Elrond se leva, son regard parcourant l'assemblée. Les participants de la réunion se tenaient en cercle dans une clairière majestueuse entourée de statues et de colonnes elfiques finement sculptées. Les branches des arbres centenaires formaient une canopée dorée, laissant passer la lumière douce du soleil automnal. Le lieu respirait une tranquillité solennelle, presque intemporelle. Chaque siège était disposé de manière à offrir une vue sur l'ensemble du groupe, symbolisant l'égalité entre les races rassemblées.

Elrond, debout au centre, accueillit les participants avec une gravité mesurée. « Étrangers venus de terres lointaines, amis de toujours, » commença-t-il, sa voix résonnant avec autorité. « Vous vous êtes rassemblés ici pour répondre à la menace du Mordor. La Terre du Milieu est au bord de la destruction ; nul ne peut y échapper. Vous vous unirez ou vous serez vaincus. Chaque race est liée à ce destin, à ce sort commun. »

Les visages des participants étaient graves. Des représentants des Elfes, des Hommes, des Nains, et des Hobbits étaient présents, chacun écoutant attentivement les paroles d'Elrond. Calion, discret, se tenait légèrement en retrait, ses yeux verts perçant, observant chaque mouvement, chaque réaction avec attention.

Frodon, assis parmi les autres, sentait le poids de l'Anneau qu'il portait autour de son cou, conscient de la tâche qui l'attendait. Il se leva lentement, se sentant observé par tous ces étrangers aux regards lourds de jugement et d'attente, et il avança pour dévoiler l'Anneau, le plaçant au centre de la table. Un silence palpable s'installa, comme si l'air lui-même s'était figé.

Boromir, vêtu d'une armure du Gondor, se leva et rompit le silence en s'exclamant, « Alors, c'est vrai... Lors d'un rêve, j'ai vu à l'Est le ciel s'assombrir, mais à l'Ouest une pâle lueur persistait, et une voix s'écriait : 'Votre fin est proche ! Le fléau d'Isildur a été retrouvé.' Le fléau d'Isildur. »

Elrond fronça les sourcils, son regard se durcissant. « Boromir ! » dit-il d'un ton réprobateur. Mais avant qu'il ne puisse continuer, Gandalf se leva, ses yeux sombres, et prononça dans le parler noir du Mordor : « Ash Nazg Durbatuluk, Ash Nazg Gimbatul ! »

Un frisson traversa l'assemblée. Elrond réagit immédiatement, sa voix teintée de colère : « Jamais ces mots n'ont été prononcés en cette langue ici, à Imladris. » La tension était palpable, chaque regard se tournant vers Gandalf avec gravité.

Gandalf, impassible, répliqua : « Je n'implore pas votre pardon, Maître Elrond. Car le parler noir du Mordor peut déjà être entendu dans toutes les régions Ouest. L'Anneau est totalement maléfique. »

Boromir se redressa, ses yeux braqués sur l'Anneau. « Cet Anneau est un don, un don fait aux ennemis du Mordor. Pourquoi ne pas s'en servir ? Depuis longtemps, mon père, l'intendant du Gondor, a tenu à distance les forces du Mordor, c'est grâce au sang de notre peuple que vos terres sont encore en sécurité. Donnez au Gondor l'arme de notre ennemi et laissez-nous l'utiliser contre lui ! »

Calion échangea un regard inquiet avec Aragorn, qui se leva pour répondre d'une voix calme mais ferme. « On ne peut le contrôler, aucun d'entre nous ne le peut. L'Anneau unique ne répond qu'à Sauron, il n'a pas d'autre maître ! »

Un silence s'installa, brisé par le rire amer de Boromir. « Et qu'est-ce qu'un rôdeur connaît à ces choses ? »

Avant qu'Aragorn ne puisse répondre, un Elfe blond s'avança, son regard perçant posé sur Boromir. « Ce n'est pas un simple rôdeur ! C'est Aragorn, fils d'Arathorn, vous lui devez serment d'allégeance. »

La déclaration de Legolas fit écarquiller les yeux de certains, et Boromir se tourna, surpris. « Aragorn ? Le descendant d'Isildur ! »

Legolas acquiesça. « Et l'héritier du trône du Gondor ! »

Aragorn leva une main pour calmer son ami. « Havo dad, Legolas, » dit-il en sindarin, l'invitant à se rasseoir pour éviter que la tension ne monte davantage.

Boromir serra les poings. « Le Gondor n'a pas de roi, il n'en a pas besoin ! » Il se rassit, mais son regard restait sombre, troublé par les révélations.

