Chapitre 4
« Les sentiments ne sont pas un jeu, tout comme les mots ont un sens »
Assise à mon poste, je vérifiais les défenses du vaisseau lorsqu'un nouveau signal lumineux rouge apparu à l'écran.
Capitaine est demandé sur la passerelle, immédiatement, appela Saru et ce dernier ne mit pas longtemps à arriver, accompagné de Mickaël.
Ils étaient souvent ensemble en ce moment, et pour une raison que j'ignorais, cela me troublait fortement. Imaginer qu'il puisse y avoir quoi que ce soit entre eux… semblait ne pas me plaire.
A mon grand désespoir.
Un nouveau signal est apparu, déclara Saru en se levant du siège.
Il est trop faible pour établir des coordonnées, fit Mickaël qui avait rejoint son poste.
L'enseigne Tilly a une idée pour localiser les signaux, expliqua Saru. Je lui ai permis d'essayer.
J'utilise notre déflecteur, expliqua-t-elle. Pour créer des variations gravimétriques. Comme un sonar.
Bonne idée, déclara Mickaël et pour une raison qui m'échappa, son intervention m'irrita. Mais le signal est trop éloigné. Si on approchait, on détecterait le décalage spectral et on calculerait sa position. Passons brièvement en distorsion et braquons nos capteurs longue portée.
Detmer, distorsion maximale, cinq secondes, ordonna Pike.
Oui, confirma-t-elle.
Elle obéit et le vaisseau passa en distorsion avant d'en ressortir.
On a les coordonnées du signal, déclara Mickaël. Dans le quadrant bêta, soit 51 450 années-lumière de nous.
A pleine vitesse, on mettrait 150 ans, fit Pike et je levais un sourcil. Mes éventuels petits-enfants pourraient en profiter. Alors ?
Le moteur sporique, déclara Saru. Starfleet les a mis temporairement hors service. Enfin, le navigateur.
Pour nous guider dans le réseau mycélien, reprit Mickaël. Stamets s'est injecté l'ADN d'un tardigrade alors que Starfleet interdit la manipulation génétique.
Ils fermaient les yeux durant la guerre, continua Saru.
Un tardigrade, répéta Pike.
C'est compliqué, répondis-je vaguement.
La Fédération tient à faire la lumière sur ces signaux, reprit-il. Ils ont accepté pour vaincre les Klingons et ils accepteront encore. Est-il opérationnel ?
Il le sera dans 20 minutes, répondit Tilly.
Alors au travail, ordonna Pike.
Tilly partit en courant.
Le moteur sporique est prêt, déclara Stamets dans l'interphone.
Des questions avant le départ, Capitaine ? demanda Saru alors que j'activais les défenses maximales du vaisseau.
Vous me dites qu'on peut bondir au bout de l'univers via une autoroute de champignons, fit Pike. Je vous crois. Alerte noire.
Le vaisseau passa en mode alerte noire, et je me levais, préparant le vaisseau à une potentielle attaque. Du coin de l'œil, je vis que mon geste avait attiré le regard de Pike, et pour une raison que j'ignorais encore, cela me troubla.
Savoir qu'il m'observait me perturbait.
Mais à cet instant, le vaisseau s'activa.
Cinq secondes plus tard, nous étions à bon port.
Whoua, souffla Pike, qu'un haut-de-cœur avait secoué.
On n'oublie jamais sa première fois, se moqua Saru et je souris vaguement.
Pas de signal, fit Pike. On est au bon endroit ?
Oui, confirma Mickaël.
Rapport ?
Planète de classe M, répondit Mickaël. Aucune empreinte de vaisseau. Aucun scan depuis la surface. Je détecte des signes de vie. Humains.
Surprise, je tournais la tête vers elle.
Aucun humain n'a gagné le quadrant Bêta, fit Pike.
Je capte une transmission montant de la surface, fit Saru.
Diffusez-là.
Bryce obéit.
On nous attaque… on est retranchés. Quelques centaines d'hommes, femmes et enfants.
