Bonjour à tous !
Me revoilà pour le chapitre 3 ! Ça va commencer à devenir intéressant, il y a la première scène que j'ai imaginée pour cette histoire dans ce chapitre, j'avais hâte ! J'espère que ça vous plaira !
Réponse à Elendil : Un grand merci pour ta review ça me fait trop plaisir ! J'avoue que j'adore la relation entre Eren et Aslan, je suis trop contente que ce soit relevé. Oui, clairement la fenêtre il l'a sentie passer lol ಥ ‿ ಥ
Encore merci, j'espère que la suite te plaira !
Chapitre 3 : Sous le regard de la lune
Eren se tourna une nouvelle fois dans son lit avant de finir par balancer son oreiller à travers la pièce d'un geste rageur, et poussa un long soupir quand il entendit quelque chose s'éclater au sol. Quel débile. Encore un verre qu'il avait laissé traîner sur son bureau.. Sauf qu'il se rappelait très bien avoir tout descendu avant d'aller se coucher. Ce qui signifiait…
"Merde !"
Eren sauta de son lit et fit apparaître une petite flamme au bout de son index pour éclairer le champ de bataille qu'était devenue sa chambre.
"Merde merde merde," marmonna Eren en essayant d'éponger l'encre qui se propageait sur le tapis avec le premier papier qui se trouvait sous la main. Papier qui était en fait du parchemin super cher.
"Mais putain…"
Résigné à ne pas pouvoir sauver son tapis, il se saisit du tissu lui servant à essuyer l'encre qu'il se mettait régulièrement sur les doigts et essaya de sauver ce qu'il pouvait d'encre et de tapis. Pour le tapis, il pouvait toujours demander à Historia qui connaissait des bons talismans pour ça, mais l'encre de Sina était foutue.
Dégouté d'avoir ruiné les deux objets les plus précieux de sa chambre en l'espace de trois minutes, Eren abandonna son oreiller -lui aussi plein d'encre- par terre et sortit de sa chambre.
Ça faisait deux heures qu'il se tournait et retournait dans son lit sans trouver le sommeil, mais là c'était la goutte de trop : autant se lever et faire quelque chose de productif. Comme se servir dans la réserve d'alcool d'Annie.
Il referma la porte sans bruit et commença à descendre les escaliers. Seuls les rayons de la lune éclairaient l'intérieur de la maison, mais Eren n'avait pas besoin de lumière pour se repérer. Tout était calme à cette heure-ci, seul le bruit des criquets venait troubler le silence de la nuit. Enfin, presque.
Eren se figea et tendit l'oreille, jurant avoir entendu un bruit. Il avança avec précaution jusqu'au bout du couloir et poussa un petit soupir en découvrant l'auteure du bruit recroquevillée contre la porte de sa chambre.
Soraya leva la tête lorsqu'il s'approcha, et Eren s'arrêta à plus d'un mètre d'elle avant de s'accroupir à sa hauteur.
"Qu'est-ce que tu fais ici à cette heure ?" demanda-t-il gentiment, bien qu'il puisse s'en douter. La plupart des omégas mettaient beaucoup de temps à s'en remettre, s'ils s'en remettaient. Les cauchemars n'étaient qu'une partie du processus. En général ils ne sortaient pas dans le couloir cependant, mais Eren savait à quel point une chambre pouvait paraître étouffante. Sinon, il serait dans la sienne.
"Je pourrais te poser la même question," rétorqua-t-elle, mais sa voix manquait cruellement de force. Au moins était-elle dénuée de peur.
Eren sourit d'un air encourageant avant de se relever. Changement de plan pour ce soir.
"Viens avec moi, je veux te montrer quelque chose. Tu me fais confiance ?"
Soraya ne répondit rien pendant trois interminables secondes mais finit par saisir sa main tendue pour se relever, et Eren l'entraîna à sa suite vers l'escalier. La réserve d'Arak d'Annie attendrait. Il n'avait pas l'intention de saouler Soraya, c'était une très mauvaise habitude de se réfugier dans l'alcool. Très mauvaise habitude qu'il ferait mieux de perdre d'ailleurs.
À la place, il la fit monter jusqu'au dernier étage avant d'ouvrir une petite trappe logée dans le plafond.
Soraya regarda Eren galérer à pousser le panneau de bois avec anticipation et un peu de scepticisme. Elle ne savait pas où il comptait l'emmener mais elle espérait ne pas regretter de lui faire confiance.
