Chapitre 7

« Si tu ne peux pas sortir une personne de ta tête, c'est peut-être parce qu'elle est supposée y rester »

La vie avait repris un cours « normal » à bord du vaisseau. Si l'on pouvait considérer qu'une vie normale était possible ici.

Hugh s'habituait avec difficulté à être revenu à la vie, Paul tentait irrévocablement de l'obliger à revivre normalement quitte à négliger les sentiments de son mari, Saru tentait de s'habituer à son évolution, Ash essayait d'ignorer les regards accusateurs ou inquiets de ce qui fut son équipage.

Quant à moi, j'évitais Pike autant que possible, malgré le fait que nous étions Capitaine et Officier-En-Second. Je veillais à ce qu'il y ait toujours quelqu'un avec nous. Il ne disait rien, mais je savais parfaitement qu'il avait compris mon manège.

Je n'étais tout simplement pas capable de faire face à mes sentiments que je sentais grandir pour lui jour après jour. Je lui en avais voulu pendant onze ans, j'avais toujours profondément méprisé l'attention féminine qu'il attirait sur lui. Et aujourd'hui, je ne pouvais l'empêcher de se mêler à mes rêves.

On a un nouveau signal, me lança Keyla alors que je me trouvais assise sur le siège de capitaine pendant que Pike était en réunion avec Ash et Mickaël.

Analysez le, ordonnais-je alors que Owosekun appelait le capitaine Pike. On sait d'où il vient ?

Analyse en cours, me confirma ma collègue.

Où ? demanda Pike en pénétrant sur la passerelle.

Hors espace fédéré, lança Saru à son poste.

Je me levais du fauteuil de capitaine, et gagnais le mien en évitant le regard de Pike.

J'ai les coordonnées, lâcha Owosekun.

Affichage, ordonna Pike.

Le signal se situe au-dessus d'une planète de classe M, expliqua ma collègue. Il s'agit de…

Kaminar, coupa Saru et je lui jetais un regard.

Commander Saru ? demanda Mickaël.

Oui, confirma-t-il. La planète qui m'a vu naître.

Je pinçais les lèvres en espérant que ce signal n'annonçait pas quelque chose de mauvais. Je savais que Saru n'avait pas revu sa planète depuis des années, mais cela ne signifiait pas pour autant qu'il n'y était pas attaché.

Dans mon bureau, ordonna Pike en nous pointant du doigt.

Quittant mon poste et le laissant sous la vigilance de Rhys, je les suivis à l'intérieur. Je me stoppais devant un écran montrant la planète.

Kaminar compte deux espèces sentientes, expliqua Saru. Les Kelpiens et les Ba'ul.

Vos prédateurs, fit Pike et Saru hocha la tête.

Ils ont découvert la distorsion il y a 20 ans, expliqua Mickaël. L'U.S.S Archimède a établi le premier contact après avoir reçu une transmission de Kaminar. Mais le Haut Conseil Ba'ul s'est montré hostile.

Pourquoi avoir envoyé une transmission alors ? demanda Ash.

Ils ne l'ont pas fait, expliqua Saru. C'est moi qui l'ai envoyé. J'ai détourné leur technologie pour envoyer un message espérant que quelqu'un, quelque part, le recevrait.

Ça a été le capitaine Georgious, comprit Mickaël.

Elle était alors lieutenant à bord de l'Archimède, continua Saru en hochant la tête. Sans elle, je n'aurais pas pu fuir Kaminar, ni obtenir l'asile. J'ai juré de ne jamais revenir. Tel était le prix du savoir.

Aujourd'hui, parmi des milliards de planètes, reprit Pike. C'est au-dessus de la vôtre que le signal apparaît. Improbable.

Ce n'est pas un hasard, fit Mickaël. Le Discovery s'intéresse à l'Ange Rouge.

Serait-ce réciproque ?

N'allez pas trop vite, coupa Ash. Commandeur Saru, y a-t-il des Anges dans votre culture ?

Nous ne croyons qu'au Grand Équilibre, lui répondit Saru en secouant la tête. S'il était bouleversé, notre écosystème si fragile en serait dévasté. On nous enseigne que les Ba'ul sont les gardiens de cet Équilibre.

Vous vénérez les Ba'ul ? demanda Pike, et je sentis l'incompréhension dans sa voix.

C'est leur technologie supérieure qui subjugue les Kelpiens, expliqua Saru qui avait perçu la même chose. Et leur permet de nous dominer. C'est leur rempart. Aucun Kelpien n'a même jamais vu de Ba'ul.

Cette technologie permet aussi de garder Starfleet à distance, ajouta Mickaël alors que je fronçais les sourcils devant les dernières paroles de Saru.

Ils ne seront donc pas très accueillants, comprit Pike.

Les Ba'ul sont isolationnistes, confirma ma collègue. Et déterminés à préserver le statu quo.

Ils ont dû voir le signal, fit néanmoins remarquer Ash.

Ils pourraient accepter d'en parler, hypothéqua Pike.

Avec la bonne approche, fit Ash et je grimaçais devant son ton défiant.

On frappe à la porte, prévint Pike, menaçant.

Et après ? demanda Ash et je lui adressais un regard d'avertissement. On demande gentiment ?

Quand on débarque à l'improviste, il faut au moins être poli, fit Pike.

Le silence retomba, et je les vis se défier du regard avant que Ash ne me jette un coup d'œil. Je secouais négativement la tête afin de lui signifier d'arrêter, tentant d'ignorer le regard lourd de Pike sur moi.

Sortie de distorsion au-dessus de Kaminar, lança Keyla depuis le poste de pilotage.

Suivant le reste de l'équipe, je pénétrais sur la passerelle à l'instant où nous apparaissions au-dessus de la planète de naissance de Saru.

Le signal a déjà disparu.

Comme d'habitude, soupira Pike. Mr Bryce, appel à toutes les fréquences pour les Ba'ul. Burnham, relevés planétaires complets. Trouvez une trace de l'Ange ou une source capable de générer le signal.

Les Ba'ul ne répondent pas, clama Bryce mais je grimaçais.

