Chapitre 10
« La force, c'est de pouvoir regarder la douleur en face, lui sourire et continuer, malgré ses coups, à se tenir debout »
Debout en silence entre Pike et Saru, je regardais avec un mélange d'appréhension et de soulagement la navette pilotée par l'amiral Cornwell se poser sur le Discovery. Après le bordel de ces derniers jours, c'était rassurant de la voir.
La rampe d'accès descendit, et au moment où elle touchait le sol du vaisseau, elle apparut, nous rejoignant rapidement.
Elle n'avait guère changé : même cheveux bruns mi-longs qu'elle laissait libres en permanence, même peau pâle, mêmes yeux bleus, et toujours cette impression qu'elle ne s'alimentait pas suffisamment.
- De mon côté, les scans étaient négatifs, déclara-t-elle en s'arrêtant devant nous. Je ne pense pas qu'on m'est tracée jusqu'ici.
- Nos scans le sont également amiral Cornwell, confirma Saru. Bienvenue à bord.
- Merci, fit Katrina. Même si les circonstances ne sont pas idéales.
- Vous avez lu mon rapport au sujet de la Section 31 ? Demanda Pike.
- Je l'ai lu, confirma Katrina. Mais avant d'aborder cela, je voudrais parler en privé avec Mr Spock.
Pike hocha la tête, avant de tourner les talons pour l'orienter dans les couloirs. Je les suivis en silence, à l'instar de Saru.
- Ils allaient le torturer avec une technologie qu'ils sont pour l'instant les seuls à connaître dans Starfleet, expliqua Pike, marchant devant moi. En tout cas, ils auraient pu le tuer. Et en plus de cela, ils ont donné l'ordre à leur agent de saboter notre moteur sporique.
- Je suis au courant de leurs accusations, fit Katrina.
Pike s'arrêta brutalement et pivota vers elle en levant la main.
- Quel que soit ce qu'ils disent, il n'est pas prudent de leur faire confiance, déclara-t-il. Vous pensez que nous sommes tous les deux dans le même camp mais…
- Vous n'avez aucune idée de ce que je pense, coupa Katrina tandis que je grimaçais.
Je la respectais pour ça. Elle était inflexible, droite dans ses bottes. Et elle ne supportait pas que l'on parle à sa place.
Gabriel aussi avait fait la même erreur que Pike. Une seule fois.
- Où est Spock ? Demanda-t-elle.
Sans piper un seul mot, Pike lui indiqua la porte derrière elle, et elle me jeta un regard avant d'y rentrer, nous laissant seuls tous les trois dans le couloir.
- Elle sera impartiale, finis-je par lâcher après avoir pris une inspiration. Spock ne risque rien. Sa manière de faire n'a rien à voir avec celle de la Section 31. Vous pouvez me croire.
J'avais dit cela car j'avais clairement vu le regard inquiet que Pike avait posé sur la porte close. Surprit que j'ai perçus son inquiétude, il se tourna vers moi.
- Au-delà d'avoir une entière confiance en elle, repris-je en m'adossant contre le mur en attendant la sortie de Katrina. Je sais comment elle travaille, ses valeurs et ses motivations. Spock ne risque rien, tant qu'il dit la vérité. Et je ne vois pas pourquoi il mentirait.
- Je sais que vous avez… vécu des choses inimaginables ensemble, fit Pike en me rejoignant tandis que Saru restait immobile au milieu du couloir. Mais cette relation entre vous… se passe de mots.
- Je… elle a longtemps été mon modèle, expliquais-je en haussant les épaules. Depuis mon entrée à Starfleet, je l'admire. Puis je l'ai connu comme étant la conjointe de l'homme avec qui j'avais passé quatre années de ma vie. Cela aurait pu me créer de gros ennuis, mais ça n'a pas été le cas. C'est elle qui a tenu à m'en informer, alors que cela faisait deux années que je n'étais plus avec Gabriel. Elle l'a fait avec tact et honnêteté. Depuis ce jour-là, j'ai eu à son égard une profonde reconnaissance. Elle savait ce que j'avais… perdu pour être avec lui, et même si notre relation était terminée depuis un moment, elle ne voulait pas que je considère cela comme un gâchis. Même si elle m'a toujours conseillé de revenir auprès de ma famille, elle n'a pour autant pas dénigré mon choix. Puis, nous avons été torturées ensemble… je crois qu'au-delà du grade, je pourrais la qualifier d'amie. C'est pour cela que vous ressentez cela.
Il ne répondit rien, hochant la tête. Esquissant un sourire, et me doutant que l'entretien entre Spock et l'amiral serait long, je m'orientais vers le bureau du capitaine, finalement suivis de Pike et Saru.
Me faisant un café, je me lovais dans un fauteuil en attendant que Katrina nous rejoigne. Fronçant les sourcils, je m'attelais au rapport que je devais faire, même si en ce moment, il se contentait de rester sur ma tablette.
Toute transmission avec Starfleet ayant été coupé.
Du coin de l'œil, je vis Saru s'installer à la grande table qui servait aux réunions, et Pike derrière son bureau. A nous voir ainsi, on aurait dit le parfait lot d'officiers exemplaires de Starfleet.
A la différence près qu'on était tous les trois condamnés à la cour martiale pour haute trahison.
Soupirant en me demandant comme on pouvait être passés de héros de guerre à traîtres en si peu de temps, je me plongeais dans mon rapport, sirotant mon café amer.
J'étais presque parvenue à la fin quand les portes s'ouvrirent sur Katrina, et je me levais immédiatement en signe de respect, les deux mains dans mon dos.
