La nuit enveloppait Fondcombe d'un voile d'argent, la lueur des étoiles se reflétant dans les eaux tranquilles des fontaines et des rivières. Calion, profitant du calme nocturne, arpentait les sentiers sinueux des jardins elfes. Les feuilles bruissaient doucement sous ses pas, et le murmure de la nature l'apaisait.
Alors qu'il s'approchait d'un bosquet éclairé par la lune, il aperçut aux loin deux silhouettes familières. Aragorn et Arwen se tenaient côte à côte sur un pont de pierre, leurs regards plongés dans l'immensité du ciel nocturne. Calion s'arrêta, hésitant à avancer davantage. Il ne voulait pas troubler leur intimité, mais quelque chose dans leur posture attira son attention.
Caché derrière un arbre majestueux, il observa la scène, le cœur lourd. Il pouvait percevoir la tension mêlée d'affection entre les deux amants, une complexité qui lui était douloureusement familière.
Arwen rompit le silence, sa voix douce se mêlant au chant lointain des rivières. « Renech i lú i erui govannem ? » demanda-t-elle, un sourire mélancolique aux lèvres.
Aragorn tourna son regard vers elle, ses yeux brillants d'une émotion profonde. « Nauthannem i ned ôl reniannen, » répondit-il, sa voix teintée de nostalgie.
Arwen s'approcha légèrement, les yeux plongés dans ceux d'Aragorn. « Gwenwin in enninath... U-arnech in naeth i si celich. Que vous avais-je dit ? »
Aragorn baissa légèrement la tête, un sourire triste éclairant son visage. « Vous avez dit vouloir vous lier à moi, abandonnant de ce fait l'immortalité de votre peuple. »
Arwen posa une main délicate sur la joue d'Aragorn. « Et c'est ce que je ferai. Je préfère partager une existence humaine avec vous qu'affronter tous les âges de ce monde toute seule. Je choisis une vie mortelle. »
Aragorn recula légèrement, la douleur visible dans ses yeux. « Vous ne pouvez m'offrir cela ! » s'exclama-t-il, la voix empreinte de tristesse. « Je ne veux pas être la cause de votre renoncement. »
Arwen secoua doucement la tête. « C'est à moi de décider à qui offrir ma vie, tout comme mon cœur. »
Calion, témoin silencieux de cet échange, sentit une vive douleur traverser son cœur. Il comprenait le poids de l'immortalité, les sacrifices et les douleurs qu'elle engendrait. Voir son ami lutter ainsi avec l'amour et le destin lui rappelait ses propres tourments. Il détourna le regard, respectant leur intimité, mais ne put s'empêcher de ressentir une profonde empathie pour eux.
Après avoir quitté discrètement la scène entre Aragorn et Arwen, le cœur lourd de leurs tourments, Calion s'enfonça davantage dans les jardins de Fondcombe. Les allées serpentines, bordées de fleurs nocturnes et éclairées par la lueur douce des étoiles, offraient un refuge à ses pensées tourmentées. Le murmure des feuilles sous la brise nocturne semblait chuchoter des secrets oubliés, et il espérait trouver un peu de paix dans cette solitude.
