CHAPITRE XVII
- Si tout se passe bien, nous devrions arriver à notre destination dans deux jours.
A l'aide d'un bâton, Kakashi traça une ligne qui partait de deux petites feuilles vertes, censées les représenter. Il la fit passer entre des brindilles qu'il avait alignées, contourner des pommes de pin, des morceaux d'écorce. Toutes ces boucles et ces détours n'annonçaient pas un trajet de tout repos. Pakkun, assis à ses pieds, hochait la tête en observant le plan. Il avait déjà accompagné Kakashi à plusieurs reprises, semblait-il, et rappelait des difficultés qu'ils avaient eues à certains points, ce qui mena à quelques changements d'itinéraire.
Kakashi s'était résolu à invoquer le ninken. Son arrivée avait été une vraie bouffée d'air frais, d'autant qu'il apportait des nouvelles que les deux ninjas avaient à peine osé espérer: Sai, puis Naruto avaient bien repris connaissance, le lendemain de leur départ. Sakura n'avait décelé aucune séquelle ni chez l'un ni chez l'autre, et ils avaient totalement récupéré depuis – même si Yamato admettait n'être pas certain de ce qu'il se passerait la prochaine fois que Kyuubi entreverrait une brèche. Ils avaient réussi à rejoindre le groupe dirigé par Gai, où ils avaient retrouvé les élèves de Rin, qui se portaient bien tous deux et faisaient un travail fantastique pour retaper les blessés. Un plan solide pour reprendre le village avait été mis en place par les jonin à la tête du groupe. Maintenant, à eux deux de régler la dernière partie cruciale du plan.
Rin resserra sa cape autour d'elle. Les températures avaient notablement baissé depuis qu'ils étaient arrivés aux abords de la montagne. Les nuages qui collaient à son sommet déversaient une pluie continue qui rendait vaine toute tentative d'allumage d'un feu. L'abri que la jeune femme avait créé à partir d'une technique de Mokuton - bien loin du véritable manoir qu'avait fait apparaître Yamato quelques jours plus tôt – ne pouvait pas grand-chose face à l'humidité ambiante, mais il avait au moins le mérite de couper le vent qui menaçait de les glacer. Kakashi avait refusé qu'elle fasse davantage, bien que la végétation environnante eut suffit à dissimuler une meilleure installation.
- Il y a un village à quelques heures d'ici où nous pourrons nous équiper davantage, poursuivit son compagnon, après lui avoir jeté un rapide coup d'œil. On ne fera que traverser, notre vraie étape sera plus loin, mais à seulement quelques heures de là. C'est le passage obligé pour accéder à cette zone-ci qui nous intéresse vraiment. En théorie, la distance n'est pas très grande, mais on va devoir prendre une route qui remonte le long de la montagne; il sera difficile de courir à notre rythme habituel. Cela dit, une fois arrivés, on aura un abri sûr, chaud, du ravitaillement et des armes. A partir de là, il devrait nous rester plus ou moins deux jours avant d'atteindre la cible, le temps de la localiser précisément.
De la pointe de son bâton, il désigna enfin une petite feuille rouge.
La cible.
Rin échangea un regard bref avec Pakkun, lisant le même souci dans son regard, mais aucun des deux ne prononça un mot.
D'un hochement de tête, elle indiqua qu'elle avait mémorisé la route, et Kakashi effaça la surface du pied, avant de se relever avec un petit grognement d'inconfort.
La médic-nin l'observa, alors qu'il échangeait de dernières consignes avec le ninken. Même dans la semi-pénombre, son épuisement état difficile à manquer. Ces derniers temps, il s'attribuait des tours de garde de plus en plus longs. Il insistait pour prendre le premier quart puis, presque à chaque fois qu'elle se réveillait pour le relever, il assurait être capable de reprendre la route sur le champ, en dépit de ses cernes prononcés. Ce n'était pas une solution et il n'était pas question que cela dure, mais puisqu'il ne pouvait dormir sans empirer son état psychologique, elle s'y était résignée. Seul cet état de tension permanent semblait le faire encore tenir debout, et combien de temps encore cela durerait-il ? Il était plus pensif encore qu'à l'accoutumée, plus silencieux. Rin savait qu'il s'employait principalement à planifier le trajet le plus sûr et rapide possible, que déployer cette hypervigilence permanente lui demandait toute son énergie; mais elle sentait qu'il y avait aussi autre chose qu'il taisait. Et lorsqu'il tombait – presque littéralement - de sommeil, elle ne pouvait que s'installer à son chevet, prête à le réveiller au premier signe d'arrivée d'un cauchemar.
Cela seul était déjà était une préoccupation suffisante, mais elle devait encore refermer ses blessures à chacune de leurs étapes parce qu'il se poussait tellement que son corps n'avait pas le temps d'assimiler le chakra guérisseur qu'elle lui fournissait. Et le voilà qui parlait de s'équiper en armes en vue de ce qui les attendait. Que pouvait-il bien ressentir face à la probabilité d'avoir à affronter son ancien élève?
- Fais bien attention à vous deux, la salua l'invocation lorsque l'heure de la séparation fut venue.
- Promis, sourit-elle en le regardant disparaître dans un petit nuage de fumée.
Kakashi se tournant finalement vers Rin, s'aperçut de son regard sombre.
