse, c'est que vous possédez en mémoire de possibles informations qui pourraient se révéler cruciales. Le moindre détail pourrait nous guider vers une piste.

_Je le sais… souffla Ophélia. J'ai conscience que c'est important. Mais je…

Un nouveau poids s'abattit sur son cœur alors qu'elle tentait d'expliquer le dilemme qu'elle vivait. McGonagall, remarquant la détresse d'Ophélia, se permit de prendre la parole à son tour.

_Vous sentiriez vous capable de nous partager quelques éléments, sans pour autant apporter de détails ?

_Peut-être, je n'en sais rien.

Rogue claqua de la langue, totalement épuisé par la faiblesse dont faisait preuve la jeune femme. La patience était loin d'être le fort du sorcier.

Ophélia fit l'effort de ne pas porter de l'importance aux réactions du sorcier.

_Où s'est produite l'agression ? commença Minerva

_Dans la forêt.

_Vous étiez seule ?

_Oui. J'étais seule. »

_Où était votre mère ? demanda le directeur

_À-à la maison, réussit-elle à bégayer.

_Combien étaient-ils ? imposa Severus, excédé par les anciennes questions.

La bouche d'Ophélia se ferma aussitôt, elle se sentait de nouveau happée par ses souvenirs. C'était un mélange de couleurs vives et de sensations. Des sons lui revinrent, des cris, beaucoup de cris. Ses propres cris.

Ophélia pâlissait à mesure que sa mémoire se jouait d'elle. Mais d'un effort surhumain, elle leva sa main pour former le chiffre deux avec ses doigts.

Rogue s'apprêtait à poser une autre question mais Minerva le retint d'un geste. Ophélia s'était totalement liquéfiée sur sa chaise, prête à vomir à n'importe quel moment. Peiné de la voir dans cet état, Dumbledore mit vite fin à l'interrogatoire.

_Nous verrons ça un autre jour.

_Mais enfin ! enragea Severus. Vous comptez attendre jusqu'à quand pour qu'elle réponde sérieusement ? Et si cela concernait le Seigneur des Ténèbres ?

_Voyez dans quel état elle est, répondit Minerva avec fermeté. La pauvre peut à peine respirer.

Subitement, Ophélia se pencha sur le côté pour attraper un vase et vider son estomac à l'intérieur. Minerva alla directement derrière-elle pour tenir ses cheveux et tapoter dans son dos.

Severus s'écarta de la scène, le visage rempli de dégoût.

_Vous pouvez retourner à vos occupations, Severus, nous verrons plus tard pour les futurs cours de Miss Low, le congédia le directeur.

Le professeur de défense contre les forces du mal se contenta d'un regard courroucé comme réponse, puis quitta le bureau, l'irritation bien ancrée dans ses traits.

Après quelques relents, les vomissements d'Ophélia prirent fin. La jeune femme peinait à reprendre des couleurs, de la sueur collait de fines mèches de cheveux sur son front. Elle remercia Minerva pour son aide et demanda si elle pouvait retourner à ses quartiers.

_Bien sûr, lui assura Dumbledore. Nous en avons terminé pour aujourd'hui. Vous devez vous reposer et reprendre des forces pour demain.

Elle haussa faiblement les sourcils. De quoi parlait-il ?

_Le directeur a convenu que nous ayons notre premier cours théorique demain, dans l'après-midi. Vous aurez tout le loisir de dormir durant la matinée. Nous ferons ce premier cours dans votre chambre pour cette fois-ci, fit McGonagall.

L'annonce n'apporta aucune joie à Ophélia. Elle aurait préféré se faire pendre par les pieds plutôt que d'assister à des cours sur la magie. Se sentant de trop dans le bureau, elle utilisa ses dernières forces pour quitter le bureau, en les saluant platement.

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Assis devant une tasse de thé fumante, Rogue se sentait comme pris au piège au milieu de ce bureau aux couleurs beaucoup trop Gryffondiennes à son goût.

Minerva avait demandé à son collègue, quelques heures plus tôt, de la rejoindre dans ses quartiers, pour qu'ils puissent discuter posément des cours de Miss Low. La chouette, qui avait apporté la missive au professeur Rogue, ne reçut aucune récompense pour la livraison.

