Chapitre 8
« La pire erreur à faire est de constamment avoir peur de faire une erreur »
Le repos fut de courte durée, et finalement, je dormis bien peu, ayant le sommeil troublé par mes pensées et mes émotions.
Ce qui fit que lorsque je fus appelée sur la passerelle, on n'eut pas besoin de me le dire deux fois avant que je ne sois habillée et dans l'ascenseur.
Adressant un sourire à Ash qui s'y tenait également, je le vis avec surprise se jeter sur Pike quand l'ascenseur s'ouvrit.
Et pour ma part, je choisis la facilité, et la lâcheté, et je fusais à mon poste sans couler le moindre regard en direction de notre Capitaine.
Mon corps se souvenait très bien de son corps contre le mien, et trouvait cela contre nature que je m'en éloigne.
Où est Burnham ? attaqua Ash.
Congé personnel, répondit sèchement Pike.
Je n'ai pas été prévenu ?
Parce que c'est personnel, fit Pike, légèrement ironique.
Si son absence est liée à la disparition de Spock, reprit Ash. Vous me devez une réponse.
« Je vous dois » ? répéta Pike et je sentis la tension dans sa voix.
Tournant malgré moi les yeux vers eux, je vis Ash lui lancer son insigne de la Section 31 dans la main.
Mr Tyler, ironisa Pike du ton arrogant que je méprisais tant. Le fauteuil est plus fort que tout.
Plus de communications, lâcha à cet instant Bryce tandis que les défenses du vaisseau m'indiquaient un danger immédiat.
Systèmes tactiques à l'arrêt, lança Rhys alors que je lançais l'analyse.
Owosekun ?
Les relevés sont incompréhensibles, répondit-elle. L'ordinateur est pris dans une boucle. Il n'aime pas les distorsions temporelles.
Si c'est bien ça…, fit Saru.
La vache ! clama Tilly, et je pivotais vers elle, surprise, mais elle indiquait le fauteuil de capitaine que Pike avait quitté.
Suivant son doigt, j'ouvris de grands yeux en voyant une image transparente rejouer la même scène que quelques secondes auparavant.
Vous me devez une réponse, disait Tyler.
« Je vous dois » ? répondait Pike. Le fauteuil est plus fort.
Droit devant ! clama Keyla, me faisant de nouveau sursauter.
C'est quoi ? demanda Pike tandis que je me tendais.
Faille spatio-temporelle ! alertais-je. On doit dégager !
Machines arrière ! ordonna Pike.
Le vaisseau recula, et exerça une violente pression sur l'équipage. Je grimaçais mais tout se rétablit rapidement.
Systèmes rétablis, fis-je, soulagée.
Ne recommençons pas, lança Pike. Chargez la sonde sur une navette. Je m'approcherai pour lancement manuel.
Hein ? lâchais-je en relevant la tête, incrédule.
Capitaine ? fit Saru en même temps.
J'ai été pilote d'essai, répondit Pike. Je connais nos navettes par cœur.
Je ne doute pas de vous, mais vous êtes vital, clama Saru tandis que je serrais les poings, m'empêchant de dire quoi que ce soit.
Je suis le plus qualifié, fit Pike en me regardant. Kirk, vous êtes capitaine.
Ouvrant de grands yeux, je lui lançais un regard furieux tandis que les portes se refermaient sur lui.
Sifflant entre mes dents, je pris sa place.
- Je l'accompagne ! Décidé Ash.
- De mieux en mieux, sifflais-je.
En silence, je regardais la navette quitter le Discovery pour s'approcher de la faille. Les paramètres vitaux de Pike et Ash s'affichèrent sur écran à droite, et je gardais le regard braqué sur mon écran.
Minute cinq, fit Pike. Aucun signe d'effets temporels. J'approche de 600 kilomètres pour acclimatation.
Comme un plongeur qui remonte, clama Tilly totalement émerveillée par la situation. Évitez l'ivresse temporelle.
L'ivresse temporelle ? répéta Pike. Pas mal.
Tout est cool si on ajoute « temporel », fit Tilly et je levais les yeux au ciel tandis que Saru soupirait.
Premier relevé de la faille, clama Pike et je le vis s'afficher sur écran. Faille temporelle.
Transmission en cours, ajouta Ash froidement.
Je ne pouvais m'empêcher de me demander comment cela ne tournait pas au pugilat là-dedans.
