Chapitre 19 : Ce que Harry sait ou ignore
Jour de Match et Harry POV
La foule était électrisante. Un grouillement enthousiaste et furieux, la fièvre d'un début de match. Il aurait aimé jouer pour cette foule, mais ce n'était plus son heure. Les mains enfoncées dans les poches de son jeans, Harry traversait le stade pour se rendre au vestiaire, camouflé sous un bonnet de laine grise et une écharpe de même teinte qui lui couvrait la moitié du visage. Il n'avait aucune envie d'attirer les regards sur lui aujourd'hui. Il voulait voir son fils.
Ses fils, se corrigea-t-il. Évidemment, ses deux fils lui importaient.
Mais puisqu'il assisterait au match depuis les tribunes des Gryffondors, il voulait voir Albus. Albus était sa priorité. Le visage de son second né lui avait paru pâle et fatigué la nuit dernière, rien d'exceptionnel une veille de match, mais cette tristesse… Il avait détesté cette tristesse sur le visage de son fils, de quoi inquiéter un vieux père.
« Vieux » pesta-t-il « pas encore, de Grâce ! ».
Il atteignit le vestiaire, retirant son bonnet et tirant sur son écharpe au passage de la porte. La réaction fut immédiate de la part des joueurs, accueillante et grisée. Harry s'était toujours étonné de provoquer cet enthousiasme dans ce vestiaire peuplé de serpentards, mais ses propres vieux préjugés, même inconscients, étaient coriaces.
Un grand brun se leva pour lui serrer la main, Briani si Harry ne se trompait pas.
« Albus ne va pas tarder, Monsieur Potter », dit le jeune homme, et Harry acquiesça en souriant.
Si la composition de l'équipe lui était familière, un visage se détachait du lot. Un visage oui, mais surtout des cheveux et des yeux… il reconnaissait ces attributs pour les avoir observés et parfois haïs pendant longtemps. Tout cela lui paraissait loin maintenant. Mais ce visage lui était si familier et inconnu à la fois, un ovale trop parfait, en rien pointu, des lèvres trop pleines, trop rouges. Il était habitué aux lignes fines et pâles, promptes à former un rictus hautain, caractéristique des Malfoy.
Celui-là le mettait mal-à-l'aise. Assis sur le banc, à l'écart du reste de l'équipe, son détachement le déconcertait. Son dos et sa tête reposés contre le mur derrière lui, ses yeux, trop brillants, étaient perdus dans le vide. Le garçon eut un soudain sursaut de poitrine dans une inspiration courte, mais profonde, et cligna plusieurs fois des yeux, semblant repousser une émotion naissante. Il expira lentement.
Harry se souvenait de la dernière fois qu'il avait aperçu le garçon. Dans ce vestiaire, il ne retrouvait rien du garçon détaché et hautain qui avait traversé en toute indifférence un restaurant où des regards hostiles le submergeaient. Une tristesse ombrait son visage.
La porte s'ouvrit, et le capitaine entra. Le cœur d'Harry s'emplit de fierté à la vue du badge accroché sur la poitrine de son fils. Mais le garçon ne le vit pas tout de suite. Il regardait vers Malfoy, qui releva les yeux vers lui pour les détourner l'instant d'après. Contrarié, son fils s'avança vers le garçon, tendant la main.
« Albus ! »
Une jeune fille entra brusquement dans le vestiaire, brune et svelte. Une Serdaigne d'après son écharpe. Elle passa les bras autour du cou d'Albus, collant son corps contre le sien.
« Un petit encouragement ? sourit-elle et elle l'embrassa, en prenant soin de mordiller amoureusement sa lèvre inférieure. L'équipe approuva par des sifflements et des claquements de mains.
Harry détourna le regard, par pudeur pour son fils et se rendit compte que Malfoy faisait de même, les lèvres serrées, méprisant.
Harry finit tout de même par se racler la gorge. Albus découvrit son père et se dégagea de l'étreinte, rouge et honteux. Harry lui sourit, sachant que son fils était de nature réservée, cet élan public le troublait.
« P'pa…, voici Kate, Katelyn Davies, Capitaine de l'équipe Serdaigle.