Une fois la trappe ouverte, il se mit dans la position de la courte échelle, et elle n'hésita pas avant de placer son pied nu dans ses mains entrecroisées, prise d'une énergie soudaine. Elle se hissa sans difficulté sur ce qui semblait être le toit et fut immédiatement accueillie par une légère brise dispersant la lourdeur de cette nuit de juin. Les étoiles brillaient de mille feux au-dessus de sa tête, la lune aux trois quarts pleine berçait la ville de sa douce lueur argentée et Soraya sentit une partie du poids sur sa poitrine s'alléger.
Elle entendit Eren la rejoindre mais ses yeux restaient rivés sur le ciel. Quand elle les redescendit, le jeune homme était assis sur le rebord du toit et contemplait la ville endormie sous lui. Le couvre-feu était tombé depuis bien longtemps, et un silence paisible recouvrait Shiganshina.
"Je viens ici quand je n'arrive pas à dormir. Tu peux venir dès que tu en as besoin toi aussi."
"Je peux venir seule ?" demanda Soraya en venant s'asseoir à ses côtés.
"Bien sûr. Personne ne viendra t'embêter ici, j'ai mis une barrière autour du bâtiment au cas où," expliqua-t-il en désignant quelque chose au-dessus de leurs têtes qu'elle ne pouvait ni voir ni sentir.
Elle hocha la tête et redirigea son regard vers les étoiles, inspirant de grandes bouffées d'air frais. Ça avait quelque chose d'étrangement apaisant. Assise sur ce toit, elle pouvait presque oublier. Oublier l'odeur des alphas, oublier la sensation de leurs doigts sur sa peau.
"J'aime beaucoup la nuit," déclara soudain Eren, la faisant sursauter. Elle avait oublié qu'il n'était qu'à quelques dizaines de centimètres.
"Certains craignent la nuit parce qu'elle regorge de créatures qu'on ne peut pas voir, mais moi je ne crains pas la nuit, je crains les hommes. Et les hommes la nuit dorment."
Soraya ramena ses genoux contre sa poitrine et étudia avec curiosité le profil de l'homme à ses côtés. Elle n'avait pas peur, au contraire elle se sentait même rassurée par sa présence, et elle compris enfin pourquoi lorsqu'une douce odeur vint flotter sous son nez. Ce n'était pas le parfum acide habituel des alphas.
"Tu es un oméga," réalisa-t-elle, mais c'était plus une affirmation qu'une question.
Cette aura était très douce et apaisante, et aussi un peu triste. Soraya ne se rendait compte que maintenant qu'il l'avait distillée dès le début sans même qu'elle ne s'en aperçoive. Le confort de l'odeur d'un autre oméga était incomparable.
"Ne le dis pas aux autres," répondit-il simplement et ils retombèrent dans un silence paisible. Soraya observa les rues silencieuses sous ses pieds pendant quelques minutes avant de ressentir le besoin de parler.
"Je suis terrifiée."
Eren inclina légèrement la tête pour lui montrer qu'il écoutait mais ne la regarda pas, et Soraya lui en fut reconnaissante. C'était plus facile comme ça.
"Toutes les nuits je rêve d'eux, de tous ceux qui m'ont fait du mal. Dès que je me réveille, j'ai l'impression d'être encore là-bas, que ça ne va jamais s'arrêter. Que ça ne va jamais s'améliorer, que je vais mourir avant d'avoir retrouvé la liberté…"
Sa voix s'était éteinte sur la dernière phrase, et quand elle reprit, elle sonnait un peu étranglée :
"Des fois j'aimerais juste… comprendre. Quel besoin ils avaient de nous faire du mal, de nous humilier comme ils l'ont fait. Pourquoi ils nous ont fait ça ?"
Eren fit un petit bruit d'acquiescement, comme s'il voyait, avant de finalement répondre :
"Ça ne sert à rien d'essayer de deviner ce qu'ils pensent. Si tu n'arrives pas à les comprendre, c'est parce que tu n'es pas comme eux."
"Mais ils… ils devaient avoir une raison ?"
"Non Soraya, ces gens ont été élevés dans une mentalité différente de la tienne. Pourquoi il a fait ça, pourquoi je n'ai rien fait pour l'en empêcher ? Ces questions n'ont pas de sens."
Soraya ouvrit la bouche mais Eren la coupa.
"Je sais ce que tu penses, mais tu ne pouvais rien faire, et même si c'était le cas, rien de tout cela n'est de ta faute mais de la leur."
"J'aurais pu essayer de m'échapper."
Eren tourna enfin son regard vers elle et la regarda pendant quelques instants.
