Prologue
« Les adieux les plus difficiles sont ceux qui n'ont jamais été dits ou qui n'ont jamais été expliqués »
U.S.S Kelvin, 2033
Des hurlements stridents retentirent à bord du vaisseau terrestre envoyé dans l'espace dans le but d'explorer une partie de l'univers encore inconnu. Ce dernier bravait actuellement une tempête d'orages peu habituelle, voire même très étrange.
Allez-y, Madame, vous y êtes presque, encouragea l'un des médecins de bord. Allez-y, poussez !
Où est mon mari ? demanda Sansa Robau avant de hurler à nouveau. Bon sang, trouvez-le !
Madame, votre mari ne peut pas venir, rappela une infirmière en vérifiant la perfusion accrochée au bras de la jeune femme. Notre vaisseau traverse des intempéries. En tant que capitaine, il se doit de rester en haut pour superviser l'opération...
Et en tant que mari et futur père, il devrait être ici ! riposta Sansa en broyant les accoudoirs de son fauteuil entre ses mains.
L'infirmière voulut lui répondre, mais à cet instant précis, tout explosa dans le couloir de l'infirmerie. Bien que souffrant atrocement à cause de son accouchement, Sansa se redressa sur les coudes, se doutant que quelque chose n'allait pas.
Que se passe-t-il ? voulut-elle savoir.
Je ne sais pas, répondit le médecin. Leïla, contactez le capitaine, et dites-lui que sa femme est en train d'accoucher.
Bien docteur, accepta la concernée en bondissant sur l'interphone.
Poussez Madame ! ordonna le médecin.
Il y a quelque chose qui ne va pas, souffla Sansa.
Si ! Tout va bien, vos enfants sont en vie et prêts à sortir, répondit l'autre.
Non, pas eux, coupa Sansa. Là-haut, quelque chose ne va pas...
À peine eut-elle terminé de parler qu'une nouvelle secousse fit vibrer le vaisseau et, cette fois-ci, des hurlements retentirent ainsi qu'une explosion magistrale.
Passez-moi mon mari ! ordonna Sansa en soufflant désespérément dans le but de ne pas hurler à nouveau.
Nous l'avons en ligne, mais, Madame, il doit gérer le vaisseau, objecta l'infirmière.
Passez-le moi ! répéta froidement Sansa en tendant la main.
L'infirmière s'exécuta sans un mot, reprenant sa position initiale auprès du médecin qui aidait la jeune femme à accoucher. À l'autre bout de la pièce, un cri du même genre retentit et chacun releva la tête.
Ne me dites pas que les deux seules femmes de ce vaisseau à être enceintes sont en train d'accoucher en même temps, implora le médecin.
Je crains que si docteur, confirma l'infirmière en chef en arrivant à son tour pour prendre une trousse de secours.
Occupez-vous en ! J'arrive dès que j'ai fini ici, confia le médecin en se concentrant à nouveau sur sa tâche.
Mais Sansa semblait bien plus préoccupée par son mari que par ses enfants.
Je suis sur le point d'accoucher, annonça-t-elle dans l'interphone. Et tout explose ici. Ne me fais pas croire que tout va bien. Que se passe-t-il ?
Un vaisseau ennemi, confia le capitaine de l'U.S.S Kelvin de l'autre côté de l'appareil. Il est sorti de nulle part et nous a attaqués sans raison !
Capitaine, les boucliers lâchent, cria quelqu'un. La prochaine salve nous anéantira !
Un silence presque glacial tomba brutalement sur tout le vaisseau. Les tirs avaient cessé, et personne n'osait plus respirer.
Grimaçant de douleur quand une nouvelle contraction la prit, Sansa serra le téléphone entre ses mains. Elle voulut dire quelque chose, mais à cet instant précis, une voix froide prit la parole. Une voix qui n'appartenait certes pas à un membre de l'équipage.
Mon supérieur requiert la présence de votre capitaine, expliqua celle-ci. Dans le but de négocier un cessez-le-feu. Un refus de votre part serait dérisoire...
Puis ce fut à nouveau le silence tandis que Sansa assimilait les paroles qu'elle venait d'entendre. Il n'y avait qu'un seul capitaine sur ce vaisseau. Et il s'agissait de son mari.
Tu n'y vas pas ! cria-t-elle dans l'interphone, faisant sursauter tout le monde. Ils vont te tuer, tu n'en reviendras pas ! Tu m'entends ?!
Je n'ai pas le choix, Sansa, fit remarquer le capitaine Robau. C'est votre seule chance à tous de sortir en vie de ce vaisseau...
Je te l'interdis, Ryan, siffla Sansa en poussant un nouveau cri quand une contraction la secoua. Tu ne peux pas mourir maintenant. Pas alors que je suis en train de mettre au monde nos enfants !
Menaçant de laisser échapper le téléphone, Sansa s'appuya contre le dossier de son siège, ignorant les hurlements de sa meilleure amie quelque part sur sa droite. Elle avait mal, elle avait peur et, surtout, elle ne voulait pas perdre son mari.
Ryan..., appela-t-elle.
Je t'aime Sansa, répondit ce dernier. De tout mon cœur, et bien au-delà. Mais je dois le faire, sinon ce sera tout le vaisseau qui y laissera la vie. Y compris toi et nos enfants. Alors je dois le faire. Dis-moi que tu comprends !
Sansa sentit les larmes cascader sur ses joues. Bien sûr qu'elle comprenait, bien sûr qu'elle ne lui en voulait pas. Mais comment pouvait-on lui demander de laisser partir son mari, sa seule famille, droit vers la mort ?
Sansa..., répéta ce dernier.
Oui, je comprends, murmura-t-elle en faisant taire ses sanglots. Je t'aime ! Je t'aime tellement...
