Salut à tous !

J'espère que vous allez bien ! Voici le chapitre 2 comme promis !

Merci à Elendil et à So, ça me fait trop plaisir ! (On en apprend un peu plus sur Aslan dans ce chapitre!)


Chapitre 2 : Fi Malja

"Livaaiiiii !"

Livai fit un pas sur le côté, manquant de peu la tornade humaine qui avait essayé de se jeter sur lui.

"Hanji."

Le visage de la jeune femme écrasée sur le sol se fendit d'un sourire dévoilant toutes ses dents et celle-ci se releva prestement.

"Ça fait tellement longtemps qu'on ne s'est pas vus ! On t'attendait avec impatience !"

Livai leva les yeux au ciel et se dirigea vers le bureau qu'Erwin lui avait attribué et qui était -malheureusement- dans la même pièce que celui d'Hanji. Pas qu'il ne l'aimait pas, après tout il l'avait bien supporté pendant les trois ans durant lesquels ils avaient travaillé ensemble à Sina, mais d'après ses souvenirs elle était plutôt…bruyante. Cela faisait presque deux ans qu'il ne l'avait pas vue mais elle ne semblait pas avoir beaucoup changé. Même cheveux en bataille, même regard fiévreux derrière ses mêmes lunettes crades. Même uniforme dégueu.

"Jamais tu te laves ?"

"Moi aussi tu m'as manqué."

Livai ne prit pas la peine de répondre, se concentrant sur le bureau qu'on lui avait fourni à la place. Lui au moins était propre. Du parchemin, quelques plumes et de l'encre étaient soigneusement disposés dans le premier tiroir et une dizaine de dossiers s'empilaient déjà sur un coin du meuble. Hanji le regardait faire avec un regard amusé et Livai se retint de lui demander d'aller voir ailleurs. Même s'il ne l'avouerait sûrement jamais, elle faisait partie du peu de personnes qu'il pouvait tolérer.

Des coups manquant quelque peu de légèreté contre la porte interrompit son inspection et Livai eut à peine le temps de dire "entrez" que quatre personnes se poussaient pour pénétrer à l'intérieur de la pièce. Content de voir qu'eux non plus n'avaient pas changés, pensa-t-il en regardant Petra, Eld, Gunther et Auruo se mettre au garde à vous, et on aurait pu relier leurs sourires tellement ils étaient larges.

"On a entendu que vous étiez arrivé, Caporal !"

"Je vois ça…" répondit Livai en haussant un sourcil.

Il avait travaillé moins d'un an avec cette équipe-là, mais elle était sans doute celle dont il s'était senti le plus proche. La plupart des autres étaient ou bien morts, ou bien il aurait aimé qu'ils le soient.

"Votre voyage s'est bien passé ?" demanda Petra, après qu'ils eurent rompu le salut.

"Des brigands ont attaqué la base de Khemia," répondit-il simplement. Disons qu'on aurait pu faire mieux comme voyage. Aussi, il détestait officiellement le sable.

"Oui, on en a entendu parler !" s'exclama Eld avec un enthousiasme.

Déjà ?

"C'était hier soir… "

"Il faut dire que les nouvelles circulent vite," répondit-il d'un air décidément bien trop excité. En général, annoncer qu'on a été attaqué ne suscitait pas tout à fait ce genre de réaction. "Surtout lorsque Heidan est impliqué…" confia-t-il et Livai se tourna vers Hanji.

"Heidan ?"

"C'est comme ça qu'on les appelle. Personne ne sait qui ils sont mais il parait qu'ils manient très bien la magie, surtout leur chef !" coupa Gunther et Livai haussa un sourcil en repensant au gamin de la veille. Ça ne l'étonnerait pas qu'ils parlent de lui.

"Est-ce que vous l'avez vu ? Il était fort ?" demanda Petra avec curiosité.

"Pas mal," confirma Livai en repensant au talisman de téléportation. Même sans ça, il se débrouillait plutôt bien au corps à corps et sa barrière n'était pas de la merde non plus. Et il était seul.