"Alors pourquoi ne l'as-tu pas fait ?" demanda-t-il simplement et Soraya crut qu'elle avait mal entendu.
"Quoi ?"
"C'est vrai tu aurais pu essayer, alors pourquoi ne l'as-tu pas fait."
"Mais ! Mais parce que j'avais peur !" se défendit-elle avec colère.
Et puis quoi encore ! C'était plus facile à dire qu'à faire !
"Exactement. Soraya, ce n'est pas un vrai choix. Tenter de s'échapper est très dangereux, et j'en ai vu beaucoup qui sont morts pour bien moins que ça. Ça demande beaucoup de courage de mettre sa vie en jeu, même si on sait très bien que si on reste, les chances d'y passer sont aussi très fortes. Alors on préfère attendre. Et regarde, tu as attendu et maintenant tu es libre."
"Ce n'est pas un vrai argument. Combien d'omégas vont crever sans que vous puissiez les délivrer ?" rétorqua-t-elle et elle regretta de s'en être pris à Eren quand elle vit son regard s'assombrir.
"C'est vrai," reconnut-il, "mais tu ne devrais pas culpabiliser d'avoir voulu te protéger. La seule personne que je connais qui a réussi à s'échapper d'elle-même en a payé le prix fort," murmura-t-il en passant distraitement une main derrière son oreille et Soraya vit l'ombre d'un tatouage courir se dissimuler derrière ses cheveux.
Soraya ne répondit rien, préférant se perdre dans ses pensées. Au fond d'elle, elle savait qu'il avait raison : elle n'avait rien pu faire, et tenter de s'échapper aurait sûrement terminé en massacre. Mais le savoir n'était pas suffisant pour effacer cette culpabilité qui l'avait dévorée à petit feu.
"Quand est-ce que je commence à apprendre la magie ?" demanda-t-elle et Eren lui glissa un regard amusé.
"Ce n'est pas avec quelques leçons de magie que tu vas pouvoir venir délivrer des omégas avec nous. Peut-être même que Maria sera délivrée avant que tu ne sois prête."
"Quoi ? Ça va prendre tant de temps que ça ?"
"Entre vingt et trente ans d'apprentissage je dirais… ?" répondit-il et Soraya fit une sale tête.
"Tu te fous de ma gueule ?!" s'écria-t-elle avant de remarquer qu'il se retenait de rire et oui, clairement, il se foutait de sa gueule. "Plus sérieusement, combien de temps ?"
Eren lui offrit un sourire et haussa les épaules.
"Je sais pas vraiment, ça va dépendre de toi, mais sans doute quelques années au moins," répondit-il.
Il avait vu Elena devenir un prodige en quelques mois, et d'autres ne jamais parvenir à allumer la moindre petite flamme. Mikasa pouvait tous les battre à plate couture en combat rapproché, mais la magie n'avait jamais été son truc. Il avait le sentiment que Soraya serait plutôt douée cependant. Il pouvait déjà sentir son énergie spirituelle dormante.
"Je t'apprendrais dès que je pourrais," reprit-il, "j'ai juste quelques problèmes à régler d'abord."
Soraya hocha la tête d'un air déterminé avant de s'allonger pour mieux regarder les étoiles, un air satisfait sur le visage.
Eren sourit, heureux de la voir plus appaisée, avant de baisser les yeux sur la ville, laissant le vent lui caresser le visage.
Ses "problèmes à régler" se concentraient sous la forme d'un certain soldat Sinayen, qu'Eren avait appris s'appelait Livai. Étonnement, il n'était pas revenu au salon de thé. Eren avait évité de s'y montrer pendant une semaine, et même lorsqu'il y était retourné, il était toujours prêt à se cacher.
Pourtant, Annie l'avait assuré que le soldat n'avait pas refait son apparition. Peut-être s'était-il dit qu'Eren ne ferais pas l'erreur de revenir une seconde fois au Fi Malja. Et c'est sûrement ce qu'il aurait fait s'il n'y vivait pas.
De son côté, Eren avait fait le tour des bases militaires de Shiganshina -et il y en avait au moins quinze- en commençant par celles proches du salon et il avait rapidement repéré Livai. Il faisait partie du bureau d'investigation, et Eren avait cru comprendre qu'il enquêtait sur la Faucheuse -ouch- et il rentrait souvent assez tard. Ça rendait son travail plus facile. Il ne pouvait absolument pas se permettre de laisser en vie un soldat connaissant son identité dans la même ville que lui. Ils finiraient forcément par se recroiser un jour ou l'autre, et Eren n'aurait pas toujours autant de chance ; Livai n'avait pas l'air d'être le type de personne facile à semer.
