Granger
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Voilà plusieurs jours qu'Hermione attendait une réponse de Ron à son propre courrier. Elle n'avait pas besoin d'un parchemin de trente centimètres mais un remerciement pour les gâteaux qu'elle lui avait envoyé serait la moindre des choses. Mais rien. Harry essayait de la rassurer comme il pouvait en lui disant que lui non plus n'avait rien eu depuis septembre. Mais ce n'était pas pareil, ils correspondaient moins souvent entre eux, alors qu'Hermione lui avait déjà envoyé de nombreuses lettres ! Et elle était sa petite amie bon sang ! Ils s'étaient promis de communiquer un maximum pour entretenir leur couple et ça faisait plus de trois semaines qu'elle n'avait rien reçu de sa part. Deux courriers qu'elle avait envoyé restés sans réponse. Elle essayait de se rassurer en se disant qu'il travaillait sûrement beaucoup, qu'il n'avait pas eu le temps.
Toutefois le doute s'insinuait en elle. Et s'il n'éprouvait plus rien pour elle maintenant qu'elle était loin ? Et s'il avait rencontré quelqu'un d'autre ? Après tout, qu'est ce qui pouvait vous occuper au point de ne pas envoyer un mot de remerciement à votre petite copine ? Ça prenait cinq foutus minutes ! De toute façon, Ronald avait toujours été ainsi : par moment tout allait bien et le lendemain c'était fini. Il faisait la tête pour des broutilles. C'était un vrai gamin.
Hermione rongeait son frein dans son coin, près de la cheminée de sa salle commune quand un élève de troisième année vint l'aborder.
— Excusez-moi ?
— Quoi ? aboya Hermione.
— Euh.. Je… C'est… ProfesseurMcGonagallveutvousvoirdanssaclasseMadame… euh Miss.
Et il détala immédiatement.
— Non ! Attends ! Je suis… désolée…
Mais il était déjà trop loin pour l'entendre. Même s'il avait lâché sa phrase à une vitesse ahurissante, Hermione avait saisi l'essentiel. Elle se leva donc à contre cœur de son confortable fauteuil et entreprit de rejoindre la classe de métamorphose.
Elle avait une petite idée du sujet de sa convocation. L'incident avec Daphnée Greengrass, le week-end dernier, avait provoqué pas mal de grabuge et la directrice avait été très occupée.
D'abord, il avait fallu être auprès de Daphnée qui avait mis deux jours pour se remettre du choc et réussir à quitter l'infirmerie. Par le même temps, McGonagall devait punir les élèves dont la jeune femme avait été la victime. Les plus jeunes reçurent donc des heures de colles, tandis que les trois plus vieux furent renvoyés de l'école. Ensuite, elle avait dû gérer les plaintes des parents ; ceux qui avaient peur pour leur enfant et ceux dont les enfants étaient punis. Une véritable épreuve de patience et de force de caractère. Heureusement, le professeur McGonagall possédait les deux.
Désormais, il était temps de remercier les « héros ». Hermione ne fut donc pas surprise de trouver Drago Malefoy, vêtu de sa tenue de Quidditch, assis en face de la directrice quand elle entra dans la salle de classe.
— Bien ! commença McGonagall. Je pense que vous savez pourquoi je vous ai convoqué et je tenais d'abord à m'excuser de ne pas l'avoir fait avant. Je voulais donc vous remercier pour ce que vous avez fait le jour où Miss Greengrass a été attaqué. Vous avez fait preuve de courage et de bon sens. J'accorde cinquante points à la maison Gryffondor et cinquante points à Serpentard.
Hermione se sentit rougir et s'agita sur sa chaise, elle n'avait certainement pas défendu Daphnée pour les points, mais il était toujours agréable d'être reconnu à sa juste valeur.
— Merci, professeur.
À ses côtés, Drago n'esquissa pas un geste, pas un son, imperméable aux marques de flatterie.
— Avez-vous des questions ou des inquiétudes à propos de ce qu'il s'est passé?
Les deux élèves secouèrent la tête.
— Bien, alors je ne vous retiens pas plus longtemps, je crois savoir que Monsieur Malefoy a un entrainement de Quidditch de prévu.
