Chapitre 8 – Enfouir le passé
Un brouhaha de cris d'animaux et de conversations lointaines fit doucement émerger Sakura d'un sommeil sans rêve. Elle entrouvrit un œil, puis l'autre, encore ivre de fatigue. Il lui fallut de longues secondes pour se resituer dans le temps et dans l'espace. Lorsque la reconnexion à la réalité fut effective, elle se redressa brusquement, le cœur palpitant.
Le parchemin. Suna. L'attaque. Ses brûlures. Son kimono. La chambre cramoisie.
- Pas trop de cauchemars? lança une voix non loin d'elle.
Le rythme cardiaque de la jeune femme décéléra.
Kakashi.
- N… Non. Tout va bien, articula-t-elle, encore dans le brouillard
La fenêtre de la chambre du rez-de-chaussée s'ouvrait sur une petite rue, loin de l'animation du centre-ville. Seules quelques carioles passaient, certaines remplies de marchandises, d'autres transportant probablement des voyageurs. La tempête s'était calmée. Kakashi se tenait debout, les coudes adossés à l'encadrement de la fenêtre, retourné vers Sakura. Son visage était neutre, et son allure habituelle. Un calme pareil après les évènements de la veille était presque déstabilisant, à l'image de la météo du jour, après celle de la veille.
- Tu mens mal, lança celui-ci tout en reportant son regard sur le trafic au dehors
- Comment cela? répondit-elle, étonnée
- Tu as beaucoup gémi pendant ton sommeil.
- … Quoi?
- En fait, tu gémis toutes les nuits.
Elle se figea, la bouche entrouverte.
- Comment savez-vous ça? Vous ne dormez jamais, vous?
- Je te l'ai déjà dit. Je n'ai pas besoin de beaucoup de sommeil.
- J'ai très bien dormi, asséna-t-elle. Je n'ai absolument pas cauchemardé.
Il n'insista pas. Elle l'observa enjamber brusquement la fenêtre, se retrouvant en une fraction de seconde dans la rue.
- Mais… Et les portes? lança-t-elle désabusée
- Je t'ai trouvé des habits, pendant que tu dormais. Je t'attends à l'entrée de l'auberge.
A ces paroles, elle remarqua un petit tas d'habits à sa droite, soigneusement plié. Lorsque son regard reconnaissant rechercha le Jonin suite à cette découverte, il avait déjà disparu. Encore sous le coup de la surprise, elle attrapa avec délicatesse la tunique noire accordée à un gilet jaune sans manche. Simple mais efficace. Elle s'étonna de voir en dessous une sorte de jupe épaisse accordée à des collants tout aussi épais et aux couleurs assorties à son haut. Elle n'avait pas fait attention aux tenues vestimentaires des locaux en arrivant, mais elle ne serait pas étonnée de se fondre dans le paysage de la population ainsi vêtue. C'était probablement le but, d'ailleurs. Alors qu'elle enfilait cette tenue confortable mais féminine, elle se mit à rougir en constatant un fait banal, mais vu les circonstances, pas si banal que cela.
La tenue était tout juste à sa taille.
La tempête s'était calmée. Le ciel se dégageait définitivement et le soleil brûlait à nouveau malgré l'heure encore matinale. Les deux habitants de Konoha marchaient côte à côte dans l'une des rues de la ville, leurs estomacs remplis d'un petit déjeuner pris à la hâte dans un petit restaurant attenant à l'auberge – le regard de l'aubergiste au passage de Sakura au petit matin lui avait coupé l'envie de manger sur place.
Sakura essaya d'oublier ce regard désagréable, la remarque de Kakashi sur ses supposés cauchemars et sa violente agression. A le regarder ainsi, sa démarche nonchalante habituelle, mains dans les poches et regard mi-clos dans le vague, elle finissait par se demander si l'incident de la veille n'était pas le fruit de son imagination, ce qui aurait expliqué ses gémissements et son pseudo cauchemar.
Le gilet déchiré au niveau du bras de Kakashi et sa propre tenue noire et ocre la rassura sur son état mental encore indemne.
- Donc, murmura la rose tout en marchant, il faut mettre cette journée d'attente à profit pour aller à la bibliothèque de la ville, chercher des indices sur le sort interdit. C'est peu probable que la réponse à nos questions soit là-bas, mais nous n'avons pas d'autre piste…
- En effet.
- Bien.
Ils poursuivirent leur chemin, essayant de se fondre dans la population, suivant les écriteaux et demandant parfois la direction à prendre aux locaux qu'ils croisaient. Il semblait que la bibliothèque soit à bonne distance de leur auberge de fortune.
Elle avait remercié Kakashi. Remercié pour la tenue qu'il lui avait choisie – elle était sûre qu'il l'avait vue rougir lorsqu'elle était sortie de l'auberge et qu'elle s'était présentée à lui ainsi. Il était resté imperturbable à son apparition, et elle s'était surprise à se sentir déçue. Déçue de quoi? C'était ridicule. Elle s'était ressaisit rapidement, enchainant pour le remercier pour l'avoir soignée la veille. Il avait renvoyé les remerciements pour sa propre blessure, d'un ton plus froid que la veille. Son regard fuyait, et son sourire de la veille n'apparaissait plus sur son visage.
Après une bonne demi-heure de marche, la bâtisse décrite par les locaux apparut devant leurs yeux, facilement reconnaissable par ses kanjis caractéristiques au-dessus de la porte d'entrée. Ils s'engouffrèrent à l'intérieur, guettant le moindre signe de filature. Aucun chakra proche ne paraissait suspect, ou agressif. En entrant, ils constatèrent que la bibliothèque n'étouffait pas de présence humaine. Seuls quelques adolescents zonaient dans le rayon des livres de leur âge. Ils montèrent à l'étage et sans surprise, se retrouvèrent seuls dans le rayon des livres du Moyen-Age.
Ils s'installèrent sans hâte sur l'une des tables mise à disposition au fond de la salle, non sans avoir d'abord parcouru des yeux les ouvrages présents et en avoir sélectionné quelques-uns qui leur paraissaient dans le sujet. Assis l'un en face de l'autre, seul le froissement des pages tournées régulièrement rompait le silence. La poussière dégagée par le feuilletage de ces livres d'un autre temps arrachait parfois des éternuements intempestifs.
La rose essayait de rester concentrée sur le but de la mission depuis au moins deux heures – trois clones plus motivés qu'elle feuilletaient d'autres ouvrages simultanément dans d'autres rayons de la grande salle – lorsque son regard se posa encore une fois sur le visage masqué de Kakashi. Elle le trouva incroyablement intéressé par «Historique des dix plus grands clans du village de Suna depuis la 2ème grande guerre». Terriblement suspect. Elle se leva brusquement dans un raclement de chaise, sa main attrapant l'arête supérieure du livre du Jonin pour l'abaisser d'un geste vif. Kakashi ouvrit des yeux ronds à ce geste, hébété.
- Quoi? Qu'est-ce qu'il y a?
- … ne voyant rien d'anormal, se rasseyant doucement … Non, rien.
- Qu'est-ce qu'il te prend?
- Un sourire sur le visage, d'un ton taquin Rien. Je pensais qu'un de vos Icha Icha était caché dans votre livre.
- Maa, Sakura, pour qui me prends-tu?
- Eh bien pour vous, voyons.
- Soupirant tout en reprenant sa véritable lecture Est-ce vraiment juste cette image que vous avez de moi?
- Quelle autre image voudriez-vous que j'ai de vous?