Gandalf intervint, sa voix résonnant avec autorité. « Aragorn a raison. Nous ne pouvons l'utiliser. » La gravité de ses mots sembla apaiser l'assemblée, et Elrond prit la parole à son tour.

« Vous n'avez pas le choix. L'Anneau doit être détruit. »

Gimli, impatient, se leva brusquement. « Qu'attendons-nous pour le faire ? »

Elrond secoua lentement la tête. « L'Anneau ne peut être détruit, Gimli fils de Glóin, par aucun moyen en notre possession. L'Anneau a été forgé dans les flammes de la Montagne du Destin. Il n'y a que là qu'il puisse être détruit. Il faut l'emporter dans les profondeurs du Mordor et le jeter dans l'abîme flamboyante d'où il est apparu autrefois. L'un de vous... doit le faire. »

La révélation laissa un silence lourd planer sur le conseil. Boromir se leva à nouveau, cette fois plus agité. « On n'entre pas si facilement en Mordor. Ses Portes Noires ne sont pas gardées que par des Orques. En ces lieux, il y a un mal qui ne dort jamais. Et le Grand Œil est toujours attentif. C'est une terre dévastée et stérile, recouverte de braises, de cendres, de poussières. L'air que l'on y respire n'est que vapeur empoisonnée. Même dix mille hommes n'en viendraient pas à bout, c'est une folie ! »

Legolas se tourna vers lui, ses traits empreints d'une résolution farouche. « N'avez-vous pas entendu ce que le Seigneur Elrond a dit ? L'Anneau doit être détruit. »

Gimli frappa le sol de sa hache. « Et je suppose que vous croyez être celui qui doit le faire, elfe ? »

Boromir se leva de nouveau, visiblement agité par le débat. « Si nous échouons, qu'arrivera-t-il ? Que se passera-t-il quand Sauron récupérera son Anneau ? »

Gimli, en colère, fit un pas en avant, levant sa hache en direction de Legolas. « J'aimerais mieux mourir que de savoir cet Anneau entre les mains d'un elfe ! Oui, nul ne peut se fier à un elfe ! »

Legolas, fidèle à Aragorn, se leva pour le défendre, tandis que Gimli et d'autres représentants des peuples de la Terre du Milieu répliquaient avec force. Les voix s'élevèrent, chacun tentant de faire entendre son opinion. Calion, assis à côté d'Aragorn, observait le chaos naissant, les poings serrés. L'air autour de lui semblait se charger de cette même tension, une chaleur lourde se diffusant autour de lui, amplifiée par le conflit.

Les querelles se faisaient plus intenses, et plusieurs des membres se levèrent, pointant du doigt ou frappant du poing sur la table pour appuyer leurs arguments. Aragorn se leva à son tour, essayant de calmer les esprits, mais sa voix fut noyée par le vacarme.

Calion, d'un geste imperceptible, tenta de maîtriser l'énergie qui résonnait en lui, conscient que l'agitation croissante autour de lui risquait de déclencher une réaction plus visible. Il ferma un instant les yeux, se concentrant sur sa respiration pour apaiser la tension.

Aragorn tourna légèrement la tête vers Calion, remarquant les signes familiers de cette manifestation d'énergie qu'il avait déjà observée. Son regard se fit inquiet, mais il garda le silence, préférant ne pas attirer l'attention. Frodon frémit, sentant inconsciemment cette pesanteur inhabituelle dans l'air, tandis qu'Elrond, toujours maître de ses émotions, observa Calion d'un œil perçant. Il semblait deviner ce qui se passait mais choisit de laisser le débat se poursuivre.

Gandalf, lui aussi, jeta un coup d'œil à Calion, son regard empli d'une curiosité mêlée de compréhension. Son expression, d'abord neutre, se fit plus sérieuse, comme s'il pesait les implications de cette réaction.

Calion prit une profonde inspiration, tentant de maîtriser la tension qui émanait de lui. Il baissa les yeux, se concentrant pour apaiser l'agitation qui bouillonnait en lui. Peu à peu, l'air retrouva sa légèreté, et l'énergie invisible se dissipa. Boromir, dans sa fougue, ne remarqua rien, continuant son discours, tandis que Calion gardait le silence, se fondant dans l'ombre pour reprendre le contrôle.

La tension montait, mais soudain, une voix plus douce s'éleva. « Je vais le faire ! » déclara-t-il, l'attention de tous se tournant instantanément vers lui. Les querelles cessèrent, et un silence respectueux s'installa.

