Les derniers jours de voyage furent particulièrement éprouvants pour la compagnie. Leurs pas étaient lents, alourdis par l'épuisement accumulé, et les hobbits peinaient à suivre, se soutenant mutuellement. Les chemins qu'ils empruntaient devenaient de plus en plus escarpés, les forçant à s'arrêter fréquemment pour reprendre leur souffle. Des racines tordues et des pierres dissimulées dans la végétation faisaient obstacle à chaque pas, ajoutant à la difficulté de leur progression.

Finalement, le sentier s'ouvrit sur une vue spectaculaire : la vallée de Fondcombe. Cachée au cœur des montagnes, la vallée se déployait comme un écrin de verdure, entrecoupé de cascades aux eaux cristallines qui descendaient en cascades douces le long des rochers, produisant un murmure apaisant. Les édifices elfes, construits en parfaite harmonie avec la nature environnante, se fondaient dans le paysage, leurs structures délicates émergeant à travers le feuillage doré des arbres. Leurs silhouettes gracieuses, ornées de sculptures raffinées, étaient baignées dans la lumière dorée du matin, donnant à l'ensemble une aura presque irréelle.

Les cascades scintillaient comme des filets d'argent, se précipitant sur les rochers polis, et les arbres, hauts et majestueux, semblaient danser sous la brise légère. Un parfum de pin et de mousse imprégnait l'air, créant une atmosphère de paix que même les voyageurs les plus fatigués ne pouvaient ignorer.

Pippin et Merry, les yeux écarquillés, ne cessaient de s'émerveiller devant le paysage. « On dirait un conte de fées, » murmura Merry, sa voix emplie de fascination. « Je n'ai jamais rien vu de tel. » Sam, à ses côtés, acquiesça lentement, un sourire fatigué mais sincère sur les lèvres. « C'est plus beau que ce que racontaient les histoires de la Comté, » ajouta-t-il.

Calion, en tête du groupe, avançait d'un pas mesuré, mais chaque muscle de son corps trahissait une tension grandissante. Alors qu'ils traversaient un pont de pierre enjambant une rivière tumultueuse, ses yeux s'étaient attardés sur le chemin devant eux, mais son esprit semblait ailleurs. Aragorn, marchant à ses côtés, ne put s'empêcher de remarquer cette inquiétude inhabituelle.

Lorsque le groupe fit une halte près d'une fontaine aux eaux claires, Aragorn se tourna vers Calion, une ombre de préoccupation dans le regard. « Qu'est-ce qui te préoccupe tant ? » demanda-t-il à voix basse, s'assurant que les hobbits étaient hors de portée. « Fondcombe est un refuge, pas un lieu de danger. »

Calion resta silencieux un instant, ses yeux scrutant l'horizon. « Ce n'est pas l'endroit qui m'inquiète, » finit-il par répondre, le ton de sa voix plus fermé que d'habitude, un voile dissimulant ses véritables pensées.

Aragorn hocha la tête, mais il ne pouvait masquer son inquiétude. « Elrond est un allié. S'il y a quelque chose qui te tracasse, tu devrais m'en parler. » Mais Calion ne répondit rien de plus, ses traits se durcissant. Il tourna la tête, ses yeux verts captant les derniers reflets dorés du soleil, évitant délibérément le regard de son ami.

Les hobbits, ignorant la tension palpable, buvaient avidement l'eau fraîche de la fontaine, leurs rires brisant le silence pesant. « Si c'est ça Fondcombe, je pourrais m'y installer pour toujours, » plaisanta Pippin, provoquant un éclat de rire chez Merry.

Alors que le groupe reprenait lentement sa marche, l'ombre des grands arbres les enveloppait de nouveau, et la vue des toits dorés de Fondcombe, scintillant au loin, les guida vers leur destination. Aragorn observait Calion du coin de l'œil, toujours inquiet. Malgré la sérénité apparente du lieu, il sentait que son compagnon n'était pas en paix.

Soudain, une petite silhouette déboula sur le sentier, les pieds martelant le sol avec une énergie nouvelle. « Frodon ! » s'écria Sam en premier, ses yeux s'illuminant de joie. Merry et Pippin, en un instant, laissèrent tomber leurs sacs et se précipitèrent à leur tour, leur étreinte enveloppant Frodon dans un tumulte de rires et de larmes. « Je ne peux pas y croire, Frodon, tu es là ! » s'exclama Pippin, les yeux brillants de soulagement.