- Tu es dure avec moi, tu sais.
A défaut de l'avoir fait sourire, Sakura se sentit plus légère et se mit à parler plus librement que lors des deux dernières heures.
- Trouvez-vous quelque chose d'intéressant?
- … Non.
- … Avez-vous réfléchi à la personne qui pourrait être concernée par ce sort chez nous à Konoha?
- Non, répéta le Jonin en tournant une page d'un air absent
- D'un air songeur … Cela aurait pu être Itachi…
- Il est mort. C'est impossible.
- Je le sais, merci, répondit-elle un peu sèchement. Mais… Je ne vois pas d'autre personne. Quelqu'un de mal intentionné… Ou que tout le monde détesterait…
Comme à chaque fois qu'elle y pensait, l'image de Sasuke s'imposa à son subconscient. Elle essaya de refouler cette pensée tant bien que mal, la boule au ventre.
- Peut-être est-ce quelqu'un qui a été banni? continua-t-elle Qui ne vit plus à Konoha? Peut-être est-ce un ancien membre d'Akatsuki qui aurait survécu?
- … Cela parait peu probable…
- Et Orochimaru? s'écria-t-elle brusquement
- Peut-être.
- Agacée Vous pourriez faire au moins semblant de trouver ce sujet intéressant.
- Notre mission est de trouver comment lever la malédiction, et de récupérer le parchemin de Suna. Pas de savoir de qui il s'agit.
- … Au temps pour moi. Je pensais que Kakashi Hatake, 6ème Hokage, ancien célèbre ninja copieur et shinobi d'élite de l'Anbu ne se bornait pas à exécuter juste ce qu'on lui demandait…
Il l'ignora superbement, le regard toujours inégal plongé dans sa lecture soporifique. Elle l'observa encore quelques minutes, puis ferma et claqua son propre ouvrage sur la table en bois, brusquement inspirée.
- Vous vous souvenez que vous vouliez vous faire pardonner de vos manquements envers Naruto, Sasuke et moi depuis ces dernières années?
- Levant le nez de son livre, le regard suspicieux … Attend, ce n'est pas toi plutôt qui a évo…
- Bon, d'accord, juste envers moi-même, coupa-t-elle un peu pressée. Vous cherchiez une façon de vous repentir.
- Posant son livre … «Repentir», je ne me souviens pas avoir utilisé ce terme…
- Vous auriez pu. Et j'ai une idée pour oublier tous vos retards. Votre avarice. Vos manquements. Enfin ESSAYER d'oublier.
- ... Sakura, est-ce vraiment nécessaire de…
- Je souhaiterais pouvoir vous poser des questions sur vous. Et vous devrez m'apporter une réponse sincère.
Il la dévisagea comme si elle venait de sortir une énormité.
- … Quoi? C'est tout?
- Kakashi sensei.
- Oui?
- J'ai dit: une réponse SINCERE.
- Une goutte de sueur perlant de long de son front …
- Alors?
- … L'intérêt?
- Mission d'espionnage. Vous savez pourquoi Tsunade-sama vous a choisi… Facilitez-moi un peu la tâche.
Elle mentait, mais se félicita intérieurement d'avoir trouvé ce prétexte de dernière minute pour ne pas paraître suspecte… Peu de risque que Kakashi discute directement avec la Sanin pour qu'elle soit démasquée. Cependant, le visage de l'intéressé restait fermé, ses yeux mi-clos la dévisageant d'un air sceptique. Il n'allait pas accepter. Elle tenta le tout pour le tout.
- … Une seule question par jour seulement, Kakashi sensei…
- tiquant sur le dernier mot Je devrais peut-être moi aussi imposer mes conditions…
- Comprenant ce qu'il sous-entendait J'arrêterai de vous appeler Kakashi sensei si vous acceptez. Du moins… je vais essayer.
Ses joues brûlèrent à cette proposition. Elle n'avait encore jamais réussi à ne pas l'appeler ainsi, mais se jura d'essayer s'il acceptait. Le jeu en valait la chandelle…
- … Maa, va pour une question par jour. Si cela sert vraiment à quelque chose…
Elle se sentait exploser de joie intérieurement comme une enfant de 12 ans. C'était grisant, un petit pouvoir sur cet homme qui en avait tant. Au lieu de réfléchir à sa première question, elle la posa sans se rendre contre que la prochaine devrait attendre le lendemain.
- Pourquoi vous rendez-vous tous les soirs sur votre propre portrait, à Konoha?
Elle aurait pu en poser tellement d'autres, qui auraient amené des réponses probablement plus importantes. Pourtant, c'était celle-ci qu'elle attendait. C'était en le voyant faire ses allers-retours sur cette falaise pendant ces quinze jours qu'elle avait senti son cœur palpiter pour la première fois en le voyant. Elle avait passé un temps certain à l'observer observer. C'était irrationnel. Comment ne l'avait-elle pas vu avant, lorsqu'elle le cherchait désespérément pendant des heures, des jours, à la demande de Tsunade? Ne le cherchait-elle pas vraiment?
Elle observa sa réaction et s'étonna de son air encore impassible, comme si elle lui avait demandé ce qu'il avait mangé au petit déjeuner.
- Je pourrais te retourner la même question, non?
Elle, en revanche, resta quelques secondes bouche bée. Avait-elle été si peu discrète? Elle préféra jouer la carte de l'humour.
- Je ne vais pas sur mon propre portrait. Je ne suis pas Hokage, moi.
La remarque arracha un sourire au Jonin, et elle sentit son cœur se réchauffer, et sa respiration s'accélérer imperceptiblement lorsqu'il releva son regard onyx sur elle.
- Je crains que la réponse à cette question ne soit pas celle que tu attendes…
- Je n'attends aucune réponse précise.
- Et toi alors? Tu n'as pas autre chose à faire de plus intéressant?
- Jouant la carte de l'honnêteté … Je vous ai vu une fois par hasard. Tsunade m'a demandé de vous avoir à l'œil… Alors parfois je suis revenue vous surveiller.
Presque honnête.
- Tu venais bien avant de m'avoir vu, non?
… Quoi?
- … Quoi? Comment ça?
- Tu y vas quasiment tous les soirs depuis des mois. Des années?
- Perturbée Comment savez-vous cela? Depuis quand vous?...
- Naruto était inquiet.
Elle eut l'impression de comprendre. Elle fronça les sourcils.
- Il vous a demandé… de m'espionner? Lui aussi?
- Ça fait beaucoup trop de questions ça, Sakura. Je crois que tu as dit: une par jour.
Le… Elle s'adoucit en sentant sur elle son regard espiègle et rieur. C'était un regard un peu énigmatique, mais qu'elle aimait voir sur son visage, autant que le sourire qui étirait son masque noir. Elle se surprit à accepter la défaite – elle était pourtant du genre très mauvaise joueuse, Ino pourrait en témoigner.
- Vous êtes très fort pour retourner la situation et éviter de répondre aux questions…
- Je n'ai jamais dit que je ne voulais pas répondre à ta question… C'est juste que je ne pense pas que la réponse soit intéressante.
- A moi d'en juger, non?
Il soupira, tournant une page poussiéreuse, qu'elle n'était pas sûre qu'il ait vraiment lu.
- … J'observe le village. Je pense à… certains évènements, certaines personnes. J'imagine que je fais comme toi… J'essaie de prendre du recul de mon promontoire sur les choses.
- Vous pensez aux gens qui sont morts? A Obito?...
- … Moins qu'avant.
- Son cœur s'emballant Ah oui? Et pourquoi?