Calion ouvrit les yeux et observa Frodon, impressionné par le courage du hobbit. Lentement, l'énergie autour de lui se dissipa, et l'air redevint léger. Il échangea un regard avec Aragorn, qui lui adressa un léger signe de tête, comme pour le rassurer.

Gandalf s'avança vers Frodon, posant une main sur son épaule en signe de soutien. « Je vais vous aider à porter ce fardeau, Frodon Sacquet, aussi longtemps que vous en aurez besoin, » déclara-t-il d'une voix grave. Peu à peu, l'harmonie revint parmi les membres du conseil, chacun prêtant une oreille attentive aux paroles du hobbit.

Frodon venait de s'avancer, le silence s'était installé dans le conseil, chaque regard fixé sur le hobbit. « Je vais porter l'Anneau en Mordor ! » dit-il d'une voix déterminée, mais un léger tremblement laissait transparaître sa peur.

Gandalf, touché par le courage de Frodon, se leva et posa une main rassurante sur son épaule. « Je vais vous aider, Frodon Sacquet, aussi longtemps que vous aurez à porter ce fardeau, » déclara-t-il, sa voix grave et réconfortante.

Aragorn, debout à côté de Gandalf, s'avança alors. « Si par ma vie ou par ma mort je peux vous protéger, je le ferai. Mon épée est à vous. » Ses mots étaient pleins de conviction, et il posa sa main sur la garde de son épée pour marquer son engagement.

Legolas se leva ensuite, son regard fixé sur Frodon. « Et mon arc est le vôtre, » dit-il avec une révérence silencieuse.

Gimli, frappant son poing sur sa poitrine, ajouta avec force : « Et ma hache ! »

Tous les regards se tournèrent vers Boromir, qui avait jusque-là observé la scène en silence. Un mélange de respect et de gravité se lisait sur son visage. « Vous avez notre destin à tous entre vos mains, petit homme. Si telle est la volonté du conseil, le Gondor se joindra à vous, » déclara-t-il finalement, l'accent solennel de sa voix montrant qu'il acceptait le choix.

Aragorn chercha le regard de Calion, une lueur d'espoir dans les yeux. Il avait toujours compté sur son compagnon, sur sa loyauté inébranlable. Mais cette fois, il y vit autre chose : un éclat d'hésitation, presque de refus. Calion détourna le regard, ses mâchoires serrées, évitant de croiser celui d'Aragorn. Une lutte intérieure se lisait dans son expression, un fardeau qu'il ne semblait pas prêt à partager.

Aragorn se sentit soudain trahi, une amertume envahissant son cœur. Il s'était attendu à ce que Calion se tienne à ses côtés, comme il l'avait fait tant de fois auparavant, mais ce silence, cette réticence, c'était un mur qui se dressait entre eux. Les secrets de Calion, ces mystères qu'Aragorn avait tenté de respecter sans poser de questions, semblaient maintenant les séparer.

Calion, conscient du poids de ce regard, resta immobile, les poings serrés. Il aurait voulu apaiser les doutes de son ami, mais il savait que s'engager dans cette quête, c'était risquer de révéler ses vérités cachées, ces mêmes vérités qui le tourmentaient depuis si longtemps. Alors, il resta en retrait, choisissant de préserver son secret, malgré la déception visible dans les yeux d'Aragorn.

Calion sentit le poids du regard d'Aragorn peser sur lui comme une enclume. C'était un déchirement, une lutte intérieure intense. Tout en lui voulait se lever, rejoindre son ami, lui prouver qu'il était toujours à ses côtés, fidèle à leur amitié. Ses mains se crispèrent sur ses genoux, et il ferma les yeux un instant, comme pour chasser ce conflit intérieur qui le rongeait.

Elrond, attentif, ne manqua pas l'échange de regards entre les deux compagnons. Ses yeux se plissèrent légèrement, notant la tension qui se dessinait. Gandalf, à ses côtés, eut un froncement de sourcils subtil, conscient qu'il se passait quelque chose d'important. Ils échangèrent un bref regard, partageant leur inquiétude silencieuse.

Calion, malgré l'agitation qui grondait en lui, resta immobile, une expression figée de contrôle. Mais au fond de lui, c'était un chaos d'émotions ; il se sentait déchiré entre le besoin de se protéger et celui de rester fidèle à Aragorn. La déception de ce dernier l'atteignait profondément, un poids qu'il ajoutait à ses propres fardeaux. Pourtant, il détourna les yeux, sachant qu'il devait préserver ses secrets, même au prix de cette amitié précieuse.