Si, lâchais-je. Différemment. Ils scannent notre armement. Et uniquement ça.

Ça a bien marché de frapper, ironisa Ash et je soupirais.

Les Ba'ul manquent juste de courtoisie, tenta de justifier Pike. Burnham ?

Aucun signe de l'Ange, fit-elle. Ou de menace sur la planète.

Que fait-on ici alors ?

Vous présumez que les signaux sont motivés, clama Ash.

Oui Mr Tyler, absolument, siffla Pike et je perçus l'agacement dans sa voix, mais seulement parce que je le connaissais bien. Pourquoi ne répondent-ils pas ?

Peut-être parce qu'ils sont une race d'oppresseurs ? suggéra Saru et je relevais la tête en entendant la colère dans sa voix. Même s'ils répondaient, feriez-vous confiance à ceux qui maintiennent les miens sous le joug de la peur ?

Votre expertise est inestimable Mr Saru, fit Pike en tentant d'adopter un ton apaisant. Mais le signal est apparu ici. L'Ange peut-être. Comment peut-on se renseigner ?

Chaque village compte un prêtre, expliqua Saru. Ils servent d'intermédiaires avec les Ba'ul et forment le lien entre toutes nos communautés.

Si l'Ange Rouge est apparu sur Kaminar, les prêtres le sauront, en conclut Pike.

Et l'Ordre Général numéro un ? demanda Ash.

Les Kelpiens sont pré-distorsion, mais ils ont vu cette technologie, intervint Mickaël tandis que je voyais Pike se tendre. Et ils savent que le voyage spatial est possible. Le choix d'un premier contact doit être mûrement réfléchi, mais notre mission semble le nécessiter.

Alors tordons le règlement sans vraiment l'enfreindre, fit Pike et je souris en voyant que, pour la première fois depuis que je le connaissais, il n'était pas à cheval sur les règles.

Je le vis percevoir mon sourire, et j'arrêtais net en faisant semblant de ne pas avoir remarqué son regard.

Une xéno-anthropologue est toute indiquée pour interagir avec ces prêtres, fit Pike en se tournant vers Mickaël.

Je suis le choix le plus logique, s'offusqua Saru. Mon expérience est unique. L'ignorer, c'est ignorer des siècles de souffrance kelpienne.

Cette souffrance fait de vous le choix le plus risqué, fit remarquer Pike et je m'avançais en voyant le visage de Saru se dessiner de colère.

Vous doutez de ma capacité à exécuter la mission ? demanda-t-il, se faisant menaçant.

Bien sûr que non, répondit Pike. Mais on comprend encore mal les changements biologiques et comportementaux que vous vivez.

Je vous assure que je suis toujours le même, jura Saru.

Vous devez avoir envie de révéler la vérité sur le Vahar'ai, fit Pike, plus ferme.

Vous insinuez que je suis incapable d'obéir aux règles ou à vos ordres ? fit Saru.

Il s'avança, clairement menaçant, vers Pike qui ne recula pas, mais esquissa un geste en arrière.

Sentant la menace, je me glissais entre les deux, dans le peu d'espace que Saru me laissait.

Saru, murmurais-je. Je sais, et je comprend votre colère. Elle est logique, et personne ici ne remet en doute ni vos compétences, ni votre capacité à effectuer une mission. Mais peut-être devriez vous réfléchir au fait que vous êtes très impliqué dans celle-ci…

Je suis parfaitement capable de l'effectuer, peut-être mieux que n'importe qui ici, clama-t-il en vrillant mes yeux aux siens. Vous qui ne parlez plus à votre famille, vous ignorez ce que cela fait d'être coupé de la sienne sans l'avoir souhaité.

J'accusais le coup en silence, sans ciller, mais ma propre colère monta en puissance et on s'affronta du regard tandis que je serrais les poings en tentant de calmer ma rage.

Mickaël sentit alors le danger arriver, et elle se précipita entre nous les deux mains tendues tandis que Pike saisissait mon bras et me forçait à reculer à ses côtés, sans que cela ne me détende.

Capitaine, fit-elle. Commandeur. Les Kelpiens ignorent que d'autres mondes sont habités. Le contact est autorisé, mais ma présence risque d'être un choc. La présence du commandeur Saru serait des plus précieuses.

D'accord, capitula Pike. Mais j'insiste. Vous devez glaner des informations, pas déclencher une guerre entre Kelpiens et Ba'ul. Mr Saru ?

Mon devoir est d'accomplir la mission scientifique du Discovery, fit ce dernier d'un ton vague qui me fit plisser les yeux.

Nous n'avons aucun doute, promit Pike en continuant de serrer mon poignet qu'il sentait trembler dans sa main.

Je vis Saru baisser les yeux, avant de les poser sur moi, désormais plus blessée qu'en colère.

Je suis navré, me dit-il et je me contentais de hocher la tête. Je n'aurais pas dû dire cela...

Commencez par votre village, reprit Pike qui savait que je n'étais à l'heure actuelle pas capable de répondre. Ils seront ravis de vous voir.

Saru hocha la tête, et quitta la passerelle avec Mickaël.

Jetant un coup d'œil autour de moi, je vis que tout le monde avait reprit son travail. Je dégageais doucement mon bras de la main de Pike, et quittais à mon tour la salle, tentant de reprendre contenance.

Je sentais de nouveau mon portable vibrer dans ma poche, m'indiquant qu'on tentait de me joindre.

Marchant dans les couloirs, je le sortis et jetais un coup d'œil à l'identité de la personne qui me joignait.

Mon père.

Surprise, je m'arrêtais net au milieu du couloir. Pendant toutes ces années, ma mère, mon frère, ma cousine, avaient tenté sans jamais abandonner, de me joindre.

Mon père avait appelé un peu au départ, avant d'abandonner. Lui et moi étions pareils. Il savait donc que tant que je n'aurais pas digérer ma colère, il serait inutile de tenter de me joindre.

Je sentis l'appréhension me prendre à la gorge tandis que j'hésitais à répondre à l'appel.