- Je sais que je t'ai déjà posé la question, dit-elle devant son air interrogateur. Mais je vais avoir besoin d'une meilleure réponse que «on n'a pas d'autre choix.» Est-ce que nous avons vraiment la moindre chance de convaincre ton ancien élève, ou est-ce que c'est une gigantesque perte de temps, en plus d'être particulièrement dangereux pour toi?
Il ne répondit pas tout de suite, comme s'il s'efforçait de considérer une nouvelle fois la question.
- S'il y a une chose qui peut le toucher, quoi qu'il en dise, ce sera d'apprendre que Naruto est concerné. Son motif ne sera sans doute pas aussi… noble qu'on pourrait l'espérer, mais ça nous permettrait d'atteindre une partie de lui, la dernière peut-être, capable d'éprouver autre chose que de la haine et du ressentiment.
- Et ça suffirait ?
- Il y a une chance. Pas très grande, mais elle existe. Naruto et lui ont un lien particulier – bien qu'il ait fait son possible pour l'empêcher ou le nier.
Si ses doutes étaient plus sérieux, il le cachait à la perfection. Rin hocha lentement la tête en signe d'assentiment. Il lui tendit la main pour l'aider à se relever et ils reprirent la route en silence.
Kakashi n'avait pas menti: le chemin, en plus de devenir bien plus escarpé, avait été rendu boueux et glissant par les pluies successives, ce qui ralentissait leur progression à un rythme désespérément laborieux. Il existait des routes plus accessibles, mais Kakashi leur avait préféré celle-ci, moins fréquentée. Malgré toutes leurs précautions et leurs déguisements, il ne parvenait pas à se défaire de l'impression tenace qu'ils pouvaient être toujours poursuivis. Et il n'était pas du genre paranoïaque.
- Parle-moi de lui. Comment est-il?
A nouveau, Kakashi prit le temps de mesurer ses paroles.
- Difficile de savoir ce qu'il aurait pu être si son clan n'avait pas connu ce destin; est-ce qu'il aurait été semblable à n'importe quel autre jeune? Insouciant, capable de rire de bon coeur? Ou bien est-ce que cette part sombre fait intrinsèquement partie de lui et se serait manifestée un jour quoi qu'il arrive?
A l'évidence, il s'était souvent posé la question.
- Quoiqu'il en soit, ce qui est resté de tout ça, c'est un garçon intelligent et doué, très doué. Observateur, stratège, capable d'analyser et d'apprendre vite. Mais aussi buté, et fermé à tout ce qui l'entourait. Trop sérieux et amer pour son âge.
Il eut un petit rire qui n'avait rien de joyeux.
- Par certains côtés, il ressemblait beaucoup à ce que j'étais à son âge, j'imagine. Le vieux Sarutobi a dû bien se marrer en décidant de me mettre à la tête de ce groupe.
Rin sourit à part elle. Elle avait appris à connaître Naruto et Sakura, et l'étrange parallèle entre l'équipe de Kakashi et la Team Minato ne lui avait pas échappé. La tête brûlée, le génie, et la soignante. Elle s'était souvent retrouvée dans le dévouement et la volonté indéfectibles de Sakura. Naruto, comme Obito, dégageait cette énergie solaire et jurait qu'il deviendrait Hokage devant qui voulait l'entendre.
- Malgré tout, continua Kakashi, je suis persuadé qu'avec le temps, le contact avec Naruto et Sakura aurait pu le rendre… plus vivant. Ces deux-là étaient de vrais boulets de canon lâchés dans sa vie, et ils étaient exactement ce qu'il lui fallait. Si les choses avaient suivi leur cours, je sais que la rivalité entre Naruto et lui aurait pu tourner en quelque chose de fantastique. Qu'ils auraient appris à compter l'un sur l'autre et à voir tout ce qu'ils pouvaient s'apporter mutuellement. On y était presque. Quel gâchis ça a été.
Il se tut et son regard se perdit plus loin sur leur route.
- Je me dis souvent que ça aurait pu être moi, Rin, reprit-il, un ton plus bas. J'aurais pu vriller de la même façon. Si facilement.
- Non, tu n'aurais pas pu.
- Comment est-ce que tu peux le savoir?
Le ton de la jeune femme avait été catégorique.
- Parce que ce n'est pas ce que tu as choisi. Les «peut-être» ou les «ça a failli», ça ne vaut rien. Tu avais décidé de rester. Si Sasuke et toi aviez été si semblables, il n'aurait pas pris la voie opposée. Naruto a vécu des choses tout aussi dures, et il a tourné de façon merveilleuse, parce qu'il est ce qu'il est. On ne peut pas mettre tous les choix d'une personne sur le dos des événements extérieurs. Il faut aussi prendre en compte ce qui fait cette personne.
Kakashi hocha la tête, et un soupir lui échappa, trahissant un soulagement qu'il ignorait espérer.
- Et tout ce que tu viens de me décrire de lui, poursuivit-elle, ce n'était pas toi. Tu étais beaucoup plus que ça. L'intelligence, d'accord. Mais ce dont je me souviens, moi, c'est de ta force, ta fiabilité. La confiance que tu arrivais à inspirer. Tu ne te serais jamais enfermé dans ce cercle destructeur.
Du coin de l'oeil, il observa le profil de sa coéquipière, y retrouvant le même air confiant que lorsque, plus jeune, elle l'encourageait pendant des entraînements.
- Parce que tu étais là.