« Oh, Frodon, vous êtes sain et sauf, monsieur ! » ajouta Sam, sa voix tremblante d'émotion, des larmes de soulagement roulant sur ses joues. Il serra son ami avec une telle force qu'on aurait dit qu'il ne voulait jamais le lâcher.

Frodon, visiblement ému, souriait à ses amis, savourant ce moment de retrouvailles. « Oui, je vais bien, grâce à Arwen, » répondit-il en hochant la tête.

Merry, curieux, le regarda avec des yeux pétillants. « Ça fait combien de temps que tu es là ? Et comment c'est, Fondcombe ? C'est aussi magique que dans les histoires ? »

Frodon acquiesça avec enthousiasme. « C'est encore plus beau que ce qu'on raconte, Merry. Et... » Il sourit malicieusement, savourant l'instant. « Devinez qui est ici ? »

Pippin bondit presque de joie. « Bilbo, c'est Bilbo, n'est-ce pas ? »

« Exactement ! » répondit Frodon, ravi de leur réaction. « Il vous attend tous avec impatience. »

Aragorn, observant la scène de loin, se tourna vers Calion, un sourire apaisé aux lèvres. « Regarde-les, » murmura-t-il. « Malgré tout ce qu'ils ont traversé, leur joie reste intacte. »

Calion hocha la tête, un léger sourire adoucissant son visage habituellement sérieux. « Leur amitié est leur plus grande force. »

Frodon, se détachant de ses amis, s'avança vers eux. « Grand-Pas, Calion, je ne vous remercierai jamais assez. Grâce à vous... » Sa voix tremblait légèrement, mais il se reprit. « Grâce à vous, nous sommes tous là. »

Aragorn posa une main rassurante sur l'épaule de Frodon. « Il n'y a rien à craindre ici. Tu es en sécurité, Frodon. »

Pendant ce temps, Merry et Pippin continuaient d'interroger Frodon, impatients de découvrir chaque recoin de Fondcombe et de rencontrer Bilbo. Sam, toujours ému, observait son ami, reconnaissant de le retrouver sain et sauf.

Alors qu'ils approchaient des portes de Fondcombe, un groupe d'Elfes s'avança avec une grâce éthérée, leurs vêtements drapant leurs silhouettes élégantes. À leur tête se trouvait Elrond, vêtu d'une tunique brodée aux motifs de feuilles, ses yeux perçant et bienveillants fixant le groupe de voyageurs. « Bienvenue en Fondcombe, amis du Nord, » déclara-t-il d'une voix grave mais accueillante, en inclinant légèrement la tête. « Vous avez parcouru un long chemin et avec un courage admirable. »

Les hobbits, maladroits mais respectueux, tentèrent de reproduire l'inclinaison, bien que leurs gestes soient un peu hésitants. Leurs visages, encore marqués par l'épuisement du voyage, s'éclairaient d'une lueur d'espoir et d'émerveillement en découvrant les Elfes qui se tenaient devant eux. Aragorn s'avança pour saluer Elrond, qui posa une main chaleureuse sur son épaule, témoignant de l'amitié ancienne qui les unissait.

Calion restait en retrait, espérant se fondre dans l'arrière-plan du groupe. Mais c'était peine perdue : sa silhouette imposante contrastait avec les hobbits, et malgré sa tentative de discrétion, il se détachait nettement.

Elrond, après avoir salué Aragorn et les hobbits, dirigea son regard vers Calion. Ses yeux se posèrent sur lui avec une curiosité respectueuse. « Et vous, ami du Nord, qui avez accompagné mes invités en ces temps troublés, puis-je connaître votre nom ? »

Calion, gardant ses yeux baissés, resta silencieux un instant. Son visage était fermé, et il se contenta de murmurer d'une voix presque inaudible : « Je suis un compagnon d'Aragorn. Rien de plus. »

Aragorn s'avança pour faire les présentations, sa voix claire et posée. « Voici Calion, un ami et un allié précieux. Il m'a accompagné pendant de nombreuses années et a protégé les hobbits durant ce périple. C'est un guerrier remarquable. »

À l'entente du prénom, Elrond sembla suspendre son souffle un instant, ses yeux s'élargissant de surprise. « Calion... » murmura-t-il, presque comme s'il parlait à lui-même. « J'ai déjà rencontré un homme portant ce nom, il y a bien des siècles. »

Les hobbits échangèrent des regards curieux, écoutant attentivement, tandis qu'Elrond poursuivait, toujours captivé par sa découverte. « La lignée de Calion... » Il fit un pas en avant, observant plus attentivement Calion, qui restait en retrait, évitant tout contact visuel. « Je pensais que cette lignée s'était éteinte depuis longtemps.»