Alerte rouge, ordonna Pike et je l'activais manuellement. Armez les torpilles. On est vraiment seuls ?
Oui, confirmais-je en scannant les environs. Il n'y a personne.
Trouvez l'origine de l'appel, ordonna Pike.
Aussitôt, l'image en temps réelle s'afficha sur l'écran.
Et avec surprise, je constatais qu'il ne semblait y avoir aucun combat. Tout ce beau monde semblait vivre paisiblement.
Ils ne semblent pas en danger, constata Saru.
Aucune trace de distorsion près de la planète ? demanda Pike.
Aucune, confirma Mickaël.
J'affirme cependant que d'après la dégradation audio, ce message est émis en boucle depuis… deux cents ans, déclara Saru.
Avant la distorsion, rappela Mickaël.
Comment sont-ils arrivés là, alors ? demanda Pike.
Il n'y a aucun armement suffisamment dangereux pour s'en prendre à un vaisseau, intervins-je en scannant la planète. Ils sont à un temps que notre espèce a dépassé depuis très longtemps.
Dans mon bureau, ordonna Pike.
Laissant mon poste à Rhys, je suivis le pas.
L'arrivée de ces gens coïncide exactement avec la Troisième Guerre Mondiale et le cataclysme nucléaire qui a fait 600 millions de morts et renversé les états, expliqua Mickaël.
La fréquence d'émission est obsolète, continua Saru. Loin d'une portée interstellaire.
Tout vient de cette structure, reprit Mickaël.
Une église, corrigea Pike. Ils parlent l'anglais de la Fédération. Il faut un vaisseau pour venir ici. Même nous, il nous a fallu le moteur sporique.
Il y a 11 000 habitants, reprit Mickaël. Répartis sur dix colonies. Mais pas la moindre signature énergétique. Même pas électrique.
Ils sont pré-distorsion, reprit Pike. L'Ordre général numéro un s'applique. Pourquoi le signal voulait-il nous attirer ici ?
En tant qu'officier scientifique, je déconseille d'attribuer une volonté à ce qui n'est encore qu'une énergie non identifiée, fit Mickaël.
En tant qu'officier commandement spécialisée en armement et défense, je déconseille d'ignorer qu'il y a peut-être une raison à notre présence ici, fis-je et elle m'adressa un regard surprit, à l'instar de Pike, et je les ignorais tous les deux.
« Il est plus de choses là-haut et ici-bas… », commença Pike et je fronçais les sourcils.
Vous citez Shakespeare, murmura Mickaël. Pour suggérer une intervention divine dans la présence de ces gens ?
Vous connaissez la 3e loi de Clarke ? demanda Pike.
Oui, confirma Mickaël. Au 20e siècle, Arthur C. Clarke a dit que toute technologie très avancée est indifférenciable de la magie.
Scientifiques et théologiens en ont débattu, confirma Pike. Et l'ont interprété ainsi : « Toute intelligence extraterrestre avancée est indifférenciable de Dieu ». J'ignore comment et pourquoi ils sont arrivés là. Mais pas par hasard.
Une interprétation audacieuse, fit Mickaël.
Que sait-on de cette planète ? demanda Pike.
Elle ressemble à la Terre, fit Saru. Si ce n'est qu'elle est entourée d'anneaux orbitaux mobiles, composés de débris radioactifs. Je n'ai jamais vu ça.
Trouvons comment ils sont venus, ordonna Pike. Ça pourra nous éclairer sur la nature des signaux. Le meilleur profil pour nous accompagner ?
Il s'était adressé à Mickaël, et je pinçais les lèvres. Mais je me murais dans mon silence.
Ilyana, fit-elle et je cillais. Elle est très bonne combattante. Et je suggérerais le lieutenant Owosekun. Elle a grandi dans une communauté luddite. Elle saura s'intégrer comme le préconise l'Ordre.
Alors briefez-la, ordonna Pike.