- … Je ne sais pas. Je pense que… J'ai pu dire au revoir à Obito. Et me faire pardonner…
Elle sentit son cœur s'accélérer et ses mains devenir un peu moites, posées sur son livre fermé. Kakashi ne se confiait jamais. Elle essaya de recueillir ses aveux avec tact, et elle l'écoutait avec une attention inébranlable.
- De quoi deviez-vous vous faire pardonner? Je ne connais pas le détail de votre histoire, avec Obito et Rin… Mais je vous connais. Vous n'avez pas pu faire quelque chose de mal. C'est impossible.
Kakashi ne répondit pas, mais il lui lança un regard un peu particulier. Elle continua, avide d'en savoir davantage.
- … Alors, vous avez fait en quelque sorte la paix avec votre passé, avec tout ce qui s'est passé à la fin de la guerre avec Obito?
- … J'imagine, oui.
- Alors à quoi pensez-vous tous les soirs? Au futur ? A vos projets?
- Non. Je crois que je suis justement dans l'instant présent.
- Et alors? Qu'y a-t-il dans votre instant présent?
- … Et dans le tien, Sakura?
Elle réfléchit à cette question qu'il lui retournait à nouveau, évitant ainsi d'y répondre lui-même. Elle devait être sincère, si elle voulait qu'il le soit aussi… La confiance, se répéta-t-elle. Elle avait déjà menti tout à l'heure. C'était déjà trop.
- Dans mon instant présent… ses yeux fuyants ceux de Kakashi Il y a beaucoup de fuite. Je ne sais pas toujours ce que je veux.
- le regard étonné … Ah?
- les sourcils froncés Naruto… Il vous a vraiment demandé de me surveiller? Pourquoi?
- … Eh bien je ne sais pas, mais j'imagine que ta réponse répond elle-même à ta question…?
- … Probablement… brusquement honteuse, les joues rouges Excusez-moi. Ce que je vous raconte n'a aucun intérêt pour vous.
- Riant doucement C'est moi qui ai posé la question.
- Vous me l'avez posé pour éviter de répondre. C'est tout.
- Sincèrement étonné … Pourquoi, je ne m'intéresse pas à toi?
- Si… Enfin non! Enfin si, mais pas comme ça… Enfin bref! Aucune importance!
Mon dieu. Vite, faire revenir son sourire. Effacer ce regard éberlué de son visage. Vite.
- Ses entrailles en feu En tout cas, Naruto n'a aucune raison de s'inquiéter, et de vous embêter à vous demander de m'espionner. Je le rassurerai en arrivant. Je vais très bien. Désolée pour tout cela.
Elle cacha son visage probablement écrevisse derrière le premier livre à portée de main, souhaitant disparaitre sous terre. Son cœur résonnait dans ses tempes, qui pulsaient avec fureur. Elle entendit pourtant la voix du Jonin à travers la couverture de son livre.
- Tu es mon ancienne élève. Sasuke n'a plus besoin de moi depuis bien longtemps… Et Naruto non plus, quoi qu'il en dise. Il se débrouille parfaitement dans son nouveau rôle. Toi aussi, tu as grandi, et tu es devenu un des meilleurs ninja médecin de ta génération…
- Non, je suis LA meilleure, coupa-t-elle toujours cachée derrière son livre
- C'est vrai, pardon, s'amusa-t-il.
- …
- Si des choses ne vont pas, j'imagine que tu as Sasuke à tes côtés, non? Tu n'es pas seule?
Bon sang, elle aimerait répondre la vérité. Elle aimerait à son tour lui retourner un «et vous?» Mais non. Elle hocha la tête en abaissant son livre pour qu'il la voit, et elle tomba à nouveau sur son regard un peu interloqué. Il semblait troublé par son attitude, et il y avait de quoi.
- Reprenons nos recherches...
Elle se recroquevilla dans sa chaise à ces mots, fuyant autant les questions de Kakashi que son regard. Cependant, contre toute attente, elle vit le Jonin poser son livre et l'observer d'un oeil brusquement amusé.
- Je propose que le prochain de nous qui trouve un indice sur notre Fuinjutsu donne un gage à l'autre.
- … Quoi? balbutia Sakura, prise de court
- S'il n'y a pas de challenge, nous ne trouverons jamais rien.
- Parlez pour vous! Et depuis quand proposez-vous des choses aussi puériles?
- Oh, c'est un reste de ma période d'enseignant…
- Une goutte glissant sur le front de Sakura Je ne me souviens pas du tout de ça… Et bonjour votre sacro-sainte cohésion d'équipe.
- Comme tu voudras…
A ces paroles, elle vit apparaître une vingtaine de clones de Kakashi dans son dos, se grattant la tête pour se faufiler dans les différents couloirs de la bibliothèque, attrapant des livres et les lisant directement debout. L'air choqué de Sakura fit d'autant plus sourire le Jonin qui ria presque en attrapant son Icha Icha de sa poche.
- Ne jamais oublier de s'amuser un peu pendant les missions…
Le soir même, bureau de Gaara
- Dans le coma? Comment cela?
Sakura avait presque crié, debout devant le bureau de Gaara. Celui-ci restait impassible malgré la vive réaction de la rose.
- Il était bien prêt à vous recevoir, s'expliqua le Kazekage. Il ne m'a rien dit à moi-même… Je suis allé le voir juste après votre départ. Les médecins m'avaient averti qu'il était fragile.
- Et son état de santé s'est dégradé comme ça, brusquement dans la nuit?
Le roux acquiesça. Kakashi et Sakura se regardèrent, reliés par une même pensée suspicieuse. Chacun semblait lire dans les pensées de l'autre. Kakashi visa rapidement le dénommé Kanata, toujours au même endroit que la veille, et ce dernier évita son regard sans discrétion. Gaara coupa le silence pesant, lui-même conscient de la situation un peu étonnante.
- J'ai bien conscience que la coïncidence entre la dégradation de son état de santé et votre demande est très suspecte… J'ai demandé à mes conseillers de mener une enquête là-dessus.
- Ils ne trouveront rien, lâcha Kakashi sans quitter du regard le fameux conseiller qui se dandinait désormais sur sa chaise
- Les sourcils froncés Et pourquoi cela?
- Nous avons été attaqués cette nuit. Dans la chambre de l'hôtel que vous nous avez désigné.
Sakura observait Kakashi, qui semblait lui-même chercher la réaction du dénommé Kanata à cette déclaration. Mais à son propre grand étonnement, il sembla sincèrement surpris.
- Qui vous a attaqué? demanda même le conseiller, brusquement intéressé
- Nous n'avons pas eu le temps de faire les présentations.
- Il était seul? Vous l'avez tué?
- Il devait être seul, mais non, il nous a échappé.
Cette réponse laissa toute la salle pensive, et désabusée.
- … Je m'excuse de cette attaque, et de ce qui s'est passé pour Ebizo, ajouta Gaara d'un ton cependant toujours aussi monotone. Sachez que je ne laisserai pas les évènements impunis. Mais je crains que du coup, nous ne puissions plus vous aider pour votre mission… A moins que vous n'attendiez éventuellement que l'état d'Ebizo ne s'améliore dans les semaines à venir. Mais les médecins sont très pessimistes sur ses chances de réveil…
- Combien de temps lui donnent-t-ils? demanda Sakura avec espoir
- Ils ne le savent pas… Il peut partir à tout moment comme dans quinze jours. Mais ils ne pensent pas qu'il se réveille. Je suis désolé…
- … C'est nous qui sommes désolés, Gaara.