Lorsque vous viserez l'anomalie avec la sonde, lança Saru. Évitez bien l'ouverture.
Et terminez au plus vite, rajoutais-je. Le temps presse.
Reçu, confirma Pike.
La même phrase répéta en boucle, et je jetais un coup d'œil à Bryce.
L'analyse vocale confirme que c'est la même transmission, fit-il et j'ouvris de grands yeux.
Vous subissez une distorsion temporelle, clamais-je dans l'interphone. N'approchez pas davantage. Lancez la sonde.
Merci Kirk, fit Pike. Arrêt complet.
Séquence de lancement, fit Ash. Un problème capitaine ?
Je me tendis.
Lancez la sonde, ordonna Pike, et je fus la seule à percevoir l'inquiétude dans sa voix.
Sur écran, je vis la sonde se lancer.
Capitaine ! clama Owosekun. Une onde de choc temporelle se dirige sur vous !
Reçu, confirma Pike alors que je me redressais. Manœuvres d'évitement. Accrochez-vous. Changement de cap…
Sous mes yeux horrifiés, je vis leur navette être happée par la faille et disparaître.
Ils sont dans la faille, fit Owosekun et je me figeais. Impossible de les localiser.
Aucune réponse, rajouta Bryce. Et le transpondeur n'émet plus.
Je sentis tout mon corps se raidir, et se préparer à l'horrible vérité. Comme il l'avait fait, quelques mois plus tôt quand mon poignard s'était figé dans la poitrine de Lorca. Quand j'avais compris que c'était terminé.
Sauf que là, c'était vingt fois pire.
Je distinguais à peine Saru me jeter un regard inquiet, avant de s'avancer, prenant un temps la main sur le rôle de Capitaine.
Mr Rhys, détectez-vous les débris d'une explosion ? demanda-t-il.
Je ne vois rien, répondit mon collègue tandis que je me forçais à sortir de ma torpeur. Les capteurs ne répondent pas. Si on approche, on risque de subir le même sort.
Officiers, lança Saru alors que je me redressais. Notre mission vient de changer. C'est désormais un sauvetage. Le capitaine et Tyler comptent sur nous.
Owosekun, remplacez les capteurs en calculant les variations de tachyon à la main, ordonnais-je en me reprenant et Saru hocha la tête pour me féliciter d'avoir reprit la main. Rhys, continuez d'étudier l'anomalie.
Mes collègues obéirent immédiatement, et je quittais mon fauteuil pour rejoindre Rhys. Il posa brièvement une main sur mon bras, avant de se remettre au travail.
Sur ses écrans, je ne distinguais rien de plus. Me mordant l'intérieur des joues, je tournais les talons, et m'avançais vers la baie vitrée.
J'ai quelque chose ! clama Rhys et je me précipitais vers lui. Les résidus de trois combustions de plasma. Sûrement le capitaine.
Pourquoi brûler du carburant dans cette situation ? demanda Saru, interrogatif.
Ils apprennent ça à l'académie pour se faire repérer, expliquais-je rapidement. Tous les pilotes d'essai connaissent.
Saru m'adressa un regard interrogatif, et je me justifiais.
Pike et mon frère sont amis depuis des années, fis-je. Ils sont tous les deux pilotes d'essai… Pike est capitaine, mais mon frère est pilote. Je les ai pas mal… accompagné à l'époque.
Une époque bien lointaine, désormais, dans laquelle je n'avais pas envie de me replonger.
Envoyez la position à Stamets, ordonnais-je à Rhys qui obéit immédiatement.
Quelques secondes plus tard, Paul appelait la passerelle pour dire qu'il pouvait se téléporter à bord de leur navette. La porte de l'ascenseur s'ouvrit sur une Tilly affolée.
Ça a marché ? demanda-t-elle. Stamets va bien ?
La navette sort de l'anomalie, clama Owosekun et je hochais la tête.
Sur écran, ordonnais-je et elle m'obéit.
J'ouvris de grands yeux en voyant la navette… attaquée par quelque chose. Notre sonde, en améliorée, de toute évidence.
Discovery ! appela Stamets. Ici Stamets. On a pris quelqu'un en stop. Notre sonde. Un peu modifiée. En plus d'essayer de nous tuer, elle accède à notre base de données.
Alerte jaune, ordonnais-je.
On voit vos moniteurs, lança Tilly.
La sonde fouille dans notre ordinateur, fit Airiam. J'essaie de l'en empêcher.