Alors que l'engagement des compagnons se dessinait, un cri se fit entendre. « Hé, monsieur Frodon n'ira nulle part sans moi ! » s'exclama Sam en se précipitant vers son maître. Les rires s'élevèrent, et même Elrond sourit devant la détermination du hobbit.

« En effet, il est guère possible de vous séparer, » concéda Elrond, amusé.

Merry et Pippin apparurent à leur tour, le visage déterminé. « Nous venons aussi, » déclara Merry. « Il faudra nous renvoyer chez nous attachés dans un sac pour nous en empêcher ! »

« Oui, et puis de toute façon, » ajouta Pippin avec un sourire espiègle, « vous avez besoin de gens intelligents pour ce genre de mission, quête... chose ! »

Elrond les observa, un sourire bienveillant sur les lèvres. « Qu'il en soit ainsi. Vous formerez la Communauté de l'Anneau. »

Pippin, levant les bras avec enthousiasme, demanda : « Chouette ! Où est-ce qu'on va ? »

Les rires et les sourires se dissipèrent peu à peu, chacun prenant conscience de l'importance et de la gravité de leur mission. La Communauté était formée, et chaque membre savait que le chemin qui les attendait serait long et périlleux.

Plus tard, Aragorn rejoignit Calion près d'un petit bosquet, où le crépuscule laissait place aux ombres douces de la forêt elfique. Calion, assis sur une pierre, observait silencieusement les lueurs s'éteindre à l'horizon, ses yeux verts perdus dans ses pensées. Aragorn s'approcha, sa démarche lourde de fatigue et d'inquiétude. Il ne montrait aucune colère, mais un mélange de respect et de frustration.

« Je ne vais pas te forcer à te joindre à nous, Calion, » commença-t-il d'une voix calme, « mais tu me dois une explication. Après tout ce temps, tous ces secrets… il est temps que je comprenne. »

Calion resta silencieux, ses traits tendus. Aragorn s'assit près de lui, fixant les ombres qui dansaient sur le sol. « Tu sais que je te respecte, mais si tu ne peux pas t'engager, dis-moi pourquoi. »

Calion serra la mâchoire, comme luttant avec lui-même. « Ce n'est pas que je ne veux pas… » murmura-t-il finalement. « Il y a des choses que je ne peux pas expliquer. »

Aragorn prit une inspiration, cherchant les mots justes pour exprimer le tourment qu'il ressentait. « Ces phénomènes, Calion... l'air qui devient lourd, ta réaction face aux Nazgûl, les histoires de ta lignée… tout cela n'a jamais été clair. » Il marqua une pause, le regard intense. « Quand nous nous sommes battus, c'était comme si tu connaissais l'un d'eux. Que se passe-t-il ? »

Calion recula d'un pas, comme s'il cherchait une échappatoire. Son regard se faisait fuyant, refusant de croiser celui d'Aragorn. « Tu ne comprends pas… tu ne peux pas comprendre. » Sa voix était glaciale, et un frisson parcourut l'air, laissant Aragorn frémir.

« Pourquoi ne puis-je pas comprendre ? Nous avons voyagé ensemble pendant des années ! » répliqua Aragorn, sa frustration perçant. « Ces secrets, cette lignée… je veux des réponses. »

L'air devint soudain plus froid, une brume légère émanant du souffle de Calion. Il semblait sur le point de fuir, son regard se posant brièvement sur l'horizon, comme s'il envisageait de tout quitter. « Aragorn, » murmura-t-il d'une voix brisée, « si je te révèle ce que je suis, je risque de te perdre, toi aussi. »

Aragorn sentit sa colère fondre, remplacée par une inquiétude profonde. « Tu ne me perdras pas, Calion. Mais ces secrets te consument. Il est temps de les affronter, ou ils finiront par nous séparer. »

Calion resta silencieux, les poings serrés, comme s'il luttait contre une force intérieure. L'air autour d'eux se fit plus glacial, une menace invisible. « Je… je ne peux pas, » finit-il par dire, la voix rauque, avant de détourner définitivement le regard, visiblement prêt à partir à tout moment.

Aragorn, le visage empreint d'une profonde inquiétude, s'approcha de Calion avec une douceur inhabituelle. « Calion, je vois bien que ces secrets te pèsent... Ils te rongent de l'intérieur. Tu n'as pas à porter ce fardeau seul. »

Calion serra les poings, ses yeux brillant d'une colère mêlée de douleur. « Tu crois que je le veux ? Tu crois que je n'aimerais pas tout dire ? » L'air se fit plus froid, chaque souffle émettant une légère vapeur.

