Chapitre 5

« Le temps n'a qu'une réalité, celle de l'instant »

Il me fallut deux jours pour véritablement reprendre pied. La première nuit avait été terrible : j'avais enchaîné migraines, vertiges, nausées et vomissements, au point de gagner un aller simple à l'infirmerie.

La blessure n'était pas grave, mais elle était impressionnante, et m'en remettre avait été quelque peu délicat.

Raison pour laquelle quand je sortis de l'infirmerie après la visite de contrôle m'autorisant à reprendre le travail, Rhys m'accueillis de l'autre côté de la porte avec un grand sourire.

Il fallait le dire si tu avais besoin de quelques journées de repos, se moqua-t-il et je lui tapais sur l'épaule.

S'il y avait bien quelqu'un qu'il fallait virer de son siège de travail, c'était moi. J'avais accumulé tant de jours de congés que je pouvais presque en faire cadeau à mes collègues, qui n'étaient d'ailleurs pas en reste non plus.

En pénétrant dans la cafétériat, je sentis le regard de Pike me brûler le dos, et je m'efforçais de l'ignorer.

Nous ne nous étions pas recroisés depuis que j'avais quitté son bureau deux jours plus tôt. Enfin en tout cas, pas officiellement.

J'avais fait semblant de dormir les deux fois où il était passé à l'infirmerie voir comment j'allais.

Dans les heures si douloureuses que je venais de traverser, il m'était apparu plusieurs fois en rêves. Une chose que je me cachais bien de révéler. Surtout à moi-même.

Me commadant rapidement de quoi manger, je m'assis avec un sourire entre Keyla et Paul.

Tient, tu ne dois pas donner ton autorisation de reprise au Capitaine Pike ? me demanda Rhys.

Si, pourquoi ? demandais-je, surprise.

Il est là-bas, répondit-il avec un mouvement du menton sur ma droite. Et il t'a repérée.

Instinctivement, je tournais les yeux dans la direction qu'il m'indiquait. Je constatais qu'il était assis en compagnie de son officier-en-second à bord de l'U.S.S Enterprise.

Elle était plutôt jolie. Grande, mince et avec des formes enviables, des cheveux blonds mi-longs ondulés coiffés à la perfection ainsi qu'une peau diaphragme et des yeux bleus. Une vraie poupée.

Nos regards se croisèrent quand elle posa les yeux sur moi, en écho à ce que dû lui dire Pike. Je veillais à ne pas détourner les miens, dans une volonté de ne pas donner l'impression d'avoir quelque chose à me reprocher.

Elle paraissait… curieuse, presque amusée même quand elle se retourna vers Pike qui lui adressa un sourire qui sembla passer pour une réponse car elle sourit à son tour.

De quoi parlaient-il ? Cela resterait une énigme, car je n'irais pas me renseigner.

Je lui donnerais sur la passerelle, répondis-je en me détournant. Là, j'ai faim.

Tu n'as jamais faim, clama Rhys en levant les yeux au ciel.

Tu cherches simplement à l'éviter, renchérit Keyla et je la fusillais du regard. Je ne fais qu'énoncer des faits.

Je déjeunais en écoutant mes amis me raconter les derniers évènements, et j'ouvris de grands yeux quand j'appris le sauvetage de Tilly.

Cette dernière mit d'ailleurs un point d'honneur à m'en donner tous les détails.

Décidemment, on ne s'ennuyait pas sur ce vaisseau.

A cet instant, le haut-parleur se mit en marche.

Officier-en-Tiers Kirk au bureau principal, clama-t-il. Ainsi que les agents Detmer, Rhys et Burnham.

Levant un sourcil, j'attrapais ma bouteille d'eau avant de suivre mes collègues. Au moment où l'on parvenait au bureau, j'entendis le haut-parleur appeler également Pike.

En effet, cela paraissait pertinent de penser à convoquer le Capitaine du vaisseau.