- Sasuke avait Naruto, et Sakura, et toi. Je suis sûre que vous avez tout fait pour le retenir. Il s'est pourtant détourné de vous. Tu avais choisi de rester.
- Tu dis ça comme si ça avait été beaucoup plus facile que ce dont je me rappelle.
- Ça ne l'a pas été, admit Rin. Mais ce que je vois maintenant me donne raison.
A dire vrai, cela avait probablement été plus difficile que ce dont il se rappelait. Malgré les certitudes qu'elle avait aujourd'hui, elle se souvenait avoir été terrifiée chaque jour à la suite de la disparition de Minato; terrifiée que Kakashi ne décide de se laisser abîmer dans le désespoir, qu'il ne tienne plus assez à la vie pour revenir de ses satanées missions avec l'ANBU, qu'il disparaisse à son tour. Son père, Obito, puis leur sensei et Kushina. C'était trop. Elle avait fait tout ce qu'elle avait pu pour lui rappeler qu'elle était toujours là, en espérant compter suffisamment.
Un nouveau tournant les fit déboucher sur un petit plateau bordé de montagnes qui se rapprochaient jusqu'à former un haut couloir. Un village s'y était logé, qui devait rarement être touché par les rayons du soleil. Les maisons avaient été bâties adossées à la pierre, de part et d'autre d'une passerelle de bois qui traversait le bourg dans toute sa longueur. Des lanternes aux couleurs chaudes ponctuaient l'entrée de chacune des habitations. Plus loin, la route se prolongeait et remontait en lacet sur le flanc de la montagne située à l'est. Si Rin avait bien retenu les explications de Kakashi, il leur faudrait être là-haut ce soir.
L'auberge, chauffée et illuminée par une belle cheminée, leur fit l'effet d'un havre doré, après la pluie et le froid des derniers jours. Il était aussi étrange, après autant de temps passé à deux, de s'appliquer à bavarder et à sourire à l'aubergiste ainsi qu'aux autres clients, pour ne pas se démarquer des autres voyageurs. Kakashi était devenu curieusement bon à ce jeu-là. C'était une chose de le voir devenu sociable avec leurs amis à Konoha, c'en était une autre de l'observer converser avec des inconnus comme s'il n'y avait rien de plus naturel chez lui. L'adolescent taciturne avait fait place à un homme plein d'aisance, voire affable, capable de s'attirer la sympathie des gens avec une étonnante facilité. Et bien qu'il joue ici un rôle, il n'avait rien de forcé.
Le même phénomène se produisit dans la boutique de vêtements dans laquelle il la mena ensuite. Rin avait choisi la veste la plus épaisse qu'elle avait pu trouver, au tissu teint dans un camaïeu de mauve et de bordeaux, avec des manches brodées de motifs traditionnels locaux. La marchande, tout en l'aidant à boutonner le col, n'avait eu de cesse de remarquer à voix haute, avec des regards appuyés à Kakashi, à quel point la tenue seyait à la jeune femme - ce dont il avait convenu avec bonhommie. A une époque, il aurait fait semblant de ne pas entendre.
De son côté, il avait abandonné sa veste de Jonin désormais en lambeaux pour en choisir une nouvelle, d'un aspect moins militaire, mais adaptée au climat et plus élégante que ce que Rin lui avait jamais vu porter. Les mains jointes, la vendeuse avait paru sur le point de dire quelque chose mais, percevant sans doute quelque chose dans le regard de la jeune femme, elle s'était contentée de lui faire un clin d'oeil entendu qui avait donné envie à Rin de se cacher sous terre.
Lorsqu'ils purent reprendre la route, la pluie avait cessé. L'escalier étroit qu'ils devaient emprunter avait été taillé à même la montagne, et montait de façon abrupte jusqu'à un point que les deux voyageurs ne pouvaient pas apercevoir de là où ils se tenaient. Pas étonnant que Kakashi ait jugé nécessaire la pause avant cette ascension.
Les deux ninjas atteignirent un premier poste de garde alors que le jour commençait à décliner. Kakashi se présenta, sans plus dissimuler son identité, et les soldats, le reconnaissant, les laissèrent poursuivre. Le poste dépassé, l'escalier faisait par bonheur place à un sentier pavé. L'endroit était désert, mais Rin nota les ouvertures étroites dans la montagne de part et d'autre de leur route.
- Où sommes-nous, exactement?
La kunoichi avait chuchoté, sans être certaine que ce soit nécessaire. Si elle se fiait à la démarche plus détendue de Kakashi, ils étaient en territoire sûr, et on les avait autorisés à passer sans la moindre difficulté. Mais ce haut couloir rocheux était assez intimidant, et elle ignorait à quel point ils étaient observés.
- La forteresse de Nendo. Seulement, on emprunte une entrée cachée. Simple précaution, précisa-t-il, devançant la question de sa compagne. Les habitants avaient fait appel à nous il y a une dizaine d'années pour quelques missions, à une époque où l'endroit était presque abandonné. Depuis ça s'est redéveloppé, ils ont reconstruit pas mal de choses et c'est devenu un petit fort militaire. Il y avait plusieurs perspectives intéressantes, nous avons gardé des relations. Aujourd'hui c'est un des endroits les plus sécurisés qui existent.