- Et sa petite amie, ajouta la jeune fille en tendant une main chaleureuse vers lui. « Ravie de vous rencontrer, monsieur Potter ».
Harry vit son fils grimacer alors qu'il serrait la main tendue. Lui-même exécuta un sourire poli pour la jeune fille, sans conviction. La même pudeur héréditaire.
« Kate, on se voit après ok ? » Une manière peu élégante de la congédier, mais elle n'en sembla pas offusquée et sortit après lui avoir volé un dernier baiser.
Albus passa ses doigts sur sa nuque et remonta dans ses cheveux tout en fixant son père soupirant.
« Tu es prêt ? demanda Harry époussetant les protections d'épaules de son fils. Il aurait dû les cirer, mais son Al n'était pas dans les apparences, même pour un premier match.
-Ouais, on va gagner.
Harry sourit, un peu surpris par l'aplomb de la réponse.
«Tu as l'air plus sûr qu'hier, tu semblais… incertain.
- Je n'étais pas sûr de mon équipe hier… de toute mon équipe. Aujourd'hui je le suis.
Harry observait le jeune homme, plus protecteur qu'il ne l'aurait souhaité. Ce match était important pour son garçon, il le savait. Chaque match entre les Serpentards et les Gryffondors était une épreuve. Un passé trop lourd, des luttes vivaces et non cicatrisées.
C'était le passé de Poudlard, et les spectateurs comme les joueurs attendaient cette compétition. Et cette d'année encore plus. Une rivalité entre frères était un cocktail amer et corsé. Potter avait feint d'ignorer les disputes et les remarques acides, mais cet été, cet été insupportable, avait été ponctuée et gangrénée par leur lutte constante, pour tout et rien, pour la quantité de nourriture dans leur plat, jusqu'au nombre de pantalons ou de temps passé dans la salle de bain, en passant par le nombreux d'heure qu'Harry passait avec chacun d'eux. Tout était devenu une compétition.
Ginny s'en amusait. Elle avait eu une famille nombreuse et les rivalités entre enfants n'avaient pas de secret pour elle. Tout cela était très sain. C'est du moins ce qu'elle pensait. Harry ne lui avait jamais avoué que l'enfant qui avait le plus souffert dans la famille Weasley avait été Ron. Elle, la dernière-née, la seule fille, avait été le trésor de sa mère.
- Bon courage, mon fils.
Un dernier échange et Harry regagna les stands, prenant place parmi les siens. Ginny lui tendit un verre d'hydromel aux épices, chaud et fumant, un véritable plaisir sous ce vent glacial qui transperçait les nuages, pourtant bas et sombres.
Harry ôta ses gants et se réchauffa les mains autour du gobelet.
- Alors? Ils sont confiants? demande Ginny en piquant un morceau de poulet pané dans une boite que Ron gardait jalousement sur ses genoux.
Harry acquiesça, un sourire rassurant, ne souhaitant pas s'attarder. Il n'avait pas vu James et il ne savait pas mentir.
Il aperçut Drago au loin, avec Théodore Nott. Du moins cela lui semblait-il, l'homme avait un teint gris et le visage amaigri, ses vêtements trop larges semblaient être tombés sur son corps plutôt qu'enfilés volontairement, jusqu'à le recouvrir totalement. Une frêle stature, maladive. À ses côtés, Drago se tordait les mains, les lèvres pincées. Une posture anxieuse qu'Harry partageait totalement.
La foule se leva à l'arrivée des équipes dans le stade.
L'apparition de James déclencha un déluge d'applaudissements, parmi les gryffondors et les autres maisons.
"Il a du succès", souffla Ginny, à la fois désespérée par cette exubérance, mais admirative de son ainé.
Le garçon leva le bras en conquérant et le public lui répondit, enthousiaste.
Droit et assuré, Albus jaugea la foule et se tourna vers son équipe pour un dernier discours. Harry vit les têtes hocher à chacune de ses paroles, puis tous enfourchèrent leur balai.
Ginny fronçait les sourcils.
- Nott est dans l'équipe de James?