Je les rejoignis devant l'écran où elle projeta le résultat de son analyse.
- Il dit la vérité à propos des meurtres, expliqua Katrina. Ou ce qu'il pense être la vérité.
- Euh… pardonnez-moi amiral, mais j'ai du mal à comprendre vos doutes, lâcha Saru. Le test qu'il a passé est contestable ?
- Le test est totalement incontestable, contra Katrina. Mais ça aussi.
Elle projeta une vidéo sur l'écran, et avec effarement, j'y vis Spock, dans sa chambre d'internement, tuer le personnel qui y était.
Je vis Pike s'approcher de l'écran, pâle, mais secouant la tête négativement.
- Ce n'est pas le Spock que je connais, lâcha-t-il. Ces images ont été truquées
- J'ai vérifié les codes sources, contra Katrina doucement. Ça vient directement du service psy. Les amiraux qui dirigent la Section 31 ne m'ont pas répondu depuis des semaines. Leur contrôle d'évaluation des menaces n'accepte plus mes codes de saisie de données. Plus un seul.
- Vous savez qui la programmé pour vous bloquer ? Demanda Pike tandis que je fronçais les sourcils.
- L'amiral Patar, répondit Katrina et je levais les yeux au ciel, peu surprise. Une extrémiste de la logique. Franchement, je trouve son… fanatisme… inquiétant. Après l'apparition des signaux, elle a fait pression sur Starfleet pour que nos prises de décisions soient totalement remises au bon soin du Contrôle. Le Contrôle est un grand centre de ressources, tous les amiraux de Starfleet lui soumettent leurs données, nous tenons compte de ses recommandations mais les décisions finales prennent toujours en considération notre expérience et notre instinct.
- Mais pour faire part de vos inquiétudes à Starfleet vous risquiez d'en informer par inadvertance l'amiral Patar, comprit Saru. Ce qui explique pourquoi vous êtes venus ici en secret.
- Les avantages d'être un fugitif, lâcha Pike tandis que Katrina hochait la tête. Que pouvons-nous faire ?
- Le Contrôle se trouve à l'intérieur de la base opérationnelle avancée de la Section 31, expliqua Katrina. Nous devons nous y rendre, arrêter Patar et réinitialiser le système pour restaurer la totalité de nos données. Nous dépendons du Contrôle pour toutes nos décisions stratégiques en situation de crise. S'il est entre les mains d'un groupe d'extrémistes, c'est toute la Fédération qui est en danger.
Il y eu quelques secondes de silence, avant que Pike ne s'oriente vers la sortie.
- Bien, dans ce cas, déclara-t-il, avant de se tourner vers nous, surprit. Ne perdons pas de temps.
Me redressant précipitamment, je me hâtais de les suivre. Dans l'ascenseur, Katrina se mit à côté de moi, et on échangea un regard.
- Comment allez-vous ? Me demanda-t-elle à demi-mots, même si elle savait très bien que Pike et Saru nous entendaient. Votre… blessure ?
- Je vais bien, répondis-je après quelques secondes de silence. Et vous ? Vos jambes ?
- J'ai récupéré, fit-elle. Les chirurgiens ont effectué un travail exemplaire.
Pinçant les lèvres, j'échangeais un nouveau regard avec elle.
Le physique se remettait parfois, mais le mental… cela restait encore le plus difficile. Ni Saru, qui savait précisément ce que nous avions vécu, ni Pike, qui en avait eu un aperçu à travers mes mots, ne commentèrent.
Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent sur la passerelle, et on s'avança sur cette dernière alors que tout le monde se tournait vers nous.
Avec un sourire, je vis Tilly se précipiter sur nous, droit en direction de Katrina.
- Amiral ! Amiral, bonjour comment allez-vous ? Demanda-t-elle si vite que j'eus du mal à la suivre. C'est un plaisir de vous voir ! Je voulais juste vous dire que je ne suis pas… que je… je ne suis pas une fugitive, je n'ai jamais été une fugitive. Enfin… à part quand j'avais 16 ans… et que je traversais une période de rébellion et que j'ai fugué…
- Avez-vous un rapport à nous faire enseigne ? Coupa doucement Pike, le même sourire complaisant aux lèvres.
- Oui Capitaine, fit Tilly. Les transmissions subspatiales que Tyler a envoyé étaient à destination de 7.4 point 5 point 6, ce qui est bizarre parce qu'il n'y a rien à cet endroit. C'est qu'un grand espace vide avec une colonie pénitentiaire abandonnée depuis plus de 100 ans.
- Elle n'est pas abandonnée, contra Katrina. C'est le quartier général de la Section 31. A ce propos, où se trouve Mr Tyler ?
- Confiné dans ses quartiers, il ne pourra pas nuire davantage, répondit Pike et je ne pu m'empêcher de claquer ma langue en signe de désaccord, ce que seuls Katrina et lui perçurent.
Je perçus le sourire de Katrina tandis que son regard passait rapidement de Pike à moi.
- Décryptez ces transmissions, ordonna Pike à Tilly. Je veux savoir ce qu'elles contiennent.
- A vos ordres ! Obéit Tilly.
- Lieutenant Detmer, ordonna Pike. Mettez le cap sur le quartier général de la Section 31.
- Oui Monsieur !
oOoOo
Nous étions en transit depuis une bonne heure, et je me tenais appuyée sur le fauteuil de Airiam, regardant avec admiration la jeune femme décrypter ce que Tilly n'était pas parvenue à faire.
- Tu me dois une bière ! Me lança Keyra quand les données s'affichèrent petit à petit.