Il fallut une quinzaine de minutes avant de parvenir à un nouveau poste de surveillance. Il avait été construit dans cette même pierre que celle qui se trouvait partout autour d'eux, dissimilant une petite porte ouvragée qui semblait mener à l'intérieur même de la montagne. La forteresse avait été creusée et bâtie à l'intérieur, comprit Rin. Voilà ce qui la rendait imprenable.
On avait dû prévenir les gardes de leur arrivée d'une manière ou d'une autre, car il y eut cette fois un peu plus d'agitation. À leur empressement, on aurait pu penser que Kakashi était une sorte de célébrité. L'un d'entre eux, un homme d'âge moyen qui faisait visiblement partie du fanclub du grand Kakashi-au-sharingan, se dévoua pour les accompagner à travers le dédale de couloirs de la forteresse, pendant qu'un autre se hâtait d'aller annoncer son arrivée au poste de commandement.
Leur guide les mena à la grande salle, où étaient déjà attablés plusieurs soldats qui ne leur prêtèrent guère attention. Ici, les gens allaient et venaient à toute heure du jour ou de la nuit, entre deux tours de garde. Une grande table de buffet était régulièrement approvisionnée par des cuisiniers affairés. Le soldat qui les accompagnait les invita à se restaurer en attendant qu'on vienne les chercher, puis les laissa après plusieurs saluts et coups d'oeil hésitants vers Kakashi qui firent se demander à Rin s'il n'avait pas été sur le point de demander un autographe.
Ils venaient de terminer leur assiette quand une femme grande et à l'allure sévère approcha leur table.
- Hatake Kakashi. Navrée pour l'attente, j'étais au terrain d'entraînement, et la nouvelle de votre arrivée ne m'est parvenue qu'à l'instant.
- Capitaine Tanaka, salua Kakashi, avant de se tourner vers Rin pour la présenter.
- Enchantée. Si vous avez fini, je suggère que nous ne perdions pas de temps et que nous nous rendions dans mon bureau.
Ils ne prononcèrent pas un mot alors que la capitaine les précédait d'un pas vif à travers les couloirs. Sur son passage, les conversations se taisaient, et les soldats postés en surveillance se redressaient.
- Qu'on ne nous dérange pas, ordonna-t-elle d'une voix qui claqua à ceux qui gardaient la porte vers laquelle elle se dirigeait.
Pendant qu'on refermait derrière eux, elle fit le tour de son bureau pour s'installer à son fauteuil et indiqua du menton des sièges à Rin et Kakashi. Son visage était grave.
- Non qu'il nous soit désagréable de vous recevoir, bien entendu, mais je ne peux m'empêcher de penser que cette visite impromptue n'est pas de bon augure...
- En effet, il n'était pas prévu que je repasse avant un moment, sans quoi vous auriez reçu ma demande de visite en temps et en heure. Mais la situation actuelle ne m'en a pas laissé le loisir.
- Que pouvons-nous faire pour vous?
A la conversation qui suivit, Rin comprit différentes choses que Kakashi n'avait pas eu le temps ou la possibilité de lui expliquer hors d'un lieu sécurisé. Pour commencer, que l'accord passé entre Konoha et cet endroit concernait en particulier l'accueil de Sasuke dans la région suite à son bannissement; ensuite qu'il était surveillé, et que des rapports parvenaient régulièrement à Tsunade – et par ce biais, à Kakashi. Ce dernier n'évoqua pas la raison qui les poussait à ramener Sasuke avec eux, et Tanaka, quoi qu'elle en pense, ne posa pas de question.
- Je vois, dit-elle pensivement. Souhaitez-vous des renforts?
- Si nous voulons avoir la moindre chance de réussir, ça ne peut pas passer par quelqu'un d'autre que moi, mais merci pour la proposition.
- Comme vous voudrez. La zone a changé depuis votre dernier passage, je peux vous fournir des plans qui vous aideront à localiser votre cible. Quand comptez-vous partir?
- Le plus tôt possible. Demain matin, s'il vous est possible de nous accueillir cette nuit.
- Bien entendu. Des chambres vous sont apprêtées en ce moment-même. Vous aurez les plans dans la soirée, le temps que nous vous en fassions des copies. Les gardes de la porte nord auront la consigne de vous laisser passer. Disons à 8h si cela vous convient. Bien entendu, l'armurerie est à votre entière disposition.
Kakashi hocha la tête en signe de remerciement. La Capitaine se leva de sa chaise, signifiant son congé, et ils l'imitèrent.
- Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n'hésitez pas à faire parvenir un mot à mon aide. J'ai malheureusement de mon côté des affaires qui vont m'accaparer. Je ne pense pas être disponible demain pour votre départ, mais je vous souhaite toute la réussite que vous espérez dans votre entreprise. Je prendrai les dispositions nécessaires pour vous accueillir tous les trois à votre retour.
L'aide de la Capitaine, arrivée sur ces entrefaites, leur fit descendre un nombre impressionnant d'escaliers, jusqu'à un couloir silencieux, nu et mal éclairé qui desservait une dizaine de portes. L'«aile des invités» était aussi accueillante qu'on pouvait l'attendre d'une forteresse militaire.
Leur accompagnatrice désigna deux portes correspondant aux chambres qui leur avaient été attribuées, puis les laissa après s'être assurée que Kakashi se rappelait toujours comment se diriger dans la forteresse.
Rin observa les deux portes, ennuyée. Depuis l'autre côté du couloir, elle n'aurait aucun moyen d'aider rapidement Kakashi s'il était à nouveau pris dans un de ses cauchemars. Et avec ce qui les attendait dans les jours à venir, il devait absolument pouvoir se reposer.