— C'est exact, affirma le blond.
Et celui-ci se leva prestement, visiblement pressé de quitter l'endroit. Malefoy ne cachait pas son antipathie pour les deux femmes présentes et ce comportement avait le don d'hérisser les poils d'Hermione. Comment pouvait-il se montrer si irrespectueux envers leur directrice? Il était exaspérant.
Hermione suivit le mouvement, et se leva à son tour. Malefoy quant à lui avait déjà atteint la porte.
— Une dernière chose… (Hermione et Drago se retournèrent.) Je vous avoue que j'ai été… surprise de vous retrouver combattre ensemble, et non l'un contre l'autre. Vous avez formé… une bonne équipe.
Le regard entendu que la professeure Mcgonagall adressa à Hermione sur sa dernière phrase était on ne peut plus clair. Un rapprochement entre elle et le Serpentard était favorable. Mais Minerva McGonagall ne connaissait pas tous leurs antécédents. Hermione afficha un sourire circonspect.
— Euh… Merci.
Et elle suivit Malefoy vers la sortie. Ce dernier marchait déjà dans le couloir, balai en main. Elle trottina derrière lui.
— Malefoy !
Il se tourna vers elle, sourire aux lèvres. Le cœur d'Hermione loupa un battement. Elle n'avait pas l'habitude qu'il lui soit adressé. Même si son sourire était sarcastique, il changeait de la moue de dégoût qu'il arborait continuellement en sa présence.
— Oui mon équipière, que puis-je pour toi?
Quand elle fut assez proche pour lui parler sans hausser la voix, elle lui demanda:
— Comment va Daphnée ?
Malefoy haussa un sourcil, interloqué par sa question.
— Pourquoi ne pas lui demander directement ?
— Parce que… Je ne me sens pas vraiment légitime à aller la voir, je veux dire, nous ne sommes pas amies. Nous ne nous connaissons même pas.
— Parce que nous oui ?
Malefoy afficha de nouveau son sourire moqueur.
— Je… Eh bien, non. Mais tu es là alors… Oh et puis, laisses tomber ! (Hermione se mit à marmonner) C'est dingue d'être aussi obtu !
Elle fit mine de s'éloigner, mais Malefoy la rattrapa par la manche de sa cape.
— Attends ! Granger, il faut vraiment que tu songes à retirer ce balai que tu as dans…
— Je t'interdis de finir cette phrase ! (Elle dégagea sa manche de son emprise.) Je demandais seulement des nouvelles de ton amie ! Ce que tu peux être immature !
— Et toi tu es une vraie coincée ! Ça t'arrive d'être moins sérieuse de temps en temps ? Weasmoche ne fait pas bien son travail, j'ai l'impression.
— Comment sais-tu… Peu importe ! Je ne suis pas "coincée" comme tu dis, c'est seulement toi qui rend les choses toujours si compliquées ! Tu es compliqué !
Malefoy s'approcha d'un pas. Son regard pétillait de malice. Son odeur boisée, mêlée au cuir de son vêtement, enveloppa Hermione.
— Le mystère est toujours empli de charme n'est ce pas ?
Il s'était légèrement penché vers elle. Hermione retint son souffle. Ils n'avaient jamais été si proches l'un de l'autre. Elle pouvait voir que ses yeux, qu'elle pensait gris, étaient légèrement pigmentés de bleu. Sa bouche souriait en coin, charmeur. Est ce qu'il était en train de la draguer ? Non. Malefoy ne la supportait pas. Il ne savait même pas se montrer agréable en sa compagnie alors lui faire du rentre-dedans, certainement pas. Il devait sûrement se moquer d'elle comme il savait si bien le faire.
— Ton mystère à toi est surtout aussi noir que la marque qu'il y a sur ton bras, cingla la lionne.
Toute malice disparut du visage du jeune homme. Il se redressa, le regard froid.
— Nous avons de la chance qu'elle disparaisse alors.