Soudain, au détour d'un sentier ombragé, il tomba nez à nez avec Gandalf. Le vieil homme se tenait là, appuyé sur son bâton, ses yeux perçants brillants d'une lueur malicieuse sous les épais sourcils. « Bonsoir, Calion, » dit-il d'une voix douce mais chargée de sous-entendus. « Il semble que la nuit soit propice aux promenades méditatives. »
Calion inclina légèrement la tête en signe de respect. « Maître Gandalf, » répondit-il calmement. « Les jardins de Fondcombe offrent en effet un cadre idéal pour la réflexion. »
Gandalf sourit, s'approchant de quelques pas. « La réflexion, oui. Une activité nécessaire en ces temps troublés. »
Gandalf resta silencieux un moment, l'observant avec une attention qui mettait Calion mal à l'aise. « Vous savez, il est rare de croiser un homme dont le nom et la lignée se perpétuent à travers les âges. Cela éveille forcément des questions. »
« Des questions inutiles, » répliqua Calion, son ton poli mais ferme. « Les histoires de ma lignée appartiennent à un passé lointain. Elles n'ont rien à voir avec ce qui vous attend. »
Gandalf se mit à marcher lentement autour de lui, ses yeux perçants scrutant le moindre détail. « Peut-être... mais il y a des choses que je ne peux ignorer. La lignée de Calion semble marquée par des mystères que même un magicien ne comprend pas. Et j'ai ressenti... disons, une énergie inhabituelle autour de vous. »
Calion sentit son poing se serrer malgré lui. « Les perceptions peuvent être trompeuses, » dit-il, une pointe de tension dans la voix. « Je ne suis qu'un homme, comme tant d'autres. »
« Est-ce vraiment le cas ? » Gandalf haussa un sourcil. « Peu d'hommes ont une lignée qui perdure avec une telle constance et, surtout, avec des traits aussi singuliers. Les cheveux noirs, les yeux verts... »
Calion inspira profondément, luttant pour contenir sa colère. « Mon héritage n'est qu'une histoire ancienne, Maître Gandalf. Et il n'y a rien à en tirer, si ce n'est des légendes oubliées. »
Le magicien ne sembla pas se laisser démonter. « Soit, mais rappelez-vous que certaines légendes ont des racines bien réelles. Peut-être même plus réelles que vous ne le souhaiteriez. »
Calion resta silencieux, ses yeux fixés sur le ciel étoilé. Il sentait le poids de l'interrogation de Gandalf, mais il refusait de céder.
Gandalf, s'arrêtant à quelques pas, jeta un regard en direction de l'épée. « Une chose me frappe, Calion, » dit-il d'un ton pensif. « Cette épée... elle n'est plus scellée, n'est-ce pas ? »
Calion tourna légèrement la tête, mais ne répondit pas immédiatement. Il savait où Gandalf voulait en venir. Le magicien insista, son regard perçant se posant sur lui. « Est-ce que cela signifie que vous rejoignez finalement la Communauté ? »
« Oui, » répondit finalement Calion, son regard se durcissant. « J'ai pris ma décision. Je rejoindrai la Communauté. »
Gandalf se redressa, un sourire de satisfaction aux lèvres. « Je m'en réjouis. Il y a quelque chose de particulier en vous, Calion. J'ai senti des forces en jeu... quelque chose de plus grand que vous ne l'admettez. Et je crois que vous serez un atout pour cette quête. »
Calion hocha la tête, mais son expression restait grave. « Que je sois un atout ou non, il y a un engagement que je dois respecter. Et il est temps que je l'honore. »
Gandalf sourit, touchant l'épaule de Calion avec une amitié sincère. « Alors, que la lumière des étoiles d'Elbereth guide vos pas, Calion. Ensemble, nous ferons face à ce qui nous attend. »
Calion acquiesça, se sentant étrangement soulagé par l'acceptation de Gandalf.
Aragorn et Calion se tenaient à l'écart, près des jardins de Fondcombe, où la brise fraîche emportait le parfum des fleurs nocturnes. Calion observait les étoiles scintiller dans le ciel clair, ses yeux verts réfléchissant leur lueur. Après un long moment de silence, il se tourna vers Aragorn, une lueur de tristesse dans le regard.
« Aragorn, je connais l'amour que tu portes à Arwen, » commença-t-il d'une voix douce. « C'est un amour pur, mais il te demandera un lourd tribut. J'ai connu l'amour à travers les âges... et à chaque fois, il m'a été arraché. »
Aragorn, surpris mais touché par la sincérité de son ami, se redressa, attentif. « J'accepte ce prix, Calion. Arwen est mon espoir, ma lumière. »
Calion esquissa un sourire mélancolique. « Alors, bats-toi pour elle. Mais souviens-toi, les elfes vivent au-delà des Hommes… et l'immortalité est une bénédiction teintée de malédiction. »
Aragorn observa son ami en silence, son regard empreint d'une réflexion silencieuse. Après plusieurs jours, l'idée de l'immortalité de Calion restait difficile à cerner, comme une histoire lointaine qu'il peinait encore à rendre concrète. « Depuis que tu m'as confié ton histoire, j'essaie de me représenter ce que tu as vécu… des siècles, des millénaires, » murmura-t-il. « C'est une pensée qui m'échappe souvent. Je sais que tu dis vrai, mais une part de moi ne peut s'empêcher de trouver cela… irréel. »
Calion hocha la tête, son sourire s'évanouissant légèrement, laissant place à une résignation sereine. « Je comprends, Aragorn. Les mots eux-mêmes manquent de substance pour transmettre ce que cela signifie vraiment. » Il laissa ses yeux se perdre dans l'horizon, comme si les années se déroulaient devant lui en silence.