Il quitta la pièce sans un regard envers moi.
oOoOo
On nous téléporta là-bas quelques heures plus tard. Nous avions échangé nos tenues de Starfleet par des tenues locales, et cela me faisait très étrange d'être en civil.
Elle est vide, fit Mickaël en indiquant la structure face à nous.
Mode paralysie, ordonna Pike en indiquant nos sacs où se tenaient nos armes. Dissimulez les phaseurs.
On entra dans le magnifique bâtiment et je fus surprise par la beauté des lieux.
Vous avez déjà visité une église ? demanda Pike.
Non, firent les autres, mais je gardais le silence.
Ma famille est athée, fit Owosekun.
Je connais les textes religieux terriens, fit Mickaël.
Ils se tournèrent vers moi, et je hochais la tête positivement.
D'accord, fit Pike. Voyons qui ils sont et pourquoi ils appellent à l'aide.
Je marchais dans l'église avec lenteur.
Les vitraux ont 200 ans, déclara Mickaël. Ils illustrent à la fois le Christianisme, le Judaïsme, l'Islam, l'Hindouisme, le Bouddhisme, le Shinto et la Wicca.
L'appel vient du sous-sol, déclara Owosekun. Je cherche l'entrée.
« Qui suit l'ancienne voie brûlera », lu Pike. « Qui pèche contre nous sera terrassé par nos Dieux. » C'est accueillant.
« A celui qui croit en nos signes, tu diras : La Paix soit sur toi », fit Mickaël. Anthropologiquement parlant, je dirais qu'ils ont créé une religion en combinant les fois les plus suivies.
Ce livre est… une sorte de testament, fit Pike.
Qui raconte leur histoire ? demanda Mickaël. Je le scanne.
Il suffit de regarder les vitraux, reprit Pike. C'était l'utilité initiale de ces vitraux. Enseigner l'Evangile aux illettrés.
Soudain, la porte s'ouvrit, et je pivotais sur mes talons, me préparant à agir. Située dans l'allée, j'étais face à un homme de grande taille, armé.
Qui êtes-vous ? demanda-t-il.
Nous venons de loin, fit Pike en se plaçant à ma hauteur. Je suis Christopher. Voici Mickaël, Joann et Ilyana.
Se plaçant juste à ma droite, ses doigts se refermèrent discrètement sur mon poignet pour m'immobiliser. Ma main se figea sur le poignard que je tenais.
Le contact de sa peau sur la mienne me brûlait.
Vous découvrez New Eden ? demanda l'homme.
Oui, on vient du Nord, expliqua Pike sans me relâcher.
La Toute-Mère voudra vous voir, reprit l'autre.
Nous vous suivons dans ce cas-là, répondit Pike.
L'homme recula, et Pike se décida enfin à me relâcher. Le suivant dehors, je cherchais à essayer d'oublier la sensation de ses doigts sur mon poignet.
On gagna un lieu où plusieurs individus se trouvaient. A leurs tenues, j'avais l'impression d'être dans un mauvais film d'époque.
Une femme nous salua, et nous indiqua de nous placer à côté d'un feu. Figée entre Pike et Burnham, j'attendis la suite des évènements.
Accueillons nos nouveaux amis des Territoires du Nord, clama la femme. Et remercions nos créateurs pour leur amour et de nous avoir menés à New Eden. Sur notre planète, Terralysium. Sous l'œil de la Lune des Moissons, rappelons-nous qu'il y a 200 ans, en 2053, les Premiers Saufs, soldats comme civils, ont pris l'église pour abri de la Troisième Guerre Mondiale. Du ciel pleuvaient les bombes atomiques. Nos ancêtres se savaient condamnés. Mais juste avant l'explosion, un ange leur est apparu, entre de grandes colonnes de feu. Il a transfiguré notre église et ceux qui s'y abritaient, jusqu'en Terralysium. A leur éveil, ils ont fondé New Eden. Qui devaient-ils remercier pour leur salut ? Quel Dieu ? Tant de fois étaient représentées. Comment résoudre ce dilemme ?