Je pinçais les lèvres, et haussais les épaules en regagnant mon poste. Rien ne semblait anormal, pour le moment.
- Arrivée prévue dans 10 minutes ! Lança Keyra.
- Placez les modèles défensifs s'il vous plaît, demanda Pike. Amiral, vous pouvez nous décrire vers quel genre de merdier on se dirige ?
- Très bien, concéda Katrina. Bienvenu au quartier général de la Section 31. Zoomez s'il vous plaît.
Owo obéit immédiatement, et j'ouvris de grands yeux en voyant ce qui s'y afficha.
- Comme vous le voyez, il est lourdement défendu de tous les côtés.
- Ce sont des mines ? Demanda Owo, incrédule tandis que sur mes écrans apparaissait la menace.
- Oui, confirma Katrina.
- La Fédération n'autorise pas l'usage de mines, fit remarquer Saru.
- Non, confirma Pike en pivotant vers Katrina, le visage furieux. Elle ne l'autorise pas.
- Ce n'est pas elle qui les a fabriqués, contra Katrina, gardant son calme.
- Désolé, pour moi c'est du pareil au même ! Clama Pike.
- Nous étions attaqués par des vaisseaux de guerre Klingons à capacité d'occultation, lâcha Katrina. Parfois en temps de guerre, le choix le plus terrible est le seul qui s'impose.
- Si on oublie nos principes au nom de la sécurité, la bataille est perdue d'avance ! Siffla Pike mais j'eus un mouvement d'humeur pour lequel Rhys me tapa sur l'épaule. J'aimerais savoir : avez-vous écarté l'Enterprise parce que vous saviez que je ne cesserais de vous le rappeler ?
- Vous avez été écartés parce que si nous avions perdu contre les Klingons, nous voulions que le meilleur de Starfleet survive, contra Katrina, et je vis immédiatement Pike se figer.
J'avais beau me calmer vis à vis de lui, je devais avouer que de voir quelqu'un le remettre à sa place me fit un bien fou.
Je ne pu éviter le sourire sur mes lèvres, et le regard ironique quand il posa les yeux sur moi.
- Et puisqu'il faut vous mettre les points sur les I, il s'agissait de vous, et de tout ce que vous représentez.
Là, je grimaçais. A ce rythme-là, il ne passerait bientôt plus les portes.
- Merci, fut tout ce qu'il trouva à dire.
- Je vous en prie, déclara Katrina. Alors maintenant, pourriez-vous me lâcher pour que l'on puisse s'y remettre ?
Cette fois-ci, même le coup de coude de Rhys ne pu m'empêcher de ricaner.
- Tu es vache, me souffla-t-il tandis que Pike regagnait son fauteuil.
- Ah, laisse-moi savourer, sifflais-je en haussant les épaules. Pour une fois que je vois ça, je ne vais pas en pleurer !
Rhys sourit en secouant la tête, tandis que je vérifiais l'intégralité de l'armement et de la défense du vaisseau.
- Sortie de distorsion immédiate Capitaine ! Clama Keyla quelques minutes plus tard.
Le vaisseau sortit de distorsion et s'immobilisa aussitôt. Et Rhys et moi sautâmes en même temps sur nos écrans, prêts à nous battre en voyant la quantité de mines face à nous.
- Oh merde ! M'exclamais-je en voyant qu'il y en avait bien trop pour nous seuls.
- Mr Bryce, appela Pike. Ouvrez un canal. Dites à la Section 31 que le vaisseau le plus recherché est là.
- Les scruteurs indiquent que toutes les mines sont armées, lançais-je en perdant le compte. Il y en a des centaines !
- Pas de réponse à notre appel Capitaine, déclara Bryce.
- Ils doivent être occupés à nous préparer une petite réception, fit Katrina, que rien n'affolait.
- Vous êtes sûre de pouvoir nous faire traverser leurs défenses ? Demanda Pike, toujours aussi rassuré.
- Sinon, je n'en prendrais pas le risque, le clasha Katrina, mais cette fois-ci, je n'avais pas la tête à me moquer.
Aussi bons que nous soyons, il y avait bien trop de mines pour Rhys et moi seuls.
- Lieutenant Detmer, je vous envois la trajectoire, lança Katrina à Keyla, et la trajectoire s'afficha également sur nos écrans. Et une dernière petite précision. Les boucliers devront être désactivés.
Cette fois-ci, je me tournais moi-même vers Katrina, les yeux grands ouverts.
- Pourquoi ? Demanda Pike.
- Parce qu'ils attirent les mines, répondit-elle et je soupirais fortement.
- Désactivez les boucliers, et en approche, ordonna Pike, et j'obéis en grimaçant.
Mais quelle horreur. Partir au combat sans boucliers…
Concentrée sur mes écrans, je me souciais à peine du fait que Mickaël entrait sur la passerelle, et j'appuyais automatiquement sur l'alerte jaune quand Pike en donna l'ordre.
Soudain, mon regard fut attiré par les premières mines, qui semblaient vouloir se mettre en mouvement.
- Nous allons avoir un problème, déclara Rhys qui les avaient également vu. Les mines faucheuses. Elles vont déchiqueter la coque.
- Elles se mettent en mouvement ! Alertais-je. On dirait qu'on les dirige droit sur nous !
- Ça ne devrait pas être possible, souffla Katrina mais je n'en n'étais déjà plus là.
Avec une grimace, je les laissais nous toucher, et sans surprise, elles s'en prirent à la coque qui fit un bruit effroyable.
- Apparemment ça l'est ! Clama Pike. Activez les boucliers, alerte rouge !