Kakashi restait lui silencieux, le regard toujours rivé sur le dénommé Kanata. Ses bras s'étaient croisés, et Sakura coupa alors à nouveau le silence.
- Gaara… J'ai peut-être une dernière question.
- Mmh?
- Y a-t-il un clan à Suna nommé Suhyrama?
Si le Kazekage était pris au dépourvu par ce changement de conversation il n'en montra pas le moindre signe.
- … Oui, répondit-il vaguement. Pourquoi?
- Le visage de Sakura s'éclaira quelques instants Serait-il possible de rencontrer l'un de leur membre?
- … Je ne crois pas qu'il existe de survivants. C'était un vieux clan très reclus, aux coutumes très particulières… Pourquoi vous intéressez-vous à eux?
- la voix emplie de déception C'était… Une piste. Pour rompre le scellement de notre Fuinjutsu. Décidément…
Cette fois, cela semblait peine perdue.
- Il faut croire que ces parchemins sont finalement plus importants qu'ils n'en ont l'air… lâcha Kakashi un peu dans le vague
- Je crains pour vous qu'il ne faille rentrer dans votre village sans réponse, répondit le dénommé Kanata d'un air satisfait à peine dissimulé
La rose se tourna alors vers Kakashi, le sondant du regard. Celui-ci sembla brusquement changer d'attitude, le regard fixé sur un point imaginaire droit devant lui, en pleine réflexion.
- Ebizo-jiisama sait… Sinon il n'aurait pas été attaqué, chuchota-t-il plus pour lui-même que pour les autres
- Nous allons réfléchir à un plan, n'est-ce pas? lança la rose à voix basse à son co-équipier qui ne la regardait pas Si nous ne trouvons rien, nous rentrerons à la fin de la semaine.
- Nous n'en aurons pas plus demain ou après-demain, asséna Kakashi avec certitude. Il n'y a pas de solution. Pas d'autre solution.
- Quoi? s'étonna Sakura Pas d'autre solution, c'est-à-dire?
- J'ai une idée. Mais… Il faut repartir à Konoha tout de suite.
- A Konoha? s'étrangla Sakura, de moins en moins silencieuse, les deux conseillers en arrière de Gaara les regardant d'un œil suspicieux
- Oui.
- Hors de question, trancha Sakura, inhabituellement sûre d'elle. Il faut rester ici. Ebizo peut mourir à tout moment!
- Justement! Je t'expliquerai plus tard… Fais-moi confiance.
- Il faut réfléchir, on ne va pas repartir comme ça, sur un coup de tête. Il y a forcément une solution.
- Sakura, s'agaça le gris, jetant un coup d'œil au Kazekage et à ses deux conseillers Nous en parlerons ensemble après.
- Non! Pourquoi après? offusquée Tout se joue maintenant!
- Sakura!
Le ton du shinobi aux cheveux argentés était inhabituellement sévère et tranchant. Intimidée, elle n'osa surenchérir, la bouche encore entrouverte.
- Nous rentrerons demain matin.
Elle se tut, prostrée. Elle vit à ces paroles les trois hommes en face s'incliner devant eux et se retourner, échangeant des paroles qu'elle ne parvenait pas à entendre. Kakashi restait là, stoïque, attendant qu'elle daigne se retourner vers lui et le suivre vers la sortie. Tout semblé acté, terminé.
Une colère se mit à monter en elle sans crier gare. Elle sentit brusquement son sang brouillonner dans ses veines, ses artères temporales battant au rythme de son cœur qui s'emballait. Ses poings se serraient le long de ses hanches, ses bras raides comme des poteaux.
Comment osait-il la traiter? Après toutes ces belles paroles? La, tout de suite, elle redevenait une petite fille de 12 ans. L'élève de Kakashi sensei, de l'équipe 7. La troisième du lot, insignifiante et inutile. Elle avait tellement souffert de ce manque de reconnaissance. De ce sentiment d'inutilité. Elle n'appartenait à aucun clan prestigieux. Elle n'avait pas de père Hokage. Elle avait été la seule des trois à n'avoir jamais eu d'entraînement spécifique avec son sensei.
Les larmes lui montaient aux yeux. Des manquements envers elle, il y en avait eu tellement... En fait, elle se surprit à penser qu'il ne l'avait jamais vraiment vu. Elle était partie s'entrainer aux côtés de Tsunade-sama, et peut-être même en avait-il été soulagé. Elle avait voulu montrer de quoi elle était capable. Prendre soin des autres, devenir un grand médecin, avec son excellente maîtrise du chakra.
A cette pensée, une lueur de lucidité la transperça comme un éclair. Elle se redressa, ignorant le regard accusateur de son ainé à ses côtés. Ses propres sourcils se froncèrent et son visage changea d'expression brutalement. Elle reprit la parole sans même réfléchir.
- Puis-je rencontrer Ebizo-jiisama à l'hôpital?
Les trois hauts dirigeants de Suna stoppèrent leur conversation et se retournèrent sur elle d'un air étonné. Elle préféra éviter le regard de Kakashi, toujours immobile à ses côtés
Elle tiendrait bon.
Après tout, c'était SA mission.
- Je suis médecin, poursuivit la rose d'un ton qui se voulait assuré. Je peux évaluer son état de santé et peut-être faire quelque chose pour lui.
- C'est-à-dire que…
- Si je ne parviens pas à le soigner je m'engage à ce que nous repartions à Konoha dès demain matin.
Cette proposition fut suivie d'un silence magistral. Elle évitait toujours le regard du gris qui ne disait toujours pas un mot. Elle ne voulait pas qu'il la fasse douter d'elle-même.
Un bruit de chaise raclant le sol brisa le silence.
- Pas question, lâcha le conseiller qui s'était déjà offusqué la veille, debout sur ses pieds, visiblement outré de la proposition de la rose
Les regards se détournèrent de Sakura pour se diriger cette fois vers lui. Le conseiller se recroquevilla sur lui-même et se reprit, se raclant un peu la gorge.
- Il est trop faible et il commence à se faire tard… reprenant de la voix Les médecins n'ont rien pu faire de toute façon.
- Un regard neuf sur le dossier médical de maître Ebizo ne me parait pas dénué de sens… souligna finalement le Kazekage
- Suna n'est pas plus faible que Konoha pour soigner ses habitants, maintint cependant le conseiller. C'est un affront que d'insinuer que nous pourrions manquer de connaissance médicale.
- Je ne vois pas ce que nous risquons à faire approcher Sakura d'Ebizo-jiisama, maître Kanata, persista Gaara d'une voix calme. Ses capacités médicales sont reconnues au-delà des frontières. Elle est la shinobi médecin la plus talentueuse de notre génération.
- Mais… seigneur Kazekage… s'offusqua le-dit Kanata
- C'est d'accord, Sakura, coupa Gaara en la regardant dans les yeux. Vous pouvez aller rencontrer maître Ebizo. Regardant à nouveau son conseiller Si la disciple de Tsunade-sama elle-même ne peut rien faire, la meilleure probablement du monde shinobi, c'est que tout sera perdu pour lui. Nous ne nous acharnerons pas.
Les joues de la jeune Sakura se mirent à brûler. Était-il en train de parler d'elle? De Sakura Haruno? En des termes aussi élogieux? En faisant autant de compliments?
- L'hôpital est au sud de la ville, continua Gaara alors que le silence de Kakashi signait sa probable approbation. Mes gardes vous y escorteront.