M'asseyant, je constatais que Saru avait l'air en mauvais état.

Vous allez bien ? lui demandais-je.

Mes excuses, répondit-il. Je lutte depuis ce matin contre un rhinovirus féroce.

Vous êtes enrhumé, fit simplement Owosekun et je souris.

J'en sors juste, c'était atroce, renchérit Linus avant d'ajouter devant nos airs blasés. Saurien. Six canaux nasaux !

Ça arrive aux meilleurs Linus, répondit Saru.

A vos postes ! ordonna Pike en entrant dans le bureau à son tour, ce qui provoqua un joli bordel quand tout le monde se mit en mouvement en même temps. Detmer, cap sur le point 108 marque 4, distorsion maximale. Mr Saru, quelle mauvaise mine. Vous vous épuisez trop, allez-vous reposer. Kirk, vous prenez le poste d'officier-en-second.

A vos ordres, répondis-je en évitant son regard avant de me diriger vers la sortie.

Vous restez ici, Burnham également, ordonna-t-il, et je pivotais sur mes talons, surprise.

Restant à ma place, j'attendis la suite des évènements.

Il s'avéra qu'il s'agissait de Spock. Je ne le connaissais pas, mais Paul m'en avait vaguement parlé au déjeuner.

La signature de distorsion de la navette volée par Spock au moment de sa fuite, déclara-t-il en indiquant l'écran, et je levais un sourcil en m'approchant. Notre cap permettra de l'intercepter. On l'atteindra en quelques heures.

Soudain, Burnham recula, et je me tournais vers elle. Si j'ignorais tout de Spock, je connaissais en revanche les liens compliqués qu'il avait avec sa sœur.

Capitaine, après tout ce qui s'est passé, fit-elle. Je demande à ne pas voir Spock.

Je ne comprends pas, répondit Pike en se redressant, surprit.

Je ne veux pas compliquer les choses, expliqua Burnham. Qu'importe le contexte, c'est un fugitif. Comme Amanda l'a suggéré, je suis la moins bien placée pour me mêler de ce problème.

Vous m'avez dit vous-même que l'on se devait d'affronter son passé et ses erreurs, lui rappelais-je en levant un sourcil. Quoi qu'il se soit passé, Spock reste votre frère.

A sa place, seriez-vous capable de pardonner au vôtre ce qu'il vous a fait ? me demanda-t-elle et le gros blanc qui s'installa lui servit de réponse. J'ai fait du mal à Spock, je suis la moins bien placée pour m'occuper de lui.

Je ne suis pas d'accord, intervint Pike et je cillais.

Il est perdu, insista Burnham. Vous l'aiderez mieux que moi. J'ai bien réfléchi. Je vous en prie. Faites-moi confiance.

Ma confiance vous est acquise, mais la mission doit primer, ordonna Pike. Ce sera dur pour nous deux d'être confrontés à ce qui lui arrive. Mais il reste notre priorité.

Burnham allait dire quelque chose quand le vaisseau sortit brutalement de distorsion. Me rattrapant de justesse au bureau, je jetais un regard surpris à mes collègues, avant de suivre Pike dans le couloir vers la passerelle.

Detmer ? demanda-t-il en y parvenant tandis que je rejoignais mon poste aux côtés de Rhys.

On a été tirés de distorsion, expliqua mon amie. Vitesse subluminique. Les commandes ne répondent plus.

Alerte rouge, ordonna Pike et j'obéis immédiatement. Owosekun, c'est un rayon tracteur ?

Encore plus puissant, répondit-elle.

Les boucliers ne répondent pas, intervins-je en tapant de façon inefficace sur mon écran.

On détecte un champ de stase multiphasique, expliqua Burnham. Il perturbe nos boucliers.

Arrêt total, lança Detmer. Ce qui nous tient nous immobilise.

Comme une toile, murmura Pike alors que je zoomais sur l'écran.