Et il s'en alla, sans laisser le temps à Hermione de répliquer. Mince ! Elle l'avait vexé. Une pointe de culpabilité commença à apparaître. Mais elle la chassa tout aussi vite. Depuis quand devait-elle culpabiliser de dire ses quatre vérités à Malefoy ? Et puis c'était quoi son numéro de charme à deux mornilles ? Il était vraiment étrange depuis la rentrée. Hermione savait que quelque chose clochait chez lui mais elle n'arrivait pas à mettre le doigt dessus.
D'abord, il y avait son état en général: il semblait toujours fatigué, il dormait en cours et il avait l'air ailleurs. Ensuite, il y avait son comportement… il avait changé. Il semblait plus calme, plus réfléchi peut-être ? Elle ne le voyait plus harceler les autres élèves. Il lui arrivait d'être poli aussi, même avec elle ! Et puis, d'un coup, il redevenait détestable comme à l'instant.
Et enfin, il y avait eu cette soirée, quand elle était tombée nez-à-nez avec cette étrange créature. Elle savait qu'il avait un lien avec ce qu'il s'était passé. Comment expliquer sa présence sinon ? Et la coupure qu'il avait arboré le lendemain ? La Gryffondor avait monté la garde à quelques reprises le soir devant la salle commune des Serpentard mais il n'en était jamais sorti. Elle désespérait de découvrir ce qu'il mijotait… Elle n'aurait jamais imaginé que la chance lui sourirait le soir même.
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Le dîner dans la Grande Salle était bien entamé. Hermione était avec ses amis, à table quand les portes s'ouvrirent pour laisser entrer l'équipe de Quidditch de Serpentard. Ils parlaient fort, marchaient vite, impatients de manger après l'effort fourni. Malefoy était au milieu du groupe, les cheveux mouillés plaqués en arrière. Il devait s'être douché dans les vestiaires du terrain.
— Qu'est ce que tu regardes Mione ? demanda Harry, face à elle.
Hermione avait suivi du regard le blond, la fourchette en suspens, bouche entrouverte. Elle la referma aussitôt.
— Je regardais Malefoy.
— Encore ? s'étonna le brun à lunettes. C'est une obsession chez toi cette année.
— Mais tu ne le trouves pas étrange ? J'ai l'impression qu'il cache quelque chose, je ne sais pas… Il est toujours fatigué, je suis sûre qu'il traficote un truc la nuit…
— Haha, j'ai une impression de déjà vu, sauf que les rôles sont inversés.
Hermione sourit à son ami. C'est vrai qu'Harry avait eu sa période obsessionnelle envers Malefoy en sixième année. Et elle ne l'avait pas cru. Pourtant les conséquences des actes du Serpentard s'étaient révélées désastreuses quand il avait livré le château aux partisans de Voldemort.
— Et tu avais raison cette fois-là !
Harry reprit alors son sérieux.
— La famille de Malefoy n'est plus en danger de mort à ce que l'on sache. C'était le cas la dernière fois. Je ne pense pas qu'il est d'autres raisons d'être fatigué que les mêmes que nous: les souvenirs d'une période qu'on rêverait d'oublier.
Hermione baissa alors la voix, pour que seul son meilleur ami l'entende:
— Et la créature alors ? Elle était là cette nuit où j'ai surpris Malefoy à roder !
— Une simple coïncidence. Écoutes, si ça peut t'aider, pourquoi tu ne prends pas la carte pour suivre Malefoy ce soir ? Mais seulement cette fois et s'il ne se passe rien, tu laisseras tomber d'accord ?
Hermione attrapa la main de Harry, reconnaissante:
— Merci, je te jure d'en prendre grand soin.
Elle savait que Harry tenait à la carte du Maraudeur comme à la prunelle de ses yeux. Il s'agissait d'un héritage de grande valeur pour lui, ayant appartenu à son père, à son parrain et à leur ami, Remus Lupin, tous les trois morts. S'il la confiait à Hermione pour la nuit, c'était un immense signe de confiance. Et elle lui ferait honneur. Ce soir, elle découvrirait le secret de Drago Malefoy.
Hermione commença sa ronde vers vingt-une heure trente. Le couvre-feu allait bientôt sonner et elle se chargeait habituellement de renvoyer les retardataires dans leur dortoir. Mais, cette fois, elle se posta dans un coin tranquille et sortit la carte ensorcelée de sa poche.