Cette fois, il n'était pas le seul en danger. S'il se faisait prendre, c'était toute sa famille qui risquait de perdre la vie.
Même Aslan. Rien que de penser que des gens étaient assez inhumains pour massacrer un être aussi innocent qu'un enfant de quatre ans lui donnait la nausée, et pourtant il avait déjà assisté plusieurs fois à ce spectacle macabre. Il savait de quoi était capable l'armée de Sina. C'était pourquoi il devait se battre.
Il tuerait Livai la nuit suivante.
o O o
"De toute façon, ton job c'est pas Heidan, c'est la Faucheuse," conclut Hanji en faisant glisser l'huile de lin sur la table. Livai réceptionna la bouteille avant d'en verser un peu sur un chiffon en laine de fer.
"Je sais bien, mais je l'avais à portée de la main, et il a réussi à se faire la malle," marmonna-t-il avec un soupir de frustration. Il ne supportait pas ce genre d'ordure, et il avait été si proche de lui mettre la main dessus, pensa-t-il en commençant à huiler avec attention son épée. Ils étaient descendus à la salle d'entraînement pour se défouler un peu, mais au final ça avait plutôt été lui qui détruisait des mannequins pendant qu'Hanji parlait, refusant d'être son adversaire.
"Laisse les gens sur Heidan s'occuper d'Heidan, et préoccupe toi de ta propre mission. Crois-moi, ils sont déjà bien trop motivés," dit-elle avec une grimace, et Livai espérait que ça ne signifiait pas qu'ils n'en foutaient pas une.
Avec un froncement de sourcil, il retourna à l'inspection de son épée, levant la lame devant ses yeux à l'affût de la moindre trace de rouille. Il allait la ranger dans son fourreau quand un groupe de soldats fit son entrée dans la salle, autrement déserte à cette heure.
"...et elle a eu l'audace de demander une compensation financière," s'exclama l'un d'eux avec arrogance, et Livai sentit immédiatement que ce n'était pas le genre de personne qu'il appréciait particulièrement.
"Il faut dire que t'abuses un peu de ta jolie petite gueule," répondit une alpha en posant son épée sur la table avant d'aller chercher des protections.
"Vous êtes juste jaloux ! Avouez quand même que c'est beaucoup plus drôle que de simplement se ramener dans une maison de réconfort."
Livai échangea un regard avec Hanji, qui suivait elle aussi la conversation avec attention, et ils se dirigèrent rapidement vers la sortie. Les soldats qui abusaient de la position de faiblesse des omégas le dégoûtaient.
"J'en ai déjà repéré un nouveau, je sens que je vais m'amuser…"
"Déjà ? Tu perds pas ton temps charmeur," taquina un troisième et Livai claqua la porte. Il ne voulait pas entendre la suite de la conversation. Trop souvent, les omégas étaient considérés comme des trophées, ou des bouts de viande, ou même des esclaves. Hanji aussi avait de la colère dans les yeux, mais ils savaient tous les deux qu'ils n'étaient pas en majorité. D'où son inquiétude sur les soldats chargés d'enquêter sur Heidan. Il craignait que s'il ne s'en chargeait pas, cette petite organisation continuerait d'exister encore longtemps.
"Je rentre," annonça-t-il à Hanji qui était en train d'espionner le petit nouveau en train de galérer avec une théière. C'était étonnant qu'il reste encore des gens si tard le soir.
"Hm, il faut encore que j'aille voir Erwin de mon côté."
C'était moins étonnant qu'Erwin soit encore là si tard le soir. À tous les coups, il avait même pas mangé.
"Je te retiens pas."
"Oh si ! Retiens-moi s'il-te-plaît, il est de super mauvaise humeur en ce moment, j'ai pas du tout envie d'aller le voir."
"T'inquiète pas, il a pas envie de te voir non plus," rétorqua-t-il alors qu'ils arrivaient à leur bureau. Il attrapa sa veste alors qu'Hanji alla s'affaler sur sa chaise.
"Il sera peut-être pas une si mauvaise compagnie, comparée à la tienne."
"Sûrement," répondit Livai avec un dernier geste de la main.
"À demain !"
Livai répondit d'un hochement de tête et referma la porte. Ils n'étaient pas prêts de l'admettre, mais ils savaient tous les deux que l'autre était la personne qu'ils supportaient le mieux dans cet endroit. À l'exception peut-être de Pétra, mais tout le monde aimait Pétra.