Je sentis une main se refermer sur mon bras et je sursautais. Levant les yeux, je les posais sur Pike qui m'avait suivis.

C'était mon père, soufflais-je en lui indiquant le téléphone qui s'était arrêté de vibrer sans même prendre conscience de la personne à qui je m'adressais. Il ne m'appelle jamais lui.

Rappelle-le, me conseilla Pike. C'est sans doute rien, mais s'il y a quelque chose, tu t'en voudra de ne pas l'avoir fait.

Secouant la tête, je rangeais mon portable dans ma poche, et il soupira.

George et vous, vous vous ressemblez beaucoup…, fit-il et je levais un sourcil surprit. Aussi bornés et rancuniers l'un que l'autre…

Haussant les épaules, je me détournais pour le laisser planter au milieu du couloir.

oOoOo

Quelques heures plus tard, je me trouvais de nouveau sur la passerelle, et me tendis brutalement quand Mickaël et Saru furent téléportés à bord en urgence.

Aussitôt, mes alarmes se déclenchèrent, et je me préparais à devoir défendre le Discovery.

Les Ba'ul nous contactent ! clama Bryce alors que je verrouillais les défenses du vaisseau.

Mickaël et Saru apparurent sur la passerelle.

Je ne sais pas ce que vous avez fait, mais les Ba'ul nous contactent, leur annonça Pike en gagnant son fauteuil. Pas pour nous inviter à une fête de bienvenue.

Communication établie, confirma Bryce. Audio uniquement.

Mr Saru, mieux vaut ne pas vous mêler de cette conversation, ordonna Pike. Ici le Capitaine Pike de l'U.S.S Discovery.

Aussitôt, le vaisseau bascula en alerte rouge sans que je n'ai eu à l'ordonner, indiquant une menace immédiate que les défenses avaient perçues. Je jetais un regard d'avertissement à Pike au moment où une voix lugubre retentissait dans le vaisseau.

Rendez-nous ce qui nous appartient, ordonna-t-elle.

C'est-à-dire ? demanda Pike.

Le Kelpien ! Starfleet a promis de ne pas s'immiscer dans les affaires de notre monde.

Nous enquêtons sur un signal céleste, tenta d'ignorer Pike. Vous l'avez vu. Ces signaux sont suivis de l'arrivée d'une entité, l'Ange Rouge. En avez-vous connaissance ?

Un silence menaçant lui répondit et je me levais, prête à activer les armes du vaisseau.

Il pourrait menacer le Grand Équilibre, lâcha Pike. Nous avons le même but : préserver la paix…

La paix est assurée par l'œil qui voit tout, coupa la créature. Rendez-nous le Kelpien et nous vous laisserons partir indemnes.

Il y eu un bruit d'explosion et je vis Saru briser son écran avant qu'il ne lâche d'une voix emplie de rage et de haine.

Je ne suis pas un objet !

Mr Saru ! clama Pike.

Je suis le frère de Siranna qui vit dans l'oppression, l'ignora Saru, hors de lui. Je suis le fils d'Aradar, mort pour rien, de vos mains.

Le Kelpien parle, siffla la voix.

Je suis le Commandeur Saru, cria-t-il. Unique Kelpien de Starfleet, détenteur de la vérité sur le Vahar'ai.

Le Grand Équilibre est la seule vérité, clama l'autre. Il doit perdurer.

Vos mensonges n'ont plus prises, coupa Saru. J'ai survécu à mon Vahar'ai, et je sais qu'il est une évolution. Vous nous massacrez pour l'empêcher.

Commandeur…, intervint Pike, mais j'avais bien compris que Saru n'était plus en capacité d'obéir.

Il ne l'avait plus été à l'instant où nous avions compris que le signal venait de Kaminar.

Tu crois tout savoir, Kelpien, siffla l'autre. Tu ne sais même pas ce que tu es.

Capitaine, dix vaisseaux sentinelles en approche ! clama Rhys.

Activez les boucliers, ordonna Pike. Des détails ?

Sous nos yeux, des vaisseau immenses apparurent et nous encerclèrent.

Ils préparent leur armement, clamais-je en pianotant sur mes écrans.

Activez les phaseurs, ordonna Pike. Si vous m'entendez, je vous conseille de réfléchir avant d'agir.

Rendez-nous le Kelpien, ordonna l'autre visiblement imperturbable.

Saru est un réfugié politique et un officier, coupa Pike, furieux.

Je vis Saru se tourner vers nous, et je secouais la tête, à l'instar de Mickaël.

La Fédération le protège, continua Pike.

Vous risqueriez la vie des vôtres pour sauver un Kelpien ? demanda la créature.

Ce Kelpien est des nôtres, coupa Pike. Je ferais tout le nécessaire pour le défendre.

Nous aussi !

Les Ba'ul activent le pylône du village de Saru, prévint Mickaël.

Vous êtes intervenus dans la vie de ce village, siffla l'autre. Rendez le Kelpien, ou leur sang sera sur vos mains.

Le pylône est aussi une arme, clama Saru, affolé. Mon village sera détruit ! Il faut…

Mr Saru ! coupa Pike en pivotant vers lui. Quittez la passerelle. C'est un ordre !

Saru s'immobilisa, et nous jeta un nouveau regard, avant de tourner les talons et monter dans l'ascenseur.

Prise d'un mauvais pressentiment, je me précipitais à sa suite, suivie de Mickaël.

On parvint en courant à la salle de téléportation, où se trouvait déjà Saru, prêt à partir.

Ne faites pas ça ! clama Mickaël.

Sinon quoi ? menaça Saru et Mickaël le visa avec son phaseur en mode paralysie.

Je n'hésiterais pas, fit-elle alors que je fixais Saru sans intervenir. Vous n'avez pas les idées claires !

Je ne me suis jamais sentis aussi lucide qu'en ce moment, clama-t-il. C'est la seule issue.

Mickaël secoua la tête, tandis que je comprenais petit à petit à quel point il avait raison, et également le pourquoi il faisait cela.

Je le comprenais, parce que j'aurais fait la même chose pour ma famille, peu importait nos différents.