La sorcière rabattit contre elle un châle et alluma la cheminée. La fraîcheur de la nuit faisait déjà des siennes en cette fin d'été.

_Je ne sais pas pour vous, mais la présence d'un bon feu dans la cheminée m'apporte toujours un certain réconfort, commença McGonagall en se servant à son tour une tasse de thé.

_Oui, assurément…souffla Severus. Pouvons-nous nous mettre d'accord rapidement pour les cours de Low ?

_Miss Low, Severus, ayez un peu de respect envers elle. Vous allez devoir passer des heures en sa compagnie, réprimanda la sorcière.

_Je m'occuperai des potions, de la botanique et de la défense contre les forces du mal. Vous n'aurez qu'à prendre ce qui reste, continua-il sans l'écouter.

_Il est évident que je vais me charger de la métamorphose, les sortilèges et l'astronomie ne me gênent pas tant que ça. Cependant, l'histoire de la magie serait bien mieux dictée sous votre sérieux. »

_Hors de question.

_Pour un futur mentor, vous ne donnez pas le bon exemple, mon cher. Me laisser quatre matières à charge alors que je suis sous-directrice…fit-elle en espérant le peu de pitié qui habitait dans les tréfonds de l'âme de son collègue.

_Vous êtes la plus à même d'enseigner cette matière au vu de votre âge.

Elle ouvrit de grands yeux étonnés, quelle audace ! Insinuer qu'elle était assez vieille pour ça alors qu'elle s'approchait juste de la soixantaine. Au lieu de prendre la mouche, elle se mit à rire et lui donna une tape sur l'avant-bras.

_Vous savez, il n'est pas conseillé de rappeler son âge à une dame. Surtout si celle-ci est une sorcière.

Elle touilla son thé puis bu une gorgée en lui lançant un regard glacial. La légère menace n'eut pas l'air de l'impressionner. Il se contenta d'un rictus qui souleva la commissure de ses lèvres.

_Je sais que nous pouvons trouver un compromis, renchérit Minerva en sortant une boite à biscuits.

Rogue comprit qu'il n'allait pas s'en sortir si facilement. Il rabattit son dos contre le dossier du canapé et laissa ses épaules légèrement s'affaisser. L'année débutait à peine et le travail qui l'incombait était monstrueux.

_Tous ces préparatifs pour une sorcière se comportant comme une moldue, maugréa-t-il.

Les mots qu'il venait d'employer ne passèrent pas inaperçus auprès de la directrice des lions. Sa légèreté apparente se volatilisa pour laisser place à son air sévère qu'elle employait le plus souvent avec les élèves.

_Êtes-vous en train de sous-entendre que Miss Low ne mérite pas l'apprentissage de la magie puisqu'elle a vécu telle une moldue toute sa vie ? questionna la sorcière en relevant l'un de ses sourcils.

_Minerva, soyez objective, elle se rapproche quasiment d'une cracmole. Elle ne possède en rien le désir d'être une sorcière, vous l'avez vu vous-même il y a peu. Sibylle aurait pu faire ce qu'elle voulait d'elle, il n'y a pas eu la moindre étincelle de magie défensive de sa part. Le directeur s'efforce de nous répéter qu'il décèle en elle des traces de magie, mais je le soupçonne de nous mentir. Cette femme n'est qu'une perte de temps.

Le maintien de Minerva se raidit au gré de la réponse. Elle avait eu la délicatesse de ne pas remettre la confrontation entre leur collègue et Miss Low sur le tapis et d'éviter que sa propre consternation de ce moment refasse surface. Le comportement de Rogue la révulsait. La bienveillante collègue qui l'avait accueilli au sein de ses appartements avait disparu, il ne restait plus que la McGonagall au comportement strict et au regard acéré.

_Chaque sorcier ou sorcière bénéficie du droit d'apprendre la magie. Et vous osez comparer ce droit primaire aux origines ou à la façon de vivre. N'oubliez pas d'où-même vous venez, Severus Rogue.