Obéissant, je fus un peu soulagée de ne plus être sans boucliers au milieu d'un champ de mines.
- C'est votre capitaine qui vous parle, clama Pike dans l'interphone. Accrochez-vous, ça va secouer.
Ce fut peu de le dire.
Malgré les boucliers, le vaisseau fut sévèrement secoué.
- Boucliers à 90 % ! clamais-je.
- Manœuvres d'évitement ! Ordonna Pike tandis que je tentais de repousser les mines avec le champ de force du vaisseau.
En vain.
Malgré tout ce que faisait Keyla, le vaisseau ne cessait d'être secoué.
- Je n'arrive pas à éviter ces mines Capitaine, clama Keyla, déboussolée. Ce qui les contrôle semble anticiper tous nos mouvements.
- Passez en schéma gamma 4, ordonna Pike.
Le vaisseau effectua une rotation, et je maudis les concepteurs du vaisseau qui n'avaient pas prévu de sièges à nos postes à Rhys et moi.
Les chocs s'enchaînèrent, et je grimaçais en sentant la migraine menacer de pointer le bout de son nez. A son habitude, ma tête ne supportait pas les chocs.
- Les mines ont été reprogrammées, entendis-je Katrina dire. Je ne peux pas les désactiver.
- Mr Bryce, contactez le commandement de Starfleet, qu'ils donnent l'ordre à la Section 31 d'arrêter ça ! Ordonna Pike.
- Les scruteurs indiquent que nous nous sommes retournés, clama Keyla.
- Ce sont des mines incapacitantes, répondit Katrina. Elles perturbent la navigation.
- Les commandes ne répondent plus, s'affola Keyla tandis que je perdais tout contrôle sur la défense du vaisseau.
- Elles répondent Lieutenant, contra Katrina. Pilotez à l'aveugle, comme vous le faisiez à l'Académie.
- Je n'ai plus aucune vue sur les boucliers hormis leur évolution, clamais-je à mon tour. Tout est perturbé. Je vise à l'aveugle ! Boucliers à 41 % !
- Pas de réponse de Starfleet ! Cria Bryce.
- Continuez ! Ordonna Pike. Lieutenant Detmer ?
- Je fais de mon mieux capitaine, clama cette dernière.
- Ça ne suffit pas ! Ce n'est pas un jeu !
Une nouvelle explosion manqua de me faire voler dans les airs, et je grinçais des dents.
- Attendez ! Clama Mickaël. Et si s'en était un ?
Je lui jetais un vague regard surprit, avant de me replonger sur mes écrans qui indiquaient des données toutes plus incohérentes les unes que les autres.
J'entendis Mickaël expliquer son idée, mais désormais, j'étais avec Rhys la seule en capacité de maintenir les boucliers en place, de façon manuelle, et sans traceur.
Je visais également manuellement, et je fus néanmoins surprise de constater que je n'avais rien perdue à mes capacités.
Capacités qui, bientôt, ne serviraient plus à rien une fois morte !
- Ilyana il nous faut un schéma d'évitement ! Me lança Pike et je secouais la tête, aux prises entre les boucliers à maintenir et la repousse des mines du flanc droit du vaisseau.
- Euh schéma delta 5 ! lançais-je par hasard, ayant entendu de Mickaël que c'était encore le mieux à faire.
Keyla obéit immédiatement, et chacun se relaya pour lui donner des coordonnées au hasard.
- Bordel ! Lâchais-je en manquant comme Rhys d'être projetée au sol.
Je luttais entre parvenir à rester debout, protéger le vaisseau sans données et le défendre en manuel.
Soudainement, comme si quelqu'un avait appuyé sur un bouton, tout se stoppa.
Incrédule, je levais les yeux pour découvrir que plus aucune mine ne nous approchait.
- Elles s'éloignent du Discovery Capitaine, déclara Rhys.
- Pertes humaines ? Demanda Pike.
- Cinq blessés dans la salle des machines, répondit Owosekun. Mais aucune perte.
- Dégâts matériels ?
- La distorsion et les moteurs à impulsion sont inopérants, lançais-je.
- Comme s'ils avaient été ciblés, renchérit Keyla.
- Et maintenant, nous sommes à leur merci, conclut Katrina et je levais un sourcil en tentant de renforcer au maximum les défenses du Discovery.
- Monsieur ! Clama Bryce. Nous recevons un appel de la Section 31. C'est l'amiral Patar.
Aussitôt, je me figeais, lançant un regard à Katrina et Pike.
- Fin d'alerte rouge, ordonna ce dernier en se levant tandis que je le rejoignais aux côtés de Katrina et de Saru. Mettez-la sur écran.
Aussitôt, le visage de l'amiral Patar s'afficha à l'écran.
- On peut savoir ce qui vous prend d'attaquer un vaisseau de la Fédération amiral ? Demanda Katrina, furieuse.
- Toutes mes excuses amiral, clama l'autre au visage qui m'était antipathique. Capitaine. Mais le Discovery abrite actuellement des criminels recherchés et est lui-même un vaisseau fugitif. Il était beaucoup trop dangereux de vous laisser approcher de notre base.
- Nous verrons ce que Starfleet pense de cela ! Menaça Pike. Lieutenant Bryce ?
- Je suis désolé Monsieur, ils ne répondent toujours pas, clama Bryce.
- C'est parce que l'ordre de vous attaquer est venu directement du commandement de Starfleet, lâcha Patar, et je me figeais tandis que des hoquets de surprises résonnaient sur toute la passerelle.
- Si Starfleet a ordonné une attaque, ce serait bien qu'ils me le disent en face, siffla Pike.