Calion se tenait rigide, la mâchoire serrée, ses yeux fixés sur un point invisible. Il sentait le poids du regard d'Elrond mais se refusait à croiser le sien. Il semblait sur la défensive, une tension visible dans ses épaules. Il garda le silence, ses traits impassibles.

Elrond poursuivit, son regard se faisant plus perçant. « Des cheveux noirs et des yeux verts... » murmura-t-il en plissant légèrement les yeux. « Oui, ce sont bien les signes distinctifs de votre lignée. Vous êtes le digne représentant de Calion le 65ème. » Il marqua une pause, et ses traits se détendirent en un sourire sincère. « C'est un honneur de vous accueillir ici, Calion. »

Les hobbits, surpris et intrigués, échangèrent des chuchotements. « Calion le 65ème ? » murmura Merry. « Je ne savais pas qu'il y en avait eu autant ! » Pippin hocha la tête, fasciné par cette révélation.

Calion, cependant, resta impassible. Il inclina à peine la tête en réponse aux paroles d'Elrond, mais ses yeux évitaient toujours ceux de l'elfe. Son silence et sa réticence étaient palpables, et Aragorn, voyant son malaise, intervint pour apaiser l'atmosphère. « Il est un homme de peu de mots, » dit-il doucement à Elrond, avec un sourire en coin. « Mais je peux vous assurer que sa valeur et sa loyauté sont inestimables. »

Elrond hocha la tête, son regard passant d'Aragorn à Calion, avant de répondre, « Je n'en doute pas. Vous êtes tous les bienvenus en ces lieux. » Malgré ses paroles bienveillantes, une lueur de curiosité restait présente dans ses yeux, mais il choisit de ne pas pousser davantage pour le moment, respectant la distance que Calion maintenait.

Après plusieurs jours de voyage harassant, Calion profita de l'occasion pour se rafraîchir. L'eau claire de Fondcombe apaisa ses muscles tendus et chassa la poussière accumulée sur ses vêtements de route. Il troqua son habit fatigué contre une tunique elfique, d'un vert sombre rehaussé de broderies argentées, discrète mais élégante. Ses cheveux, maintenant lavés et tombant librement sur ses épaules, ajoutaient à sa prestance naturelle, une allure qui se démarquait des jours de lutte.

Alors qu'il ajustait ses vêtements, Aragorn apparut à l'entrée de la pièce, un sourire sincère éclairant son visage. « Te voilà enfin, reposé, » dit-il en s'avançant.

Calion haussa un sourcil. « Ça se voit tant que ça ? » répondit-il, un sourire en coin.

Aragorn hocha la tête. « Absolument. On dirait que Fondcombe commence à opérer ses miracles sur toi. »

Calion jeta un regard vers la fenêtre, observant les montagnes illuminées par les dernières lueurs du jour. « C'est un endroit apaisant, il faut le reconnaître. » Son ton restait sobre, mais on sentait qu'il se laissait, pour une fois, aller à la sérénité ambiante.

Aragorn lui fit signe de le suivre. « Elrond nous invite à dîner. Cela fait un moment que nous n'avons pas eu de vrai repas et de compagnie agréable. »

Calion, réticent, ajusta une dernière fois sa tunique. « Très bien, » acquiesça-t-il. Il se joignit à Aragorn dans le couloir, sentant que, malgré son apparence détendue, une vigilance persistait toujours dans le fond de ses yeux.

Calion et Aragorn descendirent lentement les escaliers menant à la salle de réception. La lumière douce du crépuscule enveloppait la pièce, éclairée par des torches murales qui projetaient des ombres chaleureuses. Lorsqu'ils franchirent les grandes portes, l'ambiance était empreinte de convivialité. Les hobbits étaient installés autour de la table, discutant et riant, leurs visages illuminés par la joie des retrouvailles.