En créant une religion commune, déclara Pike à ma droite.
Disons que la science est ma religion, fit Mickaël. A-t-elle été sollicitée pour expliquer autrement la venue de nos ancêtres ?
Comment ? demanda l'homme. Sans technologie ? Nous n'avons que les reliques des Premiers Saufs.
Jacob et Rose essaient depuis des années de rétablir la lumière dans l'église, reprit la femme. Depuis que les batteries ont lâché, les vitraux restent sombres et les pèlerins se font plus rares.
Il doit y avoir des théories rationnelles sur le transport de l'église, reprit Mickaël.
Une caméra embarquée sur le casque d'un soldat de l'époque subsiste, reprit l'homme. Mais elle est cassée.
Pas besoin de preuve, coupa la femme. Nous sommes guidés par une force qui nous dépasse. Notre foi.
Il est tard, fit Pike en se redressant. Nous partons à l'aube. Pouvons-nous dormir dans votre église ?
Bien entendu, confirma la femme.
Merci de votre bonté, remercia-t-il.
La paix sur vous, fit la femme.
Et sur vous.
On se dirigea sur l'église, et quand les portes se refermèrent derrière nous, je me détendis. Je n'aimais pas ce genre de situation.
Le signal de détresse est émis à l'insu des colons, déclara Pike. On le coupe pour les préserver, et on rentre.
J'ai pu en déterminer le point d'origine, fit Owosekun. C'est ici.
J'espère trouver la caméra, reprit Pike.
On descendit au sous-sol, et je rentrais dans Mickaël quand elle pivota vers Pike.
Vous proposez réellement de les laisser ici ? demanda-t-elle.
Owosekun, trouvez la balise émettrice, ordonna Pike.
Avant notre arrivée, vous disiez sentir que le signal menait à une mission de sauvetage, reprit Mickaël.
Il n'y a personne à sauver, contra Pike sans que je ne dise quoi que ce soit. Cet endroit est vraiment un éden.
Amesha et les autres sont humains, fit Mickaël. Ils méritent de retrouver la société.
Ils ont quitté la Terre en 2053. Sans vaisseau spatial, rappela Pike. Ils sont pré-distorsion couverts par l'ordre général. On ne peut interférer dans leur évolution naturelle.
Ils croient que la Terre et l'humanité ont été détruites. Pire, ils se raccrochent à une foi qui est mensongère.
Prouvez-le, ordonna Pike.
Il a raison Mickaël, murmurais-je quand elle me regarda.
Je prouverai que rien de tout ceci n'est arrivé par miracle, s'obstina-t-elle.
J'ai trouvé ! clama Owosekun. La batterie est morte. C'est bizarre. Quelqu'un a fait en sorte que le signal émette en boucle.
Et vous avez répondu, fit une voix dans notre dos.
Pivotant sur mes talons, je posais les yeux sur l'homme de tout à l'heure, replongeant ma main dans ma poche, prête à nous défendre.
Il y avait des scientifiques parmi les Premiers Saufs. Ma famille. Nous entretenons la balise, depuis. Tous ignorent son existence. Cet engin fabuleux l'a trouvée. Mes ancêtres avaient raison ? La Terre n'a pas été détruite. L'humanité a évolué.
Jacob, fit Pike. Cet engin a toujours été dans ma famille. Pour naviguer.
Depuis que l'éclat rouge est apparu dans le ciel, j'attendais votre venue. C'était la lumière de votre vaisseau ? Vos mains à tous les quatre, votre peau ne portent pas les ravages du labeur. Elle est prête à se battre (il m'indiqua de la tête). Vous n'êtes pas de Terralysium. Je le vois dans vos yeux.
Jacob, écoutez-moi, fit Pike en s'approchant, et immédiatement, je me tendis, mon rôle étant de le protéger. Vous vous trompez.
Pas du tout, contra Jacob. J'attends ce jour depuis longtemps. Le véritable salut.