Et voilà l'araignée, lâcha Burnham et je relevais la tête, ouvrant de grands yeux.

Une énorme… sphère de feu se tenait devant nous.

Burnham dans mon bureau tout de suite, ordonna Pike et je sentis la frustration de le voir s'adresser en priorité à ma collègue plutôt qu'à moi. Kirk, vous avez les rênes.

A vos ordres, répondis-je froidement en gagnant le fauteuil.

Gardant à l'œil la sphère, je vérifiais l'état et l'armement du vaisseau. Pour le moment, en-dehors des boucliers qui peinaient à rester debout, le reste tenait bon.

Plusieurs minutes plus tard, je tapais sur l'écran se situant sur le bras du fauteuil de capitaine pour vérifier l'état général du vaisseau quand, brutalement, j'entendis Rhys me parler. Dans une langue que je ne comprenais pas.

Pivotant avec surprise sur mes talons, imitée par mes collègues, je lui indiquais l'insigne sur sa poitrine.

Ton traducteur ne fonctionne plus, lui répondis-je, juste avant que mon propre traducteur ne traduise ma phrase en italien, et ce, en même temps que je parlais, ce qui rendait mes propos incompréhensibles.

Je ne parlais pas italien, mais l'anglais terrien. Mon traducteur déraillait, à l'instar de celui de mon collègue.

Et à cet instant, tout partit en vrille. Tout le monde parlait dans les dialectes étrangers, et personne ne se comprenait.

Pivotant vers le tableau de bord, je lançais l'alerte maximale, au moment où la porte du bureau de Pike s'ouvrait.

Tout le monde parlait en même temps, et je grimaçais en secouant la tête quand Pike me parla dans une langue qui ressemblait à de l'espagnol. Je lui fis signe que je ne comprenais pas, même quand il attrapa mon bras. En soit, ça ne changerait rien au fait que nos traducteurs parlaient deux langues étrangères.

Mais ce qui me préoccupait plus, c'étaient les écrans qui s'affichaient dans des écritures qui n'étaient pas les nôtres. Sans cela, je ne pouvais pas protéger le vaisseau.

Saru ! appela soudain Burnham et je ne pu m'empêcher de me dire qu'elle avait eu une brillante idée.

Le seul à savoir parler plusieurs langues.

Seulement, quand il pénétra dans la salle, il faisait peine à voir.

Il peinait à marcher, et malgré sa grandeur, semblait avoir perdu plusieurs centimètres. Il était pâle, du moins j'en avais l'impression, et son front perlait, signe qu'il transpirait. Ses pupilles étaient plus dilatées que d'habitude, et cela le forçait à froncer les sourcils pour éviter le trop plein de lumière déjà très fort pour lui en temps normal.

Il s'empressa néanmoins de reconfigurer nos appareils, ainsi que le traducteur de la passerelle, et on pu de nouveau se comprendre.

Ça a marché ? demanda Pike.

Oui, je vous comprends, répondit Burnham.

Mon affichage reste en Tau Cétien, enfin je crois, répondit Detmer.

Personne ne se donne la peine d'apprendre les langues ? reprocha Saru en se tournant tout particulièrement vers Pike et moi-même.

Euh non, répondis-je. Je connais déjà toutes les combinaisons de défense de tous les vaisseaux de la Fédération, ce n'est déjà pas suffisant ?

J'ai activé le traducteur de secours de la passerelle, renchérit Saru alors que tout le monde se mettait à sourire. Tous ceux qui parlent l'anglais terrien peuvent communiquer.

Le reste de l'équipage et l'ordinateur non, fit Burnham. La passerelle est réparée, mais le virus se répand dans le système. Je peux tenter une purge.

Il faut qu'on puisse parler à l'ordinateur et à l'équipage pour nous libérer, confirma Pike. Allez-y.

Saru tint à l'accompagner, et je lui jetais un regard angoissé en voyant son état.