Bilbon, au centre du groupe, leva la tête en les voyant arriver. « Ah, Grand-Pas ! Toujours fidèle au poste, même pour un bon repas ! » s'exclama-t-il, les yeux pétillants de malice. Il tourna ensuite son regard vers Calion, intrigué. « Et qui avons-nous là ? Un autre de vos mystérieux amis ? »

Calion inclina légèrement la tête, un sourire discret aux lèvres. « Calion, à votre service, Maître Bilbon. C'est un honneur de vous rencontrer. » Cette fois, sa voix était plus détendue, et même les hobbits le remarquèrent.

Les hobbits, à présent plus détendus, échangeaient des blagues entre eux. Pippin, le plus curieux, se pencha vers Calion : « Dites, quand on était à Bree, vous et Grand-Pas, vous aviez l'air de bien savoir vous cacher dans les ombres. Vous faites ça souvent ? »

Calion, amusé par la question, haussa les épaules. « Disons que c'est utile pour surprendre ceux qui ne s'attendent pas à voir un rôdeur surgir des ténèbres. »

Merry ajouta, avec un clin d'œil : « On devrait peut-être apprendre, ça pourrait nous être utile. »

Sam se pencha un peu plus en avant, l'air intrigué. « Et vous voyagez beaucoup comme Grand-Pas ? Vous avez dû voir des choses incroyables. »

Calion haussa les épaules. « Quelques-unes, oui. Mais ce sont surtout les compagnons de route qui rendent ces voyages mémorables. » Les hobbits échangèrent des regards, visiblement touchés par ses paroles, ressentant pour la première fois un lien avec ce mystérieux rôdeur.

Aragorn, observant la scène avec un sourire, posa une main sur l'épaule de Calion. « Cela fait longtemps que nous partageons la route, » dit-il avec une sincérité évidente. « Il m'a toujours été d'un soutien précieux, et ensemble, nous avons surmonté bien des épreuves. »

Bilbon hocha la tête, un sourire bienveillant aux lèvres. « Eh bien, ce soir, la compagnie est réunie, et cela mérite une célébration. » Il leva sa chope, et les hobbits imitèrent son geste, des éclats de rire et des murmures enthousiastes résonnant dans la salle.

Merry, profitant de l'atmosphère détendue, se pencha vers Calion. « Est-ce vrai que vous pouvez marcher des jours sans vous arrêter ? Grand-Pas nous a dit que vous étiez l'un des rôdeurs les plus endurants. »

Calion sourit, amusé. « Peut-être, mais j'ai aussi besoin de repos, comme tout le monde. »

Les hobbits rirent, sentant que le rôdeur, autrefois distant, était enfin plus accessible. Ils continuèrent de parler, échangeant anecdotes et rires, créant une atmosphère chaleureuse où Calion, pour la première fois depuis longtemps, se sentait réellement à sa place.

La soirée avançait paisiblement, la table emplie de mets elfes maintenant dégarnie, et une lueur douce baignait la salle de réception. Calion et Aragorn s'étaient installés en compagnie de Gandalf et Elrond, partageant un moment de détente rare après les épreuves du voyage. Le murmure des discussions et le crépitement lointain des torches accompagnaient l'atmosphère feutrée de la pièce.

Gandalf, après avoir pris une gorgée de son vin, se tourna vers Elrond avec un air faussement innocent. « Elrond, n'as-tu pas croisé l'un des ancêtres de Calion il y a de cela bien des années ? »

Calion, qui jusque-là semblait détendu, se figea. Ses yeux perdirent leur éclat habituel, et ses doigts se raidirent autour de sa coupe. Elrond, conscient de la réaction de Calion mais feignant de l'ignorer, adopta une expression pensive. « En effet, » dit-il, sa voix douce résonnant dans la salle. « Il y a plusieurs siècles, j'ai rencontré un homme de cette lignée, le 65ème, si je me souviens bien. »

Il marqua une pause, observant les expressions de ses compagnons sans insistance apparente, mais ses yeux brillants trahissaient sa curiosité. « Calion le 65ème était un homme remarquable, doué d'une grande sagesse. Nos routes se sont croisées près de l'Eregion, à une époque où l'ombre s'étendait déjà au loin. »

Il sourit légèrement, comme s'il se remémorait un souvenir lointain. « Il portait les mêmes traits que toi, Calion : ces cheveux noirs et ces yeux verts si distinctifs de votre lignée.»