Kakashi tourna la clé de la serrure la plus proche, et ils pénétrèrent dans une petite chambre qui n'avait pas grand-chose à envier à une prison. Les quelques meubles disponibles avaient l'air d'être là depuis la nuit des temps. Néanmoins, somme toute, la pièce était propre et les draps lavés de frais. La mauvaise lumière jaune diffusée par l'ampoule donnait une ambiance qui pouvait passer pour cosy si on n'était pas trop regardant. La deuxième chambre était très semblable à la première, si ce n'était la minuscule fenêtre qui ne devait pas être là pour la vue, mais qui avait au moins le mérite de laisser entrer un peu de jour et d'air frais.
- Est-ce qu'on est dans d'anciens cachots? Demanda Rin.
- Très probablement. Ils ont réaménagé la forteresse il y a quelques années pour lui ajouter une fonction diplomatique plutôt que seulement pénitentiaire. Je n'étais jamais venu dans cette partie du château, je découvre en même temps que toi. Tu as une cellule préférée?
- Pas vraiment.
- Dans ce cas disons que celle-ci fera l'affaire, dit-il en posant son sac.
Alors qu'elle hésitait encore sur la façon de formuler les choses de façon convaincante, il lui prit son sac des épaules et le posa sur le lit près du sien.
- On rentrera facilement à deux ici, mais il n'y a le nécessaire que pour un. Je vais aller récupérer ce qui manque dans l'autre chambre.
Il aperçut alors l'air éberlué de sa compagne.
- A moins que tu ne préfères être tranquille dans la tienne? Proposa-t-il, bien que son ton indique qu'il connaissait déjà la réponse. Ça vaudrait mieux pour toi, mais je supposais que...
- Je me charge d'aller chercher ce qu'il faut, s'empressa-t-elle de répondre.
A son retour, Kakashi était assis au bureau. Il avait retiré son bandeau frontal et se frottait les yeux d'un air las.
- Tu préfères te reposer un peu ou te rendre aux bains avant ? S'enquit-il alors qu'elle posait son coussin et sa couverture sur le bord du lit. Ils sont assez exceptionnels, pour un tel endroit, on ne peut pas leur enlever ça.
- Vraiment? Je rêve d'un bain brûlant depuis des jours. Mais avant ça, laisse-moi jeter un œil à tes blessures.
Comme elle s'y était attendue, la montée de l'escalier avait eu raison de la fragile cicatrisation de la plaie sur sa jambe. Elle nettoya et ferma à nouveau le tout avant de le laisser rabattre la jambe de son pantalon. La plaie à son abdomen était légèrement inflammée, mais ne s'était pas rouverte.
- Toi, par contre, tu es interdit de bain. Tant que tes blessures seront dans cette état, faire trempette dans de l'eau chaude, surtout non traitée, est totalement à proscrire. Il te faudra te contenter d'une bonne douche. A moins que tu ne te décides à me laisser te transférer suffisamment de chakra pour refermer les plaies en profondeur.
- Il est plus important que tu gardes tes réserves. Une petite douche me suffira amplement. J'ai l'impression que je pourrais dormir comme une souche jusqu'à la semaine prochaine, dit-il en se passant la main sur le visage.
- J'imagine qu'ils ont un poste médical? Peut-être qu'ils auront quelque chose qui te permettra de passer une bonne nuit.
- C'est à l'étage des bains, on s'y arrêtera.
A l'heure qu'il était, ils ne croisèrent que peu de monde sur le chemin de ce qui semblait être les souterrains de la forteresse. Rin nota au passage l'emplacement de l'infirmerie, puis ils poursuivirent jusqu'à l'entrée des bains pour femmes où Kakashi la laissa, pour s'engouffrer par la porte d'en face.
L'humidité dégagée par les bains était sensible jusque dans la salle d'accueil. Une femme à l'air morne installée à un petit bureau posa ses mots croisés en la voyant arriver. Après lui avoir rappelé les quelques règles communes à tous les bains publics, elle remit à Rin un panier contenant une brosse, une serviette de bain ainsi qu'un vêtement au tissu couleur ocre. Elle indiqua le panier dans lequel laisser sa tenue de voyage si elle voulait qu'elle soit lessivés avant son départ, puis lui indiqua la porte des vestiaires.
Alors que, enveloppée dans sa serviette de bain, elle pénétrait enfin dans la grande pièce d'eau, la vue la laissa un instant sans voix.
C'étaient sans nul doute les étuves les plus anciennes qu'elle ait jamais vu. Pourtant, le tout offrait un aspect curieusement moderne de par sa simplicité. Toute la lumière provenait d'une grande ouverture panoramique qui faisait du coucher du soleil un tableau vivant. Le lieu baignait dans une lumière douce qui colorait d'or l'eau des bassins et les murs humides des douches naturelles. Ici encore, tout avait été creusé et taillé dans la montagne même: les murs, le sol, les différents bassins, les assises devant les miroirs, les lavabos. Tous cette pierre était adoucie par les plantes qui s'étaient installées au petit bonheur la chance et s'épanouissaient dans ce cadre. Au pied des miroirs, on trouvait des tabourets, de petits baquets et des tables basses en bambou avec des savons, des huiles pour les cheveux et la peau.