- Comme chasseur, et Scorpius est l'attrapeur de Serpentard, dit Lily.
Elle était passée pour prendre une poignée de gallions dans la bourse de son père pour s'acheter des friandises et s'empressait de retourner à son siège au bas des gradins avec les autres élèves de gryffondor déguisés en lion, le visage peint de bande rouge et or.
Les joueurs s'élancèrent dans les airs, un formidable cortège vert et rouge. Tous prirent leur place dans le ciel. Le coup d'envoi fut lancé et les cris des spectateurs enflèrent tout un coup.
Le match prit le ton d'un combat, agressif, comme s'il était l'expression finale d'une tension de plusieurs mois. Les cognards frôlaient les joueurs et sous un coup particulièrement violent d'un batteur, l'un d'eux démolit le pied d'une tour du stand qu'il fallut maintenir par un sort pour éviter qu'elle ne s'effondre.
Au bout de 45 minutes de match, les Gryffondor menaient de 5 à 3, un but marqué par James, quatre autres par Dorian Nott. Harry fut surpris de la puissance de jeu du garçon. Ses cheveux collaient à son front, et la sueur perlait sur ses joues, mais à aucun moment il ne semblait faiblir.
James resserrait ses rangs, ne perdant aucun moment de répit pour encourager et commander à son équipe.
De son côté Albus tenait bon, malgré 30 points de retard, il ne faiblissait pas, la tempe rougie par un cognard qui lui avait frôlé le visage.
Le match battait son plein. À un moment, le souafle échappa du bras de Dorian, après qu'il ait reçu un coup de pied dans les côtes par un joueur serpentard qui s'était lancé à sa poursuite.
La foule hua.
«C'est ça ta façon de jouer? s'écria James en approchant son balai de son frère. Tiens tes joueurs!»
Albus serra la mâchoire et détourna les yeux. Il vola vers le joueur, la réprimande fut courte, mais rude et le garçon acquiesça, les yeux baissés.
Soudain les deux attrapeurs foncèrent sur le terrain, à la poursuite du vif d'or. Après deux accrochages entre les poteaux des gradins qui manquèrent de désarçonner les deux garçons, le vif d'or fila vers le ciel, suivi par les deux garçons, et tous disparurent dans les nuages. Creevey, l'attrapeur des Gryffondor ressorti peu de temps après, tremblant.
Harry grimaça, se souvenant trop bien que le vif d'or montait souvent si haut que le froid devenait vite insupportable.
La petite boule d'or réapparut du ciel, découpant les nuages et descendit en piqué vers le sol, suivi de Scorpius qui fonçait à toute allure devant une trainée informe qui fondait vers le terrain.
Le vif d'or prend trop de vitesse, pensa Harry, et il sentit Ginny s'agiter sur son siège à ses côtés, elle-même inquiète.
Ils connaissaient bien cette manœuvre.
Le vif d'or descendait en flèche jusqu'à terre à toute vitesse et changeait de trajectoire au ras du sol pour repartir en perpendiculaire, de sorte que l'attrapeur avait deux choix : attraper le vif d'or bien avant qu'il n'atteigne la pelouse, sous peine de s'écraser sur le sol faute de pouvoir redresser suffisamment le balai, ou abandonner la poursuite et atteindre que le vif remonte, avec la crainte qu'il disparaisse de vue.
Bien sûr, la plupart des attrapeurs ne tentaient pas de suivre le vif.
Mais Malfoy était lancé à toute allure, fonçant vers le sol à la poursuite du vif d'or. Des murmures inquiets de plus en plus pressants se firent entendre.
« Il va trop vite, trop bas, grinça Ginny, anxieuse. Pourquoi il ne redresse pas ?! »
Soudain, Scorpius lâcha son balai et se laissa chuter, le bras tendu vers le vif d'or qui plongeait vers le sol.
Des cris se firent entendre, les joueurs s'arrêtèrent. Plusieurs baguettes se levèrent vers le garçon, mais Albus fondit sur Scorpius, l'attrapant de justesse avant qu'il ne touche le sol.
Les deux garçons volèrent vers l'arbitre, suivi de James et Finnigan.