- Merci Gaara, murmura Sakura, le souffle court
Elle se retourna vers les deux gardes encadrant la porte d'entrée de la salle majestueuse, redressés et prêts à montrer le chemin aux deux étrangers. Elle évita soigneusement le regard de Kakashi, encore sous le coup de l'émotion, et se jeta dans le couloir sans un regard en arrière, et sans entendre non plus le brouhaha de mécontentement du conseiller offusqué.
Qu'avait-elle fait? Elle avait contredit Kakashi Hatake, 6ème Hokage, devant le Kazekage lui-même. Elle avait outrepassé sa décision, et avait complètement changé ses plans. Qu'avait-il en tête, pour vouloir rentrer aussi vite à Konoha? Elle lui demanderait en temps et en heure, mais là, tout de suite, elle essayait de rester dans sa bulle, se concentrant sur ce qui l'attendait à l'hôpital.
Etrangère à cette ville aux couleurs ocres, Sakura eut l'impression de se retrouver au même endroit que le matin lorsqu'ils avaient trouvé la bibliothèque. La monotonie des couleurs et le conformisme architectural de la ville les amena donc devant un nouveau bâtiment rond, peut-être un peu plus imposant que les autres cependant. Seuls les kanjis sur les façades leur permettaient d'y voir clair dans ce labyrinthe ambré, plongé dans la noirceur de la nuit.
Les gardes les escortèrent jusqu'à l'accueil de l'hôpital où ils obtinrent le numéro de chambre du vieil homme. Kakashi et Sakura emboitèrent le pas de deux médecins, remplaçant les gardes qui repartaient auprès du Kazekage. Après avoir monté quelques escaliers et arpentés quelques couloirs lugubres, croisant parfois un membre des équipes médicales et paramédicales de la nuit, ils finirent par atteindre la porte de la chambre du vieil homme.
Les deux médecins leur firent signe d'attendre quelques instants derrière la porte, les laissant momentanément seuls en face à face.
Sakura se sentit soudainement envahie par le doute à nouveau, stressée par la situation, par le poids qu'elle s'était elle-même mis sur les épaules. Elle tordait ses doigts sans cesse, replaçant machinalement ses mèches roses rebelles derrière une oreille. Son piétinement et ses tics gestuels auraient rendus nerveux n'importe quel être humain à côté normalement constitué.
Mais elle sentit une main assurée et calme se poser sur son épaule gauche.
- Du calme, Sakura. Ça va aller.
Malgré ce qui s'était passé quelques instants plus tôt, Sakura sentit à son contact ses tics nerveux s'apaiser, ses piétinements cesser.
- Tu vas comprendre ce qui se passe j'en suis sûr. Tu vas le soigner. C'est ton métier, ton quotidien…
- Ce… Ce n'est pas un patient habituel. Et si jamais j'échoue…
- Tu n'échoueras pas.
- Comment pouvez-vous avoir autant de certitude?
- J'ai confiance en toi.
- S'étranglant Ce n'est pas ce que vous m'avez fait ressentir tout à l'heure…
Il ne dit pas un mot, et elle en profita pour enfoncer le clou, la rancœur tenace, plantant son regard émeraude dans le sien.
- Vous savez pourquoi je ne pourrai jamais vous appeler juste «Kakashi» ? Parce que vous ne me voyez pas autrement que comme votre élève, et vous vous comportez comme mon professeur, même aujourd'hui!
Il ne dit pas un mot, le regard indéchiffrable. Elle se dégagea légèrement de sa main d'un coup d'épaule au moment même où la porte de la chambre s'ouvrait sur l'un des deux médecins qui les avaient accueillis.
- Vous pouvez entrer.
Sakura laissa le Jonin en retrait et s'avança à la suite du médecin, inspirant profondément, se reconcentrant au mieux sur la tâche qui l'attendait. Elle devait mettre de côté ce qui venait de se passer… Elle devait être à 100% dans son rôle. Une chambre ultra médicalisée se présenta à elle, avec tuyaux, respirateurs, monitoring, perfusions. La jeune femme se sentit tout à coup dans son élément.
- Que s'est-il passé? demanda-t-elle tout de suite, s'approchant du corps du vieillard
- Maitre Ebizo était très malade, commença l'un des deux médecins qui l'accompagnait. Son cœur était très faible, il souffrait d'une insuffisance cardiaque sévère. Ses reins n'allaient pas mieux non plus. La situation était critique mais stable depuis quelques semaines. Il avait formulé le souhait de ne pas s'acharner quand la mort viendrait le chercher, et nous comprenions totalement sa décision. Cependant…
Le médecin baissa les yeux derrière ses mèches brunes et jeta un coup d'œil à son confrère.
- Sa dégradation brutale ne ressemblait pas à une mort naturelle dans un contexte d'insuffisance cardiaque enchaina son confrère afin de le pas le laisser seul dans ses explications. Il a été pris soudainement d'une tachycardie intense complètement inexpliquée. Il était paralysé, nous disant qu'il ne pouvait plus du tout bouger ni les bras ni les jambes. Puis il a plongé dans le coma…
Sakura comprit immédiatement. Kakashi, revenu à ses côtés et attentif lui aussi aux paroles des deux médecins, tiqua dans le même sens. Le stress de la rose s'abaissa et ses capacités d'analyse reprirent le dessus.
- Avez-vous retrouvé des traces de poison dans ses analyses? demanda-t-elle sans détour
- Non, c'est bien le problème. Nous sommes plusieurs à l'avoir examiné et prélevé depuis ce matin, mais nous ne trouvons rien. Nous allons devoir le laisser partir… mais nous pensons la même chose que vous.
La rose sembla hésiter un instant, le regard fixé sur le corps de la victime, son torse se soulevant au rythme du respirateur artificiel.
«J'ai confiance en toi»
Elle ferma les yeux un instant.
«Tu vas comprendre ce qui se passe j'en suis sûr. Tu vas le soigner.»
Rouvrant les yeux brusquement, elle fixa du regard le médecin aux mèches brunes d'un air de défi.
- Puis-je une minute?
Celui-ci approuva d'un hochement de tête.
La jeune femme ignora encore la présence de la source de ses pensées, et s'approcha un peu plus du corps de maitre Ebizo. Elle se pencha au-dessus de son torse et posa ses mains sur son buste, les yeux fermés de concentration. Un halo jaune se dégagea de ses paumes durant quelques minutes, dans un silence total, analysant la situation médicale du vieillard.
Elle avait déjà retrouvé des traces de poison dans le corps de certains patients aux urgences. Elle avait déjà réussi à sauver la vie de certain d'entre eux en en extrayant une bonne partie. Mais pas tous. Elle savait qu'à partir d'un certain seuil de toxique, elle n'arrivait pas à tout absorber. C'était un peu tout ou rien. Elle se mit à repenser à un jeune homme, qui s'était intoxiqué volontairement avec un antidouleur puissant… Elle n'avait pas pu le sauver.
Alors que ce souvenir commençait à l'envahir et la faire trembler, elle sentit brutalement comme un tourbillon désagréable dans la paume de ses deux mains, le halo encadrant celles-ci devenant brutalement plus rouge. Elle écarquilla les yeux, horrifiée par ce qu'elle découvrait. Le poison était là. Partout. La quantité était plus importante que tout ce qu'elle avait pu découvrir jusqu'à ce jour. Ils voulaient le tuer, et vite… Elle ne comprenait même pas qu'il soit encore en vie.
Merde. Il y en avait vraiment trop.
