Chapitre 1

Izuku Midoriya était assis dans son canapé d'angle donnant directement sur sa grande baie vitrée. Le regard perdu dans le lointain paysage enneigé, il se demanda comment sa vie avait pu déraper à ce point. Quelques années plus tôt, sa destinée avait été toute tracée. All Might, son idole de toujours lui avait révélé ses secrets un à un et avait fait de lui l'héritier du One for All. Il était parvenu à faire sien cet alter si puissant et complexe au prix d'incalculable heures d'entraînement. Il avait pu intégrer le lycée dont il avait rêvé de fouler le sol. Il s'y était fait des amis, au combien précieux à ses yeux. Son avenir en tant que numéro 1 des super héros du pays était en bonne voie. Il avait même fini premier de sa promo. Enfin ex aequo avec Katsuki Bakugo. Ça lui avait d'ailleurs valu une sacrée gueulante de la part du blond explosif mais il avait été tellement fier à ce moment.

Ce souvenir précis fit lourdement soupirer Izuku. Emmitouflé dans un gros plaid polaire, il reprit entre ses mains sa tablette qu'il avait posé à côté de lui plus tôt. Avant d'appuyer sur le bouton pour l'ouvrir, Izuku aperçut son reflet sur l'écran noir. Il avait certes tout fait pour mais ça le choquer toujours autant. Il était méconnaissable. Il était certain que n'importe lequel de ses amis viendrait à le croiser dans la rue, ne se retournerai même pas sur lui. Il avait les cheveux bien plus long, lui arrivant aux épaules et tombant en de lourdes boucles entremêlés de vert et de noir. Il les coiffait le plus souvent en catogan afin qu'ils ne le dérangent pas. Ses yeux étaient cernés et bien plus fermés qu'avant à cause de la fatigue. Il n'avait que vingt ans et pourtant il se faisait penser à un trentenaire. L'image de son ancien professeur principal lors de sa première année au lycée se transposa à la sienne. Un sourire désabusé étira ses lèvres et un rire bref emplit la pièce. Il y avait bien longtemps qu'il n'avait pas pensé à Shota Aizawa. Le héros effaceur avait pourtant eu un impact certain sur sa vie à l'époque. Leur ressemblance était frappante bien que lui n'avait pas un seul poil sur le visage.

Après avoir frotter ses yeux, Izuku se décida à ouvrir sa tablette. Il était pas loin de quatre heures du matin. Il se mordit la lèvre inférieure et lança un regard vers la porte sur sa droite menant aux chambres. Merde. Sa mère n'allait pas tarder à se réveiller. Il n'avait pas vu l'heure passer. Il avait été tellement pris dans ses pensées et sa contemplation de la nuit enneigée qu'il n'avait pas réalisé qu'il avait encore fait une insomnie. Inko Midoriya allait encore le sermonner. Izuku tapota tout de même sur sa tablette et tomba rapidement sur ce qu'il cherchait. C'était un article parlant des derniers exploits des super héros de Tokyo. Bien évidemment, ses anciens camarades de classe y étaient pratiquement tous. Le bruit d'une porte s'ouvrant le fit lâcher son écran des yeux.

-Izuku ? Oh non ... Me dis pas que tu as encore une fois passé ta nuit à collecter des infos sur tes anciens amis.

Le vert se débarrassa rapidement de sa tablette et se leva de son nid douillet, une sensation atroce de froid le mordant de toute part.

-Maman ...

Il allait mentir en lui disant qu'il était aller se coucher et s'était réveillé très tôt mais se ravisa sous le regard sévère de sa mère.

-A vrai dire je me suis surtout perdu dans mes pensées et je n'ai pas vu l'heure passée. Désolé Maman mais ne t'en fais pas j'ai une petite journée aujourd'hui.

Inko ouvrit la lumière dans la cuisine ouverte sur le salon et alla allumer la cafetière. Elle se tourne vers son fils accoudé au bar et secoua la tête.

-Izuku, tes journées ne sont jamais petites. Tu le sais aussi bien que moi. Et je commence à sérieusement m'inquiéter pour toi, mon chéri.

Le jeune homme détourna les yeux et se passa une main dans ses cheveux détachés et en bataille. Il n'aimait pas ça. Il n'aimait pas devoir en demander autant à sa mère. Durant ses années lycée, il l'avait tellement inquiétée qu'elle avait failli le changer d'établissement. Il s'était alors promis de ne plus lui faire vivre de tels émotions. Et aujourd'hui, la situation était certes différente mais il continuait à lui en demander trop. Izuku se força à sourire et regarda sa mère leur servir une tasse de café à tout les deux.

-Tu n'as pas à t'inquiéter, Maman. Je vais très bien et même si c'est pas l'idéal tu sais aussi bien que moi qu'il faut rester comme ça.