"Qu'est-ce que vous foutez ?!" s'écria Finnigan qui voulait reprendre un match pratiquement gagné.
"Arrêtez le match", dit Albus. "On a gagné."
Scorpius ouvrit la main qui tenait le vif d'or.
La foule explosa de joie.
Dans le vestiaire des Serpentards
Drago semblait avoir pris dix ans et ses mains tremblaient quand il serrait Scorpius contre lui. L'infirmière avait terminé de passer une pommade chauffante sur les mains de garçon, extrêmement abimées par le froid. Il ne sut pas dire à quelle hauteur il était monté, mais les engelures sur ses doigts étaient profondes.
"Tu me refais un coup pareil, et le quidditch, c'est terminé pour toi !"
"Aucun risque, dit Scorpius. Je quitte l'équipe."
Albus perdit son sourire.
- Quoi ?
- Je quitte l'équipe, répéta-t-il en le regardant.
- Attends non, non, non. Comment ça, tu quittes l'équipe ?
Scorpius haussa les épaules.
- Tu ne peux pas décider ça comme ça ! s'exclama Albus.
- Cela fait une semaine que j'y pense. Tu voulais gagner ce match, c'est fait. Maintenant, on arrête. C'est terminé.
Harry croisa le regard de Drago, un moment gênant entre les deux hommes. Tous deux sentaient une signification particulière dans ces paroles.
Albus resta un moment silencieux, alerte, regrettant qu'ils soient ainsi observés.
- Je crois qu'il faudrait qu'on parle de tout ça, finit-il par dire.
- Inutile, c'est fait.
- Tu es sûr que c'est ce que tu veux ? interrompit Drago.
Scorpius acquiesça, un sourire amer aux lèvres.
- C'est mieux comme ça, je pense. C'est mieux pour moi et pour tout le monde.
Drago acquiesça et posa une main réconfortante sur l'épaule de son fils, et ce geste lui fit perdre le sourire.
- Tu es maigre.
- Je sais, soupira le garçon en roulant des yeux.
- Je te ferai grossir à Noël.
- Bonne chance.
- Et il te faut une coupe de cheveux. Ce n'est pas possible, tu as fait ça tout seul ou quoi?
Scorpius passa la main dans ses cheveux, palpant les mèches irrégulières.
La porte du vestiaire s'ouvrit brusquement, comme si on l'avait violemment percutée d'un coup de pied. James entra dans la pièce, suivi de Dorian.
- T'es un grand malade, s'écria Nott en prenant Scorpius dans ses bras. Bien joué!
- Toi aussi, un naturel, dit Drago en passant la main dans les cheveux ébouriffés du garçon. Tu as le vol dans le sang.
- On s'est bien entrainé, dit-il en souriant à Scorpius.
- Ton père est resté assis dans les tribunes, dit Drago, après une hésitation. Va le voir s'il te plait.
- Il n'aurait pas pu descendre lui-même, grogna Dorian.
- S'il te plait, insista Drago.
- Tu devrais aller avec lui, dit Scorpius. On se retrouvera un peu plus tard?
Drago acquiesça, passant une main sur la tête de son fils avant d'ouvrir le chemin vers la sortie du vestiaire. Dorian lança un clin d'œil au garçon, ce qui lui arracha un sourire.
La voix agacée d'Albus attira son attention.
- Tu veux quoi, James? demanda Albus, qui ramassait le sac que son frère venait de renverser. Une façon d'annoncer sa venue.
- Je viens féliciter mon petit frère. C'est la victoire qui te met de mauvaise humeur?
- Je ne te savais pas si bon perdant? s'enquit Albus.
- Pourquoi je ne le serais pas? Ce match ne compte même pas !
- James, intervint Harry, réprobateur. Il leva les sourcils, encourageant son fils aîné. Le garçon frotta sa langue à l'intérieur de sa joue, semblant hésiter.
- Beau match, Albus, finit-il par dire.
Pitoyables félicitations, mais Albus ne s'attendait pas à ce qu'il lui serre la main, il n'était pas aussi fair-play. Quelle mascarade…
- Merci, répondit-il sans plus d'enthousiasme.