Allons-y, nous ordonna Pike et j'attendis qu'il bouge pour le suivre. Kirk, passez devant.
Je m'avançais, mais restais à sa hauteur. J'avais un rôle, je le tenais.
Pardon d'être entrés, fit Pike.
Non, attendez, clama l'autre. Arrêtez !
Suivant Pike, j'entendis clairement le bruit d'une grenade que l'on dégoupille.
Au sol, ordonnais-je en me jetant devant Pike juste avant qu'elle n'explose.
La lumière m'aveugla brutalement, je sentis quelqu'un, sans doute Pike, me heurter avec violence et nous précipiter tous les deux au sol. Ma tête cogna quelque chose puis ce fut le noir complet.
oOoOo
Ce fut un poids sur mes jambes qui m'empêchait de bouger qui me réveilla. J'avais clairement mal à la tête, et je grimaçais quand je clignais des paupières.
Ça va ? me demanda Mickaël à ma gauche. Tu saigne méchamment sur la tempe.
Ça va, murmurais-je alors que le poids se retirait de mes jambes.
Je constatais du coin de l'œil que c'était bien Pike quand ce dernier me força à tourner la tête.
Il plaqua un tissu dessus, et je ne pu retenir un gémissement de douleur quand il appuya.
Je vais bien, murmurais-je alors qu'il m'aidait à me relever.
Oui, je vois ça, confirma-t-il en me maintenant contre lui.
Chose qu'il ne fallait absolument pas qu'il fasse. Une fois de plus, je sentis chaque parcelle de mon corps qui était au contact du sien se réveiller.
Et ça m'énervait.
Verrouillé, clama Owosekun qui essayait d'ouvrir la porte au-dessus de nous. Si c'est un loquet, un aimant fera l'affaire.
Nos sacs ont disparu, clama Mickaël. Jacob a emporté notre matériel.
Pour prouver ce qu'il dit aux autres, continua Pike en me forçant à m'asseoir sur l'escalier.
Owosekun parvint à trouver un aimant, et arriva à ouvrir la porte. Pike voulu m'aider à me redresser, mais j'évitais son geste.
Je ne voulais pas de son aide. Je ne voulais pas éprouver le moindre sentiment pour lui.
Dieu ou pas, reprit-il en abandonnant. L'ordre général numéro un reste valable. Vous ne révélerez la vérité sous aucun prétexte. Est-ce que c'est clair ?
Je hochais la tête avant de suivre Owosekun dehors.
Il faisait nuit.
Suivant les autres, je me dépêchais d'avancer.
L'autre était déjà en train d'exposer nos affaires à la femme.
« Tu ne voleras point », ça vous dit quelque chose Jacob ? demanda Pike.
Je cherchais la vérité, se défendit l'homme.
Il nous a agressé, siffla Pike. Il a bafoué toutes les valeurs de la foi. Rendez-nous nos biens et nous partirons.
Ils sont venus en vaisseau spatial, implora Jacob. Ils peuvent nous ramener chez nous. Sur la vraie Terre.
C'est ici, chez toi, corrigea la femme. Tu défends les préceptes corrompus de l'ancienne Terre Jacob.
Il pivota vers Mickaël.
Vous êtes scientifique, implora-t-il. Dites-lui.
Elle allait répondre quand Owosekun nous alerta.
Regardez, lâcha-t-elle.
En pivotant sur mes talons, je vis la petite fille attraper mon phaseur. De la manière où elle le tenait et le pointait sur elle, elle se tuerait.
Avant même que je ne puisse bouger, Pike se jeta sur elle. Le coup partit, et il vola dans les airs sous le choc.
Non, fis-je malgré moi en me précipitant sur lui.
Le faisant pivoter sur le dos, j'ouvris de grands yeux horrifiés en voyant l'étendue de la plaie.
Il était inconscient.
Il va mourir, fit Mickaël.
Non, fis-je malgré moi en plaquant le tissu qu'il m'avait mis contre la tempe sur sa plaie.