-Mais Izuku, ça fait trois ans maintenant. On pourrait peut être ...

-NON !

Inko sursauta violemment, manquant de faire tomber sa tasse entre ses mains. Sa mâchoire se serra, retenant ses émotions au maximum. Son fils venait de se redresser de toute sa hauteur. Il avait les poings serrés et le regard fuyant.

-Pardon Maman. Je ne voulais pas crier. Je ... Je dois aller me préparer pour le boulot.

Sans un mot de plus, Izuku se dirigea vers la porte qu'avait prise sa mère un peu plus tôt et se dirigea tout au fond du long couloir qu'il y avait derrière. Il ouvrit la dernière porte et entra dans la salle de bain. Enfermé dans la pièce, Izuku se laissa aller contre le mur glacé. Il savait qu'il n'aurait pas dû réagir comme ça mais il savait aussi pertinemment ce que sa mère avait voulu dire. Non il ne pouvait pas revenir en arrière. Il ne pouvait pas et ne voulait pas. Ce n'était pas pour rien qu'ils avaient changés de nom et déménagés à l'étranger d'abord puis maintenant à Hokkaido. Ils se devaient de s'éloigner de Tokyo. Izuku secoua vivement la tête. Il passait déjà ses nuits à se remémorer son passé, il ne pouvait pas se permettre d'y réfléchir plus. Il prit une profonde inspiration et commença à se préparer. Passant d'abord sous la douche pour détendre un peu ses muscles de sa nuit blanche, il alla ensuite dans sa chambre s'habiller. Un jean et un gros pull noir furent rapidement enfilés avant de retourner à nouveau dans le salon/cuisine de son appartement. Il y retrouva sa mère dans le canapé. Son cœur se serra en apercevant des traces de larmes sur ses joues. Izuku se posa à côté d'elle et lui prit la main la serrant entre les siennes.

-Je suis vraiment désolé pour tout Maman.

Inko se tourna vers son fils et le prit dans ses bras.

-Mon chéri, arrête s'il te plaît. Arrête tout ça. Tu fuis depuis trop longtemps et même si tu ne veux pas l'avouer tu en souffres également. Tes insomnies ne viennent pas de nulle part. Je suis ta mère et je le vois très bien tout ça. Ta carrière de héros mais également Kat ...

-Maman ... Je t'en prie. On en a déjà parlé des milliers de fois.

Cette fois ci, Izuku avait murmuré son désaccord. Inko sentit son fils trembler dans ses bras. Elle en avait assez de le voir comme ça. Cette vie le détruisait. Ce n'était plus possible pour elle de le voir dépérir dans son coin. Rien que pour subvenir à leurs besoins, son garçon devait enchaîner trois boulots différents malgré le fait qu'Inko travaille aussi. Il accumulait bien trop. Que ce soit de la fatigue physique ou mentale. Inko avait bien du mal à reconnaître son seul et unique enfant. Il avait été tellement épanoui et heureux plus jeune. Mais il avait fait la découverte de son alter. Oui il y a maintenant quatre ans, Izuku Midoriya avait déclencher son propre alter. Tout le monde avait cru qu'il n'en possédait aucun et pourtant, il en avait bel et bien un. Ça avait mis fin à sa carrière de héros prématurément. Et aujourd'hui, ses regrets, sa rancœur et son désarroi grignottaient petit à petit sa personnalité avant si pétillante et optimiste.

-Izuku. Pour ton bien, si tu ne fais pas quelque chose ... C'est moi qui m'en chargerai.

-Je ... Je dois y aller. Je vais finir par être en retard sinon.

Izuku se défit de l'étreinte de sa mère, baissant les yeux pour ne pas croiser les siens. Ce n'était pas la première fois qu'il fuyait cette conversation. Et pour lui, ce ne serait sûrement pas la dernière non plus. Le jeune homme se leva du canapé et alla enfiler ses bottes dans le vestibule. Il se vêtit de son manteau doublé en polaire alors qu'Inko revint à ses côtés.

-Je suis sérieuse cette fois, Izuku. Ça ne peut plus durer. Pour toi comme pour les autres. Ses parents sont mes amis aussi tu le sais très bien n'est ce pas ? J'ai encore des contacts avec eux et j'en ai assez de mentir alors qu'elle pourrait ressentir la même chose que moi. C'est égoïste de notre part de les ...

-Ça suffit !

Izuku venait de donner un grand coup de poing contre la porte d'entrée, figeant sa mère. Le jeune homme se passa une main tremblante sur le visage. Il lança un rapide coup d'œil vers la porte menant aux chambres. Sa mère était bien insistante ce matin. D'ordinaire, elle le grondait pour ses insomnies et lui rappeler qu'il y avait une autre option que celle ci avant de laisser tomber lorsqu'il refusait tout dialogue. Mais là c'était différent. Une phrase que sa mère venait de dire le fit tilter.

