Bonjour mes chers lecteurs. Nous voici pour le chapitre du mois de Septembre ! Je vous rassure pour ce qui concerne ma santé, les médecins ont fait du super boulot. J'espère que ce chapitre vous plaira autant que les autres et vous donnera envie d'en savoir plus sur l'histoire d'Ophélia. Au plaisir de lire vos commentaires !

Bonne lecture ;)

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Réponse Review :

-Blackbutterfly207 - Je te remercie pour cette si belle review, ça m'a beaucoup touché de la lire ! Je suis contente d'apprendre que tu trouves que je respecte bien les personnages, c'est ma crainte de trop m'éloigner de leur caractère...Ravie que l'idée qu'Irina soit une ancienne disciple de Dumbledore te plaise ! (elle devra normalement être exploitée bien plus tard dans la fic). Je voulais faire en sorte que Dumbledore, dans ma fic, ne soit ni un grand méchant, ni un grand gentil. Mais simplement "gris", entre les deux. Il fera des erreurs qui auront un coût et il aura énormément de regrets, sans pour autant jouer l'unique rôle de manipulateur.


_Asseyez-vous Miss Low, proposa aimablement Dumbledore. Vous avez pu profiter de votre escapade, j'espère?

Le sorcier ne donnait pas l'impression de lui reprocher cette sortie improvisée. Il avait même l'air amusé par sa visite des serres en pleine nuit. Dans un coin de sa tête, Ophélia se permit de maudire l'elfe de maison pour avoir rapporté aussi facilement leur virée nocturne.

Assise en face du vieil homme, le regard d'Ophélia s'attarda sur plusieurs coins de la pièce. Elle pensa que leurs discussions se produisaient beaucoup trop souvent dans ce bureau chargé d'objets étranges.

_C'était mieux que rien, se contenta-t-elle de répondre.

Ophélia reporta son regard sur le vieux sorcier. La robe du directeur, aux tonalités de l'automne, tranchait parfaitement sous la blancheur de sa longue barbe. Un bol rempli de bonbons de la couleur du miel apparut devant elle. Elle lorgna les sucreries avec attention, indécise. Il s'évertuait à chaque visite de sa part de les lui faire goûter. Cette fois-ci, elle prit la peine d'accepter la proposition et en goûta un. L'acidité de la friandise la fit grimacer.

_Vous appréciez vraiment ça ? dit-elle en regrettant déjà son choix.

_Je vous assure qu'au bout du troisième, vous ne pourrez plus vous en passer ! répondit-il d'un clin d'œil malicieux.

Elle se sortit un mouchoir de sa poche et y cracha la sucrerie. Aucune chance qu'elle en reprenne un autre à l'avenir, ça lui apprendra à vouloir tenter.

Un mouvement dans un coin du bureau détourna l'attention de la jeune femme. Fumseck se tenait sur son perchoir et les observait discuter. Ophélia ressentit la terrible envie de se lever et de passer sa main sur les plumes du phénix en voyant sa beauté. Il faisait bien partie des animaux les plus beaux qu'elle ait vu dans sa vie.

Le directeur ne perdit pas une miette de l'hésitation d'Ophélia. Prise en flagrant délit, elle fit comme si le phénix n'existait plus et lui demanda:

_De quoi voulez-vous me parler?

_Avons-nous besoin d'une raison particulière pour discuter ensemble? fit ironiquement Dumbledore.

Le regard qu'elle lui lança répondit à sa place. Malgré sa mauvaise humeur, il ne prenait pas la peine de lui cacher que la situation le divertissait.

_En effet, outre le fait que j'apprécie nos discussions, je souhaitais vous proposer une future sortie. Mais avant de vous l'exposer, je voudrais savoir tout d'abord comment vous vous portez?

La question ricocha sur le cœur d'Ophélia et ses yeux cernés transpercèrent le sorcier. L'amertume de ses propres pensées la rendait incapable d'apprécier la moindre inquiétude envers sa personne.

_Je vais bien, hacha-t-elle.

L'ambiance détendue venait de s'évaporer par la force placée dans ces trois mots. Son teint cadavérique et la lassitude dans son regard ne pouvaient berner personne.

La nuit était devenue un moment épouvantable à surmonter pour Ophélia. Elle pouvait passer des heures à surveiller la porte de sa chambre, les mains crispées sur son oreiller, sursautant au moindre bruit. Ophélia craignait de s'endormir et de ressentir cette main enserrer son cou. Même dans ses songes, la tranquillité l'évitait et emportait avec elle le repos dont elle avait tant besoin.

Le regard du directeur s'adoucit face à celui d'Ophélia.

_Il ne vous est pas interdit de ressentir de la peur. Nous possédons chacun nos propres craintes et terreurs, Miss Low.

Ophélia resserra ses doigts sur ses cuisses, sa bouche se contracta. Elle ne se sentait toujours pas prête d'en dévoiler plus.

_Je vous ai dit que j'allais bien. Parlez-moi plutôt de cette sortie.

Dumbledore souffla face à son air buté. Il allait devoir faire preuve d'une grande patience pour qu'elle s'ouvre à lui. Avant de répondre à sa demande, il se permit une dernière remarque.

_Je connais un moyen de pouvoir alléger votre esprit. Si ça vous intéresse, je peux vous proposer mon aide.

Elle se contenta de le fixer sans lui répondre.

_Bien, toussota le directeur. Comme je vous l'avais exposé la dernière fois, vous bénéficiez de cours pour apprendre les bases de la magie. Selon les dires du professeure McGonagall, votre premier cours s'est bien déroulé, vous auriez même présenté de l'intérêt pour la matière. Et qu'il serait préférable que vous puissiez vous entraîner dès à présent. Pour cela, il va vous falloir quelques affaires, pour commencer, votre propre baguette.

En entendant ce mot, elle sentit sa langue s'assécher. Elle allait devoir tenir entre ses mains l'une de leurs baguettes, sa baguette. Cette idée la fit perdre le peu de couleurs qui restaient sur son visage. C'était un énième pas à faire dans son enseignement de la sorcellerie.

_Vous pourrez profiter de cette sortie pour vous procurer une nouvelle garde-robe qui vous conviendra, en plus de tout ce qu'il y a de noté sur cette liste, rajouta Dumbledore en tendant un bout de parchemin pour la sortir de ses pensées.

Ophélia accepta la liste et la survola rapidement : il y avait essentiellement des fournitures magiques et des bouquins marqués dessus. Un détail sur les habits la fit prendre la parole.

_Vais-je devoir porter comme vous ce genre de robes?demanda-t-elle rebutée.

_Vous verrez cela avec la vendeuse de vêtements, ria le directeur. Pas tous les sorciers portent des robes du même type que les miennes, ne vous inquiétez pas.

_Nous irons ensemble?