Sauvez-le avec votre technologie, fit Jacob en nous rendant notre matériel. Vous le pouvez.
Allons à l'église prier pour son salut, fit Mickaël.
Je l'aidais à redresser Pike, et plaçais l'un des bras de ce dernier sur mes épaules. Il était lourd, beaucoup plus que moi, et je grimaçais quand cela aggrava la douleur de ma tête. Néanmoins, je parvins à le supporter jusqu'à l'église. Où l'on fut téléportés.
oOoOo
Assise dans le bureau de Pike, là où il y avait le moins de bruit, lovée dans un fauteuil, je lisais un livre. Cela calmait la terrible migraine qui me tambourinait le crâne. Le médecin avait fait le nécessaire, mais elle m'avait prévenu que je passerais 24 heures compliquées. Le fait d'avoir soutenu Pike n'avait pas aidé à la guérison. C'était peu de le dire.
Posant mon livre sur mes genoux, je posais ma tête en arrière en veillant à ne pas toucher l'endroit où j'avais été blessée.
A ce que je vois, je ne suis pas le seul handicapé à bord, lâcha la voix de Pike et j'ouvris les yeux pour les poser sur lui, face à moi.
Je n'irais pas jusqu'à échanger ma tête contre vos côtes, répondis-je en voyant des flashs de couleur sur les côtés. Mais je pense effectivement ne pas être en meilleur état.
Je le sentis s'asseoir dans le fauteuil en face de moi, de l'autre côté du bureau, mais j'avais de nouveau fermé les yeux. Cela m'arrangeait.
J'ignorais quoi dire.
Merci d'avoir obéis à mes ordres même quand j'étais diminué, reprit-il.
Vous êtes Capitaine, rappelais-je en plissant les paupières quand je rouvris les yeux. Je dois obéir aux ordres.
Et toi, tu le vis comment ? demanda-t-il et son passage au tutoiement me fit comprendre ce qu'il souhaitait savoir.
Je rouvris entièrement les yeux, croisant les siens. Là où les miens étaient d'un bleu saphir, les siens étaient d'un gris fer.
Je ne sais plus en toute honnêteté, fis-je. Je suis fatiguée…
Posé sur la table basse entre nous deux, mon portable se mit de nouveau à sonner et le nom qui s'y afficha me fit de nouveau frémir.
Ma mère.
Je suis responsable de chaque chose que je t'ai dite…, murmura Pike en posant les yeux dessus. Mais ta famille…
Je voudrais tellement comprendre, coupais-je en reposant les yeux sur lui. Pourquoi ont-ils pris ton parti ? Pourquoi mon frère a préféré écouter et soutenir son meilleur ami plutôt que sa sœur ? Pourquoi mes parents ont préféré t'écouter toi plutôt que leur propre fille ? Ils ne connaissaient pas Lorca, et je sais pertinemment ce que ma mère espérait te concernant, mais je ne parviens pas à comprendre les mots qui m'ont été jeté au visage sur ta simple parole.
Pike ne répondit pas toute de suite, et je constatais qu'il ne pourrait très certainement pas me donner ma réponse.
Gabriel n'était pas celui que tu pensais qu'il était, repris-je et je le vis frémir. Je ne prétendrais pas qu'il était parfait, personne ne l'est, mais j'ai été heureuse pendant cinq années. Et si notre relation a pris fin, ce n'était pas à cause de toutes les raisons que tu avais pu avancer il y a dix ans. Sa… mort m'est insupportable, même s'il n'était plus qu'un ami. Et c'est cela que je ne parviendrais jamais à comprendre. Pourquoi ta parole a plus compté que la mienne dans ma propre famille…
Pike allait répondre, quand on frappa à la porte. Levant les yeux, je vis Mickaël entrer dans la pièce.
Vous vouliez me voir ? demanda-t-elle.
Oui, confirma Pike. Ne me faites surtout pas rire.