"Waouh ! Si même le caporal a eu du mal, ça doit être du gros calibre !" s'exclama Auruo et les autres approuvèrent, "vous vous rend-"

"J'ai vu son visage."

Cette fois tout le monde se tut, et ce fut Hanji qui demanda :

"Comment était-il ?"

"Jeune." C'était la première chose qui l'avait frappé quand il l'avait vu. "Il ne doit pas avoir beaucoup plus de vingt ans."

"Ah ouais, à ce point là !" souffla Eld. "C'est incroyable, il s'agit d'une des personnes les plus recherchées par l'armée, juste derrière la faucheuse !"

À ces mots, Gunther sembla se rappeler de l'utilité des dossiers qu'il avait dans les bras.

"Oh, d'ailleurs en parlant de la faucheuse ! J'ai ça pour vous," dit-il en les posant sur son bureau. "C'est tout ce qu'on a pu rassembler sur elle."

Livai hocha la tête et les posa en une pile nette sur le coin du bureau.

"Concernant Heidan…"

"Tu me donneras sa description," l'interrompit Hanji en jetant un coup d'œil appuyé au reste de l'équipe et Livai fronça les sourcils.

"Tu sais quelqu-"

"Hey mais c'est la fête ici ?"

Une femme au courts cheveux blonds venait de passer la tête par la porte toujours entrebâillée. "Oh, vous devez être le caporal Livai. Enchantée, je suis Nanaba."

Super, la journée porte ouverte était en train de commencer.

"À qui tu parles, Nanaba ?" leur parvint une voix d'homme du bureau d'à côté comme pour confirmer ses soupçons.

"Viens dire bonjour Gelgar ! Et toi aussi Henning ! Le caporal Livai est arrivé !"

Livai retint un soupir. La journée allait être longue.

o O o

Le soleil était levé depuis à peine deux heures et il y avait déjà un boucan infernal dans la petite pièce qui servait de cuisine. Deux femmes et un jeune homme discutaient avec passion dans un coin -des omégas, Soraya pouvait les sentir d'ici- et une bonne dizaine de personnes étaient réunies autour d'une table bien trop petite pour pouvoir tous les accueillir. Des pâtisseries, des fruits, du thé (et plein d'autres trucs qui n'avaient rien à faire sur une table de petit déjeuner) recouvraient tout l'espace qui n'était pas encore occupé par des assiettes ou des gens.

Il y avait un peu de tout, et pas que sur la table. Alphas, bêtas et omégas étaient parfaitement mélangés, et Soraya aurait même dit que les omégas étaient en majorité. Elle repéra Jahan et Mina à un bout de la table, l'air un peu mal à l'aise mais pas effrayés.

"Viens Soraya !" l'encouragea Eren en dégageant une place pour lui et Aslan entre la corbeille à pain et la théière.

La jeune femme le rejoignit, et bien qu'elle sentit quelques regards sur elle, ils étaient bien vite détournés sur quelque chose plus important : la nourriture dans leur assiette. Soraya s'assit à côté de Jahan et Mikasa déplaça un plat de lard pour lui faire de la place sans un mot. Bientôt, une assiette débordante de nourriture était placée devant elle par une femme dans la quarantaine, ses cheveux foncés frisant jusqu'à sa taille et un sourire chaleureux éclairant son visage.

"Il faut manger ma petite ! T'es toute maigrichonne !"

"Darya, on en a déjà parlé," répliqua Eren en se servant lui-même un œuf au plat, "Elle ne va pas manger tout ça !"

"Regarde qui parle ! Tu bouffes comme quatre !"

"Elle est en sous-nutrition," rétorqua-t-il comme s'ils avaient déjà eu cette discussion cent fois, "Son corps ne peut pas absorber autant d'un coup !"

"Et du coup ? Je la laisse mourir de faim?"

Eren leva les yeux au ciel devant le ton dramatique de la matrone.