Vous le feriez pour vos frères, clama-t-il en nous regardant.

Le cœur déchiré en deux, je le laissais monter sur l'estrade, et détournais les yeux quand il disparut.

Mickaël s'immobilise, choquée.

Kirk à la passerelle, clamais-je dans l'interphone. Le commandeur Saru se rend.

Mickaël me suivis en direction de la passerelle, muette. Je savais son attachement au Kelpien, et je ne pouvais comprendre ce qu'elle ressentait.

Vous l'avez laissé faire ? demanda Pike, furieux, quand il me convoqua dans son bureau. Pourquoi ?

Il agit pour sauver sa sœur, répondis-je d'un ton froid, implacable. Qui sommes nous pour l'empêcher de le faire, alors que nous ferions la même chose à sa place ? Notre rôle est de trouver une solution pour le récupérer et sauver les Kelpiens, pas de l'empêcher de faire ce qu'il pense être juste.

Cela ne justifie pas de laisser un agent se sacrifier, c'est contraire à nos règles, coupa Pike, hors de lui.

Je l'ai permis parce qu'il ne s'en serait jamais remis, répondis-je sans ciller face à lui. Les règles ne prévoient pas ce genre de situation. Malgré ma colère et ma tristesse, j'aurais fait la même chose pour mon frère et ma famille.

Il s'immobilisa et je le vis m'analyser du regard. Je tins bon pendant son inquisition.

Capitaine ! clama Mickaël en arrivant. Commandeur ! On a la réponse. Les Ba'ul utilisent leur technologie pour maintenir les Kelpiens en soumission. Ils peuvent vivre tant qu'ils ne sont pas dangereux.

Je commençais à deviner la chose, répondis-je quand elle nous fit la démonstration des 2 000 dernières années sur écran. Il a dit à Saru qu'il…

ne savait pas qui il était, confirma Burnham. Les Ba'ul ont une peur abominable des Kelpiens, ce qui peut s'entendre, à cause de leurs antécédents. Tant qu'ils font croire aux Kelpiens qu'ils meurent à compter de leur Vahar'ai, cela les protège.

On avait gagné la passerelle, et j'échangeais un regard avec Pike.

Les Ba'ul paniquent, conclut Mickaël.

Si on leur montre que Saru n'est pas dangereux, fit Pike en se tournant vers nous. Pas plus que son peuple…

Un appel entrant, clama Bryce en nous regardant avec étonnement. Il vient des Ba'ul.

On se regarda tous.

Mieux vaut le prendre…, suggéra Mickaël et Bryce hocha la tête.

Discovery, ici le commandeur Saru, appela ce dernier et je soupirais de soulagement.

Ravi de vous entendre, répondit Pike.

Siranna et moi sommes dans une structure Ba'ul, expliqua le Kelpien. Rien ne permet de dire où.

Owosekun se tourna vers nous et secoua la tête.

On n'arrive pas à vous localiser, lui apprit Pike. Vous devez être derrière un occulteur. Avez-vous parlé aux Ba'u ?

Oui, confirma Saru. C'était… instructif…

Commander Saru, intervint Mickaël après avoir demandé mon accord. Les archives de la sphère ont permis l'analyse de l'histoire de Kaminar. Elle est étonnamment complexe. Tout semble indiquer que les Kelpiens, post Vahar'ai, étaient les prédateurs des Ba'ul.

Vous confirmez mes soupçons, fit Saru et je compris qu'il avait une bonne idée de la raison. Les Ba'ul croient qu'après le Vahar'ai, on devient des prédateurs acharnés. Ils feront tout pour continuer à nous tuer. Et pour nous cacher la vérité.

Convaincre les Kelpiens de la fausseté du Grand Équilibre sera ardu, intervint la voix douce de sa sœur. Mais nous devons les sauver.

Des millénaires de conditionnement à défaire, soupira Mickaël.

Mais Siranna a raison, reprit Saru. Montrons aux Ba'ul et aux Kelpiens ce que l'on peut devenir. Comme je l'ai vu, moi.

La sphère a provoqué votre Vahar'ai, lança Tilly.

Il faudrait accélérer le processus, confirma Saru. Les Ba'ul ne doivent pas agir avant que tous les Kelpiens finissent le Vahar'ai.

En isolant les fréquences actives utilisées par la sphère, fit Mickaël en se tournant vers Tilly. On devrait accélérer la réaction biologique.

J'y vais, clama Tilly.

Les Ba'ul devront faire face à notre forme évoluée, fit Saru et j'ouvris la bouche pour parler.

L'histoire se répète, murmura Pike en attrapant mon bras et en se penchant vers Mickaël. On ne doit pas provoquer l'exctinction des Ba'ul.

Leur technologie reste très supérieure, promit Mickaël. Il faudra du temps aux Kelpiens pour être un vrai danger.

Qu'est ce qui nous garantit que les Kelpiens ne vont pas chercher à se venger ? Demandais-je finalement, d'un ton froid. Cela paraîtrait logique. Mais si l'on tient compte du fait que les Ba'ul ont d'abord été vos proies avant de parvenir à vous réduire en esclavage, ce n'est qu'un cercle infernal. Bien que je conçoive que laisser les Kelpiens se faire massacrer n'est pas possible, nous ne pouvons pas non plus être responsables du génocide d'une autre espèce !

Les Ba'ul affronteront ce qu'ils craignent le plus, reprit Saru d'un ton apaisant. Non pas nos « plus bas instincts ». Notre rage. Nous leur prouverons qu'on peut dépasser ça. On ne reproduira pas leur violence. On créera un nouvel équilibre. Je ne peux pas le prouver, mais je crois que c'est pour ça que le signal nous a conduit là.

Pike tourna les yeux vers moi, et je pinçais les lèvres en levant les yeux au ciel. Je n'avais pas de solution. Restait à espérer que Saru ait raison et que son peuple aurait l'intelligence et le courage de ne pas chercher à se venger.

D'accord, accepta Pike. Le Discovery va amplifier le signal.

Comment diffuser les ondes à tous les Kelpiens à la fois ? demanda Mickaël.