_J'aurais aimé vous accompagner, mais j'ai des impératifs qui m'en empêchent. Betsy sera votre guide durant vos achats. J'ai cru comprendre que vous vous appréciez toutes les deux, vous pourrez vous sentir à l'aise à ses côtés.

Cela la rassura quelque peu d'apprendre qu'elle n'allait pas devoir supporter la présence d'un sorcier en tant que guide. Elle préférait prendre ses distances avec les professeurs autant qu'elle pouvait se le permettre.

_Je n'ai pas d'argent pour faire ces achats, réalisa Ophélia.

_Vous n'avez pas à vous en faire pour cette question, la rassura-il en faisant apparaître une bourse. Utilisez ceci pour payer, je pense que ça sera suffisant.

La jeune femme fronça des sourcils devant la bourse.

_Je ne peux pas accepter, vous en faîtes déjà assez pour moi.

_Ceci n'est qu'un emprunt, je sais d'ores et déjà que vous me rembourserez sans que j'en vienne à le réclamer, ai-je tort?

_Non, c'est vrai. Mais j'aimerais éviter. Nous pourrions attendre que je trouve un moyen de…

_Nous n'en avons pas le temps, Miss. Il faut que vous commenciez à vous plonger dans vos leçons et que vous appreniez à contrôler votre magie. Il en va pour votre sécurité, mais aussi celle de ceux qui vous entoure.

_Est-ce vraiment si dangereux que vous le dîtes ou c'est juste une excuse que vous avez trouvée pour que j'accepte de subir vos cours ? fit-elle avec aplomb.

_Vos pouvoirs qui ont été scellés depuis tant d'années peuvent représenter un danger.

_Vous m'aviez dit que ça allait prendre du temps pour qu'ils se manifestent dans mon cas. Vous changez encore de discours!

_Vous vous méprenez…souffla le directeur en joignant ses mains. Je ne cherche pas à vous tendre un piège. Il faut que vous compreniez que les cas de sorciers dont les pouvoirs ont été bridés sont assez rares. D'après mes recherches, vos pouvoirs vont lentement reprendre leur juste place, mais ceci ne nous met pas à l'abri d'une potentielle explosion de magie suite à de fortes émotions. Votre magie accidentelle, si elle se manifeste, sera peut-être l'une des plus virulentes que j'aurais l'occasion de voir dans ma carrière d'enseignant. Nous pouvons chercher à éviter ça en vous entrainant et en vous familiarisant avec la magie, tout ceci dans un laps de temps assez restreint. Si mes explications vous ont convaincu, vous pouvez accepter cette bourse.

Ophélia s'imagina en train d'exploser et de blesser tous ceux se trouvant autour d'elle. Certes, elle possédait du ressentiment envers les sorciers, mais elle aimait encore moins la possibilité de blesser des innocents par accident. Son regard tranchant s'attarda sur la bourse qu'il lui tendait, qu'elle finit par attraper en lâchant un grognement mécontent.

_Je voudrais retourner à ma chambre.

Dumbledore hocha de la tête pour signifier que leur entrevue était bien terminée. La bourse en main, Ophélia se dirigea vers la sortie, gratifiant Fumseck d'un regard appuyé en passant.

_Attendez! J'ai oublié de vous donner quelque chose, j'ai pensé que ça pourrait vous intéresser.

Le directeur se dirigea vers une vitrine où plusieurs carnets se reposaient. Il en sortit un en particulier et souffla dessus pour enlever la légère pellicule de poussière accrochée à la couverture. Il le lui tendit, un brin de scintillement dans le regard.

_Qu'est-ce que c'est? fit-elle en le prenant.

_Ouvrez-le, vous comprendrez.

Il avait raison, en l'ouvrant, elle comprit immédiatement ce qu'il contenait. Sur plusieurs pages se dressaient de nombreux essais traitant de différents sujets magiques, tous signés au nom de sa mère. Dans certains coins, elle y découvrit les photos mouvantes d'une jeune femme au sourire étincelant dont le regard ne lui était pas inconnu. Tous ces éléments provenaient soit d'anciennes revues, soit d'articles de journaux sur le sujet de la recherche magique.

Ophélia savait déjà à quel point elle pouvait ressembler physiquement à sa mère, mais c'était encore plus impressionnant de le voir de ses propres yeux. Malgré ses nombreuses demandes auprès d'Irina, elle n'avait jamais eu l'occasion de voir de photos de sa mère durant sa jeunesse.

Maintenant qu'elle avait une partie de l'histoire, elle comprenait pourquoi sa mère n'avait pas la capacité de répondre à cette demande. Elle se doutait qu'Irina n'avait quasiment rien emporté avec elle pendant sa disparition du monde magique. Pas même un simple souvenir, encore moins un album photo.

_Pourquoi vous me donnez ça?

_Eh bien, vous m'avez partagé votre désarroi de ne plus reconnaître Irina. Vous serez confrontée à plusieurs reprises à cette femme que vous considérez comme une étrangère. En lisant, en apprenant un peu plus sur ce qu'elle produisait, vous pourrez peut-être vous rapprocher un peu plus d'elle.

Cette attention la désarma. Elle n'était pas prête à recevoir une telle empathie à son encontre. Sa main caressa la page restée ouverte, Ophélia remarqua la minutie qu'il avait mise à coller tous les articles d'une parfaite symétrie. Elle avait l'impression de tenir un trésor entre ses mains.

_Merci. Sincèrement, dit-elle d'une voix dont la colère s'était dissipée.

_J'espère qu'il vous apportera certaines réponses.

Il lui tapota affectueusement l'épaule avant de retourner s'asseoir à son bureau, visiblement satisfait que son idée porte ses fruits.

_Vous l'aimiez, fit Ophélia, le carnet serré contre elle.

Les mots de la jeune femme lui arrachèrent un tendre sourire. Son regard, souligné par ses lunettes en demi-lunes, se perdit dans la pièce. D'anciens souvenirs se jouaient devant lui, alimentant la nostalgie dans ses yeux.

_Je n'ai jamais cessé, affirma-t-il en braquant son regard dans le sien.

Les cernes et la fatigue accumulées sur son visage ne furent pas suffisantes pour cacher la nouvelle tendresse qu'elle ressentit envers ce vieil homme. Un doux sentiment, certes bref, mais existant. Ses mains se détendirent autour de l'énorme carnet et elle rendit son sourire, bien que plus timide que le sien.

Elle comptait enfin quitter le bureau et rejoindre Betsy qui l'attendait sûrement à l'extérieur, le cadeau du directeur et la bourse en sécurité dans ses bras.

_Tout ira bien, Miss Low, assura le directeur de son bureau comme au revoir.

Ophélia descendit les escaliers en colimaçon en ne cessant de penser aux mises en garde de Dumbledore sur sa propre magie. Sans même en avoir conscience, elle gardait en elle une bombe à retardement qui n'attendait que le bon moment pour exploser. Elle, qui souhaitait s'éloigner du danger à tout prix, le portait constamment sur elle.