- Ça va aller, mademoiselle? s'inquiéta l'un de deux médecins
- A… allez me chercher un scalpel et un récipient d'eau, s'il vous plait.
Celui-ci s'exécuta immédiatement. Elle l'entendait s'affairer dans son dos à préparer le nécessaire en toute hâte, alors qu'elle se battait avec elle-même pour ne pas céder à la panique. Elle n'y parviendrait jamais.
Tous les derniers évènements remontaient petits à petits dans sa mémoire, à mesure que la panique se frayait un chemin dans son cerveau. Les cinq éléments qu'elle avait dû rechercher. Le parchemin. La personne scellée par le Fuinjutsu. La rencontre au restaurant avec Kakashi sensei. Le début de la mission. Suna. L'attaque à l'auberge.
Bon sang. Ils n'avaient pas fait tout ce chemin, et vécu tout cela en vain.
- Voilà, je vous le pose à côté, déclara le médecin. Tenez le scalpel. Voici des gants également.
Elle tourna la tête et observa le scalpel tendu par son homologue de Suna. Elle prit une grande inspiration, apaisant l'angoisse qui était en train de ronger une fois encore son esprit et son corps. Elle attrapa l'instrument avec un murmure de remerciement inaudible, tout en enfilant ses gants.
Il était trop tard pour reculer désormais.
La jeune kunoichi approcha le scalpel de la peau flétrie et presque froide du vieillard, et débuta deux incisions entre les côtes de part et d'autre du cœur. Posant le scalpel et se rapprochant de la bassine d'eau, elle créa de ses mains deux bulles d'eau qu'elle mania avec dextérité en les déposant doucement en regard des incisions. Elle se concentra, ses yeux émeraudes fermés, maniant son chakra avec une précision chirurgicale. Elle l'infiltra dans le corps du vieil homme accompagné du fluide transparent, tel un courant à travers des fils électriques.
Il se passa de longues minutes de silence dans une tension palpable. Des gouttes de sueurs perlaient du grand front de Sakura, alors qu'aucun des trois hommes en arrière n'osaient intervenir.
Il fallait y arriver. Il n'y avait pas le choix. Contrairement à son travail habituel à l'hôpital, elle n'avait pas enchainé les soins ce jour, et n'avait donc pas utilisé son chakra tout au long de la journée. Toute son énergie allait pouvoir être utilisée maintenant. Tout son chakra. Jusqu'à l'épuisement, s'il le fallait.
Alors qu'elle prenait une grande inspiration de concentration et d'effort à la fois, les trois hommes virent apparaitre tout à coup un mince filet noir s'introduisant dans les bulles d'eau entre les mains de la rose.
- Vous l'avez! cria de surprise l'un des deux médecins, se ruant à côté de la rose
Le filet noir s'épaississait doucement, comme aspiré par les mains de la jeune kunoichi. Ses bras se mirent à trembler tellement elle était concentrée.
- Allez-y, allez-y, ne vous arrêtez pas! s'emballa l'autre collègue
Elle y arrivait. Mais il en restait toujours… Cela lui semblait interminable. Ses mains continuaient d'attirer le poison dans ses paumes mais elle sentait que sa force diminuait, minute après minute.
- Peut-on vous aider, Sakura-san? demanda l'autre médecin, désespéré de son impuissance
Elle ne répondit pas, prise d'un vertige, un mal de tête intense germant entre ses tempes. Son sceau frontal disparut, laissant apparaitre des bandes noires caractéristiques le long de son visage et de son front. Le halo qui se dégageait des mains de Sakura devenait noir. Ses bras tremblaient franchement, ses mâchoires se crispaient, sa respiration se faisait plus appuyée. C'était comme si elle se faisait elle-même aspirer par ce poison, comme si celui-ci naviguait désormais dans son propre corps.
Et il y en avait encore. Encore et toujours.
- Sakura?
La voix de Kakashi. Le contact de sa main sur son épaule, à nouveau. Dans la souffrance et dans l'angoisse qui lui serrait les entrailles, il semblait toujours parvenir à l'apaiser. Il était là, à nouveau, malgré ce qui s'était passé dans le bureau de Gaara. Il ne lui en voulait pas. Il l'avait même encouragée, tout à l'heure. Il voulait la voir réussir. Mais elle n'allait pas y arriver seule. Elle avait besoin de lui. Mais comment? Il n'était pas médecin. Il ne pouvait pas l'aider.
Alors que ces questions s'emballaient dans sa tête et qu'elle se sentait prête à crier à l'aide, des sensations vertigineuses commençant à la faire franchement vaciller, elle sentit le flux de poison s'affaiblir.
Elle y était presque.
Elle se reconcentra brusquement sur ses gestes, ouvrant à nouveau les yeux.
- On… On y est, j'y suis presque, murmura-t-elle entre deux souffles
Les deux bulles étaient noires d'encre. Elle rassembla ses dernières forces, puisant les probables dernières gouttes de son chakra pour attirer ce qu'il restait de poison dans ce corps meurtri.
Après une dernière longue minute, le halo se stoppa brusquement. Sakura recula ses mains, se redressant un peu brusquement. Les traces noires qui tatouaient son corps disparurent tout comme son sceau frontal. Elle allait presque tomber dans les pommes d'épuisement, mais elle fit un effort surhumain pour ne rien laisser paraitre et se maintenir debout sur ses deux jambes cotonneuses.
- Bravo Sakura-san! Vous êtes extraordinaire! jeta l'un des deux médecins très impressionné
La main de Kakashi s'éloigna doucement de son épaule sans un mot. Elle répondit de manière machinale, un peu sonnée.
- Le poison est totalement retiré… Il est miraculeux qu'il soit resté en vie avec la dose qui lui a été administrée.
La jeune femme trouva encore la force d'attraper les deux bulles, les reposant dans la bassine posée à ses côtés. Elle rendit le scalpel à l'un des deux médecins encore bouche bée, et jeta ses gants dans une poubelle à côté du lit d'un geste fatigué. Les deux médecins la dévisageaient sans un mot.
- Faites analyser ce poison. Il faut comprendre sa composition. Je pourrais réaliser un antidote s'ils essayaient de recommencer.
- Mais qui, ils? questionna le médecin brun
Elle n'avait plus la force d'une conversation. Elle se retourna vers Kakashi, espérant d'un regard qu'il comprenne son état de fatigue, et qu'il réponde à sa place.
Son cœur s'accéléra en un instant, troublée par la façon dont le Jonin était en train de l'observer.
- Nous ferons parler le prochain qui nous tombera dessus, répondit Kakashi en déviant le regard vers son interlocuteur
Ça avait été fugace. Mais elle ne pouvait désormais plus détacher ses yeux de lui, son cœur toujours au galop. L'état d'épuisement amplifiait ses émotions, et elle avait l'impression que les choses autour d'elle se déroulaient au ralenti.
- Sakura-san, pensez-vous que maitre Ebizo pourrait désormais se réveiller à tout moment? demanda le brun avec espoir
Mince, on s'adressait à elle. Elle revint progressivement sur Terre, tournant la tête vers le médecin qui venait de lui parler.
- On ne peut pas le prédire… souffla la rose. Il est très affaibli. Mais on peut l'espérer bien sûr.
- Nous vous ferons appeler dès que ce sera le cas, lança l'autre collègue, plein d'espoir
- N'évoquez pas l'empoisonnement d'Ebizo à qui que ce soit, ajouta Kakashi un peu en retrait d'un air flegmatique. Gardez cela confidentiel. Evitez même d'en parler aux proches de Gaara.