Aragorn posa une main apaisante sur l'épaule de son ami. « Tu n'es pas seul. Je suis là. Mais ces secrets te détruiront si tu les gardes en toi. »

Calion détourna le regard, visiblement bouleversé, son souffle s'accélérant. « Tu ne comprends pas… Si je te dis tout, je risque de perdre bien plus que toi. » Sa voix se brisa, et il sembla sur le point de se détourner, comme prêt à fuir.

Aragorn attrapa fermement l'épaule de Calion, l'empêchant de partir. Son regard était empli de gravité mais aussi de compassion. « Calion, » murmura-t-il, « il y a des vérités si lourdes qu'on pense devoir les porter seuls. Mais si elles sont assez graves pour te hanter de cette façon... valent-elles vraiment d'être enterrées avec toi ? »

Calion eut un rire jaune, un son amer qui résonna entre eux. « Enterrés avec moi ? » répéta-t-il, sa voix teintée d'une ironie amère. « Ce serait une bénédiction. »

Aragorn fronça les sourcils, clairement troublé par ces mots. « Que veux-tu dire par là, Calion ? » demanda-t-il doucement, mais avec une détermination palpable. « Si c'est aussi grave que tu le prétends, pourquoi ne pas me laisser comprendre ? Garde tes secrets, si tu le souhaites, mais tous ces non-dits... » Il marqua une pause, cherchant les mots justes. « Ils dressent un mur entre nous. »

Calion sembla vaciller un instant, comme si le poids de ses secrets le poussait à céder pour la première fois en des millénaires. Ses yeux, habituellement si vifs, vacillèrent d'hésitation, et sa respiration s'accéléra, trahissant son malaise. Il passa une main tremblante sur son visage, son regard fuyant celui d'Aragorn. Il luttait contre une panique sourde, contre l'idée de dévoiler une part de lui-même qu'il avait soigneusement cachée pendant des âges.

« Aragorn... » commença-t-il, sa voix à peine un murmure, presque cassée. « Tu n'as pas idée de ce que cela signifie pour moi… parler ainsi. » Il inspira profondément, comme pour puiser le courage de se livrer. « Je n'ai jamais… confié ces choses à personne. Pas en plusieurs millénaires. » Sa main serra la garde de son couteau de chasse, comme s'il cherchait un ancrage.

Aragorn l'observait, le visage grave mais plein de sollicitude. « Calion, je sais que c'est difficile. Mais tu n'es pas seul. Je suis ici. Laisse-moi t'aider à porter ce fardeau, comme tu as tant de fois porté le tien pour moi. »

Calion ferma les yeux, luttant visiblement pour retrouver son calme. « Si je te dis ce que je cache... » dit-il, la voix tremblante, « cela pourrait tout changer. Cela pourrait même te mettre en danger. » Il se força à rouvrir les yeux, affrontant enfin le regard d'Aragorn avec une lueur d'espoir mélangée à la peur. « Mais... peut-être... peut-être que tu mérites de savoir. »

Calion marcha jusqu'à un endroit à l'écart de la cité elfique, une clairière isolée où même les bruits de la forêt se faisaient lointains. La lune projetait une lueur froide sur le sol, et il s'arrêta au centre, les yeux rivés vers l'horizon, comme s'il craignait que le moindre mouvement brise ce qu'il s'apprêtait à révéler. Aragorn le suivit en silence, respectant cette distance qui semblait nécessaire pour que Calion puisse enfin se livrer.

Le rôdeur resta immobile, observant son compagnon. Calion semblait presque fragile, une tension parcourant tout son corps. Après un long moment, Calion soupira, sa voix à peine un murmure. « Ce que tu t'apprêtes à entendre... cela n'a jamais été révélé à personne. »

Aragorn hocha la tête, son regard ancré dans celui de Calion, prêt à recevoir cette confidence, quelle qu'elle soit. « Je t'écoute. »

Calion prit une inspiration, et ses yeux brillèrent, captant la lumière de la lune. « Il n'y a pas de lignée, Aragorn, » dit-il, chaque mot prononcé avec une lenteur calculée. « Je suis Calion, oui... mais pas le 81ème. Je suis... le premier. »

Le silence tomba, oppressant. Aragorn fronça les sourcils, tentant de comprendre ce que cela signifiait. « Comment... est-ce possible ? » demanda-t-il, les yeux remplis de confusion.