Il fut accueilli par une brise fraîche lorsqu'il sortit dehors et il inspira l'odeur du soir à plein poumons. Tout était calme, le soleil s'était couché depuis un peu moins d'une heure et les étoiles avaient déjà fait leur apparition. Les rues étaient quasiment désertes, seuls quelques habitants se hâtaient de rentrer chez eux avant le couvre-feu.
Il salua au moins deux patrouilles sur le chemin avant de s'écarter de l'axe principal. Le ciel commençait à virer noir de jais, mais il n'était pas inquiet. Bien qu'il n'habite pas tout près du quartier général, ça ne le dérangeait pas de marcher, et encore moins la nuit, quand tout était si paisible.
Il passa devant la place du marché, longea le temple et s'enfonça un peu plus dans les quartiers silencieux de la ville. Les ruelles étaient plus étroites, le sol difficile à distinguer, mais Livai savait déjà où se situaient les petites marches le long de cette rue et son pas était aussi assuré que de jour.
Il repensa à la conversation qu'ils avaient entendu et ça l'agaça. Les maisons de réconfort était un dernier recours pour les omégas qui en avaient désespérément besoin, mais il n'était pas particulièrement convaincu par l'idée. On devrait leur accorder un toit et de la nourriture sans contrepartie. Certains disaient que c'était toujours mieux que de les laisser dans la rue, à la merci des trafiquants, mais-
Livai se figea. Il jurait avoir entendu un bruit métallique.
Il attendit, tous ses sens en alerte, pendant presque deux minutes avant de s'autoriser à se détendre. Il devenait parano, pensa-t-il en reprenant sa marche.
À peine avait-il posé le pied sur le pavé qu'un cercle magique vert d'au moins un mètre de diamètre illuminait le sol sous lui. Son premier réflexe fut de reculer mais ses pieds refusèrent de bouger, collés au sol.
Mais qu- au-dessus !
Livai dégaina son épée en un clin d'œil alors qu'une ombre fondait sur lui depuis le toit à sa droite. Il parvint à dévier l'attaque au dernier moment malgré son déséquilibre alors que son agresseur sautait en arrière. L'homme avait un foulard autour de la tête mais Livai reconnut tout de suite ses yeux verts si singuliers.
Bien sûr. Qui d'autre ?
Livai détruisit le cercle au sol d'un coup d'épée et ses jambes retrouvèrent leur mobilité. Il n'avait encore jamais vu ce type de talisman, mais il avait failli suffir à le supprimer. Il reviendrait définitivement l'étudier plus tard, peut-être même avec Hanji.
Mais pour l'instant il avait un autre problème à gérer, pensa-t-il en posant son regard sur l'homme qu'il lui faisait face. Cet enfoiré n'aurait jamais dû sortir de son trou.
o
Eren jura sous son foulard. Il avait tout misé sur cette attaque. La suite s'annonçait bien plus difficile maintenant. Si seulement il avait réussi à combiner un talisman tueur ou même un explosif avec le détecteur d'énergie… Il avait tout fait pour développer des doubles talismans, mais c'était encore loin d'être parfait. Jusque là il s'en servait principalement pour récupérer l'humidité de l'air et la faire chauffer en même temps pour faire du thé. Bon Eren, essaie de survivre d'abord, et après tu pourras te préoccuper de ton putain de thé.
Livai n'avait pas bougé, et ils ne se quittaient pas des yeux, chacun attendant que l'autre fasse le premier pas. Eren considéra tout simplement prendre la fuite, mais il doutait pouvoir semer Livai facilement, et ne voulait se servir d'un talisman de téléportation qu'en cas d'extrême urgence…Il n'avait toujours pas regagné toute son énergie depuis la dernière fois.
Même sans ça, fuir n'était pas vraiment une option. Il avait passé la semaine à traquer Livai, repérer le chemin qu'il empruntait et ses horaires. S'il ne s'en débarrassait pas maintenant il serait bien plus sur ses gardes et donc bien plus difficile à éliminer. Non, il devait en finir maintenant avec lui. Chaque nouveau jour qu'il passait en vie était un risque pour Eren.
