Chapitre 10 : La Tempête sous les Tropiques

Le soleil venait à peine de se lever sur l'Amazonie, inondant la jungle d'une lumière douce, filtrée par les feuillages épais. L'humidité se déposait comme une fine pellicule sur la peau d'Hector, tandis qu'il avançait, ses pieds frôlant le sol meuble couvert de mousse et de végétation. Après avoir repris forme humaine, il avait passé des heures à marcher, cherchant un sens à sa récente violence. Ses muscles étaient tendus sous sa peau, encore rémanents des instincts de Hulkzilla.

Le souvenir du massacre à l'usine clandestine d'extraction d'or pesait lourd dans son esprit. Hector regrettait déjà ce qu'il avait fait, mais il n'y avait pas eu d'autre issue. Les hommes armés, aveuglés par leur cupidité, l'avaient frappé sans réfléchir, et Hulkzilla avait pris le relais. Une colère froide l'avait envahi à cet instant, laissant place à une violence incontrôlable. Il ne s'était pas contenté de neutraliser les menaces, il les avait annihilées. À cet instant, il avait senti la satisfaction sourde du monstre en lui, une satisfaction qu'il avait réprimée de justesse, évitant de déclencher son souffle atomique.

Alors qu'il traversait la végétation dense, il repensait aux villageois qui vivaient en aval du fleuve. Ce petit village perdu dans la jungle lui avait servi de relais pour envoyer son message à Victoria Neuman. C'est là qu'il avait vu la petite fille, allongée dans une hutte, le corps en sueur, le teint pâle. Hector, avec ses connaissances scientifiques, avait rapidement compris la situation. Le mercure, utilisé par les chercheurs d'or dans les eaux du fleuve, avait empoisonné l'enfant. Il avait vu ce poison ruiner des vies lorsqu'il était étudiant, et maintenant, il était face à la même horreur.

« Je ne pouvais pas laisser ça continuer », murmura-t-il pour lui-même, alors que les souvenirs de l'usine revenaient. « Ils empoisonnaient des innocents... »

Il avait pris sa décision. Après une marche de plusieurs heures en remontant le fleuve, il avait découvert l'usine clandestine. Ses instincts lui disaient que la confrontation serait inévitable. Mais il avait sous-estimé la rapidité avec laquelle les événements s'étaient enchaînés.

L'usine d'extraction d'or était un amas de structures métalliques et de cabanes improvisées, cachées au fond de la jungle. Une puissante odeur de produits chimiques flottait dans l'air, se mêlant à l'humidité ambiante. Hector avait franchi les barrières sans se cacher, marchant d'un pas résolu jusqu'à ce que des hommes en armes l'entourent.

« Qu'est-ce que tu veux ici, étranger ? » avait demandé l'un d'eux, la main sur son fusil d'assaut.

Hector avait levé les mains, signe de paix. « Je veux voir votre responsable. Ce que vous faites ici empoisonne l'eau en aval. Des enfants tombent malades. Il faut arrêter. »

Les hommes s'étaient mis à rire. Un rire gras et méprisant. Leur chef, un homme trapu aux cheveux gras, s'était approché, une cigarette à la main. « Qui t'a permis de venir jouer les héros, ici ? » ricana-t-il, avant d'expulser un nuage de fumée vers Hector. « Va-t'en d'ici avant qu'on te réduise en bouillie. »

Hector avait essayé de garder son calme. « Vous empoisonnez des gens. Vous allez le regretter si vous me poussez à bout. »

Le chef avait éclaté de rire, et d'un geste, il avait ordonné à ses hommes de le rouer de coups. Le premier coup l'avait frappé au ventre, suivi de plusieurs autres, le faisant chuter au sol. Mais à chaque coup, il sentait la colère monter, la rage bouillir dans ses veines. Puis, sans avertissement, Hulkzilla prit le relais.

En une fraction de seconde, son corps changea. Sa peau se couvrit d'écailles, ses muscles se gonflèrent, et ses os s'élargirent sous la pression. En quelques instants, il avait atteint sa taille titanesque de trois mètres, ses yeux brillant d'une lueur meurtrière. Les hommes autour de lui avaient reculé, leurs visages déformés par la terreur.