James cogna son épaule, joueur, et annonça qu'il allait voir «les autres» dans les tribunes.
- Attends, James, appela Harry. Les garçons, j'aimerais qu'on se voie pour déjeuner, tous les trois. Aucun de vous n'a prévu quelque chose ?
- Non, dit Albus
- Si, mais j'annulerai, répliqua James.
- Ok, 13 heures devant les grilles.
James hocha la tête. Il traversait le vestiaire puis stoppa quand son regard s'attarda sur Scorpius et sur ses mains égratignées.
- Décidément... murmura-t-il avec un sourire.
Scorpius rougit et serra les dents, défiant, se remémorant que c'était James qui avait soigné ses mains la veille. Il détestait lui devoir quoique ce soit, et il haïssait encore plus qu'il le nargue en public, là où il ne pouvait répliquer. Inconsciemment, il regarda dernière James pour voir si Albus les regardait. Celui-ci n'avait pas prêté attention à l'échange.
Mais, Harry, le Grand Harry Potter, les fixait tous deux. Scorpius se figea.
- Tu devrais acheter des gants à ton attrapeur, dit James à Albus avant de passer la porte. Un conseil si tu veux gagner le prochain match. Un match qui compte cette fois.
Le garçon grimaça et détourna les yeux, s'affairant à remplir son sac avec son uniforme de Quidditch.
- Tu es prêt ? dit Harry. On rejoint ta mère.
- Ouais.
Albus mit son sac sur l'épaule et suivit son père.
Il passa au niveau de Scorpius qui finissait de lacer ses chaussures. Il s'arrêta à sa hauteur, hésitant. Mais Scorpius l'ignora.
"Il a raison", commença Albus. "On devrait trouver des gants à ta taille."
Scorpius ne levait pas la tête, s'acharnant juste plus fort sur les lacets.
"Inutile. Je quitte l'équipe." Sa voix était égale.
"Rien n'est encore décidé", insista Albus.
"J'ai décidé."
"Sans m'en parler!"
Malfoy se releva brusquement, faisant face à Albus. Bien que plus petit, il se tenait droit et son regard était si perçant que le garçon eut envie de reculer.
"Oui sans t'en parler", dit-il dans une voix sifflante, venimeuse. "Tu vois, les choses sont exactement comme tu les souhaitais. Savoure ta victoire, c'est mon cadeau d'adieu."
Il dépassa Albus, bousculant presque Harry sur le chemin de la sortie, lui murmura un faible « pardon »quand il s'écarta de son passage et sortit en claquant la porte.
Ils s'étaient retrouvés aux Trois Balais à Pré au lard. Une demande spéciale adressée à McGonagall. Harry ne demandait jamais rien après tout, mais ce soir il avait voulu inviter ses deux fils à déjeuner, afin de tâter la température entre eux.
"Cette Katelyn Davies", dit Harry en posant ses couverts. "C'est sérieux entre vous?
Le visage d'Albus devint écarlate. James gloussait à ses côtés.
"Elle se voit déjà mariée en tout cas."
"La ferme James!" Il se tourne vers son père. "Nous n'aurons pas cette conversation."
Harry se recula dans sa chaise en croisant les bras, souriant.
"Elle me fait penser à mon ex-petite amie, Cho Chang."
"Comment était-elle ?" demanda Albus avec réticence. L'idée que son père ait eu une vie amoureuse le mettait mal à l'aise.
Harry réfléchit un instant.
"Insupportable."
Albus éclata de rire, suivi de son père. Le silence s'installa entre eux.
"Il semble décidé", dit-il enfin. Et Albus le regarda un instant sans ciller. "Il aurait dû m'en parler. S'il pensait quitter l'équipe, il aurait dû m'en parler."
"Qui quitte ton équipe?" demanda James.
Harry l'ignora:
"Mais vous ne vous parlez plus."
Albus ouvrit la bouche, surpris et se détourna. Ses yeux se perdaient sur la pelouse recouverte de givre au-dehors.
"C'est de sa faute", souffla-t-il.