- Capitaine Pike, contra Patar. Évitons d'envenimer la situation s'il vous plaît. Un vaisseau de la Section 31 est en route, il va vous aborder.
- Pour quelle raison ? Demanda Pike tandis que je me crispais.
- Le règlement de Starfleet est très précis concernant la définition de la trahison, expliqua Patar. Et malheureusement, vous, votre officier-en-second, votre officier-en-tiers et votre équipage ainsi que l'amiral correspondez à cette définition.
- Si vous pensez que vous allez pouvoir nous arrêter, vous êtes dans l'erreur, menaça Katrina, froidement.
- Amiral, lâcha Patar, indifférente. Vous êtes sûrement venue sur le Discovery avec de nobles intentions. Quoi qu'il en soit, en abandonnant votre poste pour mener une mission secrète avec des fugitifs, vous êtes devenue vous-même une fugitive. Vous n'avez plus la possibilité de choisir votre propre destin.
La communication se coupa net, et je restais stoïque en pivotant vers Pike et Katrina.
- Je suis consciente que vous ne vous attendiez pas à cela, fit cette dernière. Mais vous ne pouvez pas abandonner la mission Chris ! Que je puisse user de mon autorité ou pas, nous devons envoyer une équipe dans la station et réinitialiser le Contrôle.
- Mon visage exprimerait-il quelque chose qui vous fait penser que j'ai changé d'avis ? Demanda Pike et je dissimulais un sourire tandis qu'il se tournait vers Rhys. Lieutenant, vérifiez si cette base dispose d'autres armes, et appelez la salle des machines, il nous faut le moteur sporique en bon état de marche.
Il pivota vers Saru.
- Mr Saru, formez une équipe d'abordage et retrouvez-nous dans mon bureau.
- Euh… Capitaine, l'interpela Saru après m'avoir jeté un regard. Je pense que je serais beaucoup plus utile ici. Il y a une chose que j'aimerais éclaircir. Le commandeur Kirk est de plus la plus qualifiée en la matière que moi.
Je savais pourquoi Pike n'avait pas décidé de m'envoyer en priorité, et en faisant cela, il brisait la règle de neutralité obligeant le personnel, et encore plus le Capitaine, à ne pas faire de distinction dans l'équipage.
- Très bien, souffla-t-il en étant parvenu à la même conclusion. Commandeur Kirk, le groupe !
Je hochais la tête, faisant signe à Mickaël de me rejoindre, ainsi qu'à Nhan.
- L'énergie et les systèmes de survie sont désactivés, expliqua Mickaël quand on fut dans le bureau. Partout. A part dans le centre de données, là où se trouve le Contrôle. On va devoir y aller en combinaison UV.
- Comme si la situation n'était pas assez compliquée, fit Pike et je hochais la tête en levant un sourcil.
- Une idée du nombre de gardes sur place ? Demanda Nham à Katrina.
- La dernière fois que j'y suis allée, c'était avant la guerre. Votre évaluation est aussi bonne que la mienne, voire plus fiable.
- Il faut minimiser les risques au maximum, fit Pike. Lieutenant Detmer, maintenez-nous à portée d'intervention. Commandeur Airiam, une fois qu'elles auront sécurisés le centre, rendez-vous là-bas et rétablissez l'accès au Contrôle pour l'amiral Cornwell.
- Je devrais aller avec elles, Monsieur, déclara Airiam et je fus surprise par sa demande. Si le système d'évaluation des menaces est équipé de protection, je pourrais les contourner avant que nous perdions totalement l'accès.
- Je veillerais sur elle Capitaine, promit Nhan.
- Très bien, déclara Pike. Bonne chance à vous quatre. Vous pouvez disposer.
Nous équipant rapidement, on rejoignit la salle de téléportation. Au moment où l'on apparut à l'intérieur du bâtiment, armées jusqu'aux dents, je restais sur la défensive.
- Capitaine, toujours aucun signe de vie et zéro gravité, expliqua Mickaël.
- Faites très attention, on se tient prêts à vous ramener, répondit Pike.
On finit par parvenir à une salle où flottait quelque chose.
- C'est du sang gelé, déclara Airiam et je me tendis. Ça ne s'annonce pas très bien.
- Burnham à passerelle, déclara Mickaël. Confirmez visuel sur combi à UV.
- On vous voit dans le couloir Commandeur, confirma Pike. Avancez prudemment.
- Commandeur Nham, vous pouvez remettre en fonction les systèmes de survie ? Demanda Mickaël et elle hocha la tête.
- Si vous avez besoin de moi, je serais de retour en deux secondes, déclara Nhan et je hochais la tête.
Avec de plus en plus de méfiance, je distinguais les traces de sang sur les murs et le sol.
- Je vois des traces de lutte, murmurais-je en indiquant une porte entièrement recouverte de sang. On dirait que quelqu'un a essayé de forcer ces portes… Ou de les empêcher de se fermer.
- Vous avez une idée de l'identité des combattants ? Demanda Pike.
- Pas encore, lâchais-je en continuant d'avancer.
Brutalement, Mickaël fit un bond et je pointais mon arme vers un cadavre suspendu dans les airs.
Un hoquet de surprise me secoua tandis que je prenais conscience qu'il n'était pas le seul.
- De quoi est-il mort à votre avis ? Demanda Airiam.
- Là-haut, sifflais-je en pointant les autres corps du doigt.
- C'est une excellente question, fit Burhnam.
- Restauration de l'énergie et de la gravité Commandeur, déclara Nhan et à cet instant, les corps s'abattirent à nos pieds.