Le premier coup qu'il porta fut fatal. Un homme fut projeté à travers un mur de métal, son corps se brisant contre une poutre. D'un revers de la main, il décapita un autre, son sang giclant dans l'air. Les hommes tentèrent de riposter, tirant frénétiquement avec leurs fusils, mais les balles rebondirent sur ses écailles comme des cailloux sur du métal.

Hulkzilla rugit, une onde de choc résonnant dans l'air. Puis il se lança dans un massacre sans retenue, arrachant des membres, écrasant des crânes, projetant des corps contre les machines de l'usine. Ses griffes fendaient la chair, ses coups réduisaient les hommes en bouillie. La brutalité de ses attaques était sans limite. La rage brute se manifestait à chaque mouvement, chaque destruction.

Et pourtant, quelque part dans cette furie, Hector se retint. Il sentait le souffle atomique brûler dans sa gorge, prêt à être libéré, mais il ne le laissa pas sortir. « Contrôle-toi, contrôle-toi… » Il savait que s'il lâchait cette arme, il n'y aurait plus rien de vivant dans un rayon de plusieurs kilomètres.

Finalement, le massacre prit fin. Les derniers assaillants gisaient morts ou agonisants. Les bâtiments de l'usine étaient en ruines, écrasés par la fureur de Hulkzilla. Le silence retomba, brisé uniquement par le souffle lourd de la créature. Lentement, Hector reprit le contrôle, son corps rétrécissant alors qu'il redevenait humain.

Quelques jours plus tard, une patrouille de la gendarmerie française, envoyée pour enquêter sur des rumeurs d'activité illégale, tomba sur le site de l'usine. L'air était lourd de tension alors qu'ils approchaient, leurs bottes s'enfonçant dans la boue rougeâtre maculée de sang.

« Seigneur… » murmura l'un des officiers en voyant les corps mutilés éparpillés sur le sol. Les visages des gendarmes pâlirent en découvrant l'ampleur du carnage. Des morceaux d'hommes étaient éparpillés, des bras et des jambes séparés des torses, des crânes écrasés. Les machines étaient broyées comme du papier, des véhicules retournés, brûlés.

Le commandant de la patrouille, le visage grave, ordonna à ses hommes de prendre des photos et de sécuriser la zone. « Qu'est-ce qui a bien pu faire ça… ? » Il sortit son téléphone et appela son supérieur. « On a un problème ici. Un gros problème. Appelez les renforts et prévenez le QG. Ça ressemble à un super. »

La nouvelle monta rapidement les échelons, jusqu'à atteindre les bureaux de Vought. Des drones furent envoyés pour survoler la région, mais aucun signe de Hulkzilla ne fut repéré. Le massacre fut néanmoins enregistré, et Vought décida d'envoyer leur plus puissant atout.

etour à Hector, il se connecta rapidement à un ordinateur qu'il avait trouvé à l'usine. La connexion était instable, mais suffisante pour vérifier son mail. Victoria Neuman avait répondu.

Le cœur d'Hector accéléra. Il ouvrit le message, sentant la méfiance s'infiltrer dans ses pensées. Il réfléchit un moment. « Et si c'était un piège ? » Il savait que la réponse de Neuman était à double tranchant. Mais il avait besoin de réponses, notamment sur la possibilité d'un antidote au Composé V.

Après un moment de réflexion, il tapa un lieu de rendez-vous : l'entrée principale du stade Maracanã à Rio de Janeiro. Un endroit public, suffisamment vaste pour éviter une embuscade immédiate.

Victoria Neuman était assise dans son bureau, le regard rivé sur son écran d'ordinateur. Le message d'Hector venait d'arriver. Elle esquissa un sourire léger en voyant l'adresse mail cryptée et le contenu succinct. « Stade Maracanã, Rio de Janeiro… » murmura-t-elle en se penchant légèrement en arrière sur son fauteuil. Ce lieu, emblématique et rempli d'histoire, semblait à première vue une proposition innocente. Mais elle connaissait les personnes comme Hector. Les êtres poussés dans leurs retranchements n'agissaient jamais sans précaution.