Calion laissa échapper un long soupir, ses traits marqués par une amertume que le temps avait gravée en lui. Ses yeux se perdirent dans le vide, leurs reflets captant des éclats de lumière comme si ses pensées les éloignaient de l'instant présent. « L'amitié avec toi est un baume pour mon âme, Aragorn, » murmura-t-il, sa voix douce mais alourdie. Un léger tremblement passa sur sa mâchoire, qu'il resserra avec difficulté, comme pour contenir un chagrin familier. « Mais je sais que, comme tant d'autres avant toi, tu finiras par me quitter. »
Le silence s'installa, dense et presque palpable, tandis que Calion plissait les paupières, comme accablé par une vision trop familière, des visages effacés par le temps mais qui, un jour, avaient compté. « J'ai déjà vu tant d'amis partir, et chaque fois, le vide grandit, » murmura-t-il, la voix faible, presque étouffée. Ses doigts se crispèrent, les poings serrés comme pour contenir un chagrin qui menaçait de le submerger, un chagrin devenu familier, enraciné. « Alors, je m'isole, je dors… parfois pendant des siècles, espérant que le monde change suffisamment pour me surprendre à mon réveil. »
Ses traits s'adoucirent un instant, mais la tristesse qui flottait dans son regard restait là, indélébile, comme une ombre qui avait appris à ne jamais le quitter. Le poids d'une existence solitaire, vouée à des rencontres éphémères et des adieux sans fin, s'inscrivait dans la courbe de ses sourcils, dans la crispation légère de sa mâchoire.
Aragorn, le regard à la fois curieux et compatissant, prit une inspiration lente avant de poser la question. « Et… combien de temps a duré ton dernier Sommeil ? »
Calion ferma les yeux, ses souvenirs flous et délavés, comme des ombres échappant à sa mémoire. « Je dirais un peu plus de cinq siècles, » répondit-il, sa voix basse et distante, comme si les années qu'il évoquait appartenaient à une autre vie. « Mais le temps… il s'étire et se rompt lorsque je dors. Ce pourrait être davantage, ou moins. Je n'ai jamais de certitude. » Il haussa les épaules, un sourire sans joie effleurant ses lèvres. « Parfois, je me réveille dans un monde si différent de celui que j'ai quitté que je me demande si c'est toujours le même. »
Aragorn fronça légèrement les sourcils, tentant d'imaginer ce que signifiait sombrer dans un sommeil qui durait des siècles. « Comment fais-tu… pour dormir aussi longtemps ? »
Calion resta silencieux un moment, le regard pensif, cherchant les mots pour décrire ce phénomène qui lui-même lui échappait encore. « Je ne sais pas exactement, » finit-il par dire, sa voix douce, presque effacée. « C'est comme... une fuite vers quelque chose d'indéfinissable, un sommeil si profond qu'il ressemble à la mort. »
Il porta une main à son front, les doigts glissant lentement, comme pour chasser un souvenir imprécis. « Une fois que je sombre, c'est comme si le monde entier s'éloignait. Mes pensées se dissipent, et tout devient silencieux, sans couleur, sans forme. Là-dedans, » murmura-t-il, ses yeux se perdant dans le lointain, « il n'y a ni désir ni conscience. Juste… le vide. »
Aragorn l'observa en silence, luttant pour comprendre l'étrange sensation qu'évoquait Calion.
Calion laissa échapper un soupir, la tristesse imprégnant chacun de ses traits. « Quand je suis dedans, il m'est difficile d'en sortir. Cela me prend un temps… qui n'a plus de sens. Souvent, je ne reviens que parce que le monde lui-même me pousse à me réveiller. » Un rictus triste effleura ses lèvres. « Mais parfois, je ne suis pas certain de vouloir vraiment ouvrir les yeux. »
Calion resta immobile, le regard toujours perdu dans ses souvenirs, comme s'il pesait encore le poids de ces siècles de solitude. Le silence qui s'installa entre eux était presque tangible, chaque mot restant en suspens, chaque pensée résonnant dans l'esprit d'Aragorn.