"Je n'ai pas dit ça", se défendit-il en faisant passer une serviette à Aslan qui avait déjà du jaune d'œuf un peu partout sur la bouche.

"Quelle est la différence avec les autres ?"

"La différence c'est que les autres sont en bien meilleure condition. Ils doivent avoir été amenés plus tard…", expliqua le jeune homme en laissant son regard glisser sur le corps de l'oméga.

Soraya croisa les bras sur sa poitrine et le fusilla du regard, bien trop habituée à ce geste déplacé, et Eren releva rapidement les yeux avant de se racler la gorge.

"Dans tous les cas, tu peux manger ce que tu veux, mais honnêtement je ne te conseillerais pas plus de la moitié de ce que Darya t'a servi. Fais-moi confiance, ton estomac me remerciera. File le reste à Sasha, elle mange encore plus que moi…" ajouta-t-il en désignant une femme brune occupée à dévorer un jambon entier. Celle-ci releva la tête à l'entente de son nom, les yeux pétillants et un énorme morceau de viande pendant entre ses dents. Elle l'avala d'une bouchée, horrifiant une partie de l'assistance -les autres avaient l'air habitués- et sourit de toutes ses dents.

"Moi, c'est Sasha, moi ! Enchantée !"

Soraya acquiesça lentement, fixant toujours l'endroit où se tenait le jambon juste quelques secondes auparavant. Tous ceux qu'elle n'avait pas vu la nuit dernière suivirent son exemple et se présentèrent, et le repas continua tranquillement. Enfin, tranquillement était un bien grand mot. Les discussions - plus ou moins animées- fusaient d'un bout à l'autre de la table, souvent ponctués par des rires ou des jurons, ces derniers étant automatiquement suivis par une exclamation de reproche alors qu'Eren bouchait les oreilles d'Aslan. Celui-ci n'avait pas l'air plus dérangé que ça par la cacophonie l'entourant mais c'était clair qu'il écoutait avec attention les conversations des adultes sans en avoir l'air.

"Tout va bien ?" demanda soudain Jahan à voix basse.

Soraya acquiesça discrètement.

"Presque trop bien. Et vous ? Ils n'ont rien tenté j'espère ?"

"Rien du tout. Et honnêtement… " Mina jeta un coup d'œil à la tablée au moment où un morceau de lard volait à travers la pièce, "je ne crois pas qu'ils mentent."

Soraya était d'accord. S'ils avaient voulu leur faire du mal, ils l'auraient fait depuis bien longtemps. Ils n'auraient pas eu besoin de faire la comédie, pensa-t-elle en reportant son attention sur son assiette.

C'était elle ou celle-ci paraissait encore plus remplie qu'avant ?

"Mais c'est pas vrai ! Mikasa !"

"Elle a besoin de nourriture pour reprendre des forces," se défendit la femme aux cheveux noirs à sa droite.

C'était une alpha, Soraya l'avait sentie la veille. Elles avaient chevauché ensemble depuis Khemia, et les phéromones alphas l'avaient mise mal à l'aise pendant les deux heures qu'avait duré le trajet. Ni agressives, ni particulièrement rassurantes, mais bien là. Et pourtant, maintenant, elle ne sentait rien. La femme aurait pu être une bêta, ça n'aurait rien changé.

"J'abandonne…" soupira Eren en se tournant vers Aslan pour lui essuyer correctement la bouche.

Soraya sentait qu'ils n'allaient pas s'ennuyer ici.

o O o

Livai poussa un soupir alors qu'il se saisissait du premier rapport de la pile que Gunther avait déposée sur son bureau. Il prit deux heures à tout feuilleter, mais il n'avait pas l'impression d'avoir appris grand chose.

Il y avait eu trois attaques, la première ayant eu lieu un peu moins de six mois auparavant. Aucun survivant, aucun témoin. Les trois bases militaires visées étaient disséminées à quelques dizaines de kilomètres au sud de Shiganshina et abritaient des forces spéciales. On avait mis quelques jours à retrouver les cadavres, les bases étant plutôt isolées, mais chaque fois on avait repéré des traces de magie noire.