Nous aussi, clama Pike et ce fut le soulagement qui m'envahit en entendant sa voix.
Une fois de plus, Saru m'envoya un regard perspicace que j'ignorais royalement.
Rhys, peut-on détruire uniquement la sonde ? demanda-t-il.
Boucliers trop faibles, répondit mon collègue.
Téléportation ? demandais-je.
Ils sont trop près de la faille, répondit Owosekun.
Je nous rapproche du Discovery, fit Stamets mais un bruit de moteur qu'on coupe me fit comprendre que ce serait loin d'être aussi simple. On a plus de plasma. On dérive. Elle nous tire vers la faille.
Capitaine, impossible de verrouiller le téléporteur, clama Saru. On vous perdra dans 34 secondes.
Stamets, pouvez-vous calculer les coordonnées du Discovery ? demanda Pike.
Sans doute, répondit ce dernier.
Kirk, je fais sauter la navette, me lança Pike. Séquence d'autodestruction. Calculez vite Stamets.
J'envoie les coordonnées, clama mon collègue.
Reçues, clama Owosekun. Téléportation possible.
Autodestruction activée, cria Pike.
Owosekun, ramenez-nous, clama Stamets.
Maintenant, ordonnais-je.
Je me tendis à l'instant où la navette explosa.
Airiam, ils sont en sécurité ? demandais-je en ne quittant pas l'écran des yeux.
Mais son absence de réponse me poussa à la regarder. Elle fixait l'écran sans bouger. Elle semblait figée, happée par son écran.
Commandeur Airiam ? appela Saru.
Elle ne réagit pas, et je fis la seule chose possible. Jetant un regard à Saru, je me levais de mon fauteuil, et m'approchais d'elle.
Airiam, ils vont bien ? répétais-je et je cru un instant voir un éclair rouge dans ses yeux quand elle les posa sur moi.
Ils sont bien à bord, confirma-t-elle et le soulagement m'étreignit.
Passant une main dans mes cheveux, je m'effondrais sur le fauteuil de capitaine.
J'entendis la porte de l'ascenseur s'ouvrir quelques secondes plus tard, et regardais Pike pénétrer dans la pièce.
Je lui jetais un regard maussade et furieux, avant de me lever pour lui rendre sa place.
Merci Ilyana, lâcha-t-il en se plantant devant nous. Merci à tous, de… nous avoir sauvés.
Ce n'est pas fini, clama Tilly en levant sa tablette. L'explosion de la navette provoque un tsunami temporel. Et ça, ce n'est pas cool.
Detmer, distorsion maximale, partons ! ordonna Pike et Keyla obéit immédiatement.
On dégagea rapidement de la zone, et je vis Pike s'affaler dans son fauteuil sous mon regard mi-furieux, mi-blasé.
Mon bon fauteuil, soupira-t-il.
Certainement plus votre place que dans cette navette, sifflais-je de façon si inaudible qu'il fut le seul à m'entendre.
Il sourit brièvement avant de poser les yeux sur Ash tandis que je soupirais.
Il avait changé, et mûrit. Mais clairement, il y avait encore lui le mec un peu arrogant et pédant que j'avais connu onze années auparavant.
Passez à l'infirmerie, lui dit-il.
Sur Q'onoS, ça n'est rien, lui répondit Ash.
Vous savez, sans vous, j'aurais été coupé en deux, fit Pike.
J'ai agis par instinct, répondit Ash.
Non, pas seulement, contredit Pike. Et je vous remercie.
Il se leva et se plaça face à Ash, à mes côtés.
Vous avez peut-être raison, reprit-il. Sur ma motivation pour cette mission. Et quelques autres, sûrement.
Le plasma était la chose à faire, murmura Ash. Vous étiez vraiment le plus qualifié.
Je reniflais dédaigneusement, et la main de Pike effleura brièvement la mienne, sans que personne d'autre que Ash ne le voit.
Je me figeais, puisqu'à travers ce geste, il signifiait très clairement avoir comprit que je m'étais inquiétée au-delà du simple fait qu'il soit mon capitaine.
Et merde.
Mr Saru, avez-vous analysé l'attaque de la sonde ? demanda-t-il en se remettant sur son fauteuil.
C'est en cours, expliqua Saru. Découvrir ses intentions prendra un peu de temps.
Elle venait du futur pour nous tuer, clama Pike. L'Ange Rouge vient du futur.