Tout comme j'ai contacté le Capitaine Georgious, répondit Saru. En retournant la technologie des Ba'ul contre eux.

Ça devrait marcher, fit Tilly. Commander Saru, je vous envoie les ondes de la Sphère, modifiées.

Elle agit rapidement et nous adressa un signe de la tête. Je vis Pike m'adresser un regard inquiet. Je savais que c'était difficile pour lui d'être Capitaine sur un vaisseau et un équipage tel que le nôtre. Il s'appuyait sur moi pour prendre les décisions qui lui paraissaient parfois aberrantes, plus encore qu'il ne s'appuyait sur Saru.

C'était déconcertant. Il se fiait à mes réactions, à mes émotions et à ma façon d'agir. Il fallait pour cela bien me connaître, et même Saru n'y était parvenu. Seul Gabriel Lorca l'avait fait.

Pike avait un avantage sur lui : il connaissait bien mon frère, et à bien des égards, nous nous ressemblions. Mais ce fut avec surprise que je constatais qu'il avait dû bien m'observer au cours des derniers jours.

Les relevés indiquent que le Vahar'ai débute chez 63% des Kelpiens, fit Mickaël. Et ça monte.

Une alarme se mit en rouge sur mon écran.

Détection d'une activité colossale sous la surface du lac, lançais-je en ciblant cette dernière pour permettre à Owosekun de zoomer.

Affichage, ordonna Pike au même moment.

Une structure émerge, fit ma collègue. Quinze kilomètres de diamètre.

Cette dernière était énorme, c'était peu de le dire. Et je sentis toute la menace qui se cachait derrière son apparition.

Une forteresse Ba'ul, lâcha Pike.

Protégée par un champ de force, rajoutais-je après avoir tenté de scanner le bâtiment, sans résultat.

Saru et Siranna sont peut-être là, fit Mickaël.

Alerte rouge ! ordonna Pike. Rhys, Kirk, visez les boucliers ! En les détruisant, on pourra localiser Saru et sa sœur.

L'écran se mit brutalement en stand by, le temps de calculer la tactique de l'ennemi. Il ne faisait cela qu'en cas de danger immédiat.

Owosekun, expliquez-moi, demanda Pike.

La forteresse Ba'ul active les pylônes, expliqua cette dernière. L'énergie qui s'y accumule peut détruire tous les villages.

Ils préfèrent le génocide à l'évolution ! fit Mickaël.

Bryce, appelez ces salauds ! ordonna Pike avant de pivoter de nouveau vers la baie vitrée. Rhys, Kirk, oubliez la forteresse, visez les pylônes.

Pas de réponse, fit Bryce alors que je visais ces derniers.

Ouvrez un canal ! Ici le Capitaine Pike. Je ne vous laisserais pas éradiquer une espèce. Votre peur des Kelpiens vous aveugle. La paix est possible. Starfleet vous aidera à négocier un nouvel équilibre. Pour protéger tout le monde. Mais si vous décidez de massacrer tous les Kelpiens, vous êtes nos ennemis. Réfléchissez.

Je validais mon ordre, et fixais Pike, la main au-dessus des commandes de tirs.

Monsieur, fit Keyla. Ils ont activés les 4 056 pylônes. Aucun village n'est épargné.

Lieutenant Rhys ? Commandeur Kirk ?

On ne peux pas tout viser d'un coup, répondit mon collègue.

Commencez, ordonna Pike. Armez les torpilles ! Sur mon ordre.

On détecte un énorme pic de radiations électromagnétiques dans la forteresse, clama Owosekun.

A cet instant, il y eu une grande vague rouge, et mes alarmes cessèrent de sonner.

L'impulsion a désactivé tous les pylônes, rajouta Mickaël.

Ne tirez pas ! nous ordonna Pike, et je reposais ma main. Que se passe-t-il ?

Armes et boucliers désactivés, répondis-je. Je ne trouve pas la cause…

Une technologie capable de créer un tel champ électromagnétique…, intervint Keyla. C'est impossible.

Pourtant, je parvenais désormais à sonder le bâtiment sans problème, repérant immédiatement Saru et Siranna. Donnant les coordonnées à ingénierie, je verrouillais les armements du vaisseau, avant de soupirer.

Une fois de plus, nous avions évité une catastrophe.

oOoOo

Plusieurs heures plus tard, je marchais dans les couloirs en direction du self, quand je me figeais en entendant Pike et Ash discuter à l'intérieur.

Sa technologie a sauvé les Kelpiens du génocide, faisait remarquer Pike.

Et que se passera-t-il quand cette technologie se retournera contre nous ? demanda Ash.

La section 31 et les calculs du Contrôle, sont paranoïaques, lâcha Pike. La guerre est finie.

J'entendis Ash taper du poing sur la table, et je compris qu'il était en colère.

Je ne pouvais lui en vouloir, lui qui avait tant souffert et perdu face aux Klingons.

Ouais, lui répondit-il légèrement irrespectueux. Et on ne veut plus en vivre. La dernière guerre a marqué ceux qui l'ont livrée. Certains en souffrent encore. L'Enterprise et vous étiez bien loin des combats, mais si notre sort de vous intéresse pas, rappelez vous bien que Ilyana, à qui vous semblez être très attaché et pour qui vous semblez avoir des sentiments, fait partie des victimes les plus touchées.

Je l'entendis repousser violemment sa chaise et ses pas m'indiquèrent qu'il se rapprochait. En me voyant sur le pas de la porte, il m'adressa un regard incertain, et je lui serrais doucement le bras. Il me sourit brièvement, avant de continuer son chemin.

J'avisais Pike, resté figé dans la pièce. Prenant une inspiration, je pénétrais à l'intérieur et me commandais un café, avant de le rejoindre.

Tyler a vécu des choses effroyables que personne ne pourra jamais appréhender, murmurais-je en prenant la place que mon ami avait quitté. Je sais qu'il peut paraître dur, mais ce qu'il a traversé est inconcevable. Je n'excuse pas son comportement, mais…

Il y a eu quelque chose entre vous ? coupa Pike sèchement, et je le regardais, surprise.