-Attends ... Tu parles souvent avec sa mère ?

Angoissé, Izuku plongea son regard vert dans celui si identique d'Inko. Elle avait les larmes aux yeux et se mordait la lèvre inférieure si fort que sa peau autour en était meurtrie. Elle n'aurait pas dû dire ça, elle le savait mais sa détermination a vraiment agir pour le bien de son fils la poussa vers lui.

-Je n'ai encore jamais rien dit. Quand elle essaye d'en savoir plus sur toi, je reste très vague et quand elle veut me parler de mon potentiel retour, je change de sujet. S'il te plaît mon chéri, ne m'en veux pas. Je ne voulais pas couper les ponts avec tout le monde.

Izuku soupira bruyamment essayant de contrôler son rythme cardiaque qui avait augmenté violemment à cette annonce. Il consulta l'heure qu'il voyait dans son salon et ouvrit la porte d'entrée laissant s'infiltrer dans l'appartement la fraîcheur de l'extérieur.

-Pour le moment, je dois y aller sinon je vais vraiment être en retard. On en reparlera ce soir. Je te les confie. Passe une bonne journée.

Sans se retourner, Izuku sortit et referma la porte derrière lui. Ses oreilles sifflaient encore de l'annonce fracassante de sa mère. Il n'avait jamais su qu'elle entretenait encore des liens avec son ancienne vie. Le jeune homme marcha dans les longs couloirs de son immeuble avant de prendre l'ascenseur pour descendre au rez de chaussée. C'était plus par automatisme qu'il avançait car à cet instant il était complètement terrorisé. Inko avait en effet un moyen de bouleverser sa vie actuelle et si elle le faisait il n'y aurait pas de retour possible en arrière. Il devrait faire face et ça il savait qu'il en était incapable. Aussi courageux qu'Izuku pouvait être, affronté ce qu'il avait laissé derrière lui quatre ans plus tôt le tétanisait. Ce n'est qu'en sortant de son immeuble qu'il se reconnecta à la réalité, le froid mordant du nord du pays le faisant frissonner. Il enfonca sa capuche sur sa tête et avança dans la neige vers sa voiture afin d'aller plus rapidement à son premier travail.

Il était agent de sécurité entre 5h du matin et 11h pour une grande entreprise de fabrication d'équipement pour super héros. Au vue du caractère ultra confidentiel des produits et des données qui entraient et sortaient de l'établissement, ils avaient besoin d'agent de sécurité constamment présent. Se faire embaucher là avait donc était facile pour Izuku. Il avait bien évidemment falsifié son CV ainsi que son nom de famille, ne mentionnant pas qu'il avait réussi la filière héroïque du plus célèbre lycée du pays. Izuku arriva sur le parking de son travail vers 4h55. Il dut courir dans la neige afin de pouvoir pointer à la bonne heure et permettre à l'agent en fonction de prendre un repos bien mérité. Ils se saluèrent sommairement et Izuku commença directement à faire sa ronde autour du bâtiment. Les heures s'écoulèrent lentement. Concentré dans son travail, Izuku ne pensa plus à rien d'autre. Vers 11h c'est un autre collègue qui vint le remplacer à son tour et le vert fila à son deuxième travail. Il s'était fait embaucher en tant que serveur tout les midis de la semaine. Il reprit donc sa voiture et à 11h30 pointa à nouveau avant d'entamer son service dans la célèbre chaine de restaurant Matsuya du centre ville. Servant son nième gyūdon à une cliente plus que désagréable, Izuku sentit son portable vibrer dans sa poche de pantalon. En fronçant les sourcils, le jeune homme se mit dans un coin du bar afin de pouvoir le sortir pour regarder qui pouvait bien l'appeler. Son portable était uniquement pour les urgences. Il ne s'était lié avec personne ici. Il n'avait que sa mère. En voyant le numéro s'afficher sur son écran, le sang d'Izuku ne fit qu'un tour. Il se précipita dans les cuisines et sortit par la porte arrière tombant dans une ruelle. Il composa le numéro de sa mère le plus rapidement possible. Dans la précipitation, il avait oublié de prendre son manteau et dehors il ne faisait pas plus de 4 degrés à cause de la neige. C'est donc en tremblant de froid qu'il mit l'appareil à son oreille.

-Allo ? Izuku ? Que se passe t il ?

-Maman ils m'ont appelés ! Pourquoi est ce qu'ils m'ont appelés ? Il y a eu un problème ce matin ?

Inko, à l'autre bout du fil sembla aussi inquiète que son fils, sans qu'il ait besoin d'en dire plus.