"Alors, tu as fini de lire ?" demanda Hanji en frémissant d'anticipation, "excitant n'est-ce pas ?"

Livai haussa un sourcil. Inquiétant et casse-pieds oui, excitant pas spécialement.

"Une mystérieuse personne décime des bases militaires sinayennes sans laisser derrière la moindre trace !"

"Qui a identifié la magie noire ?" demanda Livai en retournant à une page précise du rapport qu'il venait de lire.

"C'est moi !" annonça fièrement la jeune femme aux lunettes, beaucoup trop excitée à son goût, "Disons qu'ici en matière de magie noire c'est moi l'expert ! Tu peux m'appeler Grand Maître de la Magie Noire, GM2N pour les intim-"

"Quels symptômes ?" la coupa Livai.

La bêta sourit et se laissa aller dans son fauteuil.

"Ce n'est pas toujours très visible," expliqua-t-elle calmement de sa voix grave, "mais la grande majorité des victimes avaient un rétrécissement des pupilles et des tâches noires sur la poitrine. Plus aucune trace d'énergie spirituelle non plus, même si cela pourrait être dû au fait qu'on ait découvert les cadavres assez tard. Mais surtout on a découvert un talisman censé éloigner l'énergie noire sur le troisième site, à Arkaïs. Il était totalement carbonisé."

"C'est possible de s'y rendre ?"

"Ça m'étonnerait qu'il reste quelque chose, mais si tu insistes il vaudrait mieux que tu ailles voir Erwin."

"On y va demain," décida-t-il en se levant, délaissant le dossier sur son bureau.

"Si tôt ?" s'étonna Hanji en arborant un air réjoui.

"Il n'y a rien d'intéressant dans ce truc," répondit-il en désignant le dossier sur son bureau. "La seule raison pour laquelle on n'y va pas maintenant c'est parce qu'on ne sera pas revenu avant le couvre-feu. Alors demain première heure on y va tous les deux."

"Hoho, c'est un rendez-vous galant ?" demanda la bêta en s'étirant, son sourire s'élargissant encore un peu.

"Non."

"Tu rentres ?" s'enquit-elle en le voyant se diriger vers la porte.

"Non je vais voir Erwin," répondit-il en posant la main sur la poignée.

"Et après tu rentres ?"

La porte se referma dans un clac sonore.

o O o

"Oufff," laissa échapper Eren quand Aslan vint s'écraser sur lui.

Ils étaient assis dans la cour intérieure sur un tapis protégé du soleil par un acacia et des draps tendus sur des piquets. C'était l'heure la plus chaude, mais à l'ombre et bercé par la brise, la température était supportable.

Eren prit Aslan sous les bras et le positionna entre ses genoux. L'enfant gloussa et Eren répondit par un sourire affectueux.

"C'est le vôtre ?" demanda Mina avant d'aussitôt baisser les yeux quand il leva le regard vers elle.

"Tu peux me tutoyer tu sais," répondit-il gentiment et l'oméga releva timidement la tête, "mais non ce n'est pas le mien. Sa mère est morte et son père n'est pas vraiment le bienvenu ici. En soi, c'est sa grand-mère, Darya, qui l'a recueilli, mais on s'en occupe tous un peu. Enfin, surtout moi."

Cela faisait un an qu'il avait fait la connaissance d'Aslan et Darya, et Eren se rappelait encore parfaitement de ce moment. Des soldats avaient failli les tuer ce jour-là, et il leur avait porté secours. On pouvait dire qu'il s'était plutôt attaché à l'enfant depuis, et c'était plutôt réciproque.

"N'est-ce pas Aslan ? C'est qui ton préféré ?" demanda-t-il avec un grand sourire.

L'enfant fit mine de réfléchir quelques secondes avant de pointer Mikasa du doigt et celle-ci afficha un sourire légèrement suffisant devant l'air trahi d'Eren. Presque réciproque.