Rin salua d'un sourire les deux femmes qui discutaient à voix basse près de la fenêtre, puis alla se laver afin de pouvoir rentrer dans le grand bassin. Un soupir de bien-être lui échappa alors qu'elle se glissait dans l'eau merveilleusement chaude. Elle pouvait presque sentir chacun des muscles de son corps se délasser. Seul le fait de savoir que Kakashi l'attendait l'empêcha de passer la nuit plongée jusqu'au menton dans son bain chaud.
Récurée des pieds à la tête et toujours gorgée de la chaleur des bains, elle se résigna à retourner au vestiaire et enfiler la tenue qui lui avait été fournie. Le samue était un peu grand sur elle, mais rien qu'un petit tour aux ourlets des manches et du pantalon ne puisse régler.
- Vos vêtements seront posés devant la porte de votre chambre demain matin, promit la responsable en montrant à Rin la salle où ils étaient déjà étendus.
- Merci! Dit Rin en la saluant, avant de franchir la porte.
Kakashi l'attendait déjà. Elle faillit rire en voyant qu'il avait remplacé son sempiternel masque – sûrement parti au lavage avec le reste de sa tenue, puisqu'il portait à présent le même uniforme qu'elle – par un grand mouchoir blanc noué au dessus de son nez.
- Alors? Demanda Kakashi tandis qu'elle le rejoignait.
- Il m'a fallu toute ma volonté pour sortir de là. J'aurais pu y rester une semaine entière.
- On repassera sur le chemin du retour, promit-il.
L'infirmerie fut une autre bonne surprise. C'était une grande salle bien éclairée, avec un espace assez vaste pour soigner plusieurs patients et du matérielà profusion. Rien qui puisse aider à passer une nuit sans rêve, mais la pharmacienne présenta à Rin une pommade aux ingrédients rarissimes et des patchs anti-inflammatoires qui feraient un bien fou à Kakashi.
Ce dernier avait été alpagué par le médecin de service, qui avait dû remarquer sa légère claudication et tentait de le convaincre de prendre place sur l'un des lits de camp.
- On s'occupe déjà de mon cas, refusait Kakashi avec amabilité - et un brin d'embarras devant l'insistance du soignant – lorsqu'elle le rejoignit.
- Je ne vais pas le rater, promit Rin avec un grand sourire qui fit grimacer Kakashi.
- Très bien, puisque tu as ce qu'il te faut, on va pouvoir vous laisser.
Il la prit par les épaules pour la faire pivoter vers la porte et la poussa légèrement en avant.
- L'infirmerie est ouverte toute la nuit! N'hésitez surtout pas, fit avec espoir le docteur dans leur dos.
De retour dans la chambre, Rin ne put davantage retenir son rire.
- Il avait l'air très déçu, dit-elle en fermant la porte, pendant que Kakashi ramassait les cartes qui avaient été glissées sous leur porte pendant leur absence.
- J'ai parfois cet effet sur les gens, répondit-il, philosophe.
- J'en doute beaucoup. A ce que je sais, le personnel de l'hôpital à Konoha t'aimait justement beaucoup.
Il laissa échapper un soupir à ce souvenir.
- C'est le masque, pronostiqua Rin d'un ton faussement docte. Il pousse à chercher à résoudre le mystère. Tant qu'on est sur le sujet, assieds-toi et montre-moi ta jambe. Je voudrais tester ce que la pharmacienne m'a donné.
Il s'assit sur le lit, releva la jambe de son pantalon jusqu'au genou
- Et tu vis bien le mystère, toi?
- Je sais ce qu'il y a sous le masque, dit-elle en étalant délicatement le remède sur la ligne rougeâtre qui s'était formée sur le côté du mollet. Je te rappelle que je vous ai vus sous toutes les coutures, Obito et toi. Et même largement plus que ce que j'aurais pu vouloir.
Elle s'interrompit. Au pli de sa bouche, il sut que le même souvenir leur était revenu: Obito ayant réussi, on ne savait trop comment, à se planter l'un de ses propres shurikens dans une fesse lors d'un entraînement. Lorsqu'ils avaient entendu ses cris, Rin et lui s'était précipités dans sa direction, toutes armes dehors, pour trouver leur coéquipier seul, roulant sur le sol, les mains sur son postérieur. Quand ils avaient compris ce qu'il s'était passé et que Rin s'était approchée pour l'aider, Obito avait bondit sur ses pieds, paniqué, pour supplier Kakashi de s'en charger plutôt. Les ricanements de ce dernier s'étaient instantanément évanouis. Par égard pour la jeune fille - plus que pour la dignité de leur coéquipier - il avait surmonté son dégoût, proférant juron sur juron. Mais il avait sous-estimé la profondeur de la blessure, qui s'était mise à saigner de manière incontrôlable une fois la lame dégagée. Il n'était alors plus temps d'emmener le blessé à l'hôpital, et Rin était la seule parmi eux avec à la fois les connaissances et le matériel pour le soigner. Blanc comme un linge, Obito avait fini par se résigner. Il s'était allongé sur le ventre dans l'herbe, pantalon baissé et la tête entre les bras, marmonnant qu'il voulait qu'on le laisse mourir, pendant qu'elle le soignait.