L'aigreur s'empara de lui. Collègue ou non, elle venait tout juste de le réprimander comme un de leurs misérables élèves au crâne creux. Puis cette accusation cachée sous ses paroles…

_N'essayez pas de m'accuser de choses que je n'ai pas dit, Minerva, siffla Rogue en se relevant du canapé. Il se tint de manière droite, les bras repliés contre lui. Avez-vous oublié que nous sommes à la veille d'une guerre ? Dumbledore et vous ne semblez pas vous rendre compte de l'importance de ce qui se prépare en dehors de ces murs. Si cela vous amuse de perdre votre temps dans l'éducation d'une inconnue, rien ne vous y empêche, mais ne faîtes pas perdre le mien. Clamez bien fort votre sens de la justice en l'aidant. Seulement, vous n'aurez aucun droit de pleurer ceux qui périront par manque de ce précieux temps.

Sa tirade terminée laissa place à un silence qui emplit l'air d'un poids s'abattant sur les épaules de la sorcière. Le visage de Rogue fit disparaître toute trace de colère pour n'y laisser que des traits ternes et dénués d'un quelconque ressentiment.

_Vous m'enverrez dès demain par hibou les jours dont vous avez besoin pour les cours, rajouta Rogue en débutant sa sortie.

_Vous connaissez le chemin, fit durement Minerva qui ouvrit la porte d'un coup de baguette.

Il quitta la pièce en claquant la porte. De là où elle était, elle put entendre son pas rapide pour le ramener jusqu'à ses cachots. Ce ne fut qu'en étant seule qu'elle relâcha son air sévère, elle regarda tristement la tasse qu'avait abandonnée Severus tout en repensant à ses mots. Il n'avait pas daigné en boire une goutte, comme à son habitude.

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Au premier coup contre sa porte, Ophélia sentit immédiatement sa patience s'évaporer.

La motivation de suivre ce cours, elle, n'était pas apparue. Ni dans la nuit, ni au petit matin. Betsy l'avait encouragé dans la démarche avec un beau petit-déjeuner. L'elfe de maison s'était armée de toute sa joie avant de le lui apporter, espérant la transmettre à la jeune femme. L'essai ne fut qu'une veine tentative, mais Ophélia avait salué son entrain d'un bref sourire.

Bien qu'elle fût reconnaissante de ne pas encore passer du temps avec le professeur Rogue, Ophélia ne parvenait pas à trouver du bon dans ces cours.

Plus elle gardait ses distances avec la magie, mieux ça serait. C'est ce qu'elle pensait avec aplomb. Mais au lieu d'écouter son envie de filer à l'anglaise, elle resta en place sur sa chaise, prête à écouter Minerva.

_Nous pouvons commencer, débuta la professeure en claquant dans ses mains.

Plusieurs ouvrages flottèrent jusqu'au bureau d'Ophélia et s'y déposèrent avec légèreté. Elle jeta un regard au premier dont le titre brillait, elle nota un terme qu'elle avait très peu entendu dans sa vie : métamorphose.

_Comme je l'ai évoqué hier, cette heure de cours sera essentiellement dédiée à la théorie. Avant d'entamer la moindre tentative de sort, j'aimerais que nous prenions le temps de vous familiariser le plus possible avec des concepts, ou plutôt l'essence même de la magie, et les nombreuses matières qui la composent, fit-elle d'une voix assurée et posée.

Elle désigna du doigt la pile de livres.

_Je vous ai apporté de quoi vous renseigner sur les bases de la Métamorphose, l'astronomie, les sortilèges et…Elle eût comme une entrave dans la gorge, rendant soudainement son ton plus pesant. L'histoire de la magie…

_Que vais-je étudier avec l'autre professeur ?

_Vous étudierez avec le professeur Rogue les potions, la botanique et la défense contre les forces du mal.

Ophélia fut réjouie d'apprendre qu'elle allait étudier la botanique, elle était même pressée d'y être. Elle ressentait un grand manque de ne pas être au contact des plantes, son jardin lui manquait terriblement.

_Que consiste la défense contre les forces du mal ?