La photo mouvante d'Irina dans ses jeunes années lui revint en tête. Si seulement Irina ne lui avait pas caché ses pouvoirs, elle n'aurait pas cette crainte supplémentaire à devoir gérer. En passant la dernière marche, elle se demanda quelles étaient les raisons qui avaient poussé sa mère à faire ce choix.

_Cela valait-il vraiment le coup? murmura-elle sans pouvoir s'en empêcher.

Betsy se tenait sagement près de l'entrée, guettant l'arrivée d'Ophélia pour la raccompagner jusqu'à sa chambre. Elle présenta sa petite main aux doigts crochus que la jeune femme avait tant de fois étudiés avec curiosité.

_Qu'est-ce donc dans vos bras ?

_Des présents du directeur.

L'elfe de maison ressentit son changement d'humeur, elle trouvait son humeur plus légère. Betsy en supposa que les cadeaux avaient grandement joué dans cela. Satisfaite de la voir moins morose, elle attendait patiemment qu'Ophélia prenne sa main tendue.

_Tu sais que je peux y retourner seule.

_Betsy se doit de rester aux côtés de Miss.

_Quand vas-tu cesser de m'appeler Miss? Je t'ai déjà dit de m'appeler par mon prénom.

_Quand Miss finira entièrement son plateau repas.

La contrepartie exigée arracha un brin de sourire à la jeune femme. L'elfe de maison, bien que peureuse, arrivait à la faire rire par certaines de ses réactions. Défaite, Ophélia attrapa sa main. Elles disparurent dans un pop sonore, abandonnant les couloirs plongés dans la noirceur de la nuit.

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Je ne vais jamais y arriver.
Ce furent les premières pensées d'Ophélia en entrant sur le Chemin de Traverse aux côtés de sa fidèle Betsy.

Devant la foule qui emplissait la rue commerçante, son souffle se coupa net. Une sensation d'étau compressait sa gorge, la broyant.

La jeune femme, qui se sentait déjà bien trop entourée par les sorciers au sein de Poudlard, était terrifiée par l'impressionnante quantité de sorciers se baladant affublés de longues robes et de chapeaux pointus. Elle se retrouvait dans une véritable fourmilière de magiciens.

_Allons-y Miss.

Le regard terrifié d'Ophélia tomba sur Betsy. Elle attendait patiemment qu'elle se décide à se séparer de l'entrée. Ses pieds ne voulaient pas se décoller du sol, pas même d'un centimètre. Elle en mordilla sa lèvre inférieure de frustration. Le léger tremblement de ses épaules fut suffisant pour avertir Betsy de sa crainte.

L'elfe de maison tendit sa petite main vers Ophélia. Elle n'avait pas besoin de connaître l'histoire de la jeune femme pour comprendre que chaque pas dans le monde magique était une torture pour elle.

_Vous n'êtes pas seule, Miss Ophélia, dit-elle d'une voix douce.

Fébrile, elle accepta sa main tout en baissant le visage dans l'espoir de camoufler le rouge de ses joues.

Elles ignorèrent de leur mieux les regards insistants de certains passants, interloqués par la vision d'un elfe de maison guidant sa maitresse par la main. Malgré sa réticence à avancer, Ophélia resserra sa poigne autour de celle de Betsy, acceptant la parcelle de courage qu'elle pouvait trouver dans sa présence.

Ophélia découvrait d'un œil curieux le Chemin de Traverse et ses nombreuses boutiques gorgées de merveilles dont elle ignorait tout. Il n'y avait pas le moindre millimètre de pavés qui ne servait pas à la magie.

Ses sens s'efforçaient de retenir toutes les informations qu'elle percevait. Entre les explosions de couleurs, de lumière, les senteurs inconnues et le brouhaha incessant des vendeurs et acheteurs.

En cet instant, bien que nerveuse, Ophélia découvrait tout ce qui l'entourait d'un regard neuf. La peur qui faisait battre son cœur la chamade, s'effritait pour laisser la place à l'excitation de la découverte, pour finir sur un pur émerveillement.

_Voulez-vous commencer par une boutique en particulier?

La question la sortit de sa contemplation silencieuse du lieu.

_Il me faut absolument des vêtements, souligna Ophélia en tirant du bout du doigt le tissu de sa robe empruntée.

Sans hésitation, Betsy la mena jusqu'au magasin de Madame Guipure. Elles entrèrent dans la boutique de prêt-à-porter et furent accueillies par une jeune vendeuse au comportement enjoué.

_Bienvenue Miss, je suis Félicia, votre vendeuse attitrée. Que vous faudrait-il pour faire votre bonheur ?

_Eh bien il me faut…de tout, je suppose? lui répondit Ophélia dont les yeux ne quittaient pas des aiguilles mouvantes qu'elle remarqua sur sa gauche.

La vendeuse fronça brièvement les sourcils, le sourire qu'elle avait tant pratiqué devant sa glace fut perturbé par l'air désorienté d'Ophélia. Sans en démordre, elle chercha durant de longues minutes à combler ses désirs à travers diverses questions. Les réponses évasives d'Ophélia avaient le don de frustrer la jeune Félicia qui ne pouvait guère deviner que sa première cliente ne possédait aucune connaissance de la mode sorcière.

Ophélia, se sentant dépassée par les questions, lança un regard de détresse vers Betsy.

_Ma maîtresse voudrait plutôt ce type de robe, intervint l'elfe de maison en pointant du doigt un mannequin.

Pour le grand soulagement d'Ophélia, la vendeuse détourna son attention d'elle pour poser ses questions auprès de l'elfe de maison.

Betsy avait pris la peine de poser des questions bien claires à Ophélia avant leur sortie sur le Chemin de Traverse. Sans la moindre souci, elle avait anticipé ses futures difficultés à choisir des vêtements sorciers. La petite elfe de maison avait conscience que sa sorcière n'avait pas les convenances du monde magique dans sa poche.

Son intervention permit à la jeune femme de souffler un temps et d'observer plus calmement tout ce qui l'entourait. De nombreux clients étaient gérés par d'autres vendeurs et vendeuses aux sourires courtois. Elle nota que les clients présentaient des airs plutôt crispés, presque comme s'ils étaient déjà pressés de partir.

En plein milieu de ce beau monde, les tissus aux mille teintes, paires de ciseaux et fils de couleurs, offraient un balais harmonieux à son regard ébahi.

_On se croirait dans l'atelier de Merlin, souffla Ophélia, impressionnée par une telle coordination.

Félicia ouvrit grands ses yeux et s'époumona en l'entendant.

_Comparer notre boutique à l'atelier de Merlin ! Merci d'un tel compliment, Miss, la directrice sera très honorée de l'entendre !

Son carnet de notes bien en main, Félicia se précipita entre ses collègues et les clients pour en avertir sa supérieure. Ophélia haussa un sourcil, étonnée par sa réaction.