Moi aussi, Sansa, confirma le capitaine Robau. Comment veux-tu que nous les appelions ?
Tu aimais le prénom Anastasia, rappela Sansa. Tu voulais qu'on l'appelle comme ça. Alors elle se nommera Anastasia.
Et le garçon ? Un prénom qui te plaise !
Adrian, proposa Sansa avec un faible sourire. Adrian et Anastasia...
C'est parfait, accepta Ryan Robau. Tu leur diras à quel point je les aime. Tu veilleras sur eux, je le sais.
Je te le jure, sanglota Sansa en appuyant fortement sur son ventre alors qu'une nouvelle contraction la secouait. Je te le jure !
Je dois y aller, chérie, constata Ryan en ne parvenant pas à faire ses adieux. Le délai est presque écoulé. Je t'aime !
Je t'aime aussi, répondit Sansa, la voix déchirée entre sanglots et hurlements. Je t'aime !
Le cri qu'elle poussa quand le bruit de l'interphone indiqua que son mari n'était plus en ligne n'avait rien à voir avec l'accouchement, mais il passa inaperçu entre tous les pleurs et hurlements qui retentissaient dans le vaisseau.
Allez-y, Madame ! ordonna le médecin. Le bébé est là, poussez !
Prenant une grande inspiration, Sansa poussa de toutes ses forces, son cri restant coincé dans sa gorge tellement la douleur était forte. Elle ne savait même plus laquelle était la pire : physique ou mentale ?
Quelques instants plus tard, un bébé poussa son premier hurlement sous les soupirs de soulagement de toute l'assemblée.
Qui est-ce ? demanda Sansa. Adrian ou Anastasia ?
Adrian, Madame, lui apprit l'infirmière en mettant l'enfant dans un linge. Il est en pleine forme !
La suivante arrive, Sansa, prévint le médecin. Il va falloir faire un dernier effort. Vous y êtes presque !
Secouée par la souffrance, Sansa perçut à peine le fait que le vaisseau subissait à nouveau les missiles. Ce qu'elle perçut, en revanche, ce fut la voix de George Kirk dans l'interphone.
Ordre d'évacuation donné, ordonnait-il tandis que son épouse poussait les mêmes hurlements que Sansa pour mettre au monde son enfant. Gagnez vos navettes respectives. Ce vaisseau est en perdition !
Préparez la chaise roulante, demanda le médecin. Il va falloir faire vite, elle arrive !
Mon mari est mort..., murmura Sansa qui se doutait parfaitement que les négociations avaient échoué si le vaisseau était à nouveau attaqué.
Madame, votre fille arrive, il va falloir pousser, ordonna le médecin. Nous ne parviendrons pas à la navette à temps pour vous y faire accoucher. Il va falloir le faire maintenant !
Sansa hocha la tête, le cœur broyé par la peur. Puis elle poussa fortement, hurlant à s'en arracher les cordes vocales. Qu'importe que tout le monde l'entende. Elle ne savait même plus si elle hurlait pour son accouchement ou pour la mort de son époux.
Elle est là ! annonça le médecin. Encore un petit effort. Allez-y !
Reprenant une grande inspiration, Sansa obéit à l'ordre de son médecin, broyant les accoudoirs de ses doigts sous le coup de la douleur. Mais cette souffrance fut atténuée par le pleur que poussa le bébé.
Anastasia, la présenta l'infirmière. Votre fille va bien, Sansa !
On a un problème, contra le médecin. Elle saigne trop !
Mon bébé ? paniqua Sansa à l'idée de perdre sa fille en même temps que son mari.
Non, vous ! lui apprit le médecin. On n'a plus le temps. Vous deux, emmenez les deux enfants dans la deuxième navette médicale. On vous suit ! Et vous, aidez-moi à la mettre sur un fauteuil roulant !
Maintenant que la douleur de l'accouchement était passée, Sansa pouvait percevoir avec clarté que son sang continuait de couler, malgré le fait que ses deux enfants soient sortis, tandis que sa douleur au ventre revenait encore plus fortement.
Le trajet jusqu'à la navette fut atroce, tant pour les médecins que pour la jeune femme. Les corps inertes des morts, des blessés sur le sol. Le sang écarlate qui coulait partout où il pouvait le faire, les râles d'agonie, les pleurs, les cris de souffrance ou de peine. Tout était effroyable.
Mettez-la sur le lit ! ordonna le médecin. Il faut arrêter l'hémorragie avant qu'il ne soit trop tard. Ou elle y laissera la vie !
Sansa ! appela l'infirmière à ses côtés. Vous tenez bon, d'accord ? Vous avez deux beaux enfants qui vous attendent. Ils ont besoin de leur mère pour grandir !
Trop faible, Sansa se contenta de poser les yeux sur sa petite fille qu'elle voyait dans les bras de la puéricultrice. Cette dernière pleurait, mélangeant ses pleurs à ceux de son frère.
Les yeux fixés sur elle, Sansa se sentit partir. Pas qu'elle le souhaite, non, mais elle partait. Ses jambes ne répondaient plus, la douleur de son ventre était à peine perceptible, ses bras étaient trop faibles pour faire quoi que ce soit et ses paupières étaient si lourdes.
Bon sang ! Ça ne s'arrête pas ! s'exclama le médecin en faisant tout pour lui sauver la vie.
Sansa, vous m'entendez ? demanda l'infirmière en s'apercevant que la jeune femme perdait connaissance. Il faut vous accrocher. Vos enfants n'ont plus que vous.
Dans un dernier élan d'effort, Sansa Robau trouva le courage de faire signe à l'infirmière de s'approcher. Elle avait compris, elle s'