« Il a partagé la vie des elfes de l'Eregion pendant des décennies. Aux côtés de Círdan, il a contribué à la construction de nos navires, un allié fidèle et d'une grande gentillesse. » continua Elrond.

Il marqua une pause, et un silence s'installa autour de la table. Les hobbits, attentifs, écoutaient, fascinés par cette histoire venue d'un autre temps. « Et puis, un jour, il a disparu, sans laisser de trace. Círdan s'est longtemps inquiété de ne plus avoir de nouvelles de lui. »

Elrond inclina légèrement la tête, un éclat pensif dans les yeux. « J'ignorais qu'il avait une descendance, » ajouta-t-il en fixant Calion avec une intensité particulière, comme s'il cherchait à percevoir quelque chose de plus profond. « C'est une lignée que je croyais perdue. »

Calion, restant en retrait, soutint le regard d'Elrond, mais ses traits demeuraient impassibles. Cependant, ses yeux verts brillaient d'une lueur qui n'échappa ni à Aragorn, ni à Gandalf.

Les hobbits, eux, chuchotaient entre eux, impressionnés et curieux. Pippin se tourna vers Frodon, chuchotant : « Il y a tant de mystères autour de lui... »

Gandalf, toujours attentif, intervint d'une voix apaisante : « Les histoires des ancêtres nous rappellent que le passé a des liens profonds avec le présent. Chaque héritier porte en lui l'ombre et la lumière de ses prédécesseurs. »

Aragorn leva alors sa coupe. « À ceux qui ont pavé la route avant nous, et à ceux qui continuent de la tracer. »

Calion, profitant d'un moment où l'attention des convives s'était tournée vers les hobbits qui racontaient avec enthousiasme leurs aventures sur la route, se leva discrètement de la table. « Je vous remercie pour l'hospitalité, mais je dois me retirer, » dit-il, inclinant la tête respectueusement vers Elrond.

Aragorn, en observant Calion s'éloigner, hocha la tête en signe de compréhension. Il savait combien son ami détestait être au centre de l'attention, surtout entouré d'étrangers. Calion se glissa silencieusement dans le couloir, ses pas absorbés par l'atmosphère paisible de Fondcombe.

Elrond suivit longuement Calion du regard, son expression se faisant plus pensive. Ses yeux semblaient chercher dans le vide, comme s'il explorait un souvenir enfoui. Il se pencha davantage vers Aragorn, parlant à voix basse, presque pour lui-même : « Une lignée d'hommes aussi ancienne... c'est exceptionnel, Aragorn. Très peu de lignées ont perduré à travers les âges. Ce qui me surprend encore plus, ce sont ces traits, ces cheveux noirs et ces yeux verts... Ils sont identiques à ceux que portait Calion le 65ème. »

Il fit une pause, sa voix trahissant une pointe de nostalgie. « C'est étrange, tu sais... Ce Calion actuel ne lui ressemble pas exactement, et pourtant... C'est comme si un écho du passé se tenait devant moi. »

Gandalf, écoutant en silence, échangea un regard avec Elrond, tandis que celui-ci continuait, comme perdu dans ses pensées. « Calion le 65ème avait cette même lueur, ce même éclat dans le regard. Il avait consacré sa vie à bâtir aux côtés de Círdan, et pourtant, il avait ce besoin de solitude, ce retrait. Et maintenant... c'est comme si je le revoyais, à travers le voile du temps. Cela me perturbe. »

Ses yeux se perdirent dans la salle, comme s'il cherchait à percer un mystère qui lui échappait encore.

Elrond resta pensif un moment, puis reprit, ses yeux perdus dans des souvenirs lointains. « Ce qui m'a toujours troublé, c'est la disparition soudaine de Calion le 65ème. Il avait vécu et travaillé avec nous pendant plus de vingt ans, une période courte pour les Elfes, mais précieuse. Il était très apprécié, en particulier par Círdan, qui voyait en lui un frère d'armes. »

Il soupira, sa voix se teintant d'une mélancolie subtile. « Un jour, sans avertissement, il a quitté l'Eregion. Aucun mot, aucune indication de sa destination. Nous l'avons cherché, espérant un signe de sa part, mais tout ce que nous avons trouvé, ce furent des traces qui se perdaient dans les montagnes. Círdan s'est longtemps inquiété de son sort. »

Elrond se tourna vers Gandalf, comme pour partager ce fardeau de souvenir. « Je n'ai jamais compris pourquoi il est parti. Peut-être portait-il un fardeau que nous ne pouvions imaginer, ou peut-être... » Il s'interrompit, laissant sa phrase en suspens, ses pensées tournant autour d'un mystère jamais résolu. « C'est troublant de revoir ce nom et ces traits, comme si le passé se rejouait. »

Gandalf hocha la tête, respectant le silence qui suivit. Aragorn, lui aussi absorbé, resta silencieux, méditant sur ces paroles qui révélaient bien plus qu'un simple souvenir.