Je parvins à redresser les boucliers du vaisseau, et la sphère répondit en aggravant sa pression sur le Discovery, le faisant violemment tanguer.

Nous ne tiendrons pas longtemps comme cela, lançais-je tandis qu'au loin, j'entendais la voix du vaisseau indiquer que le traducteur universel s'était remis en marche. Il y a des blessés partout dans le vaisseau, l'infirmerie est en alerte maximale.

Vous gardez les commandes, j'y vais, répondit Pike tout aussi froidement que moi et je me contentais de hocher la tête.

Quelques minutes plus tard, il pénétra de nouveau sur la passerelle, et me saisis avec surprise par le bras.

Dans mon bureau, tout de suite, m'ordonna-t-il et je lui lançais un regard surprit avant d'obéir devant son air grave.

Que se passe-t-il ? demandais-je quand on se retrouva seuls dans la pièce. Qu'est-ce que…

Saru va bien plus mal qu'on ne le pensait, coupa doucement Pike et j'ouvris de grands yeux horrifiés quand il me raconta la suite.

Non, c'est impossible, il n'y a aucune raison à ce que son processus se mette en marche maintenant, murmurais-je. Nous ne sommes pas en danger de mort… enfin pas encore…

Je sais Ilyana, murmura Pike en me voyant pâlir. Je ne veux pas perturber l'équipage pour l'instant avec son état, il n'y tient pas de toute façon, mais vous prenez sa place de façon… définitive.

Sonnée, je le fixais pendant quelques secondes, avant d'hocher la tête lentement.

D'accord, murmurais-je.

Perdre Saru, après Lorca.

Pike perçu ma détresse, et il s'avança, posant une main sur mon bras. Sursautant, je constatais alors sa dangereuse proximité. Son parfum planait tout autour de moi, me donnant à nouveau cette impression d'être déchirée entre deux sentiments. Deux volontés.

Je voulais ses bras autant que je souhaitais en être loin.

Je ferais ce que j'ai à faire, repris-je d'une voix que je rendis neutre.

Je le contournais et m'avançais vers la porte, il me suivit.

On pénétra sur la passerelle, et je constatais que la situation s'aggravait en jetant un coup d'œil à mes capteurs.

Les boucliers sont en place, déclara Rhys.

On progresse, mais le champ de stase nous retient, rajouta Detmer.

L'alimentation fluctue encore, fit Owosekun.

Une vingtaine de membres de l'équipage sont en situation critique, lança Nhan et je me tendis.

Accumulation d'énergie dans la sphère, lâchais-je à mon tour. A 10 000 degrés Kelvin, et ça monte.

Elle active une arme ? demanda Pike.

Je n'en détecte aucune, répondit mon collègue. La température est à 20 000 degrés Kelvin.

Priorité à notre armement, ordonna Pike et je hochais la tête. Verrouillez la cible, et préparez les torpilles à photons.

Ça ne va pas…, commençais-je au moment où Rhys obéissait.

Ne tirez pas ! cria Sulu en pénétrant sur la passerelle avec Burnham. La sphère ne nous veut pas de mal.

Elle est sur le point de nous détruire, fit remarquer Pike.

Non, elle veut nous envoyer un message, répondit Mickaël.

On l'a eu, j'allais répondre, menaça Pike.

Et si le Vaharar'ai, mon processus de mort, était déclenché par l'agonie de la sphère, lâcha Sulu et je vis tout le monde se tourner vers lui, horrifié.

Répétez pour voir ? demanda Pike, en s'avançant vers lui.

Tout Kelpien porte en ses gênes une caractéristique forte : l'empathie, expliqua Saru. Je sens que la sphère veux nous contacter. Partager quelque chose avant de mourir.

Saru a ma confiance absolue, jura Burnham.

La sphère n'est pas hostile, répéta Saru. Je pense avoir compris comment elle communique.