_Merlin existe vraiment ? fit-elle à l'attention de Betsy.

_Il est le sorcier le plus célèbre. Vous ne pouviez pas faire de plus beaux compliments pour cette boutique.

_Oh, je vois. Au moins, je n'ai pas dit de bêtises.

_Vous vous en sortez très bien Miss! la rassura Betsy en lui levant les deux pouces en l'air.

Ophélia pouffa de rire, amusée par son encouragement attendrissant. Elle avait appris la veille à Betsy la signification de ce geste. La jeune femme et l'elfe de maison apprenaient chaque jour à se côtoyer et à s'apprécier par ces nombreux moments qu'elles partageaient.

Le retour imminent de leur vendeuse sortit Ophélia de ses pensées. Elles virent Félicia revenir accompagnée d'une petite femme au sourire chaleureux.

L'inconnue s'approcha d'Ophélia et lui attrapa les mains.

_Je suis Madame Guipure, la propriétaire de la boutique. Félicia est venue me chercher pour me raconter vos paroles, je vous remercie pour ce si beau compliment.

_Vous m'en voyez ravie, répondit Ophélia tout en tentant de se défaire de sa prise.

_Je vais moi-même prendre vos mesures, avancez vers le tabouret, vous y serez bien! J'ai pu jeter un œil à la liste que vous souhaitez, êtes-vous en train de refaire votre garde-robe?

_On peut dire ça oui…

Un ruban à mesure apparut autour du corps d'Ophélia. Madame Guipure se mit à prendre ses mesures avec minutie, elle dictait les chiffres d'une voix professionnelle à Félicia qui les notait sur son carnet.

_Avez-vous une préférence pour les teintes de votre manteau? Je vous conseille le poil de boursouf pour la fourrure, il vous tiendra bien chaud durant l'hiver et possède une douceur qui vous fera dormir n'importe où.

_J'aimerais des couleurs plutôt sombres.

En êtes-vous sûre? Madame Guipure releva son visage pour regarder Ophélia à travers le miroir. Il serait dommage de ne pas mettre en valeur la couleur de vos yeux.

Ses yeux bleus, qu'elle tenait comme seul héritage de sa famille, renvoyèrent son image dans le miroir. Ophélia avait toujours aimé leur couleur proche de celle de l'océan. Ce regard, qu'elle considérait comme un cadeau, lui paraissait fade à celui de sa mère. Enfant, elle jalousait la beauté de ceux d'Irina dont les pigments scintillaient au soleil.

_Restons sur du sombre, répéta Ophélia sans grande considération aux conseils de la couturière. Est-ce possible d'en faire autant avec le reste de mes vêtements?

_Bien sûr, abdiqua Madame Guipure sans se défaire de son sourire.

Le mètre disparut aussi vite qu'il était apparu. Madame Guipure sortit un calpin de la poche de son tablier et fit quelques rapides calculs et les emmena jusqu'à sa caisse pour l'encaissement. Ophélia ne perdit pas son calme quand il fallut donner la somme attendue, Betsy avait déjà prévu de lui montrer subtilement les pièces qu'elle devait choisir.

La patronne se frotta les mains, satisfaite d'une telle vente.

_Votre commande sera prête dans deux petites heures, vous pourrez envoyer votre elfe pour venir les chercher.

Madame Guipure fit enfin attention à Betsy et haussa ses fins sourcils.

_Betsy? Cela faisait un moment que je ne t'avais pas vu. Comment se porte Monsieur Fulster?

Les longues oreilles de Betsy se baissèrent d'autant plus vers le sol à la question.

_Betsy ne travaille plus pour Maître Fulster.

_Tu travailles pour Poudlard désormais, remarqua Madame Guipure en apercevant l'écusson de l'école brodé sur le vêtement de l'elfe. Vous êtes une nouvelle professeure ?

_Non, je suis une invitée. Le directeur a eu la gentillesse de mettre Betsy à mon service pour le temps de mon séjour.

_Un grand homme ce Dumbledore, Poudlard a de la chance de l'avoir! ajouta Félicia.

_Oui, Félicia, la coupa Madame Guipure. Je vous remercie pour la confiance que vous mettez dans notre boutique, vous ne serez pas déçue, Miss.

Déjà pressée par ses autres occupations, Madame Guipure les salua avant d'envoyer Félicia aider un autre client.

Betsy et Ophélia s'en allèrent du magasin, la jeune femme sentant déjà une grande partie de son énergie envolée après ce passage chez la couturière. Sans en démordre, Betsy la motiva à continuer les achats. Ce n'est pas sans mal qu'elles se chargèrent du reste des emplettes inscrites sur la liste de l'elfe de maison.

Entre les nombreux livres et matériaux, Ophélia ne savait plus où donner de la tête. Elle eût une petite pensée à tous ces élèves, sorciers ou non, qui devaient se coltiner ces achats à chaque rentrée.

Au fil de la sortie, Ophélia remarqua que Betsy se chargeait sans problèmes des objets et qu'importait la quantité. La jeune femme fut surprise en la voyant ranger une pile d'une douzaine de livres dans une minuscule sacoche accrochée à sa taille. Curieuse d'un tel prodige, elle lui demanda si le poids de ladite sacoche ne la gênait pas.

_Betsy ne ressent rien! C'est une sacoche spéciale que lui a remis le directeur avant d'aller vous chercher.

Évidemment, il a pensé à tout, se fit remarquer Ophélia.

Pressée d'enfin en finir avec tous ces achats, Ophélia se permit de prendre la liste des mains de Betsy. Il ne restait plus qu'une seule chose à acheter sur celle-ci, l'achat qu'elle redoutait le plus.

Des enfants hilares passèrent près d'elles avec des pétards farceurs. Une des étincelles s'entortilla dans les longues mèches d'Ophélia, laissant sur son passage une tracée de poussière étincelante. Ophélia, en sentant quelque chose passer dans ses cheveux, se mit à crier et à les frotter frénétiquement. Betsy s'affola tout en tentant de l'aider.

_Calmez-vous Miss!

_C'est quoi?! J'en ai toujours dans les cheveux!

La peur d'Ophélia fit rire la plupart des marchands qui n'avaient pas manqué une miette de la scène. Enfin calmée et honteuse, elle se rembrunit, s'en allant dans une direction pour fuir les rires, avec ses cheveux scintillants.

_Saletés de mioches…marmonna-t-elle

Betsy la suivit non sans mal. Les grandes enjambées d'Ophélia obligeaient la petite elfe à trottiner pour être à son niveau.

_Miss…Vous ne…Voulez pas…fit Betsy en peinant à suivre la cadence.

Ophélia réalisa la difficulté avec laquelle l'elfe de maison la suivait. Elle ralentit son allure, s'abaissant vers elle pour s'ajuster à sa hauteur.