Kakashi sentit un poids contre son genou. Rin y avait appuyé sa tête, et ses épaules étaient secouées de petits soubresauts. Son cœur se serra mais, quand elle releva le visage vers lui, il vit qu'elle riait sans bruit. Il l'imita, un peu surpris de se rendre compte que ce genre de souvenir pouvait maintenant lui provoquer ce genre de réaction. Puis, prenant garde à ne pas forcer sur sa jambe blessée, il se glissa à bas du lit pour s'asseoir près de sa coéquipière.
- Plus que ce que tu aurais voulu voir? Répéta-t-il d'un ton exagérément sceptique, espérant prolonger le rire de la jeune femme.
Pour sa peine, il reçut une petite tape sur le genou de sa jambe valide, mais qui perdait toute agressivité devant le sourire qui l'accompagnait.
Rin remonta ses genoux contre elle avant de les entourer de ses bras.
- Ça me fait drôle, de découvrir certains aspects de ta personnalité que je n'avais jamais vus, confia-t-elle. Tu étais toujours si sérieux, même enfant. Je n'ai pas l'habitude de te voir comme ça.
- «Comme ça» comment ?
Elle lui jeta un regard oblique.
- Capable de plaisanter, pour commencer. De parler de tout et de rien avec des gens que tu rencontres pour la première fois. De flirter, ajouta-t-elle en espérant ne pas rougir.
- Les coups que j'ai pris à la tête, rappela-t-il en tapotant d'un doigt le côté de son crane, ce qui la fit lever les yeux au ciel. Ça te déplaît?
- J'ai juste un peu de mal à savoir comment y réagir.
Elle se mussa contre lui, la tête appuyée contre son épaule.
- C'est ça que je voudrais, souffla Rin dans le silence confortable qui s'était installé. Qu'on soit ensemble parce qu'on aime être ensemble. Qu'on se soit choisis. Pas… Pas quelque chose né du désespoir ou de la culpabilité. Tu comprends? Ce ne serait pas sain. Ni vrai. Un jour, tu te réveillerais en te rendant compte que la peur avait exagéré ce que tu pensais ressentir et que tu t'étais trompé.
Il sentit qu'elle levait les yeux vers lui et baissa le sien pour les rencontrer. Elle resta un moment à le dévisager, comme si elle s'efforçait d'imaginer un tel futur.
- Je ne le supporterais pas, dit-elle, se détournant.
Le silence reprit, sans qu'aucun d'eux ne bouge, mais Rin comprit que Kakashi avait simplement réfléchi à ses arguments lorsqu'il dit finalement:
- Je ne pense pas que ce soit incompatible.
Elle se détacha de lui, perplexe.
- De combien de moments de ta vie qui ne soient pas teintés de deuil, de chagrin ou de peur est-ce que tu te rappelles? Moi, très peu. Très très peu. On vit avec ça depuis toujours. Est-ce qu'il faudrait remettre en cause chacune de nos actions ou pensées, parce qu'on aurait pu réagir sous le coup du choc ? Ou bien est-ce que ça ne serait pas des choses qui nous font naturellement évoluer? Est-ce qu'il faudrait décider de refuser que quoi que ce soit change, de ne rien vivre, parce que le cours de notre vie nous aurait changé à un moment donné ? Toutes nos décisions et nos actions découlent de circonstances. J'aurais voulu qu'elles soient différentes, mais les choses sont ce qu'elles sont. Je ne crois pas que ça rende faux tout ce qui en découle.
- Tu sais bien que ce n'est pas pareil. Tu ne peux pas me considérer toute ta vie comme une amie et soudain changer du tout au tout.
- Je t'ai crue disparue pour toujours pendant les dix dernières années de ma vie. Pas sûr que c'était le moment idéal pour considérer quoi que ce soit d'autre.
Il n'y avait pas de reproche dans son ton, seulement une explication.
- Avant ça... enfin, tu sais comment j'étais. J'avais d'autres priorités. Ce qu'on avait me convenait, dit-il en haussant les épaules. Ça doit te paraître bête, mais à cette époque c'était le summum de ce que je pensais être capable de vivre avec une autre personne, et je n'avais ça qu'avec toi. Je ne voulais pas prendre le risque de changer notre relation. Et je pensais avoir le temps de décider si je pouvais considérer ça autrement que comme une grande amitié.
Il soupira devant l'air peu convaincu de la jeune femme.
- Rin, depuis quand est-ce que tu m'aimes?
Interdite, la jeune femme le regarda sans rien dire, les yeux ronds. Déjà, parce qu'il connaissait la réponse; ensuite parce qu'admettre «depuis toujours» paraissait bien trop mélodramatique et qu'elle comptait bien s'épargner au moins cela.
Mais, comme si ce n'était pas réellement la question qui l'intéressait, il poursuivit:
- Est-ce que tu dirais que ce que tu ressens aujourd'hui est exactement la même chose qu'avant ton départ de Konoha? Ou même qu'il y a un mois?
Il lui laissa un instant, puis énonça l'évidence pour elle:
- Ce que tu ressentais a changé avec le temps, au fur et à mesure des années , de ce que nous avons vécu ensemble et de notre évolution individuelle.
- Depuis quand est-ce que tu es devenu aussi philosophe?
Il eut un rire bref.
- Les images de l'illusion qu'on m'a imposée… C'était trop. Penser que tu disparaîtrais, sous mes yeux, et en plus en être responsable…J'admets que je n'étais pas complètement moi-même et que peut-être sur le moment j'avais besoin de… Peut-être que c'est ce qui a provoqué ma réaction sur le moment. Je la regrette. Je suis désolé de n'avoir pas plus pris en compte ce que ça pouvait te faire.