- Kirk à Discovery, déclarais-je. Quatre morts pour l'instant.
- Je pense qu'on en trouvera d'autres, rajouta Mickaël. Mais on a de la gravité et l'atmosphère est rétablie.
Retirant mon casque, je respirais avec un peu de dégoût l'air autour de nous. Je m'approchais d'un des trois corps.
- Les données biométriques indiquent que la victime est morte depuis au moins deux semaines, déclara Airiam et je lui jetais un regard surpris.
- Les corps sont solidifiés, fit Mickaël tandis que je me refusais à toucher celui à mes pieds. Et merde… Ilyana on a un problème !
Pivotant sur mes talons, je m'approchais d'elle, avant de découvrir avec incrédulité le corps de l'amiral Patar.
- Si elle est morte, demanda Pike. Qui est la personne à qui j'ai parlé ?
Je n'entendis pas ce que Saru répondit, et me déplaçais pour analyser les lieux, laissant à Airiam le soin de s'occuper du panneau de contrôle.
- C'est vraiment étrange, murmura Mickaël en me rejoignant.
- Et très glauque, rajoutais-je en indiquant les corps. Il n'y a rien qui nous indique ce qui s'est passé…
Des coups retentirent sur la porte face à nous, et je braquais mon phaseur devant moi, avant de voir apparaître Nhan. Elle nous rejoignit dans un soupir.
- Il devait être en train d'essayer de faire redémarrer le système de survie, lâcha-t-elle.
- Les portes se sont délibérément refermées sur eux, rajouta Mickaël. Une station toute entière qui dysfonctionne ?
- Commandeur Kirk, Commandeurs Burnham et Nhan, clama la voix de Bryce dans mon oreillette. Vous êtes en ligne avec le capitaine.
- Commandeurs, lança Pike tandis que j'adressais des regards surpris à mes collègues. Dites-moi ce que fait Airiam ?
- Ce qu'il faut pour que l'amiral Cornwell ait accès au Contrôle, répondit Burnham aussi étonnée que moi.
- Non ! Ce n'est pas ce qu'elle fait ! Clama Pike et je me tendis immédiatement. Empêchez-la de continuer.
A cet instant, Airiam pivota vers nous, et j'eus brièvement l'impression de voir des points rouges dans ses yeux.
- Mais qu'est-ce que…, commença Nhan, avant que Airiam ne nous tire dessus.
Répondant à son attaque, je la vis s'avancer vers nous sans tenir compte des coups de feu, et elle arracha à Nhan une partie de son dispositif lui permettant de respirer avant de l'envoyer rouler au loin.
Mais je n'eus pas le temps de me rapprocher d'elle que Airiam pivota vers nous.
- Qu'est-ce que vous faites ?! S'exclama Mickaël.
- Commandeur Airiam arrêtez cela ! Ordonna Pike. C'est un ordre ! Vous m'entendez ? Je vous dis d'arrêter !
Mais Airiam ne semblait plus rien entendre. Elle se jeta sur nous, m'attrapa par le bras et me plaqua contre le mur avec une force que je ne lui soupçonnais pas. Sous le coup de la surprise de voir ma collègue m'attaquer, je ne parvins pas à réagir sur l'instant.
Ce fut Mickaël qui me libéra en lui sautant dessus. Mais le coup que Airiam lui balança au ventre la fit valser au sol.
Me retournant violemment, je me jetais entre Airiam et elle, et contrais le prochain coup. A cause de son augmentation, elle était plus forte et plus rapide que moi. Ses coups plus violents et forts. Je parvenais à la contrer, mais pas à la dominer.
Les coups pleuvaient sur moi, et la seule chose que je parvenais à faire, c'était l'empêcher d'aller plus loin.
Sa main s'abattit sur ma tête, et ce fut tellement violent qu'elle m'envoya directement au sol avec un haut de cœur. A son habitude, ma tête ne supporta pas le choc et m'envoya des ondes migraineuses.
- Airiam arrêtez tout de suite ! Ordonna Pike mais sa voix me parvenait de tellement loin.
Les vertiges décidèrent de pointer le bout de leur nez, et je pris sur moi pour me redresser en entendant Mickaël suffoquer.
Airiam la maintenait en hauteur en la tenant par le cou.
Avec un gémissement de douleur, je me jetais sur elle, bondissant sur son dos.
- Argh ! Siffla Mickaël en atterrissant au sol.
Airiam parvint à m'attraper par les bras, et me fit passer par-dessus sa tête. Mais ne lui laissant pas le temps de me jeter au sol, je fauchais ses jambes, nous entraînant au sol toutes les deux.
De nouveau, on se livra bataille, et Airiam me força à abandonner tout scrupule à la frapper. Elle tentait de me tuer.
Je n'y comprenais rien.
Soudain, alors que Mickaël me rejoignait, elle me repoussa avec violence, et je heurtais ma collègue, nous envoyant rouler au sol.
Je me relevais immédiatement, avec deux secondes d'avance sur Mickaël.
Deux secondes qui firent toute la différence.
Airiam avait attrapé un phaseur et l'avait armé. Elle le braqua sur moi, et tira.
Le coup me heurta en plein thorax, et m'envoya heurter le mur opposé avec violence.
J'entendis crier, j'entendis parler. Je perdis quelques secondes connaissance sans doute, je n'en savais rien.
Je ne savais plus rien, en-dehors de cette douleur abominable à l'abdomen.
- Vous devez ouvrir cette trappe ! Entendis-je vaguement Airiam dire. Parce que sinon, je vais parvenir à ouvrir la porte qui nous sépare, et vous tuer vous et le commandeur Nhan, comme je l'ai fait avec Ilyana. Vous devez le faire Mickaël !
