Chapitre 16 :
Plus tôt :
En regardant le bouclier, mon esprit avançait sur deux plans : trouver une stratégie pour sauver le camp, et contempler Espérance. Elle était vivante. Et c'est tout ce qui comptait.
Elle avait grandi, gardant tout de même son air juvénile. Mais la cruauté transperçait son regard froid.
Des images me vinrent en tête. Un massacre, proche du génocide, un amas de corps sans vie près de la colonie. Cette vision me donnait la nausée. Je reconnaissais plusieurs de mes amis dans cet amas.
Ensuite – car bien sûr, ce n'était pas fini – la déesse que j'aime le moins fait son apparition. Héra se tient au-dessus d'Espérance, une épée dans sa main. La petite ne bouge pas, le temps semble ralentir. La reine des dieux me regarde, tout en disant :
Rien n'arrête la destruction. A part la mort.
Elle abaisse sa lame sur le dos de notre espoir vivant.
Je ne peux que crier :
-Héra... sors de ma tête !
Avant que le sang gicle partout.
Ma vision est tachée de noir.
Je ne vois plus Malcom – je ne vois plus rien.
Puis, je tombe dans le néant.
La douleur me réveilla en un sursaut. Mon crâne m'élançait. En touchant ma tête, ma main se retrouva tâchée de rouge. Mes cheveux poisseux collaient à ma nuque.
Malcom avait disparu. J'étais toujours allongé par terre à l'intérieur du poste de commandement. Sauf que les lignes ennemis – projetaient grâce à mon bouclier – encerclaient notre foyer.
Je sortis en boitillant de la tente, et vis avec horreur plusieurs de mes amis attachés à des bûchers. Espérance – qui avait troqué sa robe contre un tailleur pantalon rouge accompagné de reflets noirs – tenait une torche à la main. Elle dansait autour d'eux, faisant tournoyer le bâton enflammé de part et d'autre des visages de Nico, Will, Percy, Grover, Léo, Piper, Jason et Rachel. Les flammes leur léchaient les jambes te les bras, laissant des traces de brûlures.
Espérance s'amusait beaucoup, ses yeux dorés étincelant d'une lueur de folie. Les autres pensionnaires avaient tous simplement disparu, mais j'entendais l'éclat des batailles au loin.
M'entendant arriver, Espérance se tourna vers moi, ravie.
-Tiens tiens... mais notre invitée de marque !
Elle appuya ses dires en me faisant un petit signe moqueur.
-En tant que VIP, tu as le droit à notre place de luxe !
Elle claqua des doigts, et l'instant d'après, je fus assise sur un trône en marbre blanc, lui-même installé sur une estrade en bois. Des projecteurs apparurent, ainsi qu'un panneau lumineux annonçant « applaudissement ».
Espérance portait – à la place de sa tiare – un chapeau haut-de-forme rouge pailleté.
-En tant qu'invité (elle me regarda avec insistance en prononçant ce dernier mot), je te laisse le choix : qui veux-tu que je brûle en premier ? Jason? Cornemuseur? A moins que tu ne préfères Rachel ? J'ai entendu dire que vous aviez eu des différends, il y a longtemps...
Elle gloussa devant mon air effaré.
-Oh ça va, je rigole. Je vais tuer Percy et on en parle plus.
La voyant se diriger – elle et sa torche – vers mon petit ami, je me lève du siège, main en avant.
-Arrête ! criais-je
Nouveau gloussement.
-Détend-toi. J'allais pas le faire maintenant, seulement après. Quand tous ses pensionnaires seront morts. Après tout, ils ont tué Chaos. Ajouta-t-elle avec un haussement d'épaule.
Je fus renvoyée vers le trône, l'impact me faisant souffrir au dos.
-Tu n'es qu'une vipère ! sifflais-je
-Ah non !
Espérance disparut dans un nuage de fumée grise, réapparaissant en face de moi, les yeux dans les yeux . Elle fronça légèrement les sourcils, et leva un doigt en un geste réprobateur.
-Ah non ! répéta-t-elle, je suis bien des choses, mais pas une vipère ! Sans compter que je préfère le therme de « tortionnaire », ou « folle », ou encore – à la limite – « d'hypocrite ». J'aime bien aussi « vengeresse » et « cruelle ». Oh, et « sadique » !
Elle mit un doigt sur son menton, l'air songeur.
-Oui, je suis tous ça, mais pas une vipère. Approuva Espérance
Sur ce, elle me fit un clin d'œil, et se retourna, scrutant les bûchers, les mains sur les hanches.
Achève-la.
Oh mes dieux, cette voix...
Tu n'aurais droit qu'à un seul essai.
Héra s'adressait une fois de plus à moi, mais au moi, j'eus un cadeau : une épée d'un blanc pur, le manche incrusté d'émeraudes.
Je sus ce qu'il fallait que je fasse.
Attrapant l'épée, je bondis sur la nouvelle déesse.
L'épée s'enfonça dans sa chair en un bruit écœurant.
L'ichor coulait abondamment de la plaie, et ses yeux exorbités de surprise me dévisageaient. Un bref instant, un autre sentiment apparu, remplacé vite par de la colère : la peur.
-Qu'est-ce que...
Sa phrase se termina par un hurlement sonore, tandis que j'enfonçais un peu plus l'épée dans son dos.
-Je suis désolée, bredouillais-je, mon visage striait de larmes. Pardonne-moi...
Mes mains tremblaient en tenant l'arme. Espérance se flétrit à vitesse grand V, se réduisant peu à peu en un tas de cendre.
Les yeux rouges, je vis malgré tout quatre petites graines au centre.
Les ramassant, je les serrais contre mon cœur. Les larmes coulaient toujours, un peu plus doucement à chaque fois.
Je creuse un trou dans la terre humide, et plante les graines brunes.
Je séchais mes larmes du revers de la main, et partis délivrer mes amis, laissant les restes de mon ancienne protégée ici.