Rin s'était figée, le coeur au bord des lèvres.
- Mais ça expliquait ma réaction. Pas ce que je ressentais.
La jeune femme releva la tête vers lui en retenant son souffle.
- J'espère que tu ne crois pas que j'aurais essayé d'embrasser Gai, ou Anko, ou la première personne venue, si c'était eux qui s'étaient trouvés là. Je t'ai choisie, Rin.
Devant son air perdu, il poussa un petit soupir, puis pivota avec précaution pour lui faire face. Enfin, il releva les mèches de cheveux qui lui tombaient sur le visage. Il la regardait bien en face, de ses deux yeux. Il fallut un instant à Rin pour voir ce qu'il essayait de lui faire remarquer.
- Ton sharingan, hoqueta-t-elle.
Dans la pupille rouge, il y avait désormais trois tomoe.
- Je l'avais senti changer, mais je n'étais pas sûr avant de me voir aux bains.
- Depuis quand?
Il la fixait d'un air indulgent, comme s'il attendait qu'elle comprenne qu'elle le savait déjà.
- Non… Kakashi. Pour que le sharingan change, il aurait fallu que… Ça ne peut pas être à cause de ce que tu as vu dans le genjutsu?
- Je t'ai dit que c'était différent.
Kakashi avait appuyé son épaule contre le cadre du lit et souriait tranquillement.
- Peut-être que si l'attaque et l'illusion n'étaient pas survenues, rien n'aurait changé. Peut-être que c'est quelque chose d'autre qui m'aurait fait évoluer. On ne le saura jamais. Mais c'est arrivé.
Bouleversée, elle le fixa un instant sans savoir quoi dire. Puis elle se redressa sur ses genoux pour se mettre à hauteur de son visage, qu'elle prit délicatement entre ses mains pour le lever vers la lumière afin d'observer la pupille de plus près. Elle était bien là. La troisième tache en forme de virgule, sur fond de pupille pourpre. Rin avait suffisamment étudié le sharingan pour savoir l'importance de ce changement.
- Est-ce que ça a été douloureux? demanda-t-elle à voix très basse, le bout des doigts sur le bas de la cicatrice qui traversait la paupière de Kakashi.
- Pas pour l'oeil.
La poitrine de la jeune femme se serra devant le pauvre sourire qu'il lui fit.
Elle passa avec douceur le pouce sur sa paupière pour la fermer, avant d'y déposer un baiser léger, fit de même avec le second, puis sa bouche. Elle avait seulement eu l'intention de lui transmettre de l'apaisement, la reconnaissance qu'elle éprouvait, et d'autres choses qu'elle n'identifiait pas tout à fait. Mais en sentant les lèvres de Kakashi répondre aussitôt aux siennes, quelque chose céda en elle.
Quand elle parvint à reprendre ses esprits, elle n'aurait su dire combien de temps s'était écoulé. Il l'avait attirée sur lui, et elle avait ses bras autour de son cou. Elle avait, sans s'en rendre compte, repoussé la tunique de Kakashi qui lui retombait à présent sur les coudes. Alors qu'ils tentaient tous deux de reprendre leur souffle, elle ne put s'empêcher de remarquer comme la lumière colorait d'or sa peau et ses cheveux clairs. Fascinée, elle laissa courir ses doigts sur les reliefs formés par les muscles de ses épaules, puis les descendit jusqu'à son torse. Malgré le calme apparent de Kakashi, son coeur battait fort sous sa paume.
Comme en miroir à son geste, il leva la main pour lui caresser la joue, et la glissa avec lenteur le long de sa gorge. Sans la quitter des yeux, il écarta l'étoffe de son vêtement pendant que de l'autre il défaisait l'attache qui en retenait les deux pans. La jeune femme laissa le tissu glisser de ses épaules et prit à nouveau le visage de Kakashi entre ses mains, pour poser son front contre le sien. Les yeux fermés, elle le sentit effleurer ses bras là où les marques violettes de son clan s'étendaient en de longs rubans
- Elles ont changé, dit-il en suivant le tracé qui remontait sur ses épaules puis descendait le long de ses flancs.
Non qu'il ait eu souvent l'occasion de la voir si peu vêtue, mais il avait le souvenir de plusieurs sorties au lac avec Obito et Minato. A ce moment-là, les marques de Rin étaient moins importantes.
- C'est ma part de mystère à moi, sourit-elle avant de l'embrasser.
note de l'auteur:
Ce chapitre a été SI difficile à compléter. J'avais les grosses scènes en tête, mais les moments entre ont été compliqués à rendre naturels. J'espère qu'on y est! J'espère que les dialogues transmettent ce qu'ils étaient censés dire et faire ressentir, parce qu'il n'y a vraiment que ça dans ce chapitre...
Je ne suis jamais bien à l'aise avec les scènes de rapprochement entre ces ceux-là, j'espère avoir bien réussi à doser pour cette fin de chapitre.
Sinon, le prochain est déjà écrit en très grande partie. Il me reste «seulement» à peaufiner, mais c'est toujours ce qui me prend le plus de temps. Sauf que comme j'ai très très hâte qu'on y arrive, vraiment, il ne va pas tarder – vous l'aurez avant la fin de l'année, promis!