"Petit ingrat ! Mikasa n'a jamais rien fait pour toi ! C'est pas elle qui joue tout le temps avec toi !"

Aslan leva les yeux en dessous de lui.

"Oui mais si je dis pas Mikasa elle va être triste," expliqua-t-il d'un air candide.

"Et moi je vais pas être triste ?"

"Toi c'est pas grave."

Cette fois tout le monde éclata de rire. Eren leva les yeux au ciel, mais un petit sourire flottait sur ses lèvres.

"Je vous jure, aucun respect ce gosse."

"C'est toi qui l'a élevé."

"Moi je le trouve mignon," intervint Soraya.

C'était la moins timide des omégas. Alors que les autres étaient encore très mal à l'aise en présence d'alphas, Soraya s'y était vite habituée. Certes, elle aussi restait prudente mais au moins elle soutenait leur regard et ne s'écrasait pas totalement dès que l'un d'eux entrait dans la pièce. Il savait qu'ils leur faisaient peur, mais il devait leur apprendre que tous les alphas n'étaient pas comme ceux qui les avaient abusé. Déjà parce qu'il n'était pas un alpha mais ça c'était une autre histoire.

"Attend un peu de le voir avant d'aller se coucher ! Une vraie terreur."

"Je ne suis pas une terreur !", protesta-t-il, mais vraiment il ne bernait personne.

"Quel mensonge éhonté," rétorqua Eren en lançant une attaque de chatouilles.

L'enfant explosa d'un rire incontrôlable et contagieux tout en essayant de repousser ses mains, s'attirant de nouveaux sourires.

"Il me fait penser à mon petit frère," murmura Jahan d'un air attendri.

"Est-ce que tu as une famille où retourner ?" demanda Eren en arrêtant sa torture, laissant Aslan essoufflé et les yeux brillants.

Le visage de l'oméga se ferma aussitôt et il garda les yeux fixés au sol.

"Mes parents m'ont vendu."

Un silence pesant s'abattit et Eren hocha simplement la tête. Ce n'était pas le premier qu'il voyait dans ce cas, et ce ne serait sans doute pas le dernier. Les omégas masculins étaient encore plus rares que les féminins et donc plus convoités. On pouvait facilement en tirer un bon prix.

"Malheureusement ça arrive. Ne t'inquiètes pas, tu seras bien traité à Rose."

"Quand partons-nous ?" s'enquit Mina.

"Amélia part demain avec Thomas. Pour Rose il va falloir attendre encore une semaine."

Jahan et Mina acquiescèrent mais Soraya garda les yeux baissés.

"J'ai réfléchi, je ne veux pas aller à Rose," déclara-t-elle soudain, "je veux rester ici et me battre à vos côtés."

Tout le monde se tourna vers elle, différents degrés de surprise inscrits sur le visage. Seul Aslan semblait imperméable et continuait d'essayer de grimper sur Eren. Mina fut la première à parler.

"Soraya, tu ne peux pas …"

"Je suis désolé mais ce n'est pas possible ," coupa Eren en remettant un Aslan boudeur sur ses genoux sans même lui accorder un regard.

"Et pourquoi pas ?"

"Tu ne sais pas te battre," répondit-il et sa figure se décomposa un peu, "On ne pourra pas te protéger."

"Parce que personne ne s'est jamais donné la peine de m'apprendre," rétorqua-t-elle avec colère.

Eren affronta son regard et sentit sa résolution fléchir. Elle lui demandait si être une oméga signifiait forcément rester faible, et la réponse n'était pas oui.

"Je peux t'apprendre la magie, mais ça prendra du temps," finit-il par soupirer, mais c'était suffisant pour que son regard s'illumine. "Demande à Mikasa pour les leçons de combat."

Sa sœur acquiesça sans problème et Soraya se leva avec un grand sourire.

"Maintenant ?" demanda-t-elle avec espoir et Eren s'apprêtait à lui dire qu'il faisait encore trop chaud mais Mikasa était déjà debout.