Vous suggérez que, comme pour la sonde, il peut être hostile ? demanda Saru, interrogatif.
Mr Tyler a évoqué cette possibilité, confirma Pike. Et après aujourd'hui, il n'a peut-être pas tort.
Que l'Ange Rouge vienne terminer quelque chose, ou l'initier, intervint Ash. Une chose est sûre, on se bat pour l'avenir.
On se bat toujours pour l'avenir Mr Tyler, murmura Pike et je ne pu qu'être d'accord avec lui.
oOoOo
Quelques heures plus tard, je me trouvais dans le bureau de Pike, en compagnie de Ash. Assise face à l'hologramme de Georgious.
Nous retrouverons Spock et Burnham, clamait cette dernière. Et ils auront le loisir de répondre à mille questions. En attendant, et puisque vous avez détruit la sonde, vous allez fouiller le champ de débris et localiser des fragments qui nous éclaireront sur sa composition. Et sur la raison de son incursion.
Êtes-vous sûre que Burnham a reçu votre appel et choisi de l'ignorer ? demanda Pike.
Pourquoi mentir ? demanda Georgious.
C'est tellement pas votre genre, lançais-je de façon nonchalante en la fusillant du regard. Les mensonges, ce n'est pas votre spécialité n'est-ce pas ?
Pike, sourit Georgious et je grinçais des dents. Ou Kirk peu importe. Je peine toujours autant à retenir les noms, vous êtes très intelligente, je le sais. Mais vous savez également que j'ai un profond respect des règles…
Les actes de Mickaël sont toujours basés sur la logique, intervint Ash en me voyant prête à bondir. Je la connais bien.
Qu'importent vos sentiments, fit Georgious. Elle aide un meurtrier présumé.
Son frère en l'occurrence, reprit Pike. Il y a différents points de vue. Le Discovery peut se montrer plus utile.
Vous serez utiles en en apprenant plus sur la sonde, coupa Georgious. Si Burnham vous contacte, avertissez-nous aussitôt. Compris ? Je suis très occupée.
La communication se coupa, et je sifflais furieusement entre mes lèvres. Du coin de l'œil, je vis Pike se tourner vers Ash et moi-même.
Bon, j'ai épuisé mon quota de respect de l'intimité tous les deux, lâcha-t-il et je levais un sourcil interrogateur. Mr Tyler, quelle est la nature de votre relation avec Burnham ?
Strictement professionnelle, répondit mon collègue et je levais un sourcil.
Depuis toujours ? insista Pike en ayant capté mon geste. On a vécu des choses fortes, vous et moi. Je vous accorde le bénéfice du doute. Faites de même.
J'étais amoureux d'elle, et elle n'était pas indifférente, répondit Ash tandis que je remuais ma cuillère dans ma tasse de café. J'ai trahi sa confiance. Je n'étais pas celui qu'elle croyait. Elle a tourné la page.
Pardon Mr Tyler, fit Pike, un léger sourire sur les lèvres. Tant de vies reposent entre mes mains. Vos sentiments pourraient nuire à la mission.
Non, clama Ash et Pike lui adressa un regard pas dupe. Pas plus que les vôtres à tous les deux !
Je manquais de m'étouffer dans mon café.
C'est différent, contra Pike. Nous sommes dans le même camp. Vous…
Cela ne change rien, coupa Ash. Ce n'est pas plus dangereux qu'une relation entre un capitaine et son officier-en-second. Cela ne nuira pas à la mission. Puis-je disposer ?
Pike lui donna son accord, et Ash se barra lâchement. Je le fusillais du regard tandis que les portes se refermaient sur lui.
Aléatoirement, c'était le moment parfait pour faire de même.
Toi, tu reste assise, m'ordonna Pike qui avait vu mon geste. A ton tour.
Mon tour ? demandais-je, jouant la carte de l'innocence.
Ne fais pas semblant de ne pas comprendre de quoi je vais parler, coupa Pike.
Je le fusillais du regard.
Revenons en aux faits, reprit-il et je grimaçais. J'ai été patient, et très ouvert d'esprit, mais là, il va falloir m'expliquer pour quelle raison Georgious ne ressemble pas à celle que j'ai connu, pourquoi vous semblez vous défier en permanence, et surtout, pour quelle raison elle semble étonnamment confondre ton nom et le mien, alors qu'elle ne le fait avec personne d'autre à bord de ce vaisseau.