J'ai également entièrement confiance en Saru, intervins-je en voyant Pike hésiter.

Il se tourna vers moi, et je soutins son regard. En devenant Officier-en-Second, je ne pouvais plus l'ignorer.

Detmer, où en est Spock ? demanda-t-il sans détourner ses yeux des miens.

Il sera hors de portée dans six minutes, répondit-elle. On ne retrouvera pas ses ondes de distorsion.

Calculez un cap d'interception. Dès qu'on est libres, on fonce.

Il pivota vers Saru de nouveau et croisa les bras.

Parlez, et vite, ordonna-t-il.

Peut-être que loin d'attaquer notre traducteur, la sphère voulait lui apprendre sa langue. Elle ne veut pas être oubliée. Elle utilise le Discovery pour préserver son histoire. Pour ça, on doit la laisser entrer.

Elle nous a tirés de distorsion, clama Pike. Elle nous démolit. Si on abaisse les boucliers, elle nous achèvera.

Saru leva la main, et gagna avec difficulté sa place.

Ordinateur, affichage calibré sur les ultraviolets, ordonna-t-il et il obéit. Voici les flashs lumineux que je vois partout, encore et encore. Le virus de la sphère les engendre. Ordinateur, passez le schéma lumineux dans le traducteur. Il s'agit selon moi d'une multitude de langues, très avancées, d'un savoir si vaste que notre système a fini en surchauffe.

La sphère à 100 000 ans, intervint Mickaël. Imaginez ce qu'elle sait, ce qu'elle a vu. Ça correspond à la mission originelle de ce vaisseau scientifique.

Ils ont raison, repris-je en voyant Pike hésiter, loin d'être habitué à ce type de menace là. Nous sommes formés à cela. J'ai entièrement confiance en Saru et Mickaël.

Température proche de 10 puissances Kelvin, lança Rhys. Et elle monte ! Nos torpilles seraient désintégrées.

Ce sont des températures solaires, expliqua Burnham.

Son noyau s'effondre, déclara Saru. Si on a vu juste, une fois la transmission terminée, la sphère pourra mourir en sachant que son souvenir perdure. Nous pouvons jouer un rôle dans son destin ou la laisser disparaître et sombrer dans l'oubli.

La navette de Spock va nous échapper, déclara Owosekun.

Je vis Pike hésiter de nouveau, avant qu'il ne croise de nouveau mon regard. Le supportant sans broncher, je vis dans ses yeux la décision se prendre avant qu'il ne la déclare. Il plaçait sa confiance en moi, se décidant à l'aveugle.

Abaissez les boucliers, ordonna-t-il. Si ça dégénère, surchargez notre réacteur, et projetez-le sur la sphère. Ça suffira à la pulvériser. Dès qu'elle nous lâche, boucliers pleine puissance et l'onde de choc nous portera.

Si on n'a pas été atomisés, rajouta Nhan qui semblait bien moins rassurée.

Pike se tourna vers nous.

S'il y a une chance que vous ayez raison, ajouta-t-il. Mon devoir et ma conscience m'interdisent de la laisser s'évanouir. Commandeurs, je vous laisse faire.

Lieutenant Detmer, abaissez les boucliers, ordonnais-je quand Saru me fit signe, et ma collègue obéit.

Le vaisseau fut projeté en avant, et je grimaçais en me rattrapant au bras du fauteuil de Pike. Nhan avait pris ma place aux côtés de Rhys.

Bryce, ouvrez tous les canaux, continuais-je. Owosekun, consacrez toutes les ressources aux Communications.

A vos ordres, c'est parti, répondit Owosekun.

Le vaisseau se mit en mode survie, consacrant toutes ses forces aux communications.

Téléchargement en cours, clama Burhnam et je soupirais silencieusement. Nos bases de données tournent à 120%. On reçoit tout.

A quand l'explosion ? demanda Pike.

Vu les relevés, on a quelques secondes, répondit Owosekun.