_Je laisse le plaisir à mon collègue de vous expliquer durant son cours, dit-elle d'une voix intransigeante. Veuillez-vous munir du Manuel de métamorphose à l'usage des débutants. Nous allons lire quelques extraits ensemble pour que vous puissiez vous faire déjà une vague idée de la matière et en quoi elle consiste.

Ophélia suivit les instructions de McGonagall sans émettre la moindre réticence, cachant avec brio son dégoût grandissant pour l'instant qu'elles partageaient. Finalement, après une lecture commune, Ophélia posa quelques questions sur le fonctionnement de la Métamorphose, prise d'un intérêt fugace pour la matière.

Face à de simples livres, elle ne risquait rien. C'est ce qu'elle s'était persuadée, pour qu'ainsi l'heure passe plus rapidement.

_En somme, la Métamorphose est, pour simplifier, une transformation d'un objet à un autre, exposa Ophélia en relisant ses quelques notes.

_Ce n'est pas faux, mais cela reste une abréviation qui manque de détails. La Métamorphose est une discipline qui va se concentrer sur la transformation de l'apparence ou de la forme d'un sujet vivant ou non-vivant. Cet acte, quand il est bien réussi, alterne le sujet jusqu'à sa structure moléculaire.

Elle souligna quelques mots sur le tableau qu'elle avait fait apparaître au début du cours, renforçant ses paroles par les traits de craie.

_Il faut que vous compreniez que la Métamorphose est une branche de la magie qui se révèle être très complexe, et, sûrement, l'une des plus dangereuses.

_Vous la qualifiez comme ça car elle peut tout vous apporter.

_Pouvez-vous développer ? demanda McGonagall, intéressée par sa remarque.

_Eh bien, si j'ai bien compris, il vous suffit d'un rien pour assouvir vos désirs. Vous souhaitez une montagne d'or, alors trouvez des chaussettes et métamorphosez-les en argent.

_C'est une remarque intéressante et sur laquelle je vais rebondir. Elle se retourna vers le tableau et se mit à écrire. Voyez-vous, la magie permet de réaliser énormément de miracles. Cependant, en Métamorphose, nous y retrouvons quelques exceptions. Ces limites sont nommées : Loi de Gamp.

Elle se décala pour qu'elle puisse mieux lire le tableau.

_Cette loi regroupe les cinq domaines que même la Métamorphose ne peut pas atteindre. Vous avez : la vie, les sentiments, l'amour, l'argent et la nourriture.

_Même la vie ? C'est étonnant, j'aurais pu croire que votre magie en était capable, lâcha Ophélia en se grattant l'arrière du cou.

_En aucun cas vous pouvez user de la Métamorphose pour ramener quelqu'un à la vie ou encore vous enrichir avec, fit-elle en prenant une pause et reprit avec un léger sourire. Néanmoins, ça ne veut pas dire que d'autres branches de la magie sont incapables de toucher ces miracles. Il y a d'autres moyens pour les contourner.

Minerva s'appliqua à expliquer ses dires par des exemples. Elle évoqua le sort Gémino, capable de dupliquer à l'infini la nourriture, mais rendant ladite nourriture moins nutritionnelle et d'un goût moins prononcé que celle d'origine. Pour les sentiments et l'amour, elle cita les diverses potions et filtres qui avaient le pouvoir d'imposer des émotions souhaitées, mais restait un acte assez controversé, par le manque de libre-arbitre pour la personne concernée par les effets. Elle passa par de l'argent factice qui en quelques heures perdait toute sa valeur en reprenant sa véritable forme. Et elle finit par les Inferis, des créations de la magie noire qui ne possédaient pas d'âme ; mais qui pour autant étaient capables de se déplacer sous les ordres de leur maître.

Ophélia nota avec attention sur son parchemin tous les exemples, et tâcha au passage ses doigts d'encre à plusieurs reprises. Elle n'avait pas encore pris l'habitude de prendre des notes à la plume. Elle finit par relever son visage de son parchemin.

_La Métamorphose est incapable d'atteindre ces cinq domaines par manque de savoir ou est-ce autre chose qui l'en empêche ?

_Autre chose ? fit Minerva en haussant les sourcils.

_Vous m'avez très bien compris, professeure.