Euh… vous voulez le numéro de l'amiral Cornwell ? lui proposais-je en rajoutant un sourire, mais son regard m'indiqua clairement que je ne m'en tirerais pas ainsi.
J'ai très bien compris qu'elle était dans le même coup que vous, répondit-il. Manque de chance, c'est toi que j'ai sous la main, et pas elle. Et en tant qu'officier-en-second, tu me dois des explications.
Pas quand c'est secret défense, laissais-je échapper et je regrettais immédiatement en voyant son visage s'assombrir. C'était la guerre ! Ça n'a rien de glorieux !
Ne joue pas à ça avec moi Ilyana, menaça-t-il et je me levais brutalement pour m'éloigner de lui.
Je n'avais pas envie de parler de cela, et encore moins avec lui.
Ilyana, c'est un ordre, clama-t-il et je me figeais, pivotant sur mes talons.
Tes ordres sont en-dessous de ceux de l'amiral Cornwell, sifflais-je et on se défia du regard.
Comment suis-je censé diriger correctement un équipage qui semble clairement cacher un lourd secret ?
Tu t'en sors très bien ! M'exclamais-je en haussant les épaules.
Ilyana, gronda-t-il de nouveau. Je découvrirais la vérité quoi qu'il advienne. Ou alors Lorca était véritablement un lâche ?
Furieuse, je me rendis à peine compte que je fis quelques pas menaçants vers lui. Il ne bougea pas, mais son regard passa en alerte.
Je t'interdis de bafouer son nom, sifflais-je à moins d'un mètre de lui, sans me soucier d'être passé au vouvoiement. L'homme qui a pris sa place n'était pas lui !
Je me rendis brutalement compte de mon erreur, et ouvris des yeux horrifiés.
J'avisais la porte à quelques mètres de moi, et décidais de tenter le tout pour le tout. Au point où j'en étais, et sachant que Pike ne laisserait plus tomber, je devais tenter.
Il fut assez facile de l'éviter quand il parvint à la même conclusion que moi, et je cru un instant pouvoir m'échapper, jusqu'à ce que je le sente m'agripper par la ceinture de mon uniforme.
Il m'envoya contre le mur et se plaça entre la porte et moi.
Des explications immédiatement, m'ordonna-t-il froidement.
Je ne peux pas trahir un ordre de la hiérarchie de Starfleet ! clamais-je, sincèrement déchirée entre son ordre et celui de l'amiral.
Ils savent très bien que j'aurais fini par chercher à savoir, coupa-t-il. Et ils connaissent très bien nos liens. Je suis capitaine, s'ils t'ont fait prêter serment, alors cela vaut pour moi à travers toi. Tu sais très bien que je ne dirais rien. Je veux simplement comprendre.
Coincée, je jouais avec la bague autour de mon annulaire droit. Il capta mon geste, et son regard s'adoucit.
Ilyana, s'il te plait.
Je détournais les yeux, furieusement.
Le Discovery a bel et bien été détruit il y a neuf mois, lâchais-je et, du coin de l'œil, je le vis ouvrir de grands yeux. Sauf que ce n'était pas l'U.S.S Discovery, mais l'I.S.S Discovery. Le vaisseau d'un univers parallèle. Celui de Georgious. Celle là ne vient pas de notre monde, celle d'ici est morte, à l'instar de Gabriel Lorca. C'est son double à lui qui nous a propulsé dans son univers parallèle afin de destituer Georgious qui était, dans son monde, impératrice.
Je le vis encaisser tout ça en silence.
Par un fait du hasard, et un énorme coup de chance, en nous faisant interchanger avec le Discovery de son monde, le Lorca de là-bas nous a sauvé la vie. Le sort qu'à subit l'I.S.S Discovery était celui qui était réservé au nôtre. Malheureusement, leur univers parallèle n'a rien à voir avec le notre. Dans le leur, Starfleet n'existe pas, ou plus. Ce n'est que la corruption, la torture et le massacre qui sont les mots d'ordre. Raison pour laquelle Georgious te parait si différente. Elle était au sommet de tout cela.
Il cligna des yeux.
Le Lorca de ce monde cherchait à la renverser. Dans leur monde, il était en couple avec Burnham. Que Georgious considérait comme sa fille. Et dans notre monde, Georgious est morte par la faute de Burnham qui l'aimait profondément. On a dû se battre contre Lorca, qui cherchait à nous détruire pour arriver à ses fins. Je l'ai tué.