Voyant son ami si absorbé par cette tristesse ancrée, Aragorn posa une main sur son épaule, cherchant à l'ancrer dans le présent. Son regard, empli de détermination et de compassion, rencontra celui de Calion. « Calion, tant que je serai vivant, tu auras quelqu'un vers qui te tourner, » dit-il d'une voix calme mais ferme, ses paroles emplies de chaleur et de sincérité.
« Je sais que ce que tu portes est lourd, et que mon temps ici est limité, » continua-t-il doucement, un sourire discret éclairant ses traits. « Mais tant que ce temps m'est accordé, je serai là, à tes côtés. » Il laissa ses mots s'imprégner, tenant l'épaule de son ami comme un appui. « Tu as un foyer ici, avec moi et ceux qui te respectent. »
Aragorn baissa les yeux un instant, reprenant une inspiration comme pour rassembler sa propre force, puis murmura, d'un ton presque fraternel : « Je comprends que l'immortalité puisse être un fardeau… mais tu n'es pas seul à la porter. Pas tant que je serai là. »
Les traits de Calion s'adoucirent légèrement, comme allégés par cette promesse, et pour un instant, un sourire sincère fendit le masque de mélancolie sur son visage.
La vallée de Fondcombe se réveillait sous les premières lueurs du matin, les montagnes environnantes baignées d'une lumière douce. La Communauté de l'Anneau se rassemblait dans la cour principale, prête à débuter son périlleux voyage. Elrond, vêtu de ses habits solennels, se tenait en tête du groupe, son regard grave parcourant les visages de ceux qui allaient accompagner Frodon.
« Le porteur de l'Anneau prend la route vers la Montagne du Destin. Vous qui voyagez à ses côtés, aucun serment, aucun engagement ne vous oblige à aller plus loin que vous ne le souhaitez. Adieu. Ne vous détournez pas de votre but. Que la bénédiction des Elfes, des Hommes et de tous les peuples libres vous accompagne. » Ses mots résonnèrent dans le silence respectueux qui s'ensuivit, chaque membre de la Communauté se redressant sous le poids de la mission qui les attendait.
Gandalf, appuyé sur son bâton, fixa Frodon. « La Communauté attend le Porteur de l'Anneau. » Frodon, visiblement tendu, échangea un regard nerveux avec Sam avant de demander : « Le Mordor, Gandalf. C'est à gauche ou à droite ? »
Gandalf esquissa un sourire rassurant, un éclat amusé dans ses yeux. « À gauche. » répondit-il simplement.
Les hobbits, à la fois nerveux et déterminés, prirent leur place dans le groupe. Calion se tenait près d'Aragorn, sa main reposant sur le pommeau de son épée nouvellement dégainée, un signe de son engagement renouvelé. Ses yeux verts, vifs et déterminés, brillaient d'une intensité nouvelle. Il lança un regard complice à Aragorn qui, en retour, posa une main rassurante sur son épaule.
« Quoi qu'il arrive, nous sommes prêts, » murmura Aragorn en direction de son ami.
Legolas vérifia une dernière fois son arc et son carquois tandis que Gimli ajustait sa hache, son visage déterminé. Boromir, les yeux fixés au loin, semblait plongé dans ses pensées, prêt à défendre sa patrie à tout prix. Sam se tenait près de Frodon, son visage ferme, prêt à tout pour protéger son maître. Merry et Pippin chuchotaient entre eux, tentant de dissiper la tension par leurs habituelles plaisanteries.
Elrond leva une main en guise de salut solennel alors que la Communauté prenait son premier pas ensemble, s'engageant sur le chemin périlleux vers le Mordor. Le silence régnait, seulement interrompu par le son des bottes foulant le sol pavé et des murmures du vent parmi les arbres.
Les jours passaient, et la Communauté avançait à travers des paysages variés et parfois hostiles. Les plaines verdoyantes cédaient place à des collines rocheuses et escarpées, leurs sentiers sinueux bordés de falaises vertigineuses. Les forêts anciennes se refermaient sur eux, et le chant des oiseaux accompagnait leurs pas, mais parfois, un silence pesant s'installait, rappelant à chacun les dangers qui guettaient.