"Apparemment."

o O o

Livai sortit du bureau d'Erwin et poussa un soupir ennuyé. Il aurait aimé se rendre à la base d'Arkaïs dès le lendemain mais Erwin lui avait bien fait comprendre que c'était impossible. Les brigades spéciales étaient chargées du lieu et n'acceptaient pas d'intrus sans autorisation. Il fallait prévenir au moins deux jours en avance, obtenir la signature de Niles et faire un sacrifice humain une nuit de pleine lune. Ugh, Livai haïssait la paperasse, et il haïssait les brigades spéciales encore plus.

Lorsqu'il retourna à son bureau, il était vide. D'ailleurs tous ceux aux alentours l'étaient aussi, et pourtant il n'était que dix-sept heures. Quelles feignasses. En temps normal, il serait sans doute resté un peu -beaucoup- plus tard, mais il n'avait pas grand chose à faire. Erwin avait dit qu'il se chargerait de tout, et sans ses coéquipiers, il se voyait mal commencer quelque chose de nouveau. Et puis honnêtement, il était encore épuisé par son voyage et il n'y avait même pas de quoi se faire une tasse de thé dans cette station de merde.

Livai attrapa sa cape et son épée avant de quitter le bureau. Il était encore tôt, il aurait même le temps de faire un peu de ménage : la petite maison qu'on lui avait attribuée était propre en apparence mais il avait retrouvé de la poussière sur le rebord de la fenêtre et le tapis n'avait pas dû être battu depuis un bon moment.

La chaleur dehors était écrasante. Il faisait beaucoup trop chaud pour porter sa cape, et même sa chemise cintrée par un veston noir lui collait à la peau. Il avait pourtant pris l'uniforme le moins chaud possible mais il était évident qu'il n'était pas du tout prévu pour ce pays.

La première chose dans laquelle il allait investir serait un foulard, décida-t-il en regardant deux femmes passer devant lui avec un regard méfiant, leurs voiles colorés leur procurant un semblant de fraîcheur. Bien sûr il n'avait pas traversé le désert sans protection, mais celui qu'on lui avait généreusement offert était trop lourd, grattait, et n'était pas exactement de bonne qualité.

La deuxième chose serait une théière.

Si Rose était le pays du café, Maria était celui du thé. Et Sina était le pays de rien du tout mais ça c'était pas nouveau. Personnellement, Livai préférait le thé de loin, mais il n'avait jamais goûté celui d'ici, qu'on disait bien plus sucré.

Livai s'arrêta quand il sentit l'odeur des feuilles de menthe et regarda autour de lui à la recherche de végétation. Soit c'était le soleil qui le faisait délirer, soit la maison devant laquelle il venait de passer était un salon de thé.

Probablement la seconde option, vu les éclats de conversation et les tintements de verre qui s'en échappait. La porte était grande ouverte et une serveuse entra dans son champ de vision pour déposer un plateau de verres derrière le comptoir avant de repartir, les bras à nouveau chargés d'une théière et de verres propres. Livai entra.

o O o

"Tu bois encore ce truc dégueulasse ?"

Eren aurait bien aimé répliquer que ce n'était pas aussi mauvais que ça en avait l'air mais il ne put retenir une grimace en avalant la gorgée qu'il avait dans la bouche. C'était dégueulasse.

"C'est une question d'habitude," dit-il alors qu'il prenait ce thé depuis quatre ans et n'arrivait toujours pas à l'avaler sans avoir envie de gerber.

"Pourquoi tu te forces à prendre ce truc ?" demanda Jean en haussant un sourcil devant le liquide verdâtre encore fumant.

Très bonne question.

Eren poussa un soupir et passa nonchalamment une main par-dessus le dossier de sa chaise.

"Je te l'ai déjà dit," répondit-il en parcourant la pièce du regard, "c'est pour effacer mes phéromones."

La salle principale de Fi Malja était pleine à craquer en ce début de soirée. Des collègues de travail ayant terminé leur journée et venant se décontracter un peu, des couples, des familles. L'air embaumait le parfum du thé et l'ambiance était détendue.