Je posais le regard sur mes mains, celles qui lui avait ôté la vie.
En revenant dans notre univers, Burnham n'a pas pu se résoudre à abandonner Georgious à la mort qui lui arrivait droit dessus. Elle l'a ramené avec nous. Mais celle là n'a rien à voir avec le Capitaine que tu as connus. Elle est froide, implacable, prête à tout pour servir ses objectifs. Et de ce que j'ai compris, elle et mon double étaient… amies.
Je le vis s'adosser au bureau, les sourcils froncés.
Dans son monde, nous sommes tous le contraire de ce que nous sommes ici. Nos qualités deviennent des défauts, et ils sont impitoyables. Il y a beaucoup de différences, et certaines similitudes.
Et pour quelle raison se trompe-t-elle de nom si dans son monde, vous étiez amies ? demanda Pike en levant un sourcil.
Elle… ne se trompe pas de nom, lâchais-je. Dans son univers, je portais bien le tien, puisque nous étions mariés.
Je lâchais ça comme ça et je le vis marquer la surprise.
Elle sait que dans celui-ci, nous ne sommes pas mariés, rajoutais-je. Mais comme elle a compris que cela m'énervait profondément, même si elle n'en connaît pas les raisons, elle s'amuse à jouer dessus. Mon… double était capitaine de l'I.S.S Discovery, c'est donc bien ma voix que tu as entendu dans l'enregistrement, avant sa destruction. Mon double est donc bien morte. Quant à Lorca, le notre, il a connu une fin des plus abominables. C'est pour cela que je ne tolère pas que l'on bafoue sa mémoire, même si je sais que c'est pour le bien de tous. Il ne méritait pas cela.
Ma voix se cassa sur la fin de ma phrase, et je levais la main quand Pike esquissa un geste pour poser une main sur mon bras.
- Je ne veux pas de pitié, soufflais-je. Gabriel et moi étions séparés depuis un long moment quand c'est arrivé, mais nous étions restés de bons amis. Il avait une confiance énorme en moi, et c'était totalement réciproque. Il était un excellent capitaine, et un officier de Starfleet courageux et loyal. Il a connu une fin des plus abominables, et on piétine son nom afin de sauver notre avenir. Je ne peux pas empêcher cela, mais pour moi, comme pour chaque personne à bord de ce vaisseau et pour l'amiral Cornwell, on retiendra l'homme qu'il était, et pas le double qui a prit sa place. Je ne veux pas de pitié, ou de compassion, ce n'est pas moi qui ait perdu ma vie, mon honneur ou l'homme que j'aime. Seulement, ne le critique plus en ma présence.
Il hocha lentement la tête, laissant sa main retomber.
Soufflant un coup, je posais ma tête contre le mur.
- J'ai moi-même planté la lame de mon poignard dans le corps de son usurpateur, repris-je lentement. Pour Starfleet, pour l'avenir de la Fédération. Et même si ce n'était pas l'homme que j'avais aimé, celui que je considérais comme un bon ami, j'y pense en permanence. Je n'ai pas su voir la différence, je n'y ai pas prêté attention. J'ai vécu cinq années en couple avec lui, et je n'ai pas été capable de détecter de différence. Au delà du fait que j'ai échoué dans mon rôle d'officier-en-second, qu'est ce que cela dit de celui d'amie ?
J'avais parlé sans même m'en rendre compte. Ce n'était pas à Pike d'encaisser ces mots, ni la colère qui en découlait, et à la vérité, je n'avais pas souhaité lui en parler à lui.
Mais mes sentiments plus que grandissants à son égard, les siens s'y mêlant, rendaient de plus en plus difficile le fait de maintenir la distance.
Pike n'esquissa pas de geste à mon encontre, se doutant que je l'aurais de nouveau écarté, mais je le vis prendre un visage plus sévère.
- Tu n'es pas responsable de cela Ilyana, lâcha-t-il. Quoi qu'il ait pu se passer, cela ne dit rien sur tes compétences autant privées que professionnelles. L'amiral Cornwell elle-même n'a pas vu la différence. Alors cesse de t'en vouloir pour cela. C'est inutile et ne te mènera à rien.
Il prit une inspiration et cela attira mon attention sur lui.