Harry acquiesça par politesse et continua:
"Un sacré spectacle. Un gamin se laisse tomber dans le vide pour gagner un match, pour toi, et tu le rattrapes avant qu'il ne heurte le sol."
- Quoi ?
- Rien, je constate. Je ne suis pas très doué pour interpréter les gestes. Je suis même très mauvais, c'est pour cela que j'y accorde beaucoup d'attention. Je me suis souvent trompé sur les intentions des gens."
Albus haussa les épaules, l'air sombre.
- Il savait que je le rattraperais.
- Mais tu aurais pu ne pas y arriver. À le rattraper. Il doit avoir sacrément confiance en toi.
- Ou bien il se fichait de s'écraser au sol, intervint James.
- N'importe quoi, grinça Albus sans regarder son frère.
- Tiens Al, dit Harry en sortant sa bourse. Commande-nous un café s'il te plait et règle au comptoir pour moi.
Le garçon prit le porte-monnaie et se leva.
En voyant la jeune fille au comptoir perdre son sourire, James ne put s'empêcher de rire. La serveuse semble déçue que le grand Harry ne vienne pas lui-même régler sa note.
Harry leva discrètement sa baguette et détraqua la machine à café, une acquisition moldue peu courante à Pré au lard. La serveuse s'acharna plusieurs fois sur le bouton d'allumage avant d'appeler son patron. Quand il fut sûr que cela prendrait un peu de temps avant qu'ils ne soient servis, Harry se tourna vers son fils.
- Pourquoi tu fais ça? demanda James.
- James, commença Harry doucement en le fixant. Laisse Scorpius Malfoy tranquille.
Il attendit, mais aucune émotion n'apparut sur le visage de son fils.
L'adolescent inspira doucement.
- Pourquoi tu me dis ça?
- Je ne sais pas ce qui se trame entre vous, mais ton frère et lui sont sûrement en froid à cause de ça.
James haussa les épaules.
- Ils ne se parlent plus.
- Et tu n'y es pour rien?
- Quoi ! Mais bien sûr que non!
Devant la mine désapprobatrice de son père, le garçon perdait patience.
- Je ne m'approche jamais de Scorpius, on ne s'adresse jamais la parole, demandes à qui tu veux!
- Ne me prends pas pour un imbécile, James. Je te sais assez intelligent pour masquer tes combines. Je ne sais pas ce qui se trame, mais ça doit s'arrêter maintenant.
- Je te le répète. Je ne vois pas de quoi tu parles.
- Soit. Je ne peux pas être sans arrêt derrière toi pour vérifier de toute façon. J'espère juste que tu sais ce que tu fais.
- C'est dingue! Pour Albus tu n'as que des mots d'encouragement et pour moi des reproches.
- Des reproches? Arrête ton mélodrame.
- Ah j'exagère? C'est toujours Albus pour toi! Il est pas en sucre, putain!
- Ton langage, James.
Le garçon l'ignora, vexé d'être interrompu.
- J'aimerais que tu me donnes le bon rôle de temps en temps. Ce n'est pas parce que les choses sont plus faciles pour moi que je n'ai pas besoin que tu sois fier de moi et que tu me le montres.
Harry soupira et se renfonça dans son siège. Son fils ne le quittait pas des yeux, il semblait presque attendre qu'Harry le contredise. Et cela lui paraissait inutile. Il estimait énormément son ainé, mais depuis son enfance, James n'avait pas besoin de lui.
Albus était le plus fragile, le plus tourmenté. Il était l'enfant le plus silencieux et pourtant celui qui semblait demander le plus d'attention et de précaution. James réussissait tout, comme si une place avait été laissée dans le monde en attendant qu'il la prenne. Il était l'enfant et l'adolescent que Sirius avait pu être, Harry en était certain. Mais peut-être s'était-il trompé.
"Je ne te donne pas le mauvais rôle. J'équilibre un peu les choses. Tu n'as jamais été facile à vivre pour Albus. Il a vécu dans ton ombre pendant très longtemps. C'est le cas dans beaucoup de familles, un enfant rayonne plus que les autres et cela les étouffe. Personne n'est responsable. Mais à un moment, il faut que les autres enfants brillent aussi."