Livai fit un pas en avant et Eren transmit le plus d'énergie possible dans son épée juste à temps pour contrer la sienne. Le choc les força tous les deux à reculer et Eren eut à peine le temps de retrouver l'équilibre que Livai repartait à l'assaut. Il esquiva et parvint à lui égratigner le bras mais sentit sa cuisse le piquer en contrepartie. Il n'osa pas détourner les yeux de Livai pour regarder, mais ça ne devait pas être une coupure très profonde. Ils s'échangèrent d'autre coups, mais chaque fois il parvenait à parer ou esquiver, et après quelques minutes, seules leurs respirations saccadées et quelques entailles dans les murs indiquaient qu'un duel à mort était en train d'avoir lieu. Chaque attaque était d'une rapidité et d'une précision redoutable mais son corps tenait mieux prévu, son énergie spirituelle guérissant coupures après coupures. C'était fatiguant, mais moins que s'il se laissait perdre trop de sang. Pour l'instant, ils n'avaient fait que se rendre coup sur coup, et le combat commençait à s'étirer sans que Livai ne parvienne à prendre le dessus. Pourtant, Eren savait qu'il ne pourrait pas gagner s'ils continuaient comme ça. Ses jambes commençaient à légèrement trembler et sa concentration faiblissait. Une nouvelle attaque l'obligea à pousser son énergie dans ses jambes pour sauter sur le toit d'à côté, et le combat se poursuivit dessus alors que Livai le rejoignait sans effort apparent.
Il dévia une nouvelle attaque et jeta un coup d'œil inquiet au bord du toit pas si loin derrière lui. Il ne devait pas poursuivre le combat ici.
Livai n'avait pas atteint la même conclusion car il repartit à la charge, l'obligeant à reculer rapidement. Son pied glissa sur une tuile mais il réussit à retrouver rapidement l'équilibre et frappa Livai de toutes ses forces sur le côté du crâne avec son pommeau, l'envoyant s'écraser sur le toit. Il devait vite en finir. Il se jeta sur lui pour le désarmer mais Livai se releva beaucoup trop rapidement et réussit à le repousser avec force. Comment ? Pris par surprise, Eren esquiva difficilement, et un moment de déséquilibre suffit à Livai pour le pousser d'un coup de pied du bord du toit. Il bascula dans le vide, et avec lui l'issue du combat.
C'est fini, pensa-t-il en roulant en arrière deux mètres plus bas. À peine s'était-il relevé que Livai était sur lui et le désarmait, envoyant son épée valser une dizaine de mètres plus loin. Il tenta de sortir un talisman mais Livai lui saisit le poignet et le plaqua contre le mur sale de la ruelle, son épée pressée contre sa gorge. Merde, merde, merde.
Son premier réflexe fut d'essayer de faire flamber les doigts de Livai mais dès qu'il essaya de pousser son énergie spirituelle dans son poignet, il sentit un vide effrayant l'envahir, et il ne mit pas très longtemps à comprendre ce qui se passait : Livai absorbait son énergie dès qu'elle quittait son corps. Et s'il ne se trompait pas, il avait dû utiliser son énergie spirituelle pour absorber son coup au crâne, chose quasiment impossible sans talisman. Eren laissa aller sa tête contre le mur et ferma les yeux pour essayer de masquer sa panique. Son oreille droite commença à bourdonner et il prit une grande inspiration malgré l'épée qui lui égratignait la gorge. Il devait absolument se calmer : s'il essayait de se dégager, Livai lui trancherait la gorge sans hésiter.
Eren rouvrit les yeux et essaya de lui faire comprendre du regard à quel point il le haïssait, et Livai le lui rendit bien.
"Qu'est-ce que t'as fait des omégas ?" demanda-t-il finalement en resserrant sa prise sur son poignet, et s'il continuait comme ça, il allait lui couper la circulation. "Dis-moi où ils sont."
Eren le foudroya du regard mais ne répondit rien et Livai dut croire qu'il ne le comprenait pas car il répéta sa question dans un Maranien très approximatif :
"Les omégas. Où… ?"
Eren décida d'abréger sa souffrance en lui répondant en Sinayen d'un ton sec.
"Va te faire foutre".
Cela lui valut un froncement de sourcils et une entaille au cou. La pierre était dure dans son dos et à l'arrière de son crâne, l'empêchant de reculer. Un seul faux mouvement et Eren pouvait dire adieu à sa tête.
"Écoute-moi bien gamin," reprit-il en Sinayen, "j'ai aucune patience avec les raclures dans ton genre. À qui les as-tu vendus ?"
Eren aurait ri s'il n'y avait pas eu cette épée plaquée contre sa gorge.
"Vendus ?" répéta-t-il d'un air ahuri, rapidement suivi d'une grimace, "c'est votre boulot ça, non ?"
Livai plissa les yeux, et Eren aurait juré qu'il se retenait de ne pas le découper en rondelles tout de suite. Peut-être qu'il devait s'acheter un nouvel instinct de survie.
"Ces omégas sont bien mieux où ils sont maintenant, crois-moi", ajouta-t-il sans le quitter du regard.
Il devait gagner du temps, parce que contrairement à ce que pensait Livai, ce n'était pas parce qu'il n'avait pas d'énergie spirituelle qu'il était sans défense.
La magie noire était formellement interdite dans la plupart des pays, que ce soit Maria ou Sina, et pour de bonnes raisons. Premièrement, parce qu'elle pouvait gravement affecter celui qui la pratiquait, mais aussi parce qu'elle était très difficile à maîtriser. Une personne touchée était une personne morte, peu importe qu'elle soit alliée ou ennemie. Eren l'avait appris par la manière forte.
Au lieu de se nourrir de l'énergie spirituelle, cette magie absorbait toute celle créée par les mauvais sentiments tels que la haine, la colère, la vengeance et la rancœur. Et ce genre de sentiments, les quartiers de Shiganshina en étaient remplis. Eren pouvait les sentir autour de lui, s'amasser vers le talisman de sang tracé sur la paume de sa main droite et dissimulé sous sa mitaine sans que Livai ne s'en aperçoive.
Personne n'était dehors à cette heure, s'il l'utilisait maintenant, seul Livai serait touché. Quant à l'autre conséquence, la tâche sombre qu'il dissimulait sous ses vêtements était la preuve que ce n'était pas ça qui l'arrêterait. Utiliser la magie noire ou mourir, son choix était vite fait.
"Ils sont mieux dans une maison de réconfort que trafiqués aux pires gens," rétorqua Livai et Eren ne put retenir un rire amer cette fois.
"Les soldats Sinayens sont les pires gens. Ces omégas dont tu parles sont violés du matin au soir, battus à mort s'ils ne sont pas tués par les maladies ou la faim avant ! Y a-t-il vraiment pire que ça ? Où est la protection que leur promet l'armée ?!" s'insurgea Eren, mais il n'avait pas besoin d'entendre la réponse.
Il avait accumulé assez d'énergie dans sa main, il ne lui restait plus qu'à la laisser se déverser et Livai serait frappé de plein fouet. Il pouvait faire ses adieux.
"Je vous en supplie !" retentit tout à coup une voix en Sinayen sur sa gauche, et ils se tournèrent tous les deux vers le bout de la rue.
"Je vous en supplie," répéta Soraya en resserrant ses doigts autour du foulard hâtivement jeté sur ses épaules, "laissez-le partir !"
Bordel de merde, pensa Eren en absorbant toute l'énergie noire qu'il avait accumulée dans un frisson, se faisant violence pour ne pas s'effondrer. Il ne pouvait pas la retenir plus longtemps, et il lui était désormais impossible de la relâcher dans la rue.
"Mais qu'est-ce que tu fais là ?!" s'écria-t-il d'une voix un peu cassée, et Soraya tourna son regard auparavant planté dans celui de Livai vers lui, "Dégage ! Il est dangereux !"
La jeune femme sembla hésiter mais ne recula pas, s'adressant à nouveau à Livai :
"S'il-vous-plaît, cet homme n'a rien fait de mal !"
"Il n'a rien fait de mal ?" se récria Livai, "il capture des omégas pour les revendre !"
"Pas pour les revendre, il les libère !" le défendit Soraya, et Eren ne savait pas ce qu'elle croyait être en train de faire, mais il devait vite la faire partir d'ici. "Je suis oméga moi aussi, et c'est lui qui m'a sauvé. Alors je vous en prie, laissez-le partir !"
"Qu'est-ce que tu n'as pas compris, il ne va pas t'écouter !" cria-t-il en Maranien et Livai lui enfonça un peu plus la lame de son épée dans le cou, mais ça ne l'empêcha pas de continuer. "Ce mec est un des connards qui t'ont abusée ! Barre-toi !" lui hurla-t-il dans l'espoir de lui faire comprendre la situation, mais Livai le contredit en reportant son attention vers lui.
"C'est vrai, ce qu'elle dit ?"
Eren se retint de lui cracher à la gueule.
"De quoi, qu'elle est oméga ?"
"Que tu les libères ?"
Pendant une fraction de seconde, Eren crut apercevoir du doute dans les yeux de Livai, mais celui-ci avait légèrement baissé sa garde en parlant et il n'allait pas manquer cette occasion. Il replia sa jambe et repoussa Livai d'un violent coup de pied dans les côtes avant de courir vers Soraya, s'arrêtant à peine pour récupérer son épée au sol.
Soraya poussa un petit cri quand il l'attrapa pour la placer sous son bras, mais se cramponna à lui. Il laissa tomber un talisman barrière qui ne devrait pas retenir Livai plus de quelques secondes, mais celles-ci pouvaient faire une différence. Avec Soraya sous le bras, s'il décidait de les prendre en chasse, leurs chances de fuite avoisinaient les zéros. Et un talisman de téléportation demandait bien trop d'énergie pour une seule personne alors pour deux ! Il ne savait même pas si c'était possible.
Eren s'accroupit, son fardeau toujours sous le bras, et effleura les talismans tracés au khôl sur ses chevilles. Ceux-ci se mirent aussitôt à luire d'une douce lueur bleue et il s'élança de toit en toit.
Eren osa jeter un regard en arrière, s'attendant à voir Livai à sa poursuite, mais il n'avait pas bougé. Il n'avait même pas essayé de briser sa barrière de merde, les regardant juste partir au loin.
Eren fronça les sourcils mais ne ralentit pas. Il essaierait de comprendre ce qu'il se passait dans la tête de cet homme quand ils seraient en sécurité.
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"Tu es complètement folle !" s'écria Eren une fois qu'ils furent de retour au salon de thé.
"Mais ça a marché ! Si je n'avais pas été là, tu serais mort !"
Eren se pinça l'arrête du nez et se força à respirer lentement.
"J'aurai trouvé un autre moyen pour m'en sortir. Pourquoi tu m'as suivi ?"
"Je voulais savoir ce que tu allais faire dehors au beau milieu de la nuit malgré le couvre-feu."
"Et donc tu t'es dit : et si je le suivais dans un endroit sûrement dangereux, alors que je ne sais pas maîtriser la magie, que je n'ai pas d'arme, -"
"J'ai ça !" s'exclama-t-elle en brandissant la plus petite dague qu'Eren ait jamais vu.
Soraya dut comprendre à son regard à quel point son "arme" était ridicule.
"Soraya, ce que tu as fait était stupide."
"Mais ça t'a sauvé la vie !"
"Et ça a détruit la tienne ! Ce soldat m'a découvert, et je n'arrive pas à le battre ! Ce n'est qu'une question de temps avant que je ne me fasse attraper, et toi tu viens de peindre une grosse croix sur ton dos en essayant de me défendre !"
"Mais… j'ai l'impression qu'il n'était pas quelqu'un de mauvais," essaya Soraya d'un air hésitant et Eren n'arrivait pas à croire qu'elle était sérieuse.
"C'est un soldat Sinayen ! Bien sûr qu'il est mauvais !"
"Ils ne sont pas tous comme ça," affirma-t-elle avec un peu plus de fermeté.
"Ah oui ?" fit semblant de s'étonner Eren, "Tu parles de qui là ? Ceux qui t'ont violée ou ceux qui te tenaient pour t'empêcher de te débattre ?"
Il regretta ses mots à peine avaient-ils franchi la barrière de ses lèvres mais il était trop tard pour les ravaler. Les épaules de Soraya s'affaissèrent et elle baissa le regard, ses mains se crispant autour de son foulard.
Toute la colère d'Eren s'évanouit, remplacée par la culpabilité. Il était vraiment un enfoiré.
"Pardon, je me suis emporté, je n'aurais pas dû dire ça."
"Non tu as parfaitement raison," répondit-elle d'un ton glacial, "ce sont tous des connards et on devrait tuer tous les Sinayens. Tous les alphas même, tant qu'on y est ! Sur ces merveilleux plans, je vais me coucher."
"Ce n'est pas ce que j'ai dit," se défendit Eren mais Soraya était déjà en train de partir.
"Et au fait Eren, si je suis encore en vie c'est grâce à un soldat Sinayen qui m'apportait de la nourriture et me faisait la conversation au lieu d'abuser de moi," ajouta-t-elle d'un ton sec avant de quitter définitivement la pièce.
Bien joué Eren.
Il l'entendit monter l'escalier avant de se laisser glisser par terre et soupira. Il porta une main à son cou et grimaça quand elle revint poisseuse de sang. Il avait dû en étaler partout, mais il n'avait pas la force de se relever pour nettoyer. Les différentes coupures qu'il n'avait pas pu guérir commençaient à le piquer, mais ça lui semblait bien insignifiant comparé à la certitude qu'il était en train de mettre en danger tous ceux qu'il aimait.
À suivre…
Fin du chapitre 3 ! On va pas se mentir, Eren est pas bien là. En vrai, heureusement que Soraya était là parce que sinon on pouvait envoyer le générique de fin ^^
J'espère que ça vous aura plu, à mardi prochain !