-Non non tout s'est bien passé ce matin. Enfin comme d'habitude. Tu veux que je les rappelle pour savoir ce qu'il en est ? Tu es en plein service non ?

Izuku inspira profondément, l'air glacé lui brûlant les poumons. La voix de sa mère l'avait calmé quelque peu et il put reprendre plus posément.

-Je vais m'en occuper. Je te tiens au courant.

Il raccrocha sans attendre et composa le numéro qui avait cherché à le joindre. C'est en faisant les cents pas qu'il attendit que quelqu'un lui réponde, expirant de la condensation à chaque pas.

-Garderie Hoikuhen, Haruka j'écoute ?

-Bonjour Haruka, je suis Izuku Atsushi, vous avez essayé de me joindre il y a quelques minutes !

Il avait conscience de parler un peu fort dans le téléphone mais l'appréhension et le froid ne l'aidait pas à se contrôler.

-Oui, Monsieur Atsushi euh ... A vrai dire il faudrait que vous veniez le plus vite possible. Il y a eu un léger incident. Ne vous en faites pas personne n'a été blessé mais ... Comment dire ... Mitsui et Hina ont utilisé leur alter sur leurs petits camarades alors vous comprenez ...

La voix de l'animatrice petite enfance au bout du fil mourut sur la fin de sa phrase ne sachant peut être pas comment la finir. Izuku était au bord de la crise de nerfs. Malgré tout il se reprit, serrant les poings tellement fort qu'il en avait les phalanges blanches, ses cicatrices ressortant encore plus.

-Je fais au plus vite pour venir les chercher. Mademoiselle, avez vous déjà fait une note d'incident sur eux ?

Izuku savait que les notes d'incident en garderie pour les enfants s'éveillant à leur alter était retransmise nationalement. Et c'est d'ailleurs ce qu'il avait le plus redouté depuis qu'il les avait inscrit à la garderie Hoikuhen. Le nom et prénom des enfants étaient retenus dans un fichier ainsi que leur type d'alter afin de pouvoir leur enseigner convenablement comment les utiliser partout dans le pays. La jeune femme parut confuse au téléphone lorsqu'elle reprit.

-Euh à vrai dire ça vient tout juste d'arriver donc je n'ai pas encore eu le temps non ? Pourquoi Monsieur Atsushi ?

-Est il possible de ne pas en faire pour Mitsui et Hina s'il vous plaît ?

Au risque d'être pris pour un homme élevant de futurs vilains, Izuku n'avait pas hésité un seul instant à faire sa demande. N'importe qui pouvait accéder à ses notes d'incident alors si il pouvait éviter qu'ils y figurent, il le ferait.

-Je vais voir ce que je peux faire mais je ne vous promet rien. Nous vous attendons Monsieur Atsushi.

L'appel se conclua et le jeune homme remit son téléphone dans sa poche. Il prit son visage entre ses deux mains et alors que sa pression intérieure remontait en flèche, il hurla un bon coup. Son cri résonna contre les murs étroits de la ruelle. Sa journée ne pouvait pas être pire. D'abord sa mère insistant sur le fait de retourner à son ancienne vie et maintenant ce problème à la garderie. Tout le monde se liguait contre lui aujourd'hui. Izuku s'obligea à se reprendre immédiatement après et entra à nouveau dans le restaurant. Il alla prévenir son supérieur qu'il devait quitter son poste plus tôt que prévu pour cause personnelle et se dépêcha de rejoindre sa voiture. En route pour la garderie, il recontacta sa mère pour lui annoncer qu'il devait récupérer Mitsui et Hina. En une quinzaine de minutes, Izuku arriva à destination. Il entra en trombe dans la crèche et son regard trouva immédiatement la tête blonde aux reflets vert d'Hina et celle brune aux mèches blondes de Mitsui qu'il était venu chercher.

-Ma ... Papa !

Izuku intercepta sur chacune de ses jambes ses deux terreurs. Leur petit visage rond se levèrent vers lui. Deux paires d'yeux vairons, l'un rouge l'autre vert le fixèrent.

-Je pense que tu le sais déjà mais je crois qu'on a fait une p'tite bêtise, Mamap.

Izuku ne put s'empêcher de sourire tendrement à la remarque que son fils venait de lui chuchoter. Malgré tout le stress, les ennuis et les complications qui pouvait lui tomber dessus, Izuku adorait profondément ses deux bambins. Tout le reste importait peu quand il les avait dans ses bras. Oui, Izuku Midoriya ou plutôt Atsushi maintenant, avait eu des jumeaux, une fille et un fils, il y a un peu plus de trois ans. Son propre alter qu'il avait découvert à ce moment là était celui de donner la vie.