"Je te rappelle que je vis avec des omégas traumatisés. Ne pas leur imposer mon odeur d'alpha en plus, ça s'appelle du tact."

"Donc tu bois cette immondice par tact ?" vérifia Jean d'un air sceptique.

Huuum… pas vraiment.

"Absolument."

S'il avait été un alpha, il n'aurait sûrement pas fait ce sacrifice parce qu'il aurait été comme Jean : un prétentieux qui ne pense qu'à lui. Oubliez ça, il n'aurait même pas sauvé ces omégas en premier lieu.

"J'ai jamais compris pourquoi tu m'aide à les délivrer, d'ailleurs," fit remarquer Eren en reprenant une gorgée.

Berk.

"Mikasa," répondit Jean sans aucune gêne.

"Tu sais que tu n'as aucune chance ?"

"Je sais, je sais, pas la peine de me le rappeler," marmonna-t-il en faisant tourner le fond de son verre, "Ce n'est pas pour ça que je suis resté de toute façon."

Eren l'observa quelques secondes : ses pommettes avaient légèrement rosi.

"Marco, hm ?"

"Si je dis que c'est pour la justice tu ne me croiras pas ?"

"Pas du tout. C'est bien trop dangereux pour que tu n'aies pas une autre raison."

"Ouais bah va te faire foutre" répondit Jean avant de vider son verre d'une traite et de le remplir à nouveau de thé à la menthe.

Wow. Quelle répartie.

"Tu mets beaucoup trop de sucres."

"Lâche moi la grappe Eren, t'es juste frustré de devoir boire ta bouillasse."

Le jeune homme reporta son regard sur son verre encore à moitié plein et grimaça. Il n'avait peut-être pas tort.

"T'en veux ?"

"Tu te fous de ma gueule ?"

Eren fronça les sourcils et prit la plus longue gorgée possible avant de l'avaler avec un frisson.

"Ça ne te ferait pas de mal pourtant."

"Ça veut dire quoi ça ?"

"Ça veut dire que tu ne contrôles pas du tout tes phéromones. Comme la plupart des alphas…"

"Et toi tu n'es pas comme la plupart des alphas j'imagine ?"

Eren haussa les épaules.

"Moi je bois ma "bouillasse"."

Jean laissa échapper un petit rire et étendit ses jambes dans l'allée. S'il avait fait ça sous la table, Eren lui aurait démoli les tibias.

"Tu penses que mes phéromones dérangent Marco ?" demanda-t-il après quelques secondes de réflexion.

"Oui."

Jean contempla le plafond si longtemps qu'Eren se demanda s'il n'y avait pas une tâche.

"File-moi ton verre."

"Quoi ?"

"J'ai dit, file-moi ton affreux thé là."

"Va t'en chercher un au comptoir," répliqua Eren en serrant son verre contre lui alors que Jean tendait la main.

"C'est toi qui m'as proposé !"

"Si tu veux que ce soit efficace, une simple gorgée ne suffit pas," répondit-il avant de finir le contenu de son verre et de le reposer bruyamment contre la table.

Enfin.

Eren discerna du coin de l'œil un nouveau client venant dans leur direction derrière lui.

"Dégage tes pieds, Jean. Tu bloques le passage."

"Merci," murmura l'homme en passant à leur hauteur et Eren sourit naturellement.

Cela faisait toujours plaisir de voir que certaines personnes continuaient d'être polies, surtout les alphas. Il devrait y en avoir plus des comme ça, pensa-t-il en portant son verre à ses lèvres, oubliant qu'il était déjà vide.

C'était avant qu'il ne lève la tête et ne croise le regard de l'homme. Eren vit ses yeux s'écarquiller en même temps que les siens et il abandonna immédiatement tout espoir de ne pas être reconnu.

Jean sembla comprendre qu'il se passait quelque chose mais Eren s'était déjà levé, faisant tomber sa chaise au passage. Ses doigts se refermèrent sur le manche de la dague qu'il gardait cachée dans sa tunique au même moment où l'homme portait la main à son épée.