Un ange passa entre les deux femmes. McGonagall ne s'attendait pas à ce qu'Ophélia remette directement en cause ce qu'elle lui apprenait.

_Qu'êtes-vous en train de sous-entendre ?

_Ce que vous me racontez me parait étrange.

_De quelle manière ?

Ophélia souffla et replaça comme il fallait son dos contre le dossier de sa chaise, relevant le visage vers le plafond avant d'exposer ses pensées.

_Vous me parlez depuis tout à l'heure des limites et de ses manières pour les contourner, mais vous n'avez pas cité une seule fois de véritables raisons pour ne pas user de la Métamorphose pour ces cinq cas. Et puis, même si ça ne paraît pas simple, cela reste des actes qui se caractérisent par la puissance exploitée par le lanceur. Donc en théorie, ce n'est pas un problème d'acte impossible, mais bien de puissance. Pour que cette équation puisse fonctionner, il suffirait d'une autre source d'énergie pour combler ce qu'il manque, expliqua-t-elle posément.

Elle croisa enfin le regard de la sorcière. Un fin sourire, dénué de joie, se dessina sur ses lèvres.

_En résumé, vous manquez de "pouvoir", mais j'ai l'impression qu'il y a plus que ça.

_Je suis bien curieuse d'entendre votre hypothèse.

_Votre Gamp, fit-elle en pointant le nom de la pointe de sa plume sur son parchemin. N'aurait-il pas trouvé ce moyen et préféré que ce savoir ne puisse pas être acquis par n'importe lequel d'entre vous ? Vouloir garder jalousement pour eux les réponses les plus importantes, a toujours été propre aux gens de pouvoir.

_Vous voulez dire "nous", Miss Low, la rectifia-t-elle.

Son intervention fit faner le sourire des lèvres d'Ophélia.

_Vous possédez beaucoup d'imagination, rajouta Minerva en claquant des doigts, la brosse du tableau se mit à l'effacer. Gamp était un très grand sorcier et qui a passé sa vie à œuvrer pour notre communauté. Il aurait été insensé pour lui de cacher une telle révélation.

_Si vous le dites.

Elle ferma avec force son manuel en faisant claquer les vieilles pages entre elles.

_L'heure s'est écoulée, professeure, fit-elle avec ironie. J'aimerais me reposer, si vous le permettez.

Minerva fut surprise de voir qu'elle ne mentait pas, l'heure s'était écoulée à une vitesse hallucinante. Elle rassembla ses quelques affaires, encore étonnée de la rapidité à laquelle le temps était passé.

_Vous pouvez lire les autres ouvrages, enfin, au moins les feuilleter avant notre prochain cours. Je pense que nous pourrons essayer de pratiquer la fois prochaine.

Ophélia planta ses ongles dans ses paumes en l'entendant parler de la pratique à venir.

_Pour pratiquer, je n'ai pas besoin de baguette, rassurez-moi ?

Minerva la regarda comme si elle venait de lui demander si 1+1 faisait bien 2.

_Bien sûr que vous aurez besoin d'une baguette. Faire de la magie sans baguette est une pratique qui est loin d'être à votre portée.

Irritée, Ophélia se leva et alla ouvrir la porte de sa chambre, conviant silencieusement la sorcière à s'en aller. Minerva n'ajouta rien de plus et la laissa.

La jeune femme referma la porte, serrant la mâchoire sans même s'en rendre compte. Elle finit par étaler les quelques livres que McGonagall avait eu la bienveillance de lui apporter sur son bureau. Elle attrapa son parchemin rempli des notes et elle se mit à les relire, ses mains se crispant autour du parchemin.

Ophélia se souvenait encore des indications sur sa nouvelle identité. Cela faisait déjà un moment qu'elle avait brûlé le parchemin relatant la fausse histoire, comme le lui avait demandé Dumbledore.

Elle se décida à jouer le jeu et à se mettre dans la peau de son personnage. L'objectif était plutôt clair, elle avait juste à emmagasiner le plus d'informations possible, puis à les jouer exactement comme des cartes. Tant que sa mémoire ne lui faisait pas défaut, elle pouvait y arriver.

