Prologue : La Vieille Forêt
La nuit s'étendait sur la Vieille Forêt comme un voile sombre, masquant les sentiers tortueux et les clairières secrètes. Ce vaste bois se trouvait à l'est de la Comté, juste au-delà des terres paisibles des Hobbits. Protégé par la Haie, une barrière végétale dressée par les habitants de la Comté pour empêcher la forêt d'avancer, cet endroit avait toujours été redouté par les Hobbits, car il semblait animé d'une volonté propre, comme si les arbres eux-mêmes murmuraient et bougeaient.
Les arbres, immenses et noueux, se dressaient comme des sentinelles anciennes, leurs branches tendues comme des griffes, projetant des ombres difformes sous la lueur des étoiles voilées. Leurs racines s'entortillaient dans le sol, formant des monticules et des crevasses traîtres, comme autant de pièges cachés. Une brise légère agitait les feuilles, produisant des murmures inquiétants, un chuchotement continu qui semblait communiquer des secrets oubliés.
Aragorn, en patrouille le long des frontières orientales de la Comté, avançait avec prudence, ses sens en alerte. La forêt se trouvait sur l'une des routes de passage les plus anciennes, un lieu de transition entre les terres des Hobbits et les régions plus sauvages de l'Eriador. Il connaissait chaque recoin de cette forêt capricieuse, un terrain familier mais jamais sûr. Malgré ses nombreuses patrouilles, il savait que ce lieu était imprévisible, ses chemins changeants et ses ombres trompeuses.
Près d'un renfoncement de terre, protégé par un cercle de rochers moussues, Aragorn avait allumé un feu discret, dissimulé sous des branches épaisses pour ne pas attirer l'attention. Le feu, à peine visible, projetait une lueur vacillante, éclairant faiblement son visage. Assis, il sortit un morceau de pain noir de sa besace, le rompit et le mâcha lentement, ses yeux scrutant l'obscurité mouvante au-delà des flammes. Il écoutait attentivement, son ouïe aiguisée cherchant à distinguer les sons familiers des bruits plus inquiétants.
Il portait une tunique verte, usée par les voyages, se fondant dans l'ombre des arbres. Un gilet de cuir le protégeait, son aspect vieilli trahissant des années de route. Sa cape brune glissait sur ses épaules, dissimulant sa silhouette, qui devenait presque invisible dans la pénombre. À sa ceinture pendait une épée longue, son éclat d'acier à peine perceptible sous la lueur des étoiles filtrant à travers le feuillage. Par réflexe, sa main effleura le pommeau, un geste familier alors que ses yeux scrutaient l'obscurité, attentif au moindre mouvement.
La Vieille Forêt était un lieu chargé d'anciennes histoires, et même Aragorn, avec toute son expérience de rôdeur, savait qu'il valait mieux rester vigilant. Les ombres semblaient s'allonger à mesure que la nuit avançait, et le murmure du vent dans les feuilles se faisait plus insistant, comme un avertissement que la forêt ne livrerait pas ses secrets sans un prix.
Alors qu'il se préparait à une nuit sans événement, un silence lourd s'installa soudain dans les bois. Aragorn fronça les sourcils, tendant l'oreille. Puis un craquement, subtil mais distinct. Ses doigts se posèrent instinctivement sur la garde de son épée. Il n'était pas seul.
Les brigands surgissaient des ombres, des hommes d'âges variés, la plupart jeunes, leurs visages marqués par la dureté de la vie en pleine nature. Leurs vêtements en lambeaux trahissaient leur précarité, mais leurs gestes étaient précis, leurs mouvements synchronisés. Ils avaient pris le temps de le cerner, d'étudier ses habitudes. Leurs armes — des épées rouillées, des bâtons, et quelques poignards dissimulés — semblaient mal entretenues, mais leurs assauts étaient rapides et coordonnés, révélant une habileté sournoise.
Aragorn se leva, sa lame jaillissant de son fourreau avec un éclat vif. Il para un premier coup, son épée dansant dans sa main avec maîtrise. Mais les attaques se succédaient, féroces et acharnées. Un deuxième assaut, plus rapide, le força à esquiver d'un mouvement vif, mais les brigands, loin d'être des amateurs, utilisaient la forêt à leur avantage, se faufilant dans les ombres pour le frapper de là où il s'y attendait le moins.
« On l'a presque ! » murmura un jeune brigand, ses yeux fixés sur Aragorn alors qu'il plongeait en avant. « Gred, couvre-moi ! »
« J'y suis, » répondit une voix rauque à sa gauche. Gred se glissa dans l'ombre, son poignard prêt à frapper, tandis qu'un autre surgissait derrière Aragorn, tentant de profiter de l'ouverture.
Aragorn pivota juste à temps, esquivant de justesse la lame qui visait son flanc. Le souffle court, il comprit qu'il était submergé. Les attaques s'enchaînaient sans relâche, ses adversaires surgissant de tous côtés, leurs yeux brillants d'avidité.
« Faren, bouge-toi ! » lança une voix à l'arrière. « On le tient ! »
Faren, plus jeune et moins expérimenté, hésita un instant avant de se jeter en avant, tentant un coup bas. Aragorn dévia l'attaque, mais déjà un autre, à la barbe hirsute, brandissait un bâton.
« C'est le moment ! » grogna le barbu, frappant Aragorn avec une force qui le fit vaciller.
« Finissons-en vite, » ajouta un autre, son ton pressé. « Sa lame vaut bien plus que nos vies misérables ! »
Les brigands se resserraient, l'entourant de toutes parts. C'était une chasse désespérée, et Aragorn sentait qu'ils étaient prêts à tout, risquant leur vie pour une chance de le défaire. Chaque coup qu'il paraissait le rapprochait un peu plus de l'épuisement, et il savait que le moindre faux pas le laisserait à leur merci.
Acculé contre un tronc, il lutta, mais chaque mouvement le rapprochait de la défaite. Son souffle se faisait plus court, sa main glissait sur la garde de son épée, cherchant désespérément une échappatoire. Il avait sous-estimé leur nombre et leur ruse, et maintenant il se retrouvait piégé. Un coup le frappa à l'épaule, puis un autre, et il se sentit vaciller, ses réflexes ralentis par le déséquilibre.
C'est alors qu'une ombre glissa entre les arbres, rapide, silencieuse. Une lame brilla un instant sous la lueur de la lune, et l'homme au poignard tomba, une expression de surprise sur le visage. Avant que les autres ne réagissent, un deuxième brigand s'effondra, une flèche plantée dans le cou.
Un frisson parcourut l'air, une sensation presque imperceptible qu'Aragorn ne put s'empêcher de ressentir. Alors qu'il luttait pour repousser les brigands, une ombre se glissa entre les troncs avec une agilité déconcertante. L'inconnu frappa Gred, le brigand à la barbe hirsute, avec un grand couteau de chasse, et ce dernier s'effondra sans un bruit, ses mouvements absorbés par le tapis de mousse.
Aragorn esquiva une attaque à sa droite, sa lame déviant celle de Harl avec précision. Il prépara sa riposte, mais une seconde silhouette se mouvait désormais autour de lui, s'attaquant aux brigands avec une discrétion et une rapidité impressionnantes. Faren, tentant de contourner Aragorn, trébucha soudain, sa chute provoquée par ce qui semblait être une racine glissante.
Aragorn, concentré sur son propre combat, remarqua un infime tremblement, un changement subtil dans l'atmosphère, mais il n'eut pas le temps d'y prêter plus d'attention. L'inconnu continuait de se déplacer avec agilité, utilisant les éléments de la forêt à son avantage. Chaque fois qu'il levait le bras ou se déplaçait, il semblait que la nature elle-même réagissait, mais rien n'était suffisamment évident pour qu'Aragorn puisse en être certain.
Bor, un homme au visage durci par les batailles, leva son épée, mais fut surpris par une branche qui se détacha brièvement d'un arbre, l'atteignant à l'épaule. L'homme vacilla, et Aragorn en profita pour le repousser d'un coup de pied. Il sentit à nouveau cette légère tension dans l'air, comme un souffle imperceptible, mais ce n'était qu'un détail fugace, vite dissipé dans l'agitation du combat.
Les brigands reculèrent, perturbés par cette force invisible qui semblait se liguer contre eux. Faren, le plus jeune du groupe, se figea, ses yeux écarquillés. Après un dernier regard apeuré, il prit la fuite, disparaissant dans l'obscurité. L'inconnu ne le poursuivit pas, se contentant de ranger son grand couteau de chasse dans un fourreau accroché au même côté que son épée, le mouvement fluide et maîtrisé.
Aragorn se redressa, son épée toujours en main, scrutant cette silhouette mystérieuse qui se tenait désormais immobile. « Qui es-tu ? » demanda-t-il d'une voix rauque, se préparant à tout. L'inconnu ne répondit pas. Il se contenta de le fixer, son visage dissimulé sous l'ombre de sa capuche, puis il s'inclina légèrement, un geste qui semblait marquer la fin de l'altercation.
Le rôdeur demeura méfiant, sentant que cet homme dissimulait bien plus que ce que ses gestes laissaient paraître. Mais avant qu'il ne puisse questionner davantage, l'inconnu désigna un chemin de la main, indiquant qu'ils devraient s'éloigner de l'endroit. Intrigué, mais toujours sur ses gardes, Aragorn le suivit, ses sens en éveil, cherchant à comprendre le mystère de cet allié silencieux.