C'était lui, le soldat de Khemia.

Comment n'avait-il pas remarqué son entrée ? Il était en uniforme complet, le salon de thé entier s'était tu à son arrivée. À part deux abrutis apparemment.

Eren évalua rapidement la situation. Tout le monde les regardait avec appréhension, les personnes les plus proches d'eux reculant lentement. Certains s'étaient levés, prêts à intervenir ou fuir si besoin. Eren eut une pensée pour son épée qu'il avait laissée derrière le comptoir. Ça lui aurait été utile là, mais les Maraniens n'avaient pas le droit de porter d'armes. Il aurait pu être arrêté si la police avait découvert sa dague.

Ils ne pouvaient pas se battre ici, il y avait beaucoup trop de monde. Et d'après ce qu'il avait vu, s'ils déchaînaient tous les deux leurs pouvoirs, le salon de thé finirait en miettes. C'était peut-être la raison pour laquelle aucun des deux n'avait encore dégainé. Pas comme s'il avait des chances de gagner avec sa dague minuscule de toute façon. Mieux valait fuir.

L'homme de Khemia lui bloquait les sorties mais la fenêtre était juste à côté. Dommage qu'elle ne puisse pas s'ouvrir.

Eren n'aimait pas la conclusion vers laquelle il se dirigeait. Ce genre de verre se cassait plutôt facilement mais formait des éclats très tranchants. Comment il le savait ? Demandez à Mikasa.

De plus, c'était bien beau de réussir à sortir du salon de thé, encore fallait-il être en mesure de fuir après. S'étaler dans la poussière couvert de sang juste après son saut n'était pas une option.

"Lâche ton ar…" commença le soldat mais Eren ne le laissa pas finir sa phrase. Il renversa la table d'un geste vif, priant pour qu'il se prenne la théière encore pleine de liquide brûlant, et sortit un talisman d'une poche intérieure. Il l'emplit d'énergie avant de le lancer sur la fenêtre.

Le bout de papier explosa et des morceaux de verre volèrent en éclat sous les cris des clients. Eren retint une exclamation de douleur lorsqu'il s'en prit dans les bras protégeant son visage. Tout n'était pas tombé mais l'ouverture était suffisamment grande pour qu'il passe sans trop de problèmes.

Eren entendit le soldat jurer derrière lui alors qu'il sautait par la fenêtre mais il ne se retourna pas.

o

Livai réussit à éviter la table de justesse et reconnut le talisman une seconde avant que la fenêtre n'explose. Il eut à peine le temps de déployer un charme bouclier pour protéger les clients derrière lui.

"Bordel !" jura-t-il alors que l'enfoiré sautait par la fenêtre.

Hors de question qu'il passe par là.

Livai fit immédiatement volte-face pour se ruer vers la porte mais tout d'un coup tous les clients étaient levés et lui bloquaient le passage l'air de rien.

"Laissez-moi passer," exigea-t-il en se frayant un chemin parmi la foule, mais c'était comme s'ils étaient soudain capables ni de le voir ni de l'entendre. Même s'ils ne comprenaient pas le sinayen, son ton était suffisamment clair.

Bordel gamin t'as de la chance qu'ils te couvrent.

Lorsqu'il réussit enfin à sortir du salon de thé, sa cible était nulle part en vue.

À suivre…


Et voilà pour le chapitre 2 ! J'espère qu'il vous aura plu ! Comme d'habitude, n'hésitez pas à lâcher un commentaire, ça fait toujours trop plaisir !

I noticed there are a lot of American readers, I don't know if you are French and live in America, or if you are reading this to learn French (I mean, that's mainly how I learned English so it works)? If you feel more comfortable leaving a review in English (or any other language), please don't hesitate to do so! Don't be shy! (Even though most of us are on this website because we are shy) I hope you can understand what's happening in the fic!

Merci encore d'avoir lu !

A+