Au milieu de toutes ces déceptions et changements, elle avait quand même notifié un détail. Le directeur avait fait en sorte de ne pas changer son prénom. Cette petite attention, bien que minime, touchait son cœur.

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_Pourquoi ? s'énerva Ophélia.

Voilà des jours qu'elle n'avait pas quitté cette foutue chambre, tout ça pour se concentrer essentiellement à son apprentissage accéléré du monde magique. Pour rentrer parfaitement dans son rôle de sorcière, elle avait comparé les anciennes notes avec les livres en sa possession.

Durant ses recherches, elle avait pu en découvrir bien plus sur la fameuse autre école américaine qui devait représenter ses plus belles années de scolarité. D'après ce qu'elle en avait lu, Ilvermorny n'était autre qu'une copie américaine de Poudlard dans ses grandes lignes. Il lui fallait juste bien faire la distinction entre les deux écoles pour ne pas faire d'erreur.

À la plus grande surprise d'Ophélia, aucun professeur n'était revenu la voir pour lui faire cours. Autant Rogue que McGonagall. Comme aucun des deux ne se manifestait, elle avait pris les devants en continuant à étudier les livres, tout en demandant même à Betsy de lui en apporter d'autres.

_Vous ne pouvez pas Miss !

Après tous ces efforts, elle eût envie de sortir se balader. Mais avant même de pouvoir passer la porte de sa chambre, Betsy l'arrêta, une main tirant sur le bas de sa robe.

_Je n'ai plus le droit de sortir maintenant ? explosa-t-elle en dégageant sa robe de la prise de l'elfe.

Ophélia avait d'elle-même évité de sortir ces derniers jours, sûrement de crainte de recroiser une Trelawney mal lunée dans le détour dans un couloir. Mais son propre enfermement devait bien finir par prendre fin.

La pression qu'elle se mettait sur les épaules et la fatigue grignotaient ce qui restait de ses nerfs. Betsy venait à peine de la rencontrer, mais l'elfe de maison se doutait que ces sautes d'humeurs n'étaient pas habituelles chez Ophélia. La petite créature avait tenté de la convaincre de se reposer, inquiète par son état. Ophélia ignorait tous les conseils que l'elfe de maison s'évertuait à répéter.

Le geste brusque d'Ophélia fit baisser la tête de Betsy, craignant de se prendre un coup inopportun. Poussée par son envie de bien faire, l'elfe de maison prit la parole malgré sa peur.

_Le directeur n'aimerait pas que vous vous baladiez seule, surtout à une telle heure, dit calmement Betsy.

En remarquant sa réaction, Ophélia eut l'impression de se prendre une douche froide. Sa colère se dissipa immédiatement. Elle souffla de frustration, calant son dos contre le mur, instaurant une brève distance entre elles.

Dumbledore préférait qu'elle se fasse discrète au sein du château tant qu'elle n'était pas prête à se tenir face à d'autres sorciers. Elle avait très bien compris qu'il ne voulait pas qu'elle se retrouve en mauvaise posture et qu'un accident comme avec Trelawnet. Ce n'était pas dans un désir de l'enfermer, mais de la préserver. Ophélia en avait conscience. Pourtant, malgré sa compréhension de la situation, elle ne supportait plus d'être confinée dans cette chambre.

_Il fait déjà nuit, ils doivent être tous au lit, répliqua Ophélia.

_Nous n'en avons pas la certitude.

_Et alors ? Je ne suis pas une prisonnière qu'il faut surveiller constamment.

Ophélia souffla un bon coup, tout en s'efforçant de ne pas abandonner face à sa colère grandissante.

_Si tu as si peur qu'on me voit, tu n'as qu'à m'accompagner cette fois-ci, proposa-t-elle à l'elfe.

_Betsy préfère que Miss…

_J'en ai besoin, la coupa Ophélia. J'en ai besoin pour ne pas devenir folle…

La voix plaintive de la jeune femme transperça le cœur de Betsy. Pour mener à bien la mission qui l'incombait, l'elfe de maison devait prendre en compte le bonheur de la Miss. Vu l'heure, il était moins risqué de croiser du monde, surtout si elle acceptait de l'accompagner. En prenant son courage à deux mains, Betsy se résolut à l'aider.