Les hobbits marchaient en file, souvent en train de plaisanter ou de partager des souvenirs de la Comté. Merry et Pippin tentaient de divertir la troupe par leurs bouffonneries, tandis que Sam restait toujours près de Frodon, le protégeant comme une ombre fidèle. Legolas avançait en silence, ses yeux perçant scrutant l'horizon, prêt à détecter le moindre signe de danger. Gimli, quant à lui, marchait d'un pas lourd, échangeant parfois des remarques grincheuses avec Legolas, mais leur rivalité devenait petit à petit plus taquine.
Aragorn menait le groupe, son regard se perdant souvent au loin, cherchant toujours la meilleure voie. Calion restait près de lui, silencieux mais attentif. Il observait leur entourage, ses yeux verts brillants sous la lumière changeante des paysages qu'ils traversaient.
En poursuivant la route, la méfiance de Boromir à l'égard d'Aragorn commença à se projeter sur Calion. Il observait souvent leurs échanges, le lien évident qui les unissait, mais cette complicité le rendait suspicieux. Aragorn, fils d'Arathorn, portait déjà un poids immense, celui d'une lignée royale oubliée. Boromir, conscient de ces enjeux, voyait en Calion un allié potentiellement influent, et cela l'inquiétait.
Legolas, quant à lui, marchait souvent à leurs côtés. Connaissant Aragorn depuis bien plus longtemps que Calion, il comprenait mieux ses choix et ses motivations, mais il observait aussi Calion avec une prudence elfique. Le mystère autour de son ami de voyage, ses silences et ses regards sombres, ne passaient pas inaperçus.
Le soir tombait, enveloppant la clairière d'une lumière douce et dorée tandis que le groupe s'arrêtait pour se reposer, abrité par les grands arbres autour d'eux. Profitant de l'absence momentanée d'Aragorn, Boromir s'approcha de Calion, son expression à la fois curieuse et méfiante.
« Vous et Aragorn semblez proches, » lança Boromir, avec un ton mesuré mais appuyé. « Pourtant, vous restez toujours en retrait, et bien des choses chez vous demeurent… secrètes. »
Calion, occupé à aiguiser son couteau près du feu, leva un regard glacial vers Boromir. « Nos vies sont entrelacées de longue date, » répondit-il en pesant chacun de ses mots. « Et ce qui nous lie appartient à nous seuls. »
Boromir ne cacha pas son scepticisme, croisant les bras et soutenant le regard de Calion. « Pour un homme qui voyage aux côtés d'Aragorn, on pourrait s'attendre à plus de transparence. Vous attendez notre confiance, mais vous n'offrez rien en retour. »
Les yeux de Calion se plissèrent légèrement, et un éclat de défi traversa son regard. « La confiance se gagne par les actes, pas par les mots. Aragorn le sait. Peut-être devriez-vous lui demander pourquoi il me fait confiance, plutôt que de chercher des réponses ici. »
La tension montait lorsque Legolas, qui avait écouté en silence, s'avança pour apaiser la situation. D'un mouvement fluide, il se posta entre les deux hommes, ses traits calmes mais son regard ferme posé sur Boromir.
« Les amis d'Aragorn sont mes amis, Boromir, » dit Legolas d'une voix douce mais résolue. « Si Aragorn juge Calion digne de sa confiance, cela devrait suffire. Il y a des choses qui ne sont pas faites pour être expliquées, surtout en temps de guerre. »
Boromir ne répondit pas immédiatement, mais le doute restait visible dans ses yeux. Tandis qu'il s'éloignait pour s'installer plus loin dans la clairière, Calion échangea un regard avec Legolas, une entente tacite naissant entre eux. Malgré leurs différences et la méfiance ambiante, il semblait qu'un respect mutuel s'établissait, un respect fondé sur la reconnaissance des mystères que chacun portait en lui.
La route se poursuivait, et les jours s'étiraient en longues marches sous le soleil et le vent, entrecoupées de pauses où chacun reprenait des forces. Lors d'une halte pour le déjeuner, les hobbits, toujours curieux et avides de nouvelles découvertes, s'approchèrent des armes de leurs compagnons, fascinés par leur diversité et leur histoire.
Gimli, fier de sa hache, ne tarda pas à entamer un discours passionné sur l'art de la forge. Il la leva devant lui, la lame étincelant sous le soleil, et adopta un ton digne des plus grandes épopées. « Cette hache, mes amis, n'est pas une simple arme ! Elle est le fruit d'une technique de forge ancestrale, transmise de génération en génération ! Voyez-vous, les nains appliquent une méthode bien particulière pour façonner les lames… » Les hobbits hochèrent la tête au début, tentant de suivre les termes techniques, mais rapidement, leurs yeux se mirent à vagabonder ailleurs.
Pippin échangea un regard de détresse avec Merry avant de s'approcher de Calion, son attention captée par une arme bien plus mystérieuse. « Dis, Calion, on pourrait voir ton épée ? Elle a l'air… impressionnante ! » dit-il avec des yeux brillants d'excitation.
Calion hésita, visiblement peu enclin à dévoiler cet objet, et son regard parcourut les visages attentifs de ses compagnons, s'attardant un instant sur Aragorn. Finalement, dans un léger soupir, il sortit lentement son épée de son fourreau. La lame, d'un noir profond, sembla absorber la lumière environnante, projetant une étrange aura qui fit taire les dernières paroles de Gimli, bien que le nain continue à observer l'arme avec un mélange d'admiration et de suspicion.
Un chœur de réactions jaillit de la communauté. Pippin écarquilla les yeux de surprise, Legolas s'approcha avec un regard perçant, et Gimli, relevant le menton, hocha la tête d'un air impressionné mais prudent. « Elle est… noble, cette arme, » murmura Boromir, fronçant les sourcils en examinant la lame qui semblait onduler comme une ombre vivante.
Les hobbits échangèrent des regards ébahis, absorbés par cette épée mystérieuse. « Où l'as-tu trouvée ? » demanda Merry, le regard captivé.
Un flot de questions fusa alors autour de Calion : « Qui a forgé une telle arme ? » demanda Boromir d'une voix grave. « Quel est son nom ? » insista Pippin. « De quelle contrée vient-elle ? » ajouta Legolas, captivé par l'étrangeté de la lame.
Calion, pris dans cette cacophonie soudaine, se crispa, resserrant ses doigts sur le pommeau comme s'il tentait de se protéger du regard curieux de ses compagnons. Ses yeux glissèrent brièvement vers Aragorn, en quête d'un soutien silencieux, puis il répondit avec une apparente indifférence, son ton abrupt trahissant un malaise profond. « Son histoire s'est perdue au fil des générations, » déclara-t-il en remettant l'épée dans son fourreau d'un geste précipité et soigneux, fermant les bandes de cuir autour d'elle pour la dissimuler. « Elle est ancienne, mais ses origines m'échappent. »
Un silence s'installa progressivement, chacun observant Calion avec une curiosité accrue. Gimli, peu enclin à lâcher le sujet des armes, tenta de relancer le débat en s'éclaircissant la gorge. « Bien sûr, une épée aussi fine… pourrait sans doute rivaliser avec la hache d'un nain, mais enfin, rien n'égale la force d'une lame forgée à la chaleur des montagnes d'Erebor. » Il partit dans une description des métaux et alliages utilisés pour les haches naines, lançant des explications sur la robustesse inégalée de ces armes.
Merry et Pippin échangèrent un regard complice, leurs visages dissimulant mal un sourire. Bien qu'ils aient l'habitude des récits épiques, la description passionnée de Gimli commençait à se prolonger un peu trop. Avec un regard discret vers Calion, ils s'éloignèrent prudemment, murmurant à voix basse sur la « mystérieuse épée noire » en s'échangeant des hypothèses exaltées, bien décidés à percer un jour le secret de cette arme obscure.
Aragorn, quant à lui, resta en retrait, observant silencieusement Calion avec une expression pensive, conscient que le mystère de l'épée n'était qu'une facette de l'énigme que représentait son ami.
La lumière du jour baignait le camp, réchauffant les pierres et illuminant les visages des membres de la communauté. Boromir s'entraînait avec Merry et Pippin sur un plat rocheux, maniant son épée avec une expertise évidente tout en guidant les deux hobbits. « Bougez vos pieds, » disait-il, un sourire en coin, alors que Pippin tentait maladroitement de parer ses mouvements. Merry, observant son ami, lança une remarque encourageante, et Pippin le remercia avec un sourire ravi.
Les hobbits, le visage illuminé d'un enthousiasme enfantin, prenaient la leçon avec une énergie débordante. Boromir, toujours aussi patient, tentait de les corriger, mais les deux compères continuaient de se moquer amicalement de lui, cherchant à le surprendre. Finalement, dans un éclat de rires complices, ils se jetèrent tous deux sur lui, renversant le fier guerrier au sol. Les rires fusèrent, remplissant la montagne d'une joie sincère et légère.
À quelques pas de là, Calion, adossé à un rocher, observait la scène avec un sourire franc, un éclat amusé dans ses yeux verts. Il semblait véritablement détendu, savourant cet instant de répit. Pour un moment, ses traits étaient dénués de la gravité qui le caractérisait souvent. Son sourire s'agrandit lorsqu'il vit Boromir se laisser entraîner dans la camaraderie des hobbits, riant avec eux alors qu'ils s'amusaient à se chamailler comme des enfants.
Aragorn s'approcha de Calion, observant la scène avec un regard complice. « Cela fait du bien de les voir ainsi, » murmura-t-il, appréciant la légèreté du moment. Calion hocha la tête, toujours souriant. « Oui, cela rappelle que, malgré tout ce qui nous attend, il reste encore des instants de pure insouciance. »
Alors que la communauté savourait encore la légèreté du moment, un mouvement dans le ciel attira l'attention de Gandalf. Il se redressa immédiatement, les yeux plissés, fixant un point sombre à l'horizon. « À couvert ! » lança-t-il d'une voix pressante.
Calion, dont l'instinct de chasseur ne manquait jamais, leva la tête à son tour, et son expression se durcit. « Des crébains du Pays de Dun, » murmura-t-il, reconnaissant les sinistres silhouettes des oiseaux espions. « Cachez-vous ! » cria-t-il en faisant signe à tout le monde de se dissimuler.
Boromir réagit aussitôt, attrapant Merry et Pippin pour les entraîner derrière un rocher. Aragorn, avec calme et précision, fit signe à Frodon, Sam et Legolas de se réfugier sous un repli de terrain. Gandalf couvrit sa tête avec son manteau, se fondant dans l'ombre des pierres environnantes. Gimli, déjà prêt, s'accroupit derrière un amoncellement de rochers, serrant fermement sa hache.
L'urgence était palpable ; les membres de la communauté s'éparpillèrent en silence, se camouflant tant bien que mal sous les rochers, derrière les arbres ou sous leurs capes. Les crébains, sinistres éclaireurs de Saroumane, fonçaient à vive allure, leurs cris stridents résonnant dans le ciel.
Calion, se plaquant contre un rocher, respirait lentement, son regard perçant surveillant les crébains. Son cœur battait fort, chaque muscle de son corps tendu. L'air semblait vibrer d'une menace invisible, rappelant à tous que le moindre mouvement, le moindre bruit, pourrait les trahir.
« Ne bougez plus, » souffla-t-il à Aragorn, à ses côtés, en pressant son dos contre la roche, les yeux rivés sur les oiseaux qui volaient en cercle au-dessus de leurs têtes. L'atmosphère était lourde, l'air lui-même semblait se figer sous le poids de leur tension collective. Les crébains passèrent en criant, leurs ombres dansant sur le sol rocailleux.
Lorsque finalement les oiseaux s'éloignèrent, les membres de la communauté restèrent immobiles quelques instants de plus, la tension les paralysant encore. Puis, lentement, ils émergèrent de leurs cachettes, les visages fermés. Gandalf, son regard sombre, confirma d'une voix grave : « Saroumane sait que nous sommes ici... nous devons changer de route. »
Les flancs enneigés de Caradhras étaient traîtres, chaque pas menaçait de se dérober sous leurs pieds. La neige, épaisse et glacée, ralentissait leur progression, et un vent mordant fouettait leurs visages. Frodon, épuisé, peinait à avancer. Soudain, son pied glissa, et il tomba lourdement, l'Anneau se détachant de son cou pour rouler sur la pente glacée.
Boromir, alerté, se précipita pour le rattraper. Il s'empara de l'Anneau, ses yeux se posant sur le bijou doré, et son visage se figea. « C'est une étrange fatalité que nous devions éprouver tant de peur et de doute pour une si petite chose, une si petite chose... » murmura-t-il, les yeux rivés sur l'Anneau comme s'il était captivé.
Calion, en retrait, observait la scène avec une inquiétude grandissante. Il sentit l'ombre du mal s'insinuer dans l'esprit de Boromir. L'air autour d'eux sembla se refroidir davantage, un malaise palpable s'installant.
Aragorn s'avança, son regard perçant. « Boromir ! Rendez l'Anneau à Frodon ! » ordonna-t-il, sa voix ferme mais trahissant une lueur d'inquiétude.
Boromir hésita, luttant contre l'influence tentatrice de l'Anneau. Il finit par détourner le regard, brisant le sortilège qui semblait s'être emparé de lui. « À vos ordres !... Je n'en ai cure ! » déclara-t-il sèchement, tendant l'Anneau à Frodon. Pourtant, ses mains tremblaient légèrement.
Frodon, encore sous le choc, récupéra l'Anneau sans un mot. Calion scrutait Boromir, ses yeux verts sondant l'âme de l'homme du Gondor. Il voyait à quel point l'Anneau pouvait corrompre même les esprits les plus braves.
Les pentes de Caradhras étaient plongées dans une tempête féroce, chaque rafale de vent projetant des flocons aveuglants. Le manteau neigeux, épais et traître, rendait la progression presque impossible. Les visages des membres de la Communauté étaient crispés sous l'effort. Calion, le souffle court mais résolu, portait Pippin qui peinait à avancer dans la neige profonde. Derrière lui, Aragorn soutenait Sam et Frodon, les guidant à travers le blizzard, tandis que Boromir luttait pour maintenir Merry sur ses pieds.
Legolas marchait devant, ses pieds effleurant la surface de la neige sans s'y enfoncer, un contraste saisissant avec le reste du groupe. « J'entends une voix sinistre dans les airs ! » déclara-t-il, ses oreilles d'elfe captant des sons que les autres ne percevaient pas. Il scrutait l'horizon, les yeux plissés.
À l'arrière, Gimli avançait tant bien que mal, la neige atteignant presque le sommet de sa tête. « Ha ! Par ma barbe ! Je suis fait pour creuser la pierre, pas pour être enseveli sous cette neige maudite ! » grogna-t-il en se débattant pour avancer, sa voix perdue dans le vent.
Gandalf, quant à lui, ferma les yeux, cherchant à deviner la source de la tempête. « C'est Saroumane, » déclara-t-il, le ton grave. « Il essaye de déclencher une avalanche ! »
« Il faut faire demi-tour ! » cria Aragorn en resserrant sa prise sur Frodon. « Nous devons trouver un abri ! »
Boromir, la mâchoire serrée, lança, « Quittons cette montagne ! Prenons par la trouée du Rohan et faisons un détour par ma cité ! »
Aragorn secoua la tête. « La trouée du Rohan nous rapprocherait trop d'Isengard. »
Gimli, malgré le froid qui engourdissait ses membres, suggéra avec ferveur : « Passons par dessous la montagne. Les Mines de la Moria ! Mon cousin Balin nous y accueillerait en héros ! »
Calion, un peu en retrait, observait la scène, les lèvres serrées. Il jeta un coup d'œil à Aragorn et Gandalf avant de fermer les yeux, sa concentration se focalisant entièrement sur l'agitation autour de lui. Le vent parut ralentir, l'intensité de la tempête se calmant soudainement comme si une main invisible en apaisait les ardeurs. Pendant quelques instants, le calme relatif permit aux membres de la Communauté de reprendre leur souffle et de continuer la discussion.
Gandalf leva une main, interrompant les débats. « Laissons le Porteur de l'Anneau décider. » Il tourna son regard vers Frodon, dont le visage était couvert de givre.
Aragorn, remarquant la tension sur le visage de Calion, échangea un regard avec Gandalf. Le magicien fronça légèrement les sourcils, conscient qu'une force discrète mais puissante était à l'œuvre. « Fais vite, Frodon, » murmura-t-il en inclinant la tête, comme s'il remerciait Calion sans un mot.
Frodon, visiblement épuisé, hésita, mais le froid intense et les regards désespérés de ses compagnons le poussèrent à se décider. « Nous passerons par les Mines. »
Lorsque la décision fut prise, Calion relâcha son emprise, et le vent recommença à siffler autour d'eux, plus fort encore, les poussant à se hâter vers le chemin des Mines de la Moria.