Une nouvelle fois, je perdis connaissance, perdue entre douleur et soulagement quand l'inconscience me submergeait.
- Faites-le ! Entendis-je de nouveau ordonner Airiam.
J'aurais voulu faire quelque chose, mais la seule chose que je parvenais à faire était de me forcer à respirer malgré la terrible douleur qui me cisaillait les côtes.
Le tir de phaseur avait dû faire de sacrés dégâts.
- Ouvrez la trappe Mickaël, entendis-je Pike ordonner dans mon oreillette, et je perçus une angoisse énorme dans sa voix. On doit agir rapidement !
Peut-être était-ce lié à moi… peut-être y avait-il autre chose ? Pourquoi étions-nous ici déjà ?
- La trappe Mickaël, entendis-je Spock dire.
Cette fichue trappe… N'allait-on pas arrêter de répéter ça en boucle ?
Soudain, j'entendis le bruit et la pression caractéristique lorsqu'on ouvrait une porte sur l'espace, avant que cela ne s'arrête.
Les cris s'étaient stoppés, et je soupirais de soulagement.
Ne pouvait-on pas dormir en silence ?
- Commandeur Kirk ? Entendis-je quelqu'un m'appeler. Ilyana ? Vous m'entendez ? Elle est encore vivante, mais son état est grave Capitaine !
- On arrive, entendis-je ce dernier répondre, mais je ne parvenais plus à me souvenir de son prénom.
- Allez tient bon, fit Mickaël et je sentis qu'on me faisait pivoter sur le dos. Bon sang ! Tu restes avec moi Ilyana ! Tu m'entends ?
Elle me fixa avec détermination, et je hurlais de douleur quand quelqu'un appuya quelque chose sur mon ventre. Je papillonnais des paupières, perdant pied par instant.
- Tu m'écoute Ilyana, tu restes avec moi, lâcha Mickaël mais sa voix me parvenait de tellement loin.
Je perçus de l'animation brutale autour de moi, et je sentis d'autres mains se poser sur mon corps, me faisant hurler de douleur de nouveau.
- Je vais lui injecter un sédatif et un anti-douleur, elle va perdre connaissance, déclara une voix.
Un haut de cœur me secoua, et je sentis qu'on me faisait pivoter sur le côté juste à temps pour que je vomisse. Dans ma bouche, je sentais le goût écœurant du sang.
- Tu vas t'endormir Ilyana, clama la même voix. Ça va aller, tu vas t'en sortir ! Il faut que je réussisse à la perfuser.
- Air… Airiam…, suffoquais-je.
Je sentais qu'on me touchait, puis la douleur s'apaisa d'un seul coup. Hoquetant de surprise et de soulagement, je clignais des paupières.
- Doucement, tu va-t'en sortir, lâcha une voix angoissée que mon cerveau reconnu à présent que la souffrance ne m'assombrissait plus l'esprit.
- Chris…, murmurais-je en grimaçant devant les vibrations que cela m'occasionna dans la poitrine. Ai...Airiam… Où est… est-elle ?
- Ne parle pas, reste calme, contra-t-il et je parvins à ouvrir les yeux quand je sentis ses doigts caresser mes cheveux. Tout va bien, le Docteur Culber s'occupe de toi.
Je lu dans le gris de son regard l'angoisse et la peur, et je voulus parler de nouveau, mais je me tordis de douleur quand quelqu'un appuya de nouveau sur mon ventre.
- Bon sang, entendis-je siffler. Elle fait une hémorragie interne ! Plusieurs côtés brisées, poumons atteints, pneumothorax. Elle va avoir besoin de sang ! Préparez ce qu'il faut le temps qu'on remonte à bord. Je dois la stabiliser.
- La tension descend ! Clama quelqu'un. L'électrocardiogramme indique un ralentissement.
- Préparez l'adrénaline !
Je me sentis partir doucement, et j'accueillis le calme et la sérénité avec joie.
- Je suis… désolée…, soufflais-je avant d'entendre des alarmes hurler et des cris retentir.
Je sentis ma tête basculer sur le côté, et avant que tout ne devienne noir, je distinguais ses iris d'un gris fer qui m'avait toujours tant attirée.
Puis ce fut la fin.
oOoOo
POV Katrina Cornwell
Debout au fond de l'infirmerie, j'attendais en silence le verdict du Docteur Culbert qui opérait Ilyana Kirk depuis deux heures. Malgré toute notre technologie, malgré toutes nos compétences, et malgré notre avancée médicale, la médecine avait ses limites. Limites qu'Ilyana éprouvait considérablement à l'heure actuelle.
J'avais vu la blessure, tout le sang qui en coulait. J'avais vu à quoi cela ressemblait quand le médecin avait ouvert la combinaison de la jeune femme. Je ne m'y connaissais pas suffisamment en médecine, mais pas besoin d'être un spécialiste pour comprendre.
Des côtes brisées, un poumon perforé et rempli de sang, une hémorragie interne. Et pour finir, des convulsions avant un arrêt cardiaque.
Je restais impassible, debout entre le Capitaine Pike et les officiers du Discovery, mais j'étais loin de l'être intérieurement.
- Ça va faire deux heures et demie, entendis-je l'enseigne Tilly dire.
- Alors ça signifie que c'est une bonne nouvelle, tenta de la rassurer Mickaël. Au vu de la blessure, il vaut mieux qu'il prenne son temps…
Du coin de l'œil, je distinguais le trio que formaient les lieutenants Stamets, Detmer et Rhys. Tous les trois très proches de la jeune femme, ils étaient livides, et ne bougeaient pas.