Non, concédais-je à répondre. Et ça n'en n'a jamais été question. Nous sommes amis, proches, mais pas dans ce cadre-là.

Et Stamets ? me demanda Pike.

C'était privé, et en l'occurrence, il n'avait normalement pas à me demander ces renseignements là. Je n'étais pas sans savoir qu'il outrepassait ses fonctions de Capitaine.

Oui, confirmais-je néanmoins, et il frémit. Il y a quatre ans, après ma relation avec Lorca. Ce n'était pas vraiment une relation, nous n'avons jamais rien rendu officiel, parce que finalement, ça ne l'était pas. Puis il a rencontré Hugh, et depuis il ne s'est strictement rien passé. Nous sommes proches, il me connaît par cœur et l'inverse est vrai, mais il n'y a… plus rien entre nous.

Même maintenant que le Dr Culbert ne semble plus avoir de sentiments à son égard, releva Pike, d'une voix légèrement amère.

Je l'analysais du regard, et y détectais immédiatement la jalousie. Je pris sur moi pour répondre.

Je sais ce que tu essais de faire, fis-je remarquer lentement, et il riva ses yeux gris aux miens. Tu réagis pour rien. Paul est profondément amoureux de son mari, et il n'est absolument pas intéressé par moi. Déjà de base, nous n'étions pas un couple tel que tu l'entendrais. Alors après autant d'années et sa relation avec Hugh, non, il n'y a rien.

Je le vis déglutir, et il détourna les yeux. Je compris que c'était à moi de parler.

Puisque nous sommes dans les questions indélicates, pourquoi t'es-tu interposé il y a onze ans ? lâchais-je brutalement et il se figea, ne s'attendant pas à cette question. Pourquoi t'es-tu immiscé dans la dispute entre Georges et moi ? Tu devais bien te douter que, ne pouvant pas décharger ma colère sur mon frère comme je le voulais, je me retournerais contre toi.

Parce que c'était Lorca qui t'avait, et pas moi, répondit-il en vrillant de nouveau ses yeux sur moi, et cette fois-ci, ce fut moi qui me figeais.

Sous le coup de la surprise, je clignais simplement des yeux. Devant mon incrédulité, il sourit doucement avant de s'adosser à son dossier.

Je t'ai remarqué à l'instant même où tu as passé les portes de l'Académie de Starfleet, expliqua-t-il. Et au moment où j'allais en faire la remarque à Georges, il m'a annoncé que tu étais sa sœur, et qu'il espérait bien qu'aucun mec ne te tomberait dessus avant plusieurs mois. Alors j'ai préféré ne rien dire. Mais Lorca… m'a devancé. Je ne l'appréciais pas, et cela m'arrangeait que ce ne soit pas le cas non plus de ton frère. Sauf que cela s'est retourné contre nous, et tu es partit. Quand le Discovery a disparu, ils ont dit que vous étiez morts. Je ne saurais te décrire la sensation que cela m'a fait… Mais à cet instant-là, je crois que j'ai inconsciemment tiré un trait sur l'amour et tout ce que cela impliquait. Je me suis consacré à l'U.S.S Enterprise et à notre devoir. Quand ils nous ont annoncé que vous étiez… revenus… j'ai eu l'impression de prendre une claque en plein visage. Je n'ai jamais cessé de t'aimer, mais toi, il n'y avait que la haine sur tes traits. Il n'y a rien de pire que d'être détesté par la personne que l'on aime…

Un silence accueillit ses propos, et il me quitta des yeux pour les poser sur la fenêtre derrière moi. J'avais compris qu'il avait des sentiments à mon égard, mais je n'avais pas imaginé que cela remontait aussi loin et surtout, que c'était la cause de ce qui nous avait déchiré onze ans auparavant.

Sa déclaration n'attendait pas de réponse. Il savait que je n'en n'avais pas à lui donner.

Je sais que tu caches quelque chose à propos de Gabriel Lorca, rajouta-t-il devant mon silence en reposant ses yeux dans les miens. Ainsi que tout l'équipage et l'amiral Cornwell. C'est assez flagrant, et je commence à savoir reconnaître quand tu caches quelque chose. Dans la mesure où tu sembles à chaque fois qu'il est insulté sur le point de le défendre, j'en déduis que la raison « officielle » de sa disparition n'est pas la même que la raison « officieuse ». Il y avait encore quelque chose entre vous ?

Non, murmurais-je lentement en détournant les yeux. Notre relation a duré quatre ans avant qu'on se sépare d'un commun accord. Nous n'étions juste pas sur la même longueur d'onde, et de plus, un capitaine et son officier-en-second qui sont en couple, ça fonctionne très bien ou ça bousille tout le commandement d'un vaisseau, il n'y a pas de juste milieu. Il n'y a pas eu de disputes, de tromperies ou autre raison aussi ignoble dans notre séparation. On s'est simplement rendu compte avec le temps que si notre duo Capitaine-Officier en Second fonctionnait très bien, il en était autre chose de notre couple. On a rompu, et un an plus tard, il entamait une relation avec l'amiral Cornwell. Et avant que tu pose la question, oui, j'étais au courant et non, il n'y a jamais eu de tension entre nous.

Il ne répondit rien et m'analysa du regard. Je fus quelque peu troublée par son regard intense sur moi, et je soupirais lentement.

Je te concède qu'effectivement la version « officielle » est incorrecte, terminais-je et il inclina légèrement la tête. Mais… ce qui s'est passé va bien au-delà de ce qui est correct, quitte à bousiller la réputation d'un homme qui ne méritait pas un tel sort.

A cet instant, son portable sonna et je posais les yeux sur le nom qui s'y affichait.

Georges Kirk.

L'ayant également vu, Christopher leva des yeux interrogateurs sur moi, avant que je ne hoche la tête.

Le suivant en direction de son bureau, je m'adossais contre le mur, hors du champ de vision de l'écran sur lequel le visage de mon frère s'afficha.

Chris ! s'exclama-t-il en souriant amicalement. Comment vas-tu ?