- Je ne prétendrais pas apprécier Lorca, reprit-il. Et je ne reviendrais pas sur cela, même s'il est mort dans des conditions que personne n'envierait. Cependant, tu as raison, c'était un capitaine qui avait une excellente réputation, et qui était doué dans son domaine. Quand on intègre Starfleet, on connaît les risques. Tu les connais, je les connais, il les connaissaient. Vous avez été ensemble, vous ne l'étiez plus depuis plusieurs années. Même si vous étiez de bons amis, tu n'étais pas avec lui en dehors de vos fonctions. Cela ne fait pas de toi ce que tu imagines être.
Interloquée, je le fixais sans ciller.
Nos regards se heurtèrent, et pour la première fois, je ne cherchais pas à y échapper.
- Tu n'es pas responsable de ce qui s'est passé il y a plus de dix ans, reprit-il lentement. Mais pourtant, pour lui, et pour tes idées, tu as tourné le dos à ta famille. Tu l'a suffisamment aimé pour le faire, et c'est ça qu'il faut que tu retienne de votre relation. De lui.
Je sentis les larmes monter à mes yeux, et je le vis à peine avancer d'un pas, avant de sentir ses bras autour de moi.
Sans prétention, sans chercher quoi que ce soit d'autre que le réconfort qu'il pouvait m'apporter. Il encercla ma taille et me serra contre lui avec douceur.
D'abord surprise, je fus étonnée de sentir mon corps se relaxer dans son étreinte.
Je tournais la tête et cachais mon visage contre lui. Son parfum m'apaisa, tout comme sa main qui caressait en douceur mon dos.
Inconsciemment, je laissais les souvenirs d'un temps sombre affluer dans ma tête.
Stupéfaite, je me trouvais au milieu de la pièce où se trouvait l'hologramme de mes parents, debout aux côtés de mon frère.
- Comment ça « il ne me convient pas » ? répétais-je d'une voix blanche, menaçante. Comment pouvez-vous parler ainsi de quelqu'un que vous n'avez jamais rencontré ?
- Tu es encore jeune, répondit ma mère en se tordant les mains. Laisse toi le temps de…
- Me laisser le temps ? Coupais-je en sentant la fureur monter d'un cran supplémentaire, peinant dangereusement à la contenir. Je suis majeure, indépendante et assez grande pour savoir ce que je fais et avec qui. En quoi est-ce normal de tenir un tel discours ? Et surtout, pour quelle raison ?
A cet instant, la porte de la pièce s'ouvrit et Christopher Pike, le meilleur ami de Georges pénétra dans la pièce. Il se figea sur le pas de la porte, avisant immédiatement l'atmosphère tendue.
Je vis le regard de ma mère papillonner sur mon frère, puis sur Pike, et je vis ces derniers échanger un regard. Alors, lentement, les pièces du puzzle se mirent en place toutes seules.
Qui me piquait de véritables de crises depuis qu'il avait apprit ma relation avec Gabriel Lorca, capitaine de l'U.S.S Discovery ? Qui n'avait jamais pu le supporter malgré le fait que Gabriel ne lui ai jamais rien fait ? Qui aurait eu le culot de venir le présenter comme quelqu'un d'aussi infréquentable à nos parents ?
Qui m'aurait fait l'affront de se mêler ainsi de ma vie privée ?
- C'est toi, sifflais-je en pivotant en direction de Georges. C'est toi qui a été raconter n'importe quoi. Tu t'es dit que ça te donnerait la possibilité de régler tes petits comptes de gamin en brisant ma vie privée ? En détruisant la réputation de la personne avec qui je suis ?
- Lorca n'est pas recommandable, siffla mon frère et je serrais fortement les poings pour éviter de l'étrangler. Il est trop…
- Trop quoi ? Crachais-je. Trop mature ? Trop intelligent ? Trop débrouillard par rapport à toi ? Tu le hais parce que lui il est capitaine quand toi tu ne parviens même pas à avoir le grade d'officier en second !
- Ilyana ! Claqua la voix de notre père. Inutile d'être aussi irrespectueuse…
- Alors que lui il en a le droit ? Coupais-je froidement. Parce que c'est le fils à maman, parce qu'il a toujours eu le droit de tout faire sous prétexte que c'est un garçon. Ce n'est qu'un gosse pourri et gâté ! Qui ne supporte pas l'échec !
- Cela te va bien de dire ça ! Explosa Georges. Qui a besoin de sortir avec quelqu'un de prestigieux pour se donner de l'importance ? Qui a besoin de s'envoyer en l'air avec un capitaine juste pour se faire bien voir ?