_Excuse-moi Betsy! Je me suis emportée...Tu me disais ?

L'elfe de maison prit une grande inspiration.

_Miss doit acheter tout ce qu'il y a sur la liste avant de rentrer. Suivez Betsy, je vais vous mener jusqu'au magasin pour votre dernier achat.

Par chance ou malchance, selon le point de vue, elles étaient dans la bonne direction. Betsy se place en tête de leur groupe, n'ayant plus besoin de tenir la main d'Ophélia. Ce détail redonna un peu plus d'aplomb à la jeune femme. Cependant, à force d'approcher de la dernière destination, Ophélia tortillait furieusement ses doigts. Elle avait redouté ce moment depuis la veille.

La devanture de la boutique était ancienne, transmettant son vécu à travers divers détails. La veille peinture écaillée, le bois gondolé, les vitres envahies d'une fine couche de poussière…Le nom de la boutique était écrit d'un jaune craquelé qu'Ophélia réussit à lire :

Ollivander - Fabricants de baguettes magiques depuis 382 avant J.-C.

_382 av. J.-C. ! s'exclama Ophélia

La famille Ollivander s'est dévouée à la fabrication de baguettes de génération en génération. Vous ne trouverez pas de meilleur fabricant dans tout Londres. Betsy vous l'assure !

En entrant, une clochette tinta. Leur entrée était avertie. Pourtant, personne ne vint à leur rencontre. Ophélia toussota, l'air était imprégné de poussière.

_Es-tu sûre que nous sommes au bon endroit ? fit-elle en observant les lieux. Cela m'a plutôt l'air désert.

_Betsy en est persuadée, Miss.

Les murs envahis de boîtes tenues par le Saint Esprit impressionnaient Ophélia. Il y en avait tellement qu'elle n'aurait pu donner un nombre exact, du sol au plafond, elle ne voyait qu'elles. Un chandelier, dont la cire de ses chandelles le recouvrait en partie, illuminait faiblement la pièce.

Betsy s'avança et pointa du doigt la sonnette placée en évidence sur le comptoir. La jeune femme l'actionna plusieurs fois, faisant résonner son tintement dans toute la boutique.

_Je pense qu'il n'y a personne, insista Ophélia. Rentrons Betsy.

Un bruit de pas devança la réponse de l'elfe. Ollivander s'avança entre des étagères, les yeux cernés et les épaules voûtées. Il toussa un bon coup et reprit sa prestance de vendeur.

_Bienvenue…Veuillez m'excuser, j'entends de moins en moins en étant dans mon atelier… L'âge que voulez-vous ! Bon, que puis-je pour vous ?

_Miss Low souhaiterait acheter une nouvelle baguette, expliqua sans peur la petite elfe.

_Une baguette ? Vous êtes au bon endroit, le regard usé du fabriquant s'attarda sur Ophélia. C'est bien la première fois que je vous vois, Miss, vous n'avez pas acheté votre première baguette chez moi.

_En effet, Monsieur. J'ai vécu la plus grande partie de ma vie en Amérique.

Les yeux d'Ollivander s'allumèrent brièvement d'intérêt.

_Une Américaine, voyez-vous ça. Vous n'en possédez pas l'accent, c'est assez curieux, fit-il remarquer en s'installant derrière son bureau.

_Je n'ai jamais pu me dévêtir de l'accent londonien malgré toutes ses longues années.

Sa réponse parut satisfaire le sorcier. Ophélia, qui se concentrait pour paraître la plus naturelle possible dans ses réponses, ne pouvait s'empêcher de revoir des bribes de son enfance et adolescence, sans la moindre trace de magie. À chaque mensonge qu'elle prononçait, elle sentait le fond de sa gorge s'irriter.

_Voilà ce qu'allait devenir son quotidien: un profond dégoût envers cette fausse vie.

_Pourrais-je vous demander ce qui est arrivé à votre baguette?

_On m'a volé la quasi-totalité de mes affaires durant mon voyage, dont ma baguette.

Le visage du fabricant se rembrunit immédiatement.

_Vous m'en voyez désolé de l'apprendre. Le vol est bien l'un des actes que j'exècre le plus. Voler sa baguette à un sorcier…Dans quel monde vivons-nous…Bien, passons, pourriez-vous me transmettre ses composants?

_Bois de sorbier et crin de licorne, dicta-t-elle sans une once d'hésitation.

_Du bois de sorbier, en voilà un bois d'une grande pureté. Vous ne verrez jamais un sorcier lancer le moindre sort de magie noire avec une baguette faite de ce bois. J'imagine que vous deviez être une jeune fille très pacifique, mais prête à défendre son prochain à n'importe quel moment.

Ophélia n'avait aucune idée de l'importance du bois d'une baguette, elle s'était juste contentée de réciter bêtement ce qu'elle avait appris pour son rôle. Ollivander s'était élancé vers les innombrables boites entassées dans sa boutique, animé par une énergie nouvelle.

_Voyez-vous, je n'ai que très rarement vendu des baguettes à des sorciers adultes. Évidemment, des accidents arrivent toujours, mais en général, je ne revois que dans de très rares cas mes clients. Et tant mieux, je vous dirais ! Cela m'est insupportable d'apprendre qu'une de mes baguettes a pu être brisée…Tout ça pour dire que je suis impatient de voir quelle baguette va s'intéresser à vous.

Le bout de ses doigts se mit à pianoter sur de nombreuses boites, il hésitait grandement dans son choix. Puis, soudainement, il se stoppa devant une rangée en particulier. Le vieux fabriquant fronça des sourcils, attrapa une boite qui n'était pas encore recouverte de poussière comme ses consœurs.

Il l'attira à lui sans faire tomber le reste, les sourcils froncés. Sa main ouvrit la boite et toucha la baguette se trouvant à l'intérieur. En rentrant contact, il lâcha un bref bruit d'étonnement. Ollivander tourna son regard étonné vers Ophélia.

Il quitta les étagères pour les rejoindre. Ollivander présenta la boite ouverte, une baguette y reposait, bercée par un coussin molletonné. L'attitude du fabriquant avait complètement changé.

_Il n'y a qu'un moyen de le savoir, fit-il à voix basse.

Ophélia fixa la baguette qui attendait d'être testée. Un frisson la parcourait.

Son corps venait de se tétaniser, l'empêchant de lever le bras.

_Eh bien, qu'y a-t-ilMiss? s'impatienta le sorcier.

La jeune femme ne pouvait deviner la raison qui se cachait derrière cet empressement. Le fabriquant, dont la tension avait augmenté en un clin d'œil, devait vérifier ce que lui murmurait la baguette.

La main d'Ophélia resta obstinément fermée contre son flanc. Elle se sentait incapable de passer ce cap. Son esprit n'arrivait pas à l'imaginer avec une de ces choses dans ses mains. Tenir une baguette n'était pas un geste anodin à ses yeux.