— Je jure solennellement que mes intentions sont mauvaises.
Elle tapota sur le parchemin avec sa baguette. Un plan du château apparu instantanément. Elle regarda en premier dans la salle commune des Serpentard mais le nom de Drago Malefoy n'y apparaissait pas. Elle dirigea alors son regard vers la salle près des serres où elle avait rencontré la créature, mais rien. Il n'y avait pas beaucoup de noms qui se baladaient encore dans les couloirs du château, Hermione savait qu'à moins qu'il n'ait quitté le château, elle ne mettrait pas longtemps à le trouver.
Et ce fut au bout d'un petit dix minutes de recherche (le château était quand même vaste) qu'elle repéra son nom. Il se déplaçait en direction de la tour d'astronomie, à l'autre bout de sa position actuelle. Ni une ni deux, Hermione se mit à courir pour le rejoindre. Elle ne devait surtout pas le louper !
Elle ralentit le pas seulement en arrivant en bas de la tour, essoufflée. Elle revérifia la carte: il se trouvait au dernier étage. Il ne pouvait plus lui échapper, il n'y avait pas d'autres issus à cette tour. Elle pointa à nouveau sa baguette sur la carte:
— Méfait accompli.
Le parchemin redevint instantanément vierge. Elle le replia et le glissa dans la poche de sa cape. Hermione entreprit alors de gravir la centaine de marches qui la séparait encore de son objectif.
Alors qu'il ne lui restait que dix marches à monter, Hermione entendit les pas de Malefoy sur le plancher de la salle. Elle entreprit alors de sortir le deuxième cadeau que lui avait fait Harry pour la soirée: sa cape d'invisibilité. Mentalement, elle le remercia à nouveau pour sa confiance. Désormais complètement invisible, elle monta les dernières marches pour se retrouver dans la salle d'astronomie.
Malefoy était devant un télescope, un parchemin flottant à côté de lui. Ses cheveux étaient à présent secs et complètement en désordre. Il avait retiré sa cravate, posée sur une table d'étude non loin, à côté de son sac de cours et de son balai volant. Il se redressa pour noter quelque chose sur le parchemin puis se remit à observer le ciel.
Hermione était complètement perdue; il était seulement en train de faire ses devoirs. Elle s'attendait à tout sauf à ça… Une pointe de déception s'insinua en elle. Peut-être qu'Harry avait raison, Malefoy n'arrivait juste pas à dormir. Et apparemment, il occupait ses nuits avec ses cours. Ne devrait-elle pas partir dans ce cas ? Elle fit un pas en arrière, hésitante. Mais la planche sur laquelle elle posa le pied craqua.
Malefoy se retourna immédiatement, baguette en main.
— Il y a quelqu'un ?
Il était sur le qui-vive, tendu. Hermione retint son souffle. Elle repéra juste à sa droite, une grande malle qui servait à ranger les télescopes. Il y avait un large espace entre cette malle et le mur, assez grand pour qu'Hermione puisse s'y glisser. Mais dès qu'elle ferait le moindre geste, la planche sur laquelle son pied était posé se remettrait à grincer. Il fallait attendre le bon moment. Malefoy, toujours baguette en main, s'approcha lentement du centre de la pièce. Hermione sortit alors sa propre baguette, elle visa un livre sur une étagère à l'opposé de là où elle se trouvait et fit un mouvement du poignet. Le livre tomba au sol et Hermione profita du bruit pour se faufiler derrière la malle et s'y accroupir.
— Hominum Revelio ! scanda le blond.
Le soulagement la gagna, même si la cape ne faisait plus effet face au sortilège de révélation, elle était bien cachée désormais. Et elle se dit que son instinct ne l'avait pas trompé : le comportement de Malefoy face à une potentielle présence était suspect. Il avait quelque chose à cacher ici, et elle allait rester pour le découvrir.
Toutefois, elle n'osa plus bouger de peur d'être repérée au moindre bruit, et sa position n'était pas très confortable : elle se mit à espérer que ce qu'elle venait chercher ne tarderait pas trop à se produire.