Detmer, peut-on s'éloigner à temps ? demanda Pike.

Le champ de stase nous bloque, répondit-elle, tendue.

Transfert terminé, clama Burnham.

Detmer, éjection ! ordonna Pike.

L'ordinateur ne répond pas, cria-t-elle.

Détonation ! clama Rhys.

En arrière toute ! ordonna Pike.

A cet instant, la sphère explosa.

Le vaisseau fut violemment propulsé en arrière, et je me sentis perdre l'équilibre.

Je vis Pike se redresser, m'attraper par le bras, et m'attirer contre lui. Déstabilisée par la puissance de la repousse, ainsi que par mon absence totale de prise, je n'eus d'autres choix que de m'agripper à sa ceinture. Atterrissant violemment sur ses genoux quand le vaisseau fut ensuite attiré par l'avant.

Plissant les yeux devant le trop de luminosité, je vis la lumière presque aveuglante de la sphère qui explosait par la baie vitrée de la passerelle. C'était aussi beau que s'en était terrifiant.

Cette lumière, murmura Saru. C'est comme une musique.

Comment avons-nous survécu ? demanda Pike quelques secondes plus tard, et je constatais à cet instant où je me trouvais.

Je me relevais brutalement, refusant catégoriquement de croiser son regard.

Je tentais de passer outre le fait que dans ses bras, je ne m'étais pas sentis si mal que cela.

La sphère a inversé la polarité du champ de stase, déclara Burnham. Pour nous mettre à l'abri avant la déflagration. Son dernier acte a été de nous sauver pour qu'on porte son histoire.

Je soupirais de soulagement, jusqu'à ce que je vois Saru indiquer à Burnham qu'il fallait qu'il quitte la passerelle.

Il s'agrippa à mon bras le temps qu'elle le rejoigne.

Il faut que…, commençais-je mais il caressa ma joue.

Vous êtes un super officier, c'est un honneur de vous redonner le poste, coupa-t-il avec douceur. Je sais que vous remplirez votre mission avec toute la grandeur et le courage que l'on attend d'un officier-en-second, tout comme vous l'avez déjà fait.

Il pivota vers Burnham, et lui tendit le bras qu'elle prit, se détachant de moi.

Accompagnez-moi dans mes quartiers, murmura-t-il.

Burnham l'accompagna jusqu'à l'ascenseur, et à mes côtés, je vis Pike se relever. Des mouvements sur mes côtés m'indiquèrent que les autres l'avait imité.

Les portes se refermèrent sur Saru et Burnham, et je frémis.

M'avançant vers la porte opposée, je quittais la passerelle en vitesse. Je ne pouvais pas rester ici une minute de plus ici.

Je parcourus rapidement les couloirs, ignorant où j'allais, jusqu'à ce que je constate que mes pas m'avaient menée à l'opposé même de la passerelle, là où il y avait peu de passage.

La serre botanique.

Là, à l'endroit même où j'avais l'habitude de rejoindre Gabriel quand nous étions encore ensemble, je m'adossais contre la vitre face au vide de l'espace que je distinguais par la fenêtre opposée, et fermais les yeux, tentant de reprendre le contrôle de ma respiration.

Ilyana, murmura la voix de Pike, et je sursautais.

Je rouvris les yeux pour les poser sur lui, qui se tenait debout face à moi. Il m'avait suivie jusqu'ici.

Etonnamment, je n'en ressentis pas de colère ou de rage, juste un profond désarroi en laissant tomber mes yeux sur son écusson de capitaine.

Je ne peux pas être officier-en-second, murmurais-je. Pas après avoir perdu les deux personnes que je servais. Je refuse que vous soyez le suivant sur la liste. Je ne peux plus faire ça.

Ilyana, vous n'y êtes pour rien, fit Pike en s'avançant prudemment. Je ne sais pas ce qui est, vraiment, arrivé à Lorca, mais sa mort n'était pas prévisible. Pas plus que ce qui arrive à Saru.