- Georges ! S'indignèrent les voix de mes parents et de Christopher qui s'était avancé.
Sous l'insulte, j'avais reculé, profondément choquée par les propos de mon frère qui sembla soudainement se rendre compte de ce qu'il venait de dire.
- Tu me traite de traînée parce que je sors avec quelqu'un qui a le malheur de posséder un insigne plus élevé que le tien ? Murmurais-je d'une voix d'outre-tombe.
- Lily, ce n'est pas…, commença-t-il mais une grimace de dégoût se dessina sur mon visage avant que je ne me tourne vers mes parents.
- Alors c'est ça ? Demandais-je froidement. Lui a le droit de m'insulter mais ce n'est pas grave ?
- Non, il n'avait pas à dire cela, s'empressa de répondre ma mère. Mais Lorca…
- Stop ! Sifflais-je en levant la main. J'en ai assez entendu. Vous n'accepterez pas ma relation avec lui ? Sur simple parole de mon frère jaloux et de son meilleur pote qui passe son temps à fanfaronner sur le succès qu'il a auprès des filles ?
Du coin de l'œil, je vis Pike frémir, et je fus prise d'un rire sans joie.
- Très bien, concluais-je. Alors j'espère que votre fils prodige saura vous rendre fiers, là où votre incapable de fille n'y ai pas parvenue. Et j'espère que Pike prendra bien ma place auprès de vous. Pour moi, c'est terminé !
- Ilyana ! S'affola ma mère mais ma main s'abattit sur le bouton permettant d'arrêter la conversation holographique.
- Non attends ! S'exclama Georges en m'attrapant par le bras.
Avec rage, je le repoussais violemment.
- Ne me touche pas, sifflais-je avec une nouvelle grimace de dégoût. Tout ça, toute cette haine, simplement parce que Gabriel vous a remis tous les deux à votre place quand vous avez eu le malheur de vous en prendre après lui ? Tu me fais pitié Georges, et j'ai dû mal à comprendre où ont disparu la complicité et la confiance qu'il y avait entre nous avant qu'on entre à Starfleeet.
Je fis semblant de réfléchir, avant de pointer le doigt sur Pike qui se trouvait toujours immobile devant la porte, livide.
- Ah si attends je le sais, lâchais-je. Elles sont là. Tu as préféré ton pote à ta propre sœur. C'est dommage. J'espère pour toi qu'il en vaux le coup !
Je le bousculais avant de me diriger vers Pike et la sortie. Ce dernier, sans doute par amitié pour mon frère, tenta de me bloquer le chemin.
- Je te conseille fortement de dégager de mon chemin, sifflais-je mortellement froide. Sinon, sache que je n'aurais aucun scrupule à t'empêcher de pouvoir un jour prétendre à une descendance. Même si cela rendrait très probablement service à l'entièreté de la population, je te le concède.
- Arrête, tu t'apprêtes à briser ta famille, fit-il, stupidement téméraire. Georges ne pensait pas ce qu'il t'a dit tout à l'heure, et…
Ma main claqua sur sa joue, et on resta ébahis l'un face à l'autre. Ce n'était pas dans ma nature de me montrer violente, et pas dans la sienne de se faire remettre à sa place.
Je lui jetais un dernier regard avant de quitter la pièce, furieuse et hors de moi.
Un coup frappé à la porte me fit sursauter et reculer avec précipitation. Évitant de regarder Pike, je saluais Saru qui entrait à l'intérieur de la pièce, et inventais une excuse pour quitter le bureau.
Divisée entre deux émotions contradictoires, je me hâtais dans les couloirs pour gagner ma chambre. Je saluais vaguement les membres d'équipage que je croisais, et Tilly ne chercha pas à engager la conversation quand on se croisa dans l'ascenseur.
Lorsque la porte de ma chambre se ferma dans mon dos, je m'assis brutalement sur mon lit, posant ma tête entre mes mains, massant mes tempes douloureuses.
Je ne savais plus où j'en étais. Tout se mélangeait. Je ne parvenais plus à ignorer mes sentiments pour Pike, et pourtant, j'étais morte de peur. Quelque chose en moi souhaitait continuer à lui en vouloir, quand le reste de mon cerveau considérait que les onze années qui s'étaient écoulées étaient suffisantes.
Je me contentais de soupirer une nouvelle fois, avant de me laisser tomber en arrière sur mon lit. Je me sentis sombrer dans le sommeil, et ne cherchais même pas à résister.