- Très bien…
A ces paroles, Kakashi salua Ebizo d'un bref hochement de tête. Il jeta un coup d'œil cette fois préoccupé à Sakura, puis sortit discrètement de la chambre. La rose l'imita rapidement, prête à s'effondrer d'épuisement. Elle se sentit pourtant attrapée par le bras en arrière, et se retourna pour voir l'un des deux médecins qui continuait de la dévisager avec insistance.
- Vous… rougissant Pourriez-vous nous apprendre ce type de ninjutsu médical, Sakura-san?
- Prise de court Je… C'est que…
- Aucun médecin ici ne maitrise ce type de technique. Je pense que cela nous serait très utile pour soigner nos citoyens.
- Embarrassée … Je ne suis pas sûre que notre mission nous donne le temps de vous apprendre cela aussi rapidement… C'est une technique compliquée et…
- J'apprends vite, enchaina l'homme sûr de lui, le sourire aux lèvres. Juste les bases, juste la technique. Le temps qu'Ebizo-jiisama se réveille. Je passerai des mois, des années à m'entrainer pour y parvenir, je le sais bien. Mais juste les bases, Sakura-san… s'il vous plait… Pour Suna.
Elle plongea pour la première fois son regard dans les yeux bleus azur de cet homme grand et brun, auquel elle n'avait pas prêté plus d'attention que cela jusqu'à maintenant. L'épuisement l'empêchait de réfléchir et elle bredouilla une réponse plus qu'elle ne répondit véritablement.
- C'est… C'est d'accord, euh…
- Nori! Je m'appelle Nori, répondit-il à la hâte, son visage s'illuminant littéralement
- D'accord, Nori-san. Je dois vous laisser maintenant… Excusez-moi…
- Bien sûr, vous devez vous reposer! Laissez-moi au moins vous redonner un peu d'énergie avant de partir…
Avant qu'elle n'eut le temps de répondre quoi que ce soit, elle sentit les mains de Nori se poser sur son torse, ses yeux clos de concentration. Elle sentit alors immédiatement une chaleur l'envahir, et le malaise latent qu'elle ressentait en permanence s'estompa, tout comme son mal de crâne pourtant carabiné. Le jeune homme releva ses mains tout en appuyant son regard sur Sakura, un sourire aux lèvres.
- Ce n'est pas grand-chose, mais c'est pour montrer notre reconnaissance… Je serai là demain et après-demain, si vous acceptez de m'expliquer cette technique.
- Je… Merci, Nori-san.
Elle s'éclipsa cette fois sans être retenue d'avantage, et passa devant Kakashi qui l'attendait à l'entrée de la chambre. Lorsqu'elle passa devant celui-ci, elle ressentit son chakra émaner de manière inhabituelle. Elle attendit d'être suffisamment loin de la chambre, sortant de l'hôpital et s'engageant dans les rues sombres et désertes pour le questionner.
- Kakashi sensei?
- Mmh?...
- Quelque chose ne va pas?
- Pas du tout, répondit-il bien plus précipitamment que d'habitude
- Je vous ai senti… Mal, tout à l'heure, en sortant de la chambre.
- La fatigue. Le regard souriant un peu forcé Je n'ai pas beaucoup dormi la nuit dernière. J'ai guetté.
- Je reconnais votre chakra lorsque vous êtes fatigués. Ce n'était pas ça…
Il ne répondit pas, jetant des coups d'œil à droite et à gauche dans les rues désertes et noires d'encre. Ils parvinrent devant la devanture d'une nouvelle auberge, avec un même amoncellement de tonneaux et de matériel agricole devant les fenêtres. Même ambiance. Même monotonie. L'aubergiste, le regard aussi fatigué et suspicieux que ceux de la veille, leur tendit un jeu de clef dans un demi-sommeil. La conversation reprit dans le couloir, alors que les deux coéquipiers atteignaient leur chambre respective.
- Kakashi sensei… osa-t-elle timidement dans la pénombre
- Tu as été prodigieuse aujourd'hui Sakura. Bravo pour ce que tu as réussi.
Il avait dit cela tout en tournant la clef dans sa serrure, déclenchant un grincement de porte bruyant à son ouverture. Elle rougit à ses paroles. «Prodigieuse». Il n'était pas homme à utiliser souvent des superlatifs... C'était déstabilisant. Mais pas autant que le regard qu'il lui lança après avoir jeté un coup d'œil absent à sa chambre allumée.
Ce n'était pas un regard sévère, ni inquiet. Pas moqueur, ni rieur non plus. Encore moins absent, comme il pouvait l'être parfois. Elle n'avait jamais vu ce regard dans ses yeux, du moins dirigé vers elle. Elle ne l'avait vu qu'une fois, c'était dans cette chambre, devant Ebizo.
C'était un regard rempli d'admiration.
- C'est… Je n'ai fait que mon travail, balbutia-t-elle, intimidée. C'est mon quotidien…
- Tu es devenue une médecin d'exception.
- Rougissante Je… C'est…
- Excuse-moi pour tout à l'heure, enchaîna-t-il en passant une main dans ses cheveux argentés, son regard se détournant sur sa chambre. Je n'aurais pas dû te traiter ainsi…
- Trop heureuse de changer de sujet Pourquoi vouliez-vous repartir rapidement à Konoha? Je n'ai pas compris.
- L'air préoccupé, après quelques secondes de réflexion … J'ai pensé aux pouvoirs héréditaires de la famille Yamanaka. Si maître Ebizo ne se réveillait pas, il aurait pu être intéressant de lire dans ses pensées pendant son coma. Mais il aurait fallu faire venir l'un de leur membre ici…
- Une lueur d'espoir dans le regard Mais maintenant qu'il est probablement stabilisé… Nous avons plus de temps pour cela, n'est-ce pas? C'est une bonne idée!
Il hocha la tête et elle devina ce sourire qu'elle appréciait tant sous ce masque, le bord de ses yeux se plissant légèrement.
- Il n'y a plus qu'à rentrer à Konoha rapidement, et…
Elle disait cela avec légèreté et soudainement, son cœur se pinça, l'empêchant de terminer sa phrase. Rentrer à Konoha?
- Il vaut mieux rester ici deux ou trois jours encore, répondit Kakashi. Nous devons surveiller Ebizo, et les gens qui l'entourent… N'oublions pas que quelqu'un l'a empoisonné. Si nous partons, quelqu'un pourrait lui asséner le coup de grâce.
- Etonnée Vous pensez que le coupable travaille à l'hôpital?
- Mmh… Je pense que les coupables sont nombreux. Notre conseiller Kanata doit être impliqué, et il doit avoir beaucoup de gens à ses ordres. Donc oui, je ne serais pas étonné que quelqu'un de l'hôpital ait reçu l'ordre de lui faire passer l'arme à gauche.
- Frissonnante Gaara ne me parait pas au courant de tout ce qui se passe…
- Je pense qu'ils ont justement quelque chose à lui cacher. Et ça a un lien avec ces parchemins… Ils veulent enfouir quelque chose du passé.
Un instant de réflexion silencieuse passa. La rose s'inquiéta brusquement.
- Ne pensez-vous pas que nous devrions plutôt rester à l'hôpital? Nous cacher et épier sa chambre? Plutôt que d'être ici…
- Tu dois te reposer. Grimaçant S'il ne t'avait pas insufflé un peu d'énergie tout à l'heure… Tu n'avais plus une goutte de chakra. C'était dangereux.