Son ton me fit frémir. Il savait.

Que quelque chose n'était pas vrai dans la version officielle de la mort de Gabriel Lorca.

Vos discours à l'amiral Cornwell et à toi sont très bien rodés, on sent toute l'application et la ferveur que vous mettez dedans, expliqua-t-il en ayant vu mon geste et en passant au tutoiement. Mais tu ressembles à ton frère, et je connais Georges. On accuse Lorca d'être un traître et un paria, mais à voir ta réaction, et en sachant que vous n'étiez plus que des amis depuis plusieurs années, je devine bien que ce n'est pas le cas. Je sais à quel point… tu peux être radicale concernant les trahisons. Vous cachez toutes les deux quelque chose. Ainsi que tout l'équipage de ce vaisseau.

Je détournais les yeux pour les poser de nouveau sur le vide de l'espace, laissant Pike avancer de nouveau.

J'ai besoin de toi au poste d'officier-en-second, déclara-t-il et je frémis de nouveau. Pas seulement parce que tu es celle qui est la plus gradée. Mais parce que j'ai entièrement confiance en toi. Ce vaisseau n'est pas le mien, je ne connais pas l'équipage aussi bien que Saru ou toi. C'est toi que je veux à mes côtés…

Sa voix avait changé, raison pour laquelle je reposais les yeux sur lui.

Nos regards se heurtèrent, juste avant que ses lèvres ne se posent sur les miennes.

Sous le coup de la surprise, je ne réagis pas. Je ne m'attendais pas à cela, pas plus qu'à la satisfaction que je ressentais à travers tous les pores de ma peau. J'avais envie de lui, de son corps contre le mien. Je n'avais pas envie de réfléchir à autre chose.

Il passa un bras autour de ma taille, me rapprochant d'autant plus de lui. Je posais une main sur son torse, mais ne luttais pas. Ignorant carrément les choses que cela impliquerait une fois que nos lèvres se sépareraient.

Capitaine, appela soudainement une voix et je fis un bond, me séparant violemment de Pike. Commander ?

Rhys, lançais-je en évitant soigneusement de croiser le regard de Pike.

Capitaine, le commandeur Burnham dit que le commandeur Saru a survécu ! déclara Rhys et je pivotais vers lui, n'osant pas y croire.

Où est-il ? demandais-je.

A l'infirmerie, fit Rhys avec un grand sourire.

Le doublant avec précipitation, je rejoignis Saru au pas de course, suivie de Pike.

Vous allez bien ? demandais-je immédiatement en le serrant dans mes bras.

Oui, je ne sais pas ce qui s'est passé, expliqua Saru en répondant à mon étreinte.

Il expliqua ce qui lui était arrivé, et si je ne comprenais pas mieux le processus, j'étais très heureuse qu'il ait survécu.

Je vous rends votre poste avec grand plaisir, ironisais-je. Essayez de le garder cette fois-ci.

En fait, non, fit-il et je le regardais, surprise, tandis que je distinguais du coin de l'œil le fin sourire de Pike. Vous m'avez cédé la place quand le Capitaine Lorca et vous, vous vous êtes séparés. Je vous redonne cette place avec honneur. Vous la méritez.

Je ne quittais pas Saru des yeux, mettant toute mon application et mon attention à ne surtout pas détourner le regard.

Je ne pouvais pas refuser que Saru me redonne le grade et la place qui était la mienne à bord de l'U.S.S Discovery, c'était impossible.

Quant à Pike, je le connaissais suffisamment pour savoir que nous venions de franchir une limite que nous n'aurions pas dû dépasser. Parce qu'au-delà d'avoir l'impression de revivre une situation déjà vécue par le passé, je n'étais pas encore prête à passer au-dessus de dix années de rancœur et de colère.

La situation venait de se compliquer grandement.