Ophélia devait le faire pour son bien, pour son avenir.

Elle devait s'accepter comme elle était. Comme une sorcière.

D'un effort surhumain, elle finit par réussir à bouger. Elle approcha sa main de la boite, prête à l'attraper, quand elle finit enfin par la reconnaître. Un cri se cacha au fond de sa gorge, prise totalement au dépourvu.

Une voix brisa sa stupeur.

_Tu t'en penses vraiment capable ?

Le sang d'Ophélia se figea dans ses veines.

Elle releva le regard vers le sorcier se tenant devant elle. Ollivander avait disparu, remplacé par à un homme qu'elle n'avait rencontré qu'une seule fois. Une rencontre qui terrorisait encore ses nuits.

Son agresseur, dont une cicatrice barrait sa joue, la toisait de toute sa hauteur et présentait la boite contenant la baguette qu'il avait utilisée contre elle. Vêtu tout de noir, sa stature se fondait dans les ombres du magasin. Il avait les yeux brillants de folie, dont les murmures promettaient le pire.

En la voyant trembler, l'homme se mit à rire.

_As-tu peur ? As-tu peur de moi ? Oh ma petite, nous avons à peine commencé, toi et moi.

Ophélia recula, le visage transpirant de peur. L'apparition attrapa son poignet pour l'attirer vers lui, leurs nez se touchèrent presque.

_Tremble. Tremble en pensant à moi. Tremble pour nos futures retrouvailles.

L'air qu'elle avait bloqué dans ses poumons s'expulsa et devint un cri désespéré. Ophélia se débattit de toutes ses forces, envoyant valser la baguette au loin. Elle n'était plus capable de discerner la vérité au milieu de ces mirages.

_Miss Ophélia !

Betsy tirait désespérément sur la robe d'Ophélia pour la ramener parmi eux.

_Mais enfin qu'est-ce qui vous arrive? fit-il en prenant ses distances avec la jeune femme.

Ophélia se recroquevilla sur elle-même et emporta dans son geste la frêle elfe de maison. Toutes deux près du sol, Betsy put entendre des chuchotements.

_Ne venez pas. Partez, répéta Ophélia d'une faible voix.

_Miss, qui ne doit pas venir ? implora Betsy.

Avant qu'elle ne puisse lui répondre, elle sentit son esprit s'envelopper de brume. Elle s'évanouit près de Betsy, des larmes roulant sur ses joues.

/

_Betsy ne comprend pas ce qui est arrivé à la Miss! Elle s'est mise à hurler sans raison, expliqua l'elfe d'une voix plaintive.

_Du calme, Betsy, je te crois, fit calmement le directeur. Je te remercie pour l'avoir ramené entière jusqu'au château. Peux-tu la veiller pour moi?

_Oui! Betsy va veiller sur Miss Low avec beaucoup d'attention!

Betsy transplana sur ses mots pour rejoindre la chambre d'Ophélia tout en ignorant l'intensité de l'inquiétude qui animait le directeur. Les traits tirés par la fatigue, il posa son front dans ses mains. La culpabilité l'assaillait. S'il avait pris le temps de l'accompagner, aurait-il pu éviter ça?

Il avait senti son vieux cœur sur le point d'exploser quand il l'avait vu, l'évitant dans l'air, inconsciente. L'espace de quelques secondes, il avait cru qu'un malheur avait frappé.

Fumseck lavait son plumage de son perchoir tandis que son maître se remettait à son rythme de la nouvelle. La rentrée n'était pas encore arrivée, qu'il ne se sentait déjà plus d'attaque pour quoi que ce soit. Son regard finit par dériver jusqu'à sa main maudite, la preuve qu'il avait fait preuve de faiblesse.

Il ne pouvait plus s'en accorder.

Dumbledore comptait bien gagner la guerre en cours tout en la protégeant. C'était bien la seule chose qui arrivait encore à l'animer. Pour réaliser ce souhait, il devait réunir bien plus d'informations, chercher dans les moindres recoins.

Il se leva de son fauteuil pour s'approcher de sa pensine personnelle. Il savait déjà quel souvenir il comptait revoir. Sa main attrapa ledit souvenir et le versa dans la pensine. Albus pencha son visage et l'y plongea.

Le décor se matérialisa rapidement devant ses yeux et montra une version de lui un peu plus jeune. Son lui du passé lisait un bouquin quand on toqua à la porte de son bureau.

_Albus, c'est moi, fit une voix qu'il reconnaitrait entre mille.

Le souvenir s'anima, il alla ouvrir la porte. Derrière celle-ci s'y trouvait Irina, habillée d'un tenue de voyage abîmée.

_Irina! Entre, je t'en prie. Je ne savais pas que tu étais de retour, dit-il en s'écartant de l'entrée.

Sa disciple rentra d'un pas lent, le visage marqué par des égratignures. Albus prit le temps de l'observer dans les moindres détails. Manifestement, son voyage l'avait épuisée, elle avait perdu du poids depuis la dernière fois qu'ils s'étaient vu. Ses anciennes joues légèrement rondes de ses restes de jeunesse, s'étaient creusées. Les traits de son visage étaient tirés par la fatigue et ses cheveux s'étaient ternis.

Il montra de la main le canapé pour qu'ils y prennent place.

_Raconte-moi, comment s'est déroulé ton voyage? fit-il innocemment, feignant de ne pas s'être aperçu de son état.

_Je suis désolée, mais je ne suis pas venue pour ça, refusa poliment Irina d'un pale sourire.

Dumbledore fronça les sourcils, étonné par un tel refus. Elle sortit de son sac une lettre scellée qu'elle lui donna.

_J'aimerais que tu remettes cette lettre à mes parents dès que je serais partie.

_Tu comptes déjà repartir?

La déception dans cette question ne passa pas inaperçue. Irina lui fit un sourire empreint de tristesse. Un sourire dont la vue lui fit craindre le pire. Elle se pencha et attrapa ses mains dans les siennes.

_Cette demande, je te la fais, car je n'ai pas assez de temps pour m'y rendre moi-même. Je me dois de repartir dès ce soir.

_Irina, que se passe-t-il? dit-il d'une voix inquiète.

Elle plaça dans ses vieilles mains la lettre.

_S'il-te-plait, Albus. Peux-tu faire ça pour moi?

La voix de sa disciple avait vacillé sur les derniers mots. Elle lui sembla si frêle à ce moment présent, dépourvue de force. C'était bien du désespoir qu'il perçut dans le fond de ses yeux.

Il serra la lettre entre ses mains, signe qu'il acceptait sa demande.

_Merci, lui murmura Irina avant de l'enlacer une dernière fois.

La sorcière se détourna de lui, emportant sur son épaule son sac à dos.

Il voulut la retenir, exiger des réponses avant qu'elle ne parte. Mais au pas de la porte, elle se stoppa d'elle-même. Irina se retourna, sur le point de parler. Albus attendit, prêt à tout entendre. Pourtant, au lieu de ça, elle ne prononça aucun mot.