- Ne vous inquiétez pas, Kakashi sensei, ria-t-elle sans rire, voyant qu'il n'était pas dupe
Il resta silencieux, les traits plus soucieux que d'habitude.
- En tout cas nous avons un bon prétexte pour retourner à l'hôpital demain… lança la rose d'un ton qui se voulait léger. Si je dois revoir Nori-san et lui apprendre ma technique, je serai au moins proche d'Ebizo-jiisama.
- Méfie-toi de lui.
- Quoi? De qui?
- De Nori.
Elle le dévisagea, cherchant un indice de moquerie dans son regard.
- Quoi? Pourquoi cela?
- Je ne sais pas. L'instinct.
- Arrêtez, c'est ridicule. Il était soulagé de le voir soigné ! C'est même lui qui a évoqué le premier l'empoisonnement !
- C'est son collègue. Et ils savaient que nous savions, ils ne sont pas stupides.
- Vous délirez.
- Le regard brusquement sévère Depuis quand accordes-tu ta confiance aussi facilement, Sakura? C'est un inconnu.
- Un inconnu qui me soigne et qui me demande de lui apprendre quelque chose pour l'aider à prendre soin des habitants de son village. Je trouve cela louable.
- Si c'était vrai, oui.
- C'est vous qui êtes trop fatigué !
- Sakura, je te demande juste de te méfier. C'est tout.
- S'agaçant Pourquoi insistez-vous autant? Je suis capable de me faire ma propre idée de lui. Je suis une grande fille encore une fois, non?
- Tu lui plais.
Sakura ouvrit la bouche, sans qu'un mot n'en sorte. Un silence malaisant s'installa, qu'elle coupa brusquement.
- … Je ne vois pas le rapport?
- …
- … Et je dois me méfier de lui parce qu'il peut essayer de me tuer, ou de m'embrasser?
- Sakura…
Cela recommença, alors qu'ils parlaient ainsi. L'émanation du chakra de Kakashi recommença à diffuser de manière inhabituelle: morcelée et un peu agressive. Ce n'était pas de la souffrance, ni de la fatigue. Cela, elle l'aurait reconnu. C'était quelque chose qu'elle n'avait jamais capté de lui avant cet instant. Elle en rirait presque si ce qu'elle semblait comprendre ne paraissait pas autant improbable que comique. Tellement improbable d'ailleurs que la phrase sortit plus vite que ce qu'elle n'aurait vraiment souhaité.
- Kakashi sensei, heureusement que nous ne sommes pas en couple. Je prendrais ça pour une crise de jalousie!
Le gris gardait un visage impassible, son corps toujours debout dans ce couloir, les mains dans les poches, fidèle à lui-même. Il y avait un fossé entre son attitude familière et son chakra désordonné. Sa réponse fut pourtant légère.
- Il faut bien que quelqu'un pense à Sasuke… c'est mon ancien élève aussi, après tout.
- Presque agressive Je ne vois pas en quoi...
- la coupant avec raideur Ça me regarde un peu aussi.
- Interloquée Quoi? Et en quoi cela vous regarde?
- Je pense que c'est à cause de Sasuke que tu ne m'as pas échangé un mot pendant les trois premiers jours de voyage. Je pense aussi que c'est à cause de lui que tu as ce regard triste, tous les soirs, sur cette falaise.
Comment… Sa tête se mit à bourdonner. Son souffle se coupa et son cœur recommença à s'emballer, envoyant des pulsations sourdes dans ses oreilles.
- A cause de lui encore que tu fais des cauchemars toutes les nuits...
- Vous vous trompez...
- Naruto pense que...
- Rouge Naruto devrait se mêler de ses affaires. Et vous aussi.
Elle avait peur de l'avoir vexé. En fait, elle avait envie de le remercier de se soucier de ça. Le remercier de lui poser des questions. Le remercier de la pousser à tout lui avouer. Dans ses yeux noirs, elle avait vu de l'admiration pour elle. Elle avait deviné de l'inquiétude. Elle n'osait voir autre chose.
Une chaleur envahit tout son corps lorsque, plongée dans ses pensées, elle sentit la main gantée de Kakashi au sommet de son crâne ébouriffer ses mèches roses. Comme d'habitude. Enfin presque.
- Tu as raison… Mais… Sois fière de la femme que tu es devenue. C'est tout.
«La femme?» Non, rien n'était plus comme avant. Elle ne bougeait plus, sa bouche probablement entre ouverte de surprise. Son cœur palpitait avec force, et ses yeux émeraudes tombèrent sur les lèvres du Jonin, qu'elle devinait plus qu'elle ne voyait derrière l'éternel tissu noir. La main de Kakashi s'attardait sur son crâne bien plus longtemps qu'il ne le faisait habituellement. Ses doigts semblaient se glisser plus profondément dans ses cheveux, son pouce la caressant peut-être un peu. A la façon dont il appuyait doucement le bout de ses doigts sur son cuir chevelu, elle sentait sa force tout en douceur. C'était une sorte de domination mais sans en être une.
- Naruto n'aime pas te voir triste… Tu comprends?
Bon sang. Son ventre explosait de chaleur, et elle avait oublié de respirer.
- Kakashi sens… Kakashi, pardon. Je ne suis pas triste. C'est juste que… Que…
Il se mit à sourire, la voyant incapable d'en rajouter d'avantage.
- Tu avais raison. Je ne te voyais pas autrement que comme mon ancienne élève, jusqu'à maintenant… Je comprends que tu m'appelles encore comme ça.
- Rouge Je vais faire un effort. J'y arrive, vous voyez.
- Ne te force pas… Je ferai l'effort de te voir différemment, désormais. Comme aujourd'hui.
- C'est… Je…
La main gantée du gris quitta le sommet de la tête de Sakura, la laissant comme une poupée de chiffon. Ses jambes flageolaient dangereusement. Une boule oppressait sa gorge, l'empêchant de dire un seul mot. Elle le vit s'éloigner d'elle, devinant un bonne nuit qu'elle n'entendit pas, pas plus que les recommandations sur leurs chambres séparés et les consignes en cas de problème dans la nuit. Elle n'écoutait plus. Elle n'était plus vraiment là.
Non, elle ne pouvait pas l'appeler Kakashi. C'était impossible. En l'appelant ainsi, elle n'était plus l'élève timorée qu'elle se sentait avoir toujours été lorsqu'elle était dans l'équipe 7. Elle n'était plus une petite fille. Elle devenait une femme, d'égal à égal avec cet homme. Elle devenait une adulte.
Heureusement, heureusement que ce n'était pas elle qui avait gagné ce pari stupide, tout à l'heure, à la bibliothèque…
Elle aurait proposé un gage stupide, là, tout de suite.
Elle aurait demandé qu'il ne la lâche pas, là, devant cette porte. Que ses doigts glissent lentement dans ses cheveux, atteignant sa nuque, puis qu'il les tire juste un peu en arrière, l'obligeant à lui dévoiler son cou. Que ce masque s'abaisse enfin et qu'elle sente ses lèvres prendre possession de sa peau, de ses propres lèvres, de sa langue et de tout ce qu'il voulait. Qu'il l'embrasse jusqu'à ce qu'elle en gémisse de besoin, et que la seule chose qui puisse alors séparer leurs lèvres soit le manque d'oxygène dans leurs poumons.
Alors j'ai fait pas mal de modifications finalement par rapport à mon écriture initiale donc les 2 ou 3 prochains chapitres vont devoir être un peu modifiés ça va me prendre un peu de temps... J'espère que cela vous plait, je vous remercie beaucoup de votre lecture !