« Cela fait des âges que je change de visage, que j'adopte de nouveaux noms pour survivre, pour me cacher. La vérité, c'est que... je suis là depuis les Années des Arbres. Depuis que le monde a pris forme. » Calion détourna les yeux, le cœur lourd. « Pour que personne ne me reconnaisse, je devais me fondre dans le décor, inventer des lignées, des histoires. Faire croire que je suis un simple humain, l'héritier d'une lignée oubliée. »

Aragorn se sentit envahi par une vague de confusion et de tristesse. Il approcha d'un pas, mais Calion leva une main, comme pour le maintenir à distance. « Tout ce que j'ai fait, c'est pour rester dans l'ombre, Aragorn. Si quelqu'un connaissait mon existence, s'il comprenait... » Sa voix se brisa. « On me traquerait, on chercherait à me posséder ou à me détruire. »

Aragorn resta sans voix, les révélations se mêlant en lui comme un tourbillon. Il tenta de se rapprocher de Calion, mais celui-ci leva une main, comme pour le maintenir à distance. « Tu comprends maintenant, pourquoi je dois rester dans l'ombre, pourquoi je fuis les visages connus... » Sa voix tremblait. « Si quelqu'un savait, je serais traqué sans répit, utilisé... ou détruit. »

Calion s'arrêta, le souffle court, ses yeux verts troublés. Aragorn, en face de lui, semblait déstabilisé, les sourcils froncés de confusion. « Tu es en train de me dire que tu es... immortel ? » murmura-t-il, l'incrédulité marquant chaque mot. « Comme un Elfe ? » Il cherchait une explication logique, mais rien ne faisait sens.

Calion, les épaules affaissées, se força à soutenir le regard d'Aragorn. « Pas comme un Elfe, non... bien plus ancien. » Sa voix était faible, presque brisée. « J'ai vu le monde changer, s'effondrer, se reconstruire... et je suis toujours là. »

Aragorn resta figé, ses mains se resserrant autour de sa cape comme pour se raccrocher à une réalité tangible. « Comment... comment est-ce possible ? Aucun Elfe que je connais n'a vécu aussi longtemps, et les Valar... » Il laissa sa phrase en suspens, perdu dans ses pensées, cherchant désespérément une réponse.

Calion hocha lentement la tête. « Les Valar n'ont rien à voir avec ma condition, » murmura-t-il. « C'est une malédiction... ou un don, je ne sais plus. Mais ce n'est pas une bénédiction, pas pour moi. » Sa voix se brisa, ses mains tremblantes. « J'ai porté ce fardeau seul... pendant des millénaires. »

Aragorn recula légèrement, tentant de saisir l'ampleur de la révélation. « Tu veux dire... que tu as vu les âges se succéder ? Tu as connu le monde tel qu'il était avant ? » Il cherchait une ancre dans cette mer de confusion, quelque chose pour lui donner un sens.

« Oui, » répondit Calion, un sourire amer aux lèvres. « Et j'ai dû m'effacer à chaque fois, adopter un nouveau visage, un nouveau nom. Toujours en retrait, toujours dans l'ombre, pour que personne ne remarque ma longévité. »

Le silence retomba, lourd et pesant. Aragorn peinait à assimiler ces révélations. « Alors... tout ce que je connais de toi... »

« Est vrai, » le coupa Calion, d'un ton ferme. « Je suis ton ami, et je suis celui que tu connais. Mais ce que je porte en moi... ce que je suis réellement, je n'ai jamais pu le partager. Et... » Sa voix s'éteignit, le regard se détournant. « Cela me tue de te voir souffrir à cause de ces secrets, mais si quelqu'un venait à découvrir la vérité... ce serait la fin pour moi. Je ne connaîtrais plus un instant de répit. »

Calion resta silencieux, ses yeux fixés sur le sol, mais Aragorn ne pouvait plus s'arrêter. « Les phénomènes que j'ai observés autour de toi, » continua-t-il, sa voix teintée d'une urgence qu'il ne pouvait contenir, « ce n'est pas la première fois. Et cette réaction face aux Nazgûl... Qu'est-ce que cela signifie, Calion ? »

Calion ferma les yeux un instant, comme pour rassembler ses pensées. Il semblait lutter contre un désir profond de se confier, son visage tourmenté. « Les phénomènes… » commença-t-il, la voix tendue. « Je… j'ai une connexion avec le monde qui m'entoure. C'est difficile à expliquer, mais parfois, cela se manifeste. »

Aragorn hocha la tête, l'expression de son visage passant de l'interrogation à une compréhension partielle. « Et les Nazgûl ? Quand tu as prononcé ce nom… » Il s'interrompit, cherchant ses mots. « On aurait dit que tu le connaissais. »