Son sourire se transforma en une expression plus sérieuse. Si Hector demandait un antidote au Composé V, cela signifiait qu'il cherchait à échapper à son destin de monstre. Cela ouvrait une brèche dans son armure. « Intéressant… » pensa-t-elle.

Victoria prit une grande inspiration avant de se lever. Elle commença à marcher lentement dans son bureau, ses pensées s'emballant à chaque pas. Elle savait que cette rencontre pouvait être décisive, non seulement pour Hector, mais aussi pour elle. « Si je joue bien mes cartes, Hulkzilla pourrait devenir un atout de taille… »

Mais elle devait procéder avec prudence. Hector était une force de la nature, incontrôlable et potentiellement destructrice. Et si elle échouait à le manipuler correctement, il pourrait devenir une menace non seulement pour Vought, mais pour ses propres plans. Victoria savait qu'elle devait d'abord lui offrir la compassion, jouer la carte de la compréhension pour le mettre en confiance. Une fois cette étape franchie, elle pourrait l'amener à devenir son allié. Peut-être même l'utiliser contre Vought, un coup de maître qui lui permettrait de gagner en influence.

Tout en réfléchissant à la meilleure manière de procéder, Victoria commença à rédiger une réponse à Hector, calculant chaque mot avec soin. Elle veillerait à ne pas paraître trop insistante, mais suffisamment intéressée pour lui donner l'impression qu'elle pouvait réellement l'aider. « Hector, je comprends votre situation et je suis prête à vous rencontrer. Je veux vous aider à trouver une solution. » Elle s'arrêta un moment, réfléchissant, avant d'ajouter : « Je vous retrouverai au stade Maracanã. Soyez assurés que je viens seule. Nous pourrons discuter en toute confidentialité. »

En envoyant ce message, Victoria savait qu'elle venait de poser les bases d'un jeu dangereux. Hector était un atout, mais un atout difficile à manier. Sa réussite dépendrait de la manière dont elle jouerait cette carte.

À des milliers de kilomètres de là, le Protecteur survolait la jungle amazonienne, les yeux brillants de colère et d'impatience.

Il fixait la vaste étendue verte qui s'étendait à perte de vue sous lui. L'équipe de Vought lui avait rapporté le massacre à l'usine d'or, et sa présence ici n'était qu'une formalité pour les rassurer. Mais ce qu'il détestait par-dessus tout, c'était cette sensation d'incontrôlabilité. Un monstre comme Hulkzilla errait quelque part, et lui, le Protecteur, était incapable de le retrouver.

« Où te caches-tu, sale bête… » grogna-t-il en serrant les poings. Le Protecteur avait déjà affronté des menaces, mais Hulkzilla… c'était différent. Ce super n'était pas sous contrôle, ni de Vought ni de personne d'autre. Et cela le rendait furieux. Comment un être aussi puissant pouvait-il échapper à sa vigilance ?

Le Protecteur poussa un soupir de frustration. Chaque heure passée à le chercher dans la jungle était une humiliation pour lui. Il était supposé être l'être le plus puissant de la planète, celui qui dominait tout et tous. Et pourtant, ce monstre échappait à ses griffes. Cela ne faisait qu'attiser sa paranoïa.

« Je vais te trouver… et quand ce sera fait, tu regretteras d'avoir osé défier le Protecteur. »

Malgré la certitude apparente dans sa voix, le Protecteur savait que quelque chose lui échappait. Le monstre avait déjà détruit une équipe entière de Vought au Groenland, il avait massacré des criminels sans sourciller. Et maintenant, il était invisible. Cette incapacité à mettre la main sur lui rendait le Protecteur de plus en plus irritable. Son désir de domination se heurtait à cette frustration incessante, et il savait que tôt ou tard, il aurait besoin de déverser cette rage sur quelqu'un.

