Commando

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— Tout le monde est paré ? Dick, c'est bon pour toi ?

Dickinson marmonne un assentiment via son comlink. Il aurait préféré ne pas se retrouver embrigadé ainsi. Pas de chance, il était sur le chemin de Tochiro alors que celui-ci rassemblait « des volontaires », et il ne s'était pas senti d'assez mauvaise humeur pour envoyer le concepteur de l'Arcadia au diable.
Rétrospectivement, peut-être aurait-il dû.
Il prend une grande inspiration. Trop tard, à présent.

— Paré, le bleu ?

Pourquoi Harlock s'obstine-t-il à accepter des gamins à bord ? se demande-t-il. Le jeune efflanqué chevelu qui l'accompagne jette des regards effarés à la ronde en se cramponnant à un fusil à impulsions électriques trop grand pour lui. Il ne doit pas avoir plus de vingt ans.

— Il faut vraiment tirer à vue sur le capitaine, Dick ?

Enguerrand, qu'il s'appelle. Il a embarqué il y a une dizaine de jours, lors de leur dernière escale. Il avait revendiqué « des rêves de liberté ». Sûr que ce n'était pas ce à quoi il s'était attendu.
Dick expire. La plupart des petits couillons qui montent à bord « pour la liberté » ne tiennent pas deux mois dans l'équipage quand ils s'aperçoivent du décalage entre leurs fantasmes romancés et la réalité. Celui-ci ne fera pas exception, il en est persuadé.
Il relève le coin de ses lèvres en un rictus sarcastique.

— Affirmatif, mon garçon ! Mais te fais pas de bile : ton flingue est réglé pour assommer, pas pour tuer…

Et quand bien même. Le milieu dans lequel ils évoluent ne pardonne pas les hésitations : c'est tuer ou être tué, y compris lorsque c'est le capitaine qui est en face.
Dick serre les doigts sur sa propre arme. La puissance des impulsions électriques est en mesure de mettre un Octodian au tapis (et à bout portant sur un humain il y a des risques non négligeables de létalité), mais il s'est malgré tout assuré que le blaster à sa ceinture était chargé à son maximum. Au cas où. Il se raconte beaucoup trop d'histoires sur le capitaine pour qu'il ne prenne pas ses précautions.

— Mais n'empêche, Dick… Tu ne trouves pas ça bizarre, toi ?

Dick lâche un ricanement bref. Garçon, attends d'avoir un peu de bouteille et tu ne seras plus ému par ce genre d'événement outre mesure.

— Non, tranche-t-il. Si on tombe sur le capitaine, on lui transmet que le doc veut le voir. S'il n'obtempère pas, on l'assomme. Crois-moi, j'ai vu bien pire.

Le halètement affolé d'Enguerrand donne l'impression que le gosse va défaillir dans l'instant. Dick lève les yeux au plafond, force un sourire rassurant, lui tapote l'épaule avec flegme.

— Et ne t'inquiète pas tant, termine-t-il. Le hangar où nous sommes postés est à l'autre extrémité de l'entrée que le captain a empruntée, et pour avoir déjà rampé entre les conduits je peux t'assurer que c'est quasi impraticable de ce côté. Peu de chances que qui que ce soit déboule par ici !