Il fit une pause, pesant chacun de ses mots.
"Je suis fier de toi, et je sais que tu pourras tout réussir dans ta vie et je t'y encourage de tout mon cœur. Mais là il ne s'agit pas de toi. J'ai l'impression qu'Albus change, qu'il devient un peu plus lui-même. Je pense que le jeune Malfoy y est pour quelque chose et je ne veux pas que tu t'immisces entre eux."
- Je ne m'immisce dans rien du …
- J'ai vu la façon dont Scorpius Malfoy te regarde.
James sembla réfléchir, et secoua la tête.
- De quoi tu parles? Il ne m'aime pas et moi non plus. Quand on se regarde, ça se voit, c'est normal!
- Il y a du mépris, c'est sûr, mais ce n'est pas tout. Ce n'est pas cela qui m'a fait réfléchir, c'est le regard qui a suivi, quand Scorpius a vérifié qu'Albus ne regardait pas votre échange, et sa façon de se crisper quand il a remarqué que moi je l'avais remarqué. Comme si le fait que vous soyez vu ensemble était interdit. Pour quelle raison? Je n'ai aucune envie de le savoir. Mais l'idée me gêne, James, tu peux en être sûr.
James déglutit, le regard fixait sur la table. Il gratta le vernis du bois avec l'ongle de son pouce, les lèvres pincées.
- Tu n'as rien à dire à ça? insista Harry.
- Non, pense ce que tu veux.
- James, s'il te plait…
- Je m'en fous, pense ce que tu veux. Mais si tu crois que Scorpius a une bonne influence sur Albus, tu te plantes, et s'il change, ce n'est pas pour devenir meilleur.
- Laisse-le décider de cela et vivre ses propres expériences, insista Harry.
Il leva sa baguette et réactiva la machine.
- Tu veux toujours devenir guérisseur ?
Harry changea de sujet, espérant que James se détende. Il n'avait aucune envie de l'accabler. Et il voulait savoir. James se racla la gorge, un peu pris au dépourvu par le calme de la conversation qui s'annonçait.
- Ouais, je dois voir le conseiller en janvier pour connaître les scores à obtenir aux examens. Mais ça devrait aller.
Harry acquiesça.
- Oui je pense. Je ne sais pas d'où te vient cette facilité en potion.
- Pas de maman ni de toi, ça c'est sûr, intervint Albus en posant les cafés sur la table.
- C'est sûr, je ne pense même pas que j'aurais pu avoir la moyenne aux ASPIC. Albus sembla surpris.
- Je croyais que les aurors devaient avoir un optimal en potion.
- Je n'ai jamais passé mes ASPIC. Ma 7e année a été mouvementée.
Albus ne quitta pas sa tasse de café des yeux quand il hocha la tête.
Il ne savait jamais quoi dire quand son père leur parlait de la guerre. Ou plutôt quand il n'en parlait pas. Il ne citait aucun événement, aucun lieu ni nom quand il y faisait allusion, comme s'il s'agissait d'une histoire dont il ne connaissait plus les détails, mais dont il avait un vague souvenir. Ce qui était totalement faux bien sûr.
Albus et James avaient appris la guerre dans les livres comme tout le monde, et Harry n'avait jamais confirmé ni infirmé les écrits.
- Je vais vous abandonner les jeunes. Je suis sûr que le donjon des Serpentards doit déjà fêter la victoire.
- Pas avant ce soir, objecta Albus.
- Ah? Vous êtes plus sages que les Gryffondors alors. Ils seraient même capables de fêter une défaite.
- On fête même le samedi soir, sourit James, en prenant sa veste.
Harry se mit à rire. Cette vie lui manquait. Il sortit à la suite de ses fils et les accompagna à la grille du château. Il les avait pris furtivement dans les bras chacun leur tour, et il serra James un peu plus fort pour une fois.
Il les regarda s'éloigner, malgré le froid qui lui mordait les mains. Il les enfouit dans les poches de sa veste, refusant de partir tant qu'il les apercevait encore.
Quand il ne put les discerner, il transplana.
Fin du Chapitre 19
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