Elle ne fit que de le regarder, de la manière la plus honnête qu'il ait pu voir.

Suite à cet échange de regard, elle s'en alla.

Dumbledore ressortit son visage de la pensine. Il avait beau le revoir encore et encore, il ne décelait pas d'éléments supplémentaires, pas de réponses muettes qu'il aurait pu trouver en revoyant son regard. L'intensité qu'elle avait mise dedans le hantait.

Que comptait-elle lui avouer? Il ne cessait de se poser la question.

Il s'assit à son bureau et replaça ses lunettes sur son nez. Des missives de l'ordre du Phoenix se trouvaient éparpillées dessus, attendant qu'il veuille prendre la peine d'y répondre. Du bout du doigt, il les fit glisser jusqu'à lui. Il n'avait pas de temps à accorder à ses souvenirs, pas à ceux-là, en tout cas. Dumbledore se devait d'aider Harry pour la défaite de Voldemort, de préparer ses alliés pour ce dernier affrontement.

Mais malgré ses impératifs de la plus grande importance, la présence de celle qu'il aurait pu considérer comme sa propre petite-fille, le faisait dévier. Elle le rendait plus tendre, presque faible. Faible de ne plus se préoccuper du chemin qu'il emprunterait.

Son souhait était d'effacer ses regrets.

Ces regrets qui l'assaillaient jour et nuit depuis qu'il avait reçu la lettre d'Irina.

Le phœnix releva rapidement sa tête et regarda un coin précis vers l'extérieur. Un hibou fit son apparition, les plumes recouvertes de suie et tenant un paquet entre ses griffes. L'animal fit son atterrissage sur le bureau du directeur en abandonnant rapidement sa livraison pour se reposer. Le directeur attrapa le colis et lu la note qui se trouvait à l'intérieur.

Ses sourcils se froncèrent en lisant les quelques lignes qui s'y trouvaient. Ce qu'il venait de recevoir était loin d'être un bon présage.

/

Elle était allongée sur le dos, la tête posée sur un coussin. Malgré qu'elle se soit réveillée, elle préférait garder les yeux clos. Elle put écouter les allés et venus de Betsy dans sa chambre, le clapotement de l'eau contre la bassine quand elle essorait contentieusement la compresse qu'elle déposait sur son front, et les petits mots gentils qu'elle lui murmurait dans l'espoir de la voir en pleine forme.

Ophélia prenait le temps de se remémorer ses derniers souvenirs. Elle se revoyait dans la boutique d'Ollivander, peinant à se lancer pour attraper cette fichue baguette. Et réaliser seulement au dernier moment ce que contenait réellement la boite.

Elle avait failli toucher cette baguette. Celle de cet homme.

Il lui était apparu. Sa présence avait accaparé tous ses sens et broyé son cœur. La terreur qu'elle avait ressentie l'avait nourrie. Cette apparition avait dépassé de loin ses cauchemars, maintenant il se permettait de corrompre même la réalité.

Tandis que la peur l'avait enfin quitté, elle comprenait qu'elle avait simplement eu une hallucination. Ce qu'elle avait vu et ressenti, tout n'était qu'une vile farce de son propre esprit.

Un esprit qui défaillait.

Un déraillement impossible à stopper.

Ophélia souffla un bon coup et enleva la compresse de son front. Elle ouvrit enfin les yeux, rencontrant le plafond comme premier interlocuteur. Betsy avait déjà quitté sa chambre, sûrement déjà retournée avec les autres elfes pour s'occuper des derniers préparatifs avant le coucher.

En se relevant, son estomac se broya et lâcha un son plaintif.

Depuis combien de temps je n'ai pas mangé? demanda-t-elle à son ventre. Betsy ne va pas être contente si elle t'entend.

Elle sentit un rire incontrôlable monter jusque dans sa gorge. Allait-elle petit à petit sombrer dans la folie sans qu'elle puisse agir ? Ophélia n'en savait rien, elle peinait à juste garder sa tête hors de l'eau, de ne pas étouffer avec ses propres craintes.

Quand elle put s'arrêter de rire, elle s'empressa de prendre une douche, de profiter de l'eau chaude s'écoulant sur son corps pour l'aider à se recentrer sur le réel. Elle frotta furieusement son corps dans l'espoir que les souvenirs incrustés dans sa peau s'atténuent.

Enfin propre, elle finit par remarquer les nombreux sacs trainants près de sa commode. Tous les habits commandés chez Madame Guipure étaient soigneusement pliés, attendant qu'Ophélia veuille bien les revêtir. Elle décida de porter une robe d'été faite partiellement de dentelles, accompagnée par une cape pour couvrir ses épaules de la brise nocturne. En voyant son reflet dans la glace, elle se sentit un peu moins différente et soulagée de ne plus porter la robe informe de l'école.

Son bureau, à l'habitude si organisé, croulait littéralement par tous les livres et ustensiles qu'elles avaient achetés des heures plus tôt. Betsy avait pris la peine de trier partiellement les achats pour qu'elle puisse se retrouver au milieu d'eux.

Dans un besoin soudain de combler le vide dans ses mains, elle prit le carnet que lui avait confié le directeur la veille. La sensation du cuir contre sa peau sut apaiser les battements de son cœur.

Elle s'arrêta près de la porte d'entrée, prise d'une hésitation.

Si elle allait encore une fois se promener sans prévenir Betsy, elle encourait le risque de croiser la route d'un sorcier. Après ce qu'elle venait de vivre dans l'après-midi, aurait-elle la force d'y faire face sans perdre ses moyens?

Elle se mit à repenser aux petites mains de l'elfe de maison quand elle s'occupait d'elle durant son sommeil, s'inquiétant pour son état. Ophélia ne souhaitait pas inquiéter la créature par une nouvelle crise. Pourtant, au-delà de ses peurs, elle ne put se retenir d'attraper la poignée, s'engageant déjà dans les couloirs.

Ophélia désirait. Elle désirait s'entourer de nature, sentir la terre sous ses pieds et le vent jouer dans ses cheveux.

Elle se dirigea d'un pas assuré vers l'extérieur, non sans garder ses sens en alerte. Son empressement la fit accélérer la cadence et ignorer les regards agacés des tableaux importunés par son passage.

_Tu ne cesses de faire du grabuge! l'interpella une voix enfantine.

Dans sa précipitation, elle n'avait pas remarqué qu'elle passait près du tableau de la fillette dans un champ.

_De quoi parles-tu? l'interrogea Ophélia en s'arrêtant devant son tableau.

La fillette se mit à rire tout en se mettant à danser au milieu des fleurs.

_D'après ce que j'ai pu entendre, une elfe de maison t'a ramené au château alors que tu avais perdu connaissance. Cela n'a pas arrêté de jaser sur la raison de ton évanouissement. Et je suis assez curieuse de l'apprendre.