Aragorn hésita un moment, sachant qu'il touchait à un sujet sensible. Pourtant, la curiosité le poussa à parler. « Elrond, il y a autre chose. Calion porte une épée étrange. Elle est enroulée dans des bandelettes de cuir, comme si elle était scellée. Cela semble être un rituel... ou une promesse. Je l'ai toujours vue ainsi, et il refuse de la dégainer. »

Elrond, en entendant ces mots, sembla profondément troublé. « Une épée enroulée de cuir... » Il ferma les yeux un instant, comme s'il cherchait dans sa mémoire des échos du passé. « Calion le 65ème portait également une telle lame. Il disait qu'elle se transmettait de génération en génération, un artefact ancien que chaque Calion devait porter, mais qu'il ne fallait jamais dégainer sans une raison impérieuse. Il semblait porter un fardeau en la conservant ainsi, mais il n'a jamais expliqué davantage. »

Il se tourna vers Aragorn, son regard grave. « C'est étrange qu'un tel héritage se perpétue encore aujourd'hui. La lignée de Calion semble garder ses secrets, même à travers les âges. »

Elrond, toujours plongé dans ses réflexions, murmura plus pour lui-même que pour ses compagnons : « Il est possible que cette lignée soit issue de Númenor... Cela expliquerait bien des choses. Calion le 65ème n'a montré aucun signe de vieillissement durant les vingt années qu'il a passées avec nous. »

Aragorn se montra curieux en entendant Elrond mentionner Númenor. « Une lignée aussi ancienne que cela, ici en Terre du Milieu ? » demanda-t-il, ses yeux se plissant légèrement.

Elrond hocha la tête, toujours plongé dans ses pensées. « Même pour les hommes de Númenor, c'est une rareté. Ceux qui ont foulé nos terres portaient une grande longévité, mais une lignée qui s'étend sur tant de générations avec des traits aussi distincts... cela me paraît exceptionnel. »

Gandalf ajouta : « Il est vrai que le peuple de Númenor était béni par une longévité remarquable, mais cette lignée en particulier semble défier le temps plus que nulle autre. »

Gandalf, avec un sourire empreint de sagesse, conclut : « Il semble que tu aies trouvé un allié plein de mystères, Aragorn. Un descendant d'une lignée aussi ancienne ne peut qu'être un atout dans les troubles qui se profilent. »

Aragorn hocha la tête, mais une lueur de réflexion traversa son regard. Tandis que Gandalf parlait, il sentit un poids s'alourdir sur ses épaules. Il se remémora les années passées avec Calion : les batailles, les longues nuits sous les étoiles, et ces moments où son compagnon semblait presque absent, son esprit ailleurs. Il se rappela les sensations étranges, presque oppressantes, qui flottaient parfois dans l'air lorsqu'ils étaient en danger. Il se rappela le combat contre les Nazgûls, la fureur inhabituelle de Calion, son regard brûlant d'une intensité surnaturelle.

Le doute l'assaillit. Était-il en train de voyager aux côtés de quelqu'un qu'il ne comprenait pas entièrement ? Depuis dix ans, il avait choisi de faire confiance à Calion, se fiant à ses instincts et à la loyauté qu'il lui avait prouvée. Mais il ne pouvait ignorer les questions qui se bousculaient dans son esprit. Pourquoi n'avait-il jamais vu Calion changer ? Dix ans avaient passé, mais les traits de son compagnon demeuraient inchangés, sa force toujours intacte.

Il se sentait partagé entre le besoin de poser des questions et la promesse silencieuse qu'il avait faite de ne pas briser le mystère qui entourait Calion. Pour le moment, il préférait taire ses doutes, dissimulant ses pensées derrière un masque calme. « Oui, » finit-il par répondre, ses mots mesurés, « un allié précieux, en effet. » Mais son esprit restait troublé, et il savait qu'il ne pourrait ignorer ces questions éternellement.