_Prenez ma main, Miss, Betsy va vous y emmener.

_Que vas-tu faire ? fit-elle en fixant bizarrement sa main.

_Betsy peut vous déplacer sans passer par les couloirs. Vous voulez aller là où les fleurs poussent, c'est ce que pense Betsy.

En effet, Ophélia rêvait de se rendre dans les serres depuis qu'elle les avait aperçues. Toutefois, elle n'avait pas imaginé qu'elle allait devoir s'y rendre en utilisant la magie.

_Est-ce que ça va faire mal ?

_Non, vous n'aurez pas mal. Betsy vous le jure, fit-elle en tendant toujours sa main.

Ophélia hésita à prendre cette main, sa crainte lui hurlait de ne pas la prendre. Alors qu'à côté, son désir de se retrouver entourée de plantes incitait l'inverse.

Le désir l'emporta.

À peine elle effleura la peau verdâtre de Betsy qu'elle sentit son corps se faire aspirer dans un tourbillon. En un clignement de paupières, elles se retrouvèrent dans l'une des serres. Avant de pouvoir pleinement en profiter, Ophélia dut se reposer quelques instants contre un mur, respirant de grandes goulées d'air pour empêcher de rendre son repas.

_Pourquoi j'ai envie de vomir ? s'affola légèrement Ophélia.

Entre deux haut-le-cœur, Betsy expliqua que c'était un des effets secondaires du transplanage et que cette sensation allait disparaître après plusieurs utilisations. La jeune femme lui reprocha d'avoir omis cette info.

_Je reconnais que c'est utile pour se déplacer, mais je pense ne jamais m'y faire…fit-elle quand elle se sentit mieux.

_Betsy vous l'a assuré, après quelques transplanages, vous n'aurez plus envie de vomir !

Elle préféra ne pas répondre, se sachant capable de laisser ses mots dépasser sa pensée.

L'ambiance de la serre accapara vite son attention. L'air chaleureux qu'elle avait perçu durant sa visite du château était inexistant la nuit, remplacé par une légère obscurité envoutante. Quand elle se sentit enfin d'attaque, Ophélia put savourer la beauté des plantes sous le clair de la lune traversant les vitres.

Elle s'approcha et étudia avec sérieux toutes les plantes disposées dans la serre. Au milieu d'elles, Ophélia se sentait revivre, ne sentant plus la pointe qui compressait sa poitrine depuis cela des jours. Malgré ses connaissances développées en botanique, elle vit de nombreuses plantes qu'elle n'avait jamais aperçues de sa vie.

Betsy, qui écoutait attentivement les quelques explications sur certaines fleurs qu'Ophélia reconnaissait, se sentait redevable envers les plantes de redonner un semblant de joie à la jeune femme.

_Connais-tu celle-ci ? demanda Ophélia en se rapprochant d'une plante aux très longues tiges et aux petites fleurs blanches.

_ Non Miss.

_C'est une Berce du Caucase, elle est connue pour son incroyable taille, mais pas seulement.

_Pour quoi d'autre ? questionna curieusement l'elfe.

_Pour sa sève, répondit-elle en frôlant les feuilles de la plante. Si elle rentre en contact avec notre peau, celle-ci se retrouvera plus sensible aux rayons du soleil. Cela peut aller jusqu'à créer des cloques, voire des brûlures. C'est une plante qui se répand un peu partout grâce à ses graines qui sont assez légères pour être emportées par le vent.

L'elfe de maison tira immédiatement sur la robe d'Ophélia pour l'éloigner de la plante, regrettant rapidement ses remerciements envers elles. Amusée par sa réaction, la jeune femme la rassura.

_Tu n'as pas à t'en faire pour moi, je ne tenterais pas de toucher ses feuilles. Je suis juste étonnée de retrouver une telle plante toxique dans une école, c'est intrigant.

_Miss, s'il-vous-plaît, n'approchez pas plus les plantes, supplia Betsy en gardant le bout de sa robe toujours entre ses doigts crochus.

_De quoi je devrais avoir peur ?