_Sais-tu que la curiosité est un vilain défaut?

_Oh, je ne sais que trop défauts de nos peintres s'infiltrent volontiers dans notre toile, fit-elle malicieusement. Alors? Qu'est-ce qui a bien pu arriver à notre nouvelle fouteuse de trouble?

Le comportement de la peinture l'amusait assez pour qu'elle se détende.

_Je peux juste te dire que quelque chose m'a fait peur.

_Tu t'es évanouie de peur? dit la fillette en haussant les sourcils. Eh bien, ça devait vraiment être effrayant, ce que tu as vu.

Ophélia se décala sur cette affirmation, ne voulant pas repenser une nouvelle fois à la vision de son agresseur.

_Attend! la retint la fillette. Où vas-tu cette fois-ci? N'étais-tu pas venu pour la bibliothèque?

_Je veux prendre l'air et j'ai déjà de quoi lire, affirma-t-elle en montrant brièvement le volume dans ses bras.

_Toute seule, à cette heure?

_Est-ce un problème? demanda Ophélia en perdant patience.

_Pas pour moi, au contraire, je suis plutôt du côté de ceux qui vont à l'encontre des règles, gloussa la fillette.

Elle se mit à s'allonger dans le champ de fleurs tout en gardant son regard tourné vers Ophélia.

_Mais fait simplement attention à toi, reprit-elle avec plus de sérieux. Il se trame de nombreuses choses dans les ombres.

Sur cette mise en garde, elle s'en retourna à ses fleurs, ne lui portant plus la moindre attention. Ophélia s'en alla en replaçant sa cape sur ses épaules. Les paroles du tableau l'avaient rendu perplexe. Le directeur lui avait assuré qu'elle était en sécurité au sein de l'école, mais ça ne semblait pas être l'avis général des habitants du château.

Au lieu de rebrousser chemin, elle reprit sa route dans les longs couloirs.

Toutes les fois où elle avait fait pression pour que Betsy l'emmène se balader lui permettaient d'avoir une meilleure idée de l'étendue du château et de ses recoins. Elle retrouvait, bien qu'avec peine, des passages la menant là où elle souhaitait se rendre. Un grand sourire apparut sur ses lèvres quand elle atteint l'extérieur.

L'obscurité embrassait les jardins de Poudlard et donnait l'opportunité aux insectes et aux animaux nocturnes d'observer l'humaine venu du futur. Le ciel étoilé accompagnait la balade d'Ophélia par le scintillement de ses astres.

Ophélia s'était empressée d'enlever ses sandales et de marcher dans l'herbe fraîche. Ses poumons s'octroyèrent le bonheur de respirer de grandes bouffées d'air, un air non enfermé entre quatre murs, un air rempli par l'humidité de la nuit.

La lumière des réverbères empêchait la jeune femme de se perdre au milieu de ces étendues verdoyantes. Savourant la quiétude de ce moment qui n'appartenait qu'à elle, elle déposa ses affaires dans un coin et se mit à chantonner un air de son enfance.

Tout en chantonnant, le flot de ses pensées faisait tourner la machine à plein régime.

Allait-elle devoir retourner à cette boutique de baguettes ? Dumbledore la forcerait-il à s'y rendre ? Elle devait posséder une baguette pour s'entraîner, mais était-elle véritablement nécessaire pour utiliser la magie ?

Ce dernier questionnement mit fin à sa chanson, dont les dernières notes moururent, absorbées par l'immensité du parc. Elle décida de s'asseoir et de lire le carnet. Elle lut plusieurs articles dont les sujets divers et variés dépassaient de loin ses connaissances actuelles. Cet écart ne l'empêchait pas d'apprécier les anciens essais de sa mère. Au contraire, elle aimait ce qu'elle avait sous les yeux, même si elle ne pouvait tout comprendre, cela restait une trace d'Irina.

Plusieurs photos d'Irina, au même âge qu'elle, chamboulèrent son cœur. Son sosie d'une autre vie lui souriait, une sosie qui vivait entièrement pour la magie et le savoir. Cette Irina, qu'Albus avait connue, n'avait rien de familier pour la jeune femme. Et comme l'avait prédit le directeur, se pencher sur ce carnet permettait à Ophélia de se raccrocher à quelque chose.

Ce fut avec la tête pleine de mots inconnus et de théories farfelues, qu'elle le referma et le mit de côté.

Son regard se mit à suivre lentement le chemin qui descendait en contrebas, menant tout droit au grand portail. Elle le reconnut sans mal, puisqu'elle l'avait emprunté avec Betsy le matin pour se rendre jusqu'au Chemin de Traverse. Les statuts des sangliers volants, qui gardaient le portail, l'avaient laissé dubitative.

Alors qu'elle s'apprêtait enfin à rentrer, elle remarqua une ombre emprunter ledit chemin, remontant la tête baissée.

Prise de panique par cette arrivée inattendue, Ophélia se releva d'un bond et oublia momentanément ses affaires dans la précipitation. Elle fit quelques enjambées pour s'éloigner de la lumière et se dissimula derrière des broussailles.

Accroupie autant qu'elle le pouvait pour se cacher, elle put voir la personne qui s'approchait. Elle bloqua sa respiration en reconnaissant le professeur Rogue.

Il tenait sa baguette devant lui, l'extrémité de celle-ci était illuminée d'une vive lumière.

Ophélia fit tout son possible pour ne pas bouger le moindre muscle, elle se concentra sur la montée du sorcier. Dans l'urgence, elle avait oublié de prendre ses affaires avec elle. En remarquant son erreur, elle pria pour que le sorcier ne détourne pas son regard de la route. Il y avait une infime chance pour qu'il n'y fasse pas attention.

Un animal détalla subitement des buissons, créant la parfaite nuisance sonore pour briser le silence. Severus tourna immédiatement sa baguette vers le bruit, portant son regard aiguisé entre les feuillages. Elle, qui s'était mentalement préparée à s'enfuir comme un lapin, perdit tout courage de sortir de sa cachette. Il la rattraperait sans mal si elle faisait ce choix.

La jeune femme resta immobile, le fixant à travers les feuillages.

De là où elle était, elle pouvait à peine discerner le visage du professeur qui se mélangeait avec le contre-jour. Cependant, elle crut percevoir son froncement de sourcils en voyant ses sandales et le carnet abandonnés. Il s'approcha de ses affaires et se pencha pour récupérer le journal.

En voyant sa main tenir ce journal, son cœur fit un bond dans sa poitrine. Elle ne pouvait pas accepter que cet homme puisse le toucher, encore moins le lui prendre. Ophélia sortit brusquement de sa cachette, ses yeux lançaient déjà des éclairs.

_N'y touchez pas !


N'hésitez pas à me laisser un commentaire !

Je vous dis au moins prochain pour la suite :)