Le corps de Calion se tendit visiblement, ses poings se crispant. « Oui, » admit-il, la voix brisée. « Ce nom... je l'ai entendu autrefois, il y a bien longtemps. J'ai croisé la route de cet être avant qu'il ne devienne ce qu'il est aujourd'hui. » Ses yeux brillaient d'une intensité presque douloureuse. « Le voir ainsi… c'était comme regarder une ombre de mon propre passé, une perte irrémédiable. »

Aragorn fronça les sourcils, peinant à comprendre. « Tu veux dire que tu l'as connu avant qu'il ne devienne un Nazgûl ? »

Calion acquiesça, le regard perdu dans des souvenirs lointains. « Jadis, c'était un homme, comme toi et moi. Mais il a fait des choix... des choix terribles. Le voir aujourd'hui, tel qu'il est devenu, m'a... ramené à un temps où j'étais moi aussi différent. »

« Et cette magie qui semble t'entourer ? » reprit Aragorn, déterminé à en savoir plus. « C'est toi qui la contrôle ? »

Calion sembla hésiter, luttant contre une peur profonde. « C'est… une partie de moi. » Il se passa une main sur le visage, comme pour effacer un souvenir douloureux. « Elle se manifeste quand je suis en danger ou… quand ceux que j'aime le sont. Mais je ne veux pas l'utiliser. Chaque fois que je le fais, cela me rappelle pourquoi j'ai dû disparaître, pourquoi je me cache. »

Aragorn sentit une douleur profonde en écoutant Calion. Il comprenait enfin le poids immense que son ami portait. Ce secret, cette existence cachée à travers les âges… Il n'arrivait pas à imaginer ce que cela signifiait, la solitude et la peur constantes. Il baissa les yeux un instant, la gorge serrée.

« Je... je ne sais pas si j'aurais pu supporter un tel fardeau, » avoua-t-il d'une voix brisée. « Être contraint de se cacher, de se réinventer, de voir tous ceux que tu aimes disparaître… »

Calion détourna le regard, les yeux brillants de l'émotion qu'il peinait à contenir. « Ce n'est pas une vie, Aragorn, » murmura-t-il. « C'est une malédiction. »

Aragorn sentit une vague d'admiration pour son ami, plus intense qu'il ne l'avait jamais ressentie auparavant. Face à lui se tenait un être qui portait le poids des siècles, une âme marquée par la solitude, mais qui avait eu la force de se lever, encore et encore, pour défendre ceux qui en avaient besoin. Cette force, ce courage, lui apparaissaient sous un jour nouveau.

« Tu es plus brave que je ne l'ai jamais imaginé, » murmura-t-il. « Supporter cela, sans faillir, c'est une force que peu d'hommes, ou même d'elfes, pourraient avoir. »

Calion, visiblement ému, détourna le regard, luttant contre ses émotions. « La bravoure... » murmura-t-il, presque pour lui-même, « ...n'est qu'un masque que l'on porte. »

Mais Aragorn secoua la tête, refusant cette idée. « Non, c'est bien plus que cela. Ce que tu as accompli, le poids que tu portes... c'est digne du plus grand respect. Et c'est un honneur de te compter parmi mes compagnons. »

Calion, touché par ces paroles, resta silencieux, mais une lueur de reconnaissance passa dans ses yeux. Pour la première fois depuis des siècles, il se sentait compris, accepté pour ce qu'il était.

Aragorn, comprenant enfin la raison derrière le refus de Calion, le regarda avec une intensité nouvelle. « Je comprends pourquoi tu hésites, pourquoi ce fardeau te pousse à rester à l'écart. Mais écoute-moi, » dit-il doucement, posant une main sur l'épaule de son ami. « Cette fois, c'est différent. Nous avons besoin de toi. »

Calion, le regard fuyant, murmura : «Si je m'engage, je serai exposé. »

Aragorn hocha la tête, conscient des craintes de Calion. « Je le sais. Mais ta présence serait une force, une chance pour nous tous. Imagine l'impact que tu pourrais avoir. Tu es plus qu'un simple rôdeur ou un homme fuyant le passé. Ta connaissance, ton expérience… ce sont des atouts inestimables. »

Calion resta silencieux un moment, son visage marqué par une lutte intérieure. « Aragorn, ce n'est pas aussi simple. Si je me révèle, tout ce que j'ai construit... toutes ces années passées à me cacher... »