Betsy déglutit, sachant déjà par avance que le sujet pouvait facilement énerver la jeune femme. Sur le point de lui répondre, l'elfe de maison se figea, elle eut seulement le temps de lui dire qu'elle revenait avant de disparaître sous les yeux hébétés d'Ophélia. La surprise passée, la jeune femme profita de cette pause dans sa surveillance.

Après ces quelques visites dans sa chambre, Ophélia ne trouvait pas l'elfe de maison déplaisante, au contraire, elle restait serviable et gentille malgré ses changements d'humeur. Néanmoins, admirer les sujets de la nature en étant seule lui plaisait bien plus.

Elle marcha posément dans la serre, abandonnant à chacun de ses pas le poids de ses incertitudes. Du coin de l'œil, elle décela de la lumière provenant d'un coin plus reculé de la serre. Ophélia s'y rendit sans attendre que Betsy soit de nouveau avec elle.

Cachés sous une bâche, des sortes de champignons à la pointe ovale brillaient comme des vers luisants. Ébahie par le spectacle, elle décida de s'installer près d'eux pour mieux les contempler. Ophélia trouva ce type de plante assez amusant par sa forme atypique. Pour elle, ils ressemblaient à des moitiés d'œufs pointant vers le ciel. Elle n'avait aucune idée à quoi pouvaient bien servir de tels champignons.

Un pop sonore brisa le long de ses pensées.

_Miss, le directeur souhaite vous parler, Betsy peut vous y emmener, lui apprit l'elfe de maison.

Ophélia se retourna vers elle, l'air ailleurs.

_Sais-tu pourquoi je voulais tant venir ici ?

_Betsy ne sait pas vraiment, Miss, répondit-t-elle confuse par cette soudaine question.

D'un large geste, Ophélia recouvrit soigneusement les champignons avec la bâche.

_J'aime beaucoup les plantes. C'est une passion qui me tient particulièrement à cœur.

_Betsy est ravie que vous soyez heureuse, Miss.

_Heureuse ? fit-elle amèrement. Oh, ma petite Betsy, je suis loin d'être heureuse.

Betsy fut drôlement étonnée. Elle qui pensait que cette sortie allait apporter du réconfort à la jeune femme, elle s'était lourdement trompée. Elle vit les épaules d'Ophélia trembloter et de fines larmes dévaler ses joues.

_Si votre monde était vraiment celui de ma mère, j'aurais voulu le découvrir avec elle, tout comme elle l'avait fait dans mon enfance avec le jardinage. Qu'elle me guide au milieu de toutes ces choses que je ne connais pas et que je m'efforce d'apprendre depuis que je suis arrivée. Elle était ma plus grande motivation…Non…Elle l'est toujours, murmurra-t-elle en posant une vers son cœur. Voir ces plantes, c'est comme nous revoir, ma mère et moi, toujours les mains dans la terre, prêtes à tout pour faire pousser les plus belles fleurs. Il ne faut pas que je l'oublie, je ne peux pas.

Ses doigts s'agrippèrent férocement au tissu de sa propre robe. Un éclat de folie fit briller ses yeux.

_On nous l'a volé, Betsy. Ils nous l'ont volé ! Mon bonheur, notre quotidien, notre vie ! s'égosilla Ophélia d'une voix plus aiguë.

Comme si elle venait elle-même de se rendre compte de ses paroles, Ophélia reprit conscience et se frotta le visage pour retrouver une certaine constance, effaçant par la même occasion ses larmes.

_Oublie ce que je viens de dire, soupira la jeune femme. Je suis juste fatiguée.

Betsy, qui avait écouté sans l'interrompre, s'approcha d'elle avec délicatesse et lui présenta sa main.

_Miss, veuillez pardonner Betsy car elle n'a pas tout compris. Mais Betsy veut que la Miss sache qu'elle sera toujours là pour l'écouter. Vous pouvez compter sur elle.

Les mots de l'elfe de maison allégèrent durant l'espace d'un instant le cœur d'Ophélia. Touchée par la bienveillance du petit être, Ophélia prit sa main sans émettre le moindre doute, ni même de dégoût.