Mais leur angoisse n'équivalait pas celle, palpable et étouffante, qui émanait de Christopher Pike à ma gauche.
Il fallait bien le connaître pour la distinguer. Ou bien il fallait bien connaître Ilyana. Les deux officiers avaient les mêmes façons de gérer leurs émotions, de réagir aux choses.
Son sens du devoir l'obligeait à ne pas montrer sa peur afin de ne pas rompre la clause de neutralité qui s'imposait à chaque agent de Starfleet quel que soit son rang. Mais je savais que cette même clause devenait extrêmement difficile à respecter dans des moments pareils.
A cet instant, la porte s'ouvrit et laissa place au Docteur Culbert. Il paraissait épuisé, mais il leva immédiatement les mains pour rassurer tout le monde.
- Elle ira bien, confirma-t-il et j'entendis des soupirs, des sanglots, des gémissements de soulagement. Elle va mettre du temps à s'en remettre, elle a perdu énormément de sang, mais nous sommes parvenus à réparer tout ce qui avait subi les dommages du tir de phaseur, et à stopper l'hémorragie.
- On peut la voir ? Demanda Keyla mais le Docteur Culbert secoua négativement la tête.
- En dehors de l'amiral et du capitaine, je ne peux autoriser personne à rentrer, répondit-il. Elle dort de toute façon. Elle mettra plusieurs heures à émerger au vu de ce qu'on lui a injecté.
Les membres de l'équipage hochèrent la tête, avant de se disperser. Suivant le Docteur Culbert, je ne pu m'empêcher de subir un choc en voyant Ilyana, endormie, sur son lit.
Elle était blafarde, son visage marqué par les hématomes causés par les coups. Sa lèvre inférieure était ouverte, ainsi que son arcade sourcilière. Les infirmiers avaient retiré le sang qui la recouvrait encore quelques heures auparavant et l'avaient changée, mais le débardeur qu'elle portait dévoilait ses bras où se trouvaient d'autres bleus. Ses cheveux blond pâle étaient éparpillés autour d'elle, lui donnant un air particulièrement vulnérable.
Le combat physique contre Airiam avait été violent.
Ils avaient relevé son haut jusqu'en-dessous de sa poitrine dans l'objectif de surveiller le bandage qui recouvrait son ventre. Ce dernier était tâché de sang.
Un bruit sur ma droite me fit tourner la tête vers la salle opératoire où le personnel médical finissait de ranger son matériel. La vue de tout le sang qui tâchait leurs tenues et le sol me fit comprendre que nous avions été très proche de perdre un deuxième officier aujourd'hui.
- C'est de ma faute, lâcha Pike et je tournais de nouveau les yeux vers lui et Ilyana. J'aurais dû l'écouter quand elle disait que Tyler ne pouvait pas être le traître. J'ai préféré suivre ma colère.
- Personne n'aurait pu deviner que Airiam avait été piratée, fis-je. Même Ilyana ne l'aurait pas imaginé. Vous n'êtes pas responsable de ce qui s'est passé là-bas. Ni du fait que Airiam soit morte, ni du fait qu'Ilyana ait faillit subir le même sort.
Il ne répondit rien, mais prit la main de Ilyana entre ses doigts, ne pouvant se le permettre qu'ici.
- Je vais rejoindre la passerelle, fis-je. Restez ici le temps qu'il vous faudra.
Il se contenta de hocher la tête, et je le vis jeter un regard à l'horloge murale, se donnant sans doute un temps avant de remonter sur la passerelle.
- Chris, fis-je et il tourna les yeux vers moi. La clause de neutralité a été mise en place pour éviter les dérives, elle tolère néanmoins des écarts.
- Je ne…, commença-t-il mais je levais la main.
- Restez auprès d'elle le temps qu'il vous faudra, coupais-je. Croyez-moi, la vie est courte, et le temps passé auprès de la personne que l'on aime l'est d'autant plus. Ne commettez pas la même erreur que moi en choisissant le devoir plutôt que l'amour. Parce qu'à la vérité, lorsque ce dernier disparaît, la vie n'a plus le même sens. Et le devoir ne vous accompagnera pas dans vos vieux jours.
Il ne répondit rien, se contentant de s'asseoir auprès d'Ilyana.
- Vous l'aimez depuis des années, rajoutais-je. La vie vous a donné la possibilité d'avoir une deuxième chance. Ne la gâchez pas.
Tournant les talons, je sortis de l'infirmerie rapidement, gagnant la passerelle.
Dans l'ascenseur, je ne pu m'empêcher de m'accrocher à la rampe, laissant sortir pendant quelques secondes la peur et la tristesse qui m'avaient broyé le cœur.
Le principe de neutralité valait également en amitié. Je devais conserver cela quand nous étions devant l'équipage. Mais bien que Ilyana me soit inférieure en rang et en années, je conservais vis-à-vis d'elle un lien particulier, forgé dans le sang et la terreur.
La voir inerte, si près de la mort, m'avait rappelé que l'existence était si fragile. Et voir Pike à ses côtés m'avait rappelé ce que moi j'avais perdu.
Je me composais de nouveau un visage neutre et impassible, prête à encaisser la tristesse d'un équipage qui venait de perdre une collègue et une amie, et qui en avait vu une autre passer près du même sort.
C'était mon rôle. C'était à moi d'encaisser en silence les émotions de l'équipage, sans sourciller. Sans marquer la moindre émotion.
C'était le rôle d'un amiral. Un rôle que je devais tenir.