« Continue à fuir… Ça ne fera que rendre ton écrasement plus jouissif. »

Butcher était assis dans une petite pièce sombre, son visage éclairé uniquement par la lumière de son téléphone. Il venait de recevoir des informations concernant le massacre en Amérique du Sud et la venue du Protecteur sur place. Il n'était pas surpris. « Les petits salopards de Vought ont perdu le contrôle d'un de leurs jouets… comme toujours. »

Le massacre ne l'affectait pas. Pour lui, ces morts n'étaient que des criminels de plus. Mais ce qui l'intéressait réellement, c'était le potentiel d'Hector alias Hulkzilla. Cet être était une arme, une véritable arme de destruction massive. Et s'il pouvait s'en servir contre le Protecteur, alors il était prêt à tout.

Butcher posa son téléphone, se passant une main sur le visage. « Un monstre pour abattre un monstre… » murmura-t-il en pensant à la logique implacable de sa stratégie. Hulkzilla était hors de contrôle, oui. Mais avec un peu de manipulation, il pourrait l'amener à frapper là où cela ferait le plus de dégâts : Vought, et surtout le Protecteur.

Il se leva et se dirigea vers la pièce où se trouvaient Hughie et le reste des Boys. Il devait leur exposer son plan, les préparer à une confrontation avec Hector. Mais dans son esprit, une chose était déjà claire : peu importe les morts, peu importe les dégâts, seul comptait l'objectif final. « Le Protecteur doit tomber. »

Victoria Neuman, de son côté, analysait chaque mouvement avec soin. Elle avait reçu la confirmation de la rencontre avec Hector au Maracanã. Ce rendez-vous n'était pas simplement une opportunité pour elle de manipuler Hulkzilla, mais également une occasion de renforcer sa position contre Vought. Hector représentait un joker dans cette partie d'échecs complexe qu'elle jouait depuis longtemps.

Victoria était parfaitement consciente que toute erreur de sa part pourrait transformer Hector en un ennemi redoutable, mais elle savait aussi qu'elle possédait un talent pour manier les gens à sa guise. Hector était un homme brisé, à la recherche de réponses, à la recherche d'une solution à son fardeau. Et elle comptait bien exploiter cette faiblesse.

En préparant son voyage pour Rio, Neuman réfléchissait déjà aux prochains mouvements qu'elle allait faire. « Je dois l'amener à me faire confiance. » pensa-t-elle. Elle savait qu'en jouant sur son empathie, en feignant la compassion, elle pourrait doucement le manipuler.

Hughie, qui travaillait étroitement avec elle, trouva étrange qu'elle décide soudainement de se rendre à Rio de Janeiro. Il connaissait le tempérament calculateur de la sénatrice et savait que chaque déplacement était soigneusement planifié. Mais ce voyage, coïncidant avec la récente activité d'Hulkzilla en Amérique du Sud, le rendit méfiant. Hughie n'était pas dupe ; il savait que quelque chose se tramait, quelque chose que Neuman ne lui disait pas. « Peut-être que Neuman essaie de manipuler la situation, d'une manière ou d'une autre. » pensait-il. Il décida d'en parler à Butcher.

Après avoir obtenu cette information, Butcher commença à faire des connexions. La soudaine décision de Victoria Neuman de se rendre à Rio de Janeiro, combinée avec les événements récents en Amazonie et l'apparition du Protecteur, ne pouvait pas être une simple coïncidence. Butcher savait que Neuman jouait un jeu complexe. Si elle se déplaçait en Amérique du Sud, c'était certainement parce qu'elle avait quelque chose à gagner ou qu'elle cherchait à rencontrer quelqu'un d'important.

« Cette saloperie de Neuman, » murmura Butcher, les yeux plissés par la suspicion. « Elle a un coup d'avance, c'est certain. Mais on va voir qui joue le mieux cette partie. »

Il en conclut que Neuman devait être en contact avec Hulkzilla, ou du moins, avoir une idée de son emplacement. Butcher comprit qu'il devait agir rapidement. S'il voulait avoir une chance d'utiliser Hulkzilla pour abattre le Protecteur et Vought, il devait intercepter Hector avant que Neuman ne le manipule à ses propres fins.