« Je le sais, » répondit Aragorn, ses yeux brillants d'un mélange de détermination et de compassion. « Mais il y a des choses qui valent ce risque. Et je crois que tu le sais aussi, au fond de toi. Cette mission... elle est cruciale. Elle pourrait changer le cours de l'histoire, et tu as l'opportunité de faire partie de cela, de sauver la Terre du Milieu. »

Calion baissa la tête, les mâchoires serrées. « C'est le même cycle, encore et encore. J'en ai assez... »

Aragorn resserra sa prise sur son épaule, le forçant à le regarder. « C'est peut-être le même cycle, mais cette fois, nous avons une chance de le briser. Et nous ne pourrons le faire qu'ensemble. Tu m'as sauvé tant de fois, tu as sauvé des vies en restant dans l'ombre. Aujourd'hui, je te demande de sortir de cette ombre, au moins cette fois. »

Calion leva enfin les yeux, son regard brillant d'une émotion indéfinissable. « Et si j'échoue ? »

Aragorn sourit, une lueur confiante dans les yeux. « Alors nous échouerons ensemble. Mais au moins, nous aurons essayé, côte à côte. »

Calion prit une profonde inspiration, sa main se posant avec lenteur sur le pommeau de son épée. D'un geste précis, il commença à défaire les bandes de cuir qui scellaient l'arme depuis si longtemps. L'atmosphère devint solennelle, presque sacrée, et l'air sembla vibrer sous l'intensité du moment.

Alors que Calion déliait lentement les bandes de cuir, une lueur de décision passa dans ses yeux. Sa posture se redressa, et un changement subtil, mais palpable, traversa son être. Là où il se tenait avec incertitude, une force nouvelle semblait émaner de lui. Son visage, auparavant tendu et empreint de doute, se fit plus calme, plus résolu. Il releva légèrement le menton, comme s'il acceptait enfin le poids de sa décision. Le geste de défaire l'épée n'était plus hésitant, mais empreint d'une certitude absolue, un engagement scellé.

Calion observa l'épée révélée, et l'atmosphère sembla se figer autour de lui. La lame, maintenant dégagée de ses entraves de cuir, était d'un noir si intense qu'elle semblait avaler la lumière autour d'elle. Elle paraissait presque vivante, un éclat subtil pulsant le long de sa surface, comme si un pouvoir ancien y résidait. Des motifs délicats, gravés profondément dans l'acier, miroitaient faiblement, des symboles que seuls ceux qui connaissaient les mystères de la Terre du Milieu pouvaient comprendre.

La garde était simple, mais marquée par un entrelacement de runes, et le pommeau, entièrement noir, semblait absorber la chaleur et la lumière des flammes environnantes. Un éclat presque spectral ondulait le long de ses bords, donnant l'impression qu'elle respirait.

Calion leva l'épée, ses yeux se perdant dans ses reflets mouvants. « Calimmacil, » murmura-t-il, sa voix empreinte de gravité. « La lame des ombres. » Il prononça le nom comme une invocation, et pendant un instant, l'air autour de l'épée sembla vibrer, amplifiant l'aura mystérieuse qui l'entourait.

Aragorn, fasciné, fixait l'arme, ressentant toute la puissance qui émanait de cette lame hors du commun. « Une épée comme celle-ci... » murmura-t-il, « ...elle porte en elle un pouvoir que peu d'hommes peuvent comprendre. »

Calion hocha la tête, le regard grave. « Elle est un souvenir d'un passé lointain. Et désormais, elle me guidera dans ce qui nous attend. »

Calion fit un pas en avant, élevant Calimmacil avec lenteur, comme un serment silencieux. La lumière des torches et des chandelles se reflétait à peine sur la lame noire.

« Cette épée... » commença-t-il, ses yeux ancrés dans ceux d'Aragorn, « je ne la dégaine pas pour l'Anneau, ni pour un royaume. Mais pour toi, Aragorn. » Sa voix était posée, mais un frisson d'émotion la traversait. « Que cette lame te serve comme je le fais. »

Aragorn sentit un nœud se former dans sa gorge. Il fixa son ami, touché par la profondeur de cet engagement. « Calion... » murmura-t-il, sa voix brisée par l'émotion, « je ne sais comment te remercier. Tu me fais un honneur immense. »

Les deux hommes se regardèrent en silence, une compréhension muette entre eux. Calion abaissa Calimmacil, l'aura de l'épée se dissipant lentement. « À tes côtés, jusqu'à ce que ce voyage prenne fin, » dit-il, sa voix empreinte de gravité.

Aragorn hocha la tête, le regard brillant de gratitude. « Ensemble, alors, comme toujours. »