Bien et toi ? demanda Pike en lui répondant sur le même ton. Comment se passe la mission du Kelvin ?

Merveilleusement bien, fit mon frère en rigolant. On a déjà dû se tromper deux fois de sens, mais notre mission d'exploration se déroule plutôt bien. Ryan et Alba empêchent ce vaisseau de tourner en rond. Et vous, le Discovery ?

Pike lui répondit et je pris le temps d'analyser mon aîné.

Il était toujours aussi grand, moins que son ami néanmoins, musclé et bien bronzé à ce que je voyais. Tout comme moi, il possédait des yeux bleus et des cheveux blonds que lui portait courts. Son visage avait perdu ses rondeurs enfantines qu'il avait pourtant conservés un long moment.

Il avait un sourire jovial, et tout comme Pike, avait perdu son masque d'arrogance qu'il portait à l'époque de l'Académie et qui nous avaient tant éloignés.

Je sentis la colère s'apaiser et un vague espoir renaître au fond de mon cœur.

Quoi que j'en dise, ma famille me manquait. De même que ce frère de qui j'étais tellement proche. Sans parler de Alba, ma cousine, auprès de qui j'avais grandis. Nous étions les meilleures amies du monde, avant les terribles évènements qui m'avaient forcé à couper les ponts avec les miens.

Le seule reproche que j'avais à me faire de cette époque là, c'était que ma cousine ne méritait pas un tel traitement. Elle n'avait strictement rien, et m'avait même soutenue d'après ce que j'en avais entendu. Mais à ma colère et à ma rage, je n'avais pas pensé à elle.

Je savais qu'elle s'était mariée avec le Capitaine de l'U.S.S Kelvin, mais je ne savais même plus à quoi elle ressemblait...

Et ma sœur ? demanda-t-il soudainement quand Pike eu fini de lui narrer nos aventures. Comment va-t-elle ?

Je dû reconnaître cela à Pike, il ne dévoila pas ma présence. Ni par ses propos, ni même par un regard. Il se contenta de garder les yeux posés sur mon frère.

Elle va bien, répondit-il. Aussi bien que possible après une guerre…

Je vis sur le visage de Georges se dessiner le même regret que Pike avait eu face aux propos de Ash.

Elle ne me réponds toujours pas, murmura-t-il et je déglutis doucement. Je ne sais plus quoi faire… Si elle refuse de me répondre, comment dois-je faire pour m'excuser et essayer de renouer des liens ? Je sais que tu a refusé de te mêler de cela, et je l'entends, mais…

Je me suis une seule fois immiscé entre elle et toi, lui rappela Pike. Et ça c'est très mal terminé. Je ne peux pas user de mon rôle de Capitaine sur elle à propos de quelque chose appartenant à sa vie privée. Je suis désolé Georges…

Je le sais, je suis navré d'en avoir reparlé, fit mon frère, tristement. Excuse-moi… Je ne sais juste pas comment faire…

Il baissa quelques secondes le regard, et Pike en profita pour me jeter un regard. Il n'y avait rien à l'intérieur. Il ne me poussait pas à répondre à la détresse de mon aîné, il me laissait simplement l'opportunité de prendre une décision.

Pendant quelques secondes, je fus tentée de m'éloigner, mais je me rendis compte que j'en étais incapable.

Prenant une inspiration, je me rapprochais de Pike qui ne bougea pas, et Georges releva les yeux au moment où j'apparaissais au côté du Capitaine du Discovery.

Sous le coup de la surprise, mon frère pâlit et ouvrit de grands yeux, avant que ces derniers ne passent de Pike à moi.

Lili…, souffla-t-il et je frémis devant le surnom qu'il m'avait toujours donné. Je… Bon sang, je suis heureux de te voir !

Je le regardais me détailler, et je le laissais faire, puisque j'avais largement pu le faire avant de m'avancer. Je ne répondis rien.

Tu es magnifique, lâcha-t-il d'une voix plus retenue. Tu as changé… En bien… enfin je veux dire…

Georges, murmura Pike en le voyant s'emmêler les pinceaux.

Oui, pardon, se reprit mon aîné. Je voulais te dire à quel point je suis désolé, et combien j'ai été un parfait idiot ! Onze ans que je me dis que j'aurais dû la fermer, que j'aurais dû t'écouter, te soutenir, et certainement pas t'enfoncer. Onze ans à m'en vouloir à mort pour ce que j'ai fais… Si mes excuses ont une quelconque valeur à tes yeux, alors je te prie de les accepter… Tu es ma sœur, je tiens tellement à toi…

Ses mots me touchèrent directement, et je clignais lentement des yeux.

Je finirais par les accepter, murmurais-je et je vis l'espoir briller dans ses yeux. Je ne prétendrais jamais comprendre pourquoi tu as agis ainsi mais… je crois que onze années ont été suffisantes pour nous donner à tous le temps de réfléchir j'imagine…

Deux ans que je dois me marier avec Wimona, révéla-t-il et je levais un sourcil interrogateur.

Je connaissais très bien Wimona, elle appartenait à ma promotion. Seulement à l'époque, elle était très loin d'épouser mon frère.

On sort ensemble depuis sept ans, m'expliqua-t-il devant mon air étonné. Et je l'ai demandé en mariage il y a deux ans… cependant, je n'arrivais pas à me décider de l'épouser sans que tu ne sois présente…

Malgré moi, sa révélation me toucha. Il avait véritablement conservé l'espoir que je revienne.

Et bien tu pourras enfin te marier alors je présume, fis-je et il hocha la tête.

Tu seras présente ? demanda-t-il et je frémis.

J'imagine, acceptais-je.

Une nouvelle fois, je vis le soulagement se peindre sur ses traits, et il voulut dire quelque chose, mais j'entendis en arrière qu'il était appelé sur la passerelle.

Je dois y aller, fit-il en posant un regard inquiet sur moi. Tu répondras à mes appels ? Alba sera folle de joie en apprenant que je t'ai parlé...

Oui, confirmais-je lentement et il déglutit de soulagement.

Alors à très vite, fit-il avant de jeter un regard à son ami. Chris, à plus tard. Prend soin de ma soeur.