J'ai grandi sur Vulcain, rappela Mickaël. L'humour y est paranormal.
J'esquissais un sourire, à l'instar de Pike que j'entendis gémir ensuit de douleur.
Je vais me taire, conclut Mickaël en s'asseyant à mes côtés.
Je vous remercie, lâcha Pike. Vous n'avez pas désobéi à mon ordre. Bien que je sois diminué. Très diminué, par un tir de phaseur en plein buste.
J'ai appris, durement, où la désobéissance peut mener, expliqua-t-elle. Et en votre « absence », Ilyana était la plus gradée, et elle avait clairement marqué son avis. Je n'ai fait qu'obéir aux ordres. D'ailleurs, vous m'avez dit que je pouvais tout vous confier.
Fronçant les sourcils devant son ton grave, je posais les yeux sur elle.
J'ai caché une information, avoua-t-elle. L'entité religieuse vénérée sur Terralysium m'est apparue, sur l'astéroïde.
Pourquoi n'avoir rien dit ? demanda Pike, surprit.
J'étais blessée, Ilyana était inconsciente et saignais beaucoup, j'ai cru halluciner, expliqua-t-elle.
Ce n'est pas une coïncidence, fit Pike et je ne pu qu'être d'accord. Deux signaux, deux apparitions de l'ange.
Sauf votre respect, coupa Mickaël. Le terme « ange » est lourd de certaines implications. J'ai vu une silhouette. Flottant au-dessus de moi. Elle était… très belle pour tout dire. Mais je n'irais pas jusqu'à lui imputer des propriétés divines.
A New Eden ils y croient, fit Pike en souriant. Votre expérience serait une révélation pour eux.
Et pour vous ? demanda Mickaël, alors que je fermais une nouvelle fois les yeux sous le coup d'un élancement dans ma tête. S'en est une ?
Au moins ça, oui, confirma Pike en se levant. Ça nous donne un peu plus de contexte. Et le contexte peut changer la perspective.
Mickaël le rejoignit devant la fenêtre, mais je pris la décision de ne surtout pas bouger de ma place et de garder les paupières fermées.
Et Jacob ? lui demanda-t-elle alors que je me sentais m'assoupir et que je luttais contre le sommeil. Il n'a pas le droit à un contexte ? Il est convaincu de qui nous sommes, et on lui a menti. On pourrait l'aider à résoudre un mystère qui hante sa famille depuis 200 ans. Et altérer sa perspective.
Je compatis moi aussi, confirma Pike. Mais même un ange ne justifie pas d'enfreindre l'ordre général numéro un.
J'ai une meilleure excuse, fit Mickaël. La caméra. Il dit qu'elle a filmé les évènements et le transport de l'église. Pour moi, l'urgence de notre mission est en conflit avec l'Ordre. Pour la mener à bien, il faut consentir à un sacrifice. Seul un capitaine peut trancher.
Elle inclina la tête devant lui, avant de sortir.
Je vis Pike poser les yeux sur moi, et je souris devant son incrédulité.
Elle est douée pour contourner en toute élégance les ordres, répondis-je en haussant légèrement les épaules. Elle n'a cependant pas tort. Cette caméra pourrait nous permettre d'en savoir un peu plus sur ces signaux. Mais moi, je reste ici, avec un peu de chance, ma tête cessera bientôt de jouer la fanfare.
Allez-vous reposer, conseilla Pike en s'approchant. Je vais y aller moi-même. C'est à moi de faire cela.
Hochant la tête, je me levais, tanguant un peu sur mes jambes.
Le coup avait été rude.
Veillant à contourner son fauteuil dans la direction opposée où se trouvait Pike, je vis ce dernier se raidir.
Sa réaction me toucha plus que nécessaire, et je me forçais à presser le pas pour sortir de la salle.
Ma tête me faisait souffrir, et mes pensées qui se heurtaient ne faisaient qu'aggraver la chose. Je n'avais qu'une hâte, gagner ma chambre et dormir.
