14 Septembre : Forêt 1
Le Chasseur de démon avait été envoyé seul par ses supérieurs dans la forêt obscure et antique. Les rumeurs courraient sur le maître de la forêt depuis bien des années. Certains disaient que la forêt s'inclinait devant un monstre. D'autre disaient qu'il s'agissait d'un esprit. D'autres encore parlaient d'un ermite qui pouvait aussi bien inviter ceux qui traversaient la forêt à venir boire du thé dans sa maison que les maudire à vue pour simplement avoir croisé son regard.
JingYun avait plus d'informations que les péons mais moins que les locaux.
Ceux là refusaient de donner la moindre information sur le maître de la forêt. JingYun avait tenté de les payer, de les menacer, de les surveiller mais rien. Ils étaient absolument bouche cousue sur tout ce qui touchait au maître de la forêt, au point que certains se demandaient si la créature n'avait pas imposé un tabou sur son existence.
Les envoyés de JingYun avaient tenté de rentrer dans la forêt à plusieurs. Ils y avaient pénétré sans soucis mais en étaient sortit très vite de l'autre coté, comme si la forêt n'était qu'une petite rangée d'arbres. A moins qu'ils n'aient pas eu conscience de leur déplacement ?
Ils avaient fait demi-tour pour tenter de se perdre dans la forêt mais sans succès. A chaque fois, ils se retrouvaient de l'autre coté de la forêt sans aucun souvenir de leur trajet.
Alors ils avaient décidés de n'envoyer qu'un seul des leurs. Et sans armes.
C'était à Boya qu'avait échus ce douteux privilège.
Le pauvre homme pestait entre ses dents, les poings serrés sur sa ceinture là où aurait du être la poignée de son arme.
Cette fois pourtant, la forêt ne disparu pas devant ses yeux en quelques dizaines de mètres. Elle était grande cette forêt. Grande, profonde et quelque peu terrifiante.
Le chasseur de démon avala sa salive lorsqu'un lézard de la taille d'un poney passa tranquillement devant lui avec sa progéniture. Ils ne lui jetèrent même pas un regard avant de disparaitre derrière les arbustes.
Boya reprit sa route sans savoir ce qu'il cherchait, ni même s'il devait chercher quelque chose.
Lorsqu'il atteignit ce qu'il pensait être le milieu de la forêt, le chemin se séparait en deux. Le chemin principal continuait tranquillement tandis qu'un autre s'enfonçait dans les arbres et le sous-bois. Il semblait à la fois que très peu emprunté mais parfaitement entretenu.
Le chasseur prit une grande inspiration.
Il s'enfonça dans les frondaisons avec un angoisse.
Boya se retourna, un lourd frisson lui remonta l'échine. Le chemin disparaissait derrière lui à mesure qu'il avançait. On le guidait vers le maître de la forêt, il en était sur.
Le chasseur se figea lorsque la forêt s'écarta soudain pour lui révéler une jolie petite maison cossue en plusieurs bâtiments qui surplombait en partie un lac délicat où fleurissaient des lotus.
Il avait trouvé sa destination.
Toujours sur la défensive, il approcha de la maison.
Il était observé. Il le savait. Pourtant, il ne voyait personne. C'était comme si la maison elle-même, le lac lui-même, le Jardin même le surveillait
Il finit par atteindre la maison.
"- Bonjour, Maître de JingYun."
Boya sursauta si fort qu'il ne manquait pas grand-chose pour qu'il s'accroche au toit en hurlant.
Il se tourna brutalement vers la voix. S'il avait eut son arme, l'homme aurait eut son épée sous le nez.
"- Qui… Qui êtes vous ?"
"- Je suis celui que vous êtes venu voir."
L'homme avait entre trente et quarante ans d'apparence. Il souriait doucement. Ses yeux étaient d'une couleur proche du miel doux, presque dorés. Ses pupilles étaient fendues verticalement mais Boya ne se sentait pas en danger. Il y avait une aura de calme tranquille autour de lui.
L'homme, non… l'esprit ? Le démon ?... Le dieu ? Il n'avait pas peur de Boya en tout cas et attendait que le jeune homme se calme.
Ses cheveux étaient noirs avec quelques mèches blanches. Pourtant, elles n'étaient pas un signe de vieillesse. Un signe de statut ? d'âge ?
"- Asseyez vous, je vous en prie. Le thé est à parfaite température."
Boya obéit. Il était rigidement installé à genoux sur un coussin lorsque l'homme lui offrit une tasse de thé. L'homme était à moitié affalé sur un gros coussin posé dans son dos.
"- Alors, pourquoi êtes vous à ma recherche ?"
"- Ha… JingYun…" Boya se tu. Pourquoi avaient-ils été envoyés là ? Il ne s'en souvenait pas. C'était sans importance. Ce qui l'était par contre, était la question qui lui brulait les lèvres depuis bien longtemps. "Qui à tué ma mère ?" Il savait que c'était un renard démon. Mais il ne savait ni lequel, ni pourquoi. En fils respectueux et filial envers les mânes de sa mère, il ne reculerait devant rien pour la venger et apaiser son esprit.
L'homme avala une tasse de thé.
"- Vous savez déjà qui et pourquoi elle a été tué. Mais l'esprit d'un enfant est fragile, Boya Daren." Boya sursauta. Il n'avait pas donné son nom ! "Qui à profité de sa mort pour la remplacer ? Qui a assez d'argent pour s'assurer que son premier fils qui n'est "que" le fils d'une obscure concubine ne posera pas de problème à son véritable héritier ?"
A mesure que l'homme parlait, le visage de Boya se chargeait d'orage. Son père. Son père avait tué sa mère pour en prime se débarrasser de lui ?
Il vida sa tasse d'une gorgée.
"- Comment puis-je le prouver ?"
"- Vous le connaissez. C'est un bavard incapable de contenir ses émotions." Boya ne tenait pas sa colère de personne et son incapacité à se maitriser de sa mère.
Le jeune homme avait pincé les lèvres. Il voulait aller percer la bidoche de son géniteur après l'avait harcelé suffisamment pour qu'il avoue devant toute la cour qu'il avait fait assassiner sa mère.
Il bondit sur ses pieds pour partir sans voir le sourire triste du maître de la forêt. Personne ne restait après avoir sa réponse. C'était la cruauté de la malédiction qui l'enchainait ici. Il ne pouvait partir et son existence s'oblitérait comme sans importance de tous ceux qui n'avaient plus besoin de lui. En échange de "savoir", il ne pouvait ni faire, ni partir.
"- Votre nom ?"
L'homme releva la tête avec surprise. C'était la première fois depuis des siècles que quelqu'un lui demandait sans nom au point qu'il eut besoin de quelques instants pour s'en rappeler.
"- QingMing. Anbei QingMing."
"- J'ai quelque chose à faire, Anbei QingMing. Mais je reviendrais."
Le maître de la forêt eut un sourire doux.
"- Je vous attendrai, Yuan Boya. La forêt vous est ouverte." A lui et à lui seul. S'il revenait.
Boya repartit auprès des siens au pas de course. Quand il les rejoignit, ils étaient mort d'inquiétude.
"- Boya ! Tu es partit près de douze heures !" Tant que ca ?
"- J'ai vu le maître de la forêt."
"- Alors ? La réponse ?"
Boya resta interdit. La réponse a… la question qu'il devait poser lui revint en tête. Il secoua le chef, désolé.
"- Il ne répond pas aux questions de autres." C'était la seule explication. Sinon, pourquoi lui faire oublier la question pour laquelle ils étaient venu. S'ils voulaient sauver l'impératrice et le prêtre impérial, ils allaient devoir les faires venir ici et espérer que le maître de la forêt accepterait de les recevoir.
En attendant, Boya poussait pour rentrer au plus vite. Il avait un règlement de compte à préparer avec son père. Puis, il reviendrait ici.