La communication se coupa net tandis que je me figeais. Georges semblait avoir oublié pendant deux secondes que Pike était mon capitaine et donc mon supérieur. Lui demander de veiller sur moi comme ça… était quelque peu déplacé.

C'était moins pire que je ne pensais, murmurais-je finalement en m'appuyant sur le bureau.

Pike se tourna vers moi, et je tentais d'ignorer le fait que nous étions seuls dans le bureau. Mon corps réclamait autant son contact que mon cœur, et seule ma tête semblait être sensiblement lucide pour que je me contrôle un minimum.

Ce fut la raison pour laquelle je me redressais, m'écartant de lui de façon tout sauf discrète. Lissant mon pantalon, je pivotais vers lui qui n'avait guère bougé de sa place.

Tu souhaite prendre le premier tour ? lui demandais-je en voyant la soirée déjà bien entamée.

Afin de dormir, nous relayons tous les deux avec Saru.

Un sourire lui échappa devant la très visible fuite en avant que je faisais.

Il est tard, alors je ne tiendrais pas à avoir cette discussion ce soir, répondit-il et je levais un sourcil. Mais tôt ou tard, on l'aura. Je prends le premier, va te reposer.

Nos regards se heurtèrent, et je vis clairement le sien se poser sur mes lèvres.

Confuse, je fis un pas en arrière, et m'orientais vers l'ascenseur, appuyant un peu trop brutalement sur le bouton.

Il ne se trouvait pas à notre étage, ce qui permit à la situation suivante de se jouer.

Je sentis une main se refermer sur mon poignet, et me faire pivoter. Avant que je n'ai compris quoi que ce soit, je sentis ses lèvres se poser sur les miennes et m'embrasser bien plus fortement que la première fois.

Sous le coup de la violence de son geste, j'atterris contre lui et posais les deux mains sur son torse, tandis que l'une des siennes se plaçait sur ma nuque, et l'autre autour de ma taille.

Je perdis tout contrôle sur mon corps quand il plaqua le sien contre le mien, nous poussant tous les deux contre la porte de l'ascenseur. Plaquée entre cette dernière et lui, je me sentis perdre pied et mes mains bougèrent toutes seules.

L'une d'elle se faufila le long de sa nuque, et la seconde s'agrippa à son épaule.

Il embrassait bien, trop bien même. Je ne pu m'empêcher de soupirer quand ses lèvres descendirent le long de ma gorge, avant de se reposer sur les miennes.

Le fait qu'il soit Capitaine et moi son officier-en-second, le fait que quelques semaines auparavant on ne s'était pas vu depuis onze ans, le fait qu'une relation avec lui remettrait tout mon parcours professionnel en jeu, tout ça me sortit de la tête.

Seules restaient ses lèvres sur les miennes, toujours plus demandeuses, et son corps contre le mien. Il était plus fort et plus grand que moi, lutter aurait été inutile. Et à la vérité, je n'en n'avais pas la moindre envie.

L'ascenseur sonna à cet instant pour indiquer qu'il était arrivé, et la porte s'ouvrit. Pike me retint de justesse avant que je ne m'effondre à l'intérieur. En revanche, cela mit fin à notre baiser et je reculais précipitamment dans la cabine.

Je vis clairement à son regard que cette discussion arriverait finalement plus tôt que prévue, mais à cet instant, il fut appelé sur la passerelle.

La porte se referma sur lui, et je pris conscience que j'avais arrêté de respirer. Prenant une brutale inspiration, je m'adossais contre le mur alors que l'ascenseur filait vers mes quartiers.

Il s'arrêta cependant en route, et je souris en voyant Paul entrer à son tour.

Salut, lâcha-t-il en répondant à mon sourire avant de lever un sourcil moqueur.

Quoi ? demandais-je en jetant un coup d'œil à mon reflet dans le miroir de l'ascenseur qui s'était remit en marche.

Tout était correct. Ma tenue n'avait pas bougée de place, mes cheveux n'étaient pas plus décoiffés qu'avant, mon maquillage n'avait pas coulé. Rien qui n'indiquait quoi que ce soit de ce qui s'était passé entre Pike et moi quelques secondes avant.

Il a un parfum plutôt fort, lâcha Paul en ricanant.

De qui tu parles ? demandais-je en tentant de jouer l'innocente.

Du Capitaine Pike, fit Paul en souriant de plus belle en me voyant grimacer. Y a son odeur tout autour de toi, et très clairement, ce n'est pas parce qu'il serait passé dans l'ascenseur avant toi.

Je déglutis, très heureuse de ne pas être une personne facile à faire rougir.

Tu peux jouer l'innocente, ricana-t-il. Mais pour avoir laissé son parfum sur toi, y a eu bien plus qu'un simple contact.

Rah c'est bon, sifflais-je et il sourit de plus belle. Il m'a embrassé. Là, tu es content ?

Il sourit, mais de façon plus amicale.

Toi, est-ce que tu es contente ? rectifia-t-il. C'est ça qui est le plus important dans l'histoire.

Je ne répondis rien, et il posa une main sur mon bras.

Je vois comment vous agissez quand vous êtes à côté, reprit-il. Vous êtes complémentaires, plus que certains couples. Quand il est là, tu as l'air plus apaisée, plus sereine. Ce n'était pas comme ça avec Gabriel Lorca. A l'instant où il est de nouveau entré dans ta vie, il s'y est imposé.

Je baissais les yeux, ignorant quoi dire.

Je sais que tu vas être tentée de lutter, murmura-t-il en serrant mon bras tandis que l'ascenseur s'arrêtait. Prend ton temps mais Ana, rappelle-toi qu'il est peut-être ce qu'il te faut, et que se serait bête de le perdre une nouvelle fois.

Il m'embrassa sur le front et sortit. J'en fis de même quelques secondes plus tard, de justesse avant que l'ascenseur ne se referme.

Gagnant ma chambre, je filais sous la douche avant de m'allonger. Fermant les yeux, je ne pu empêcher mes pensées de se diriger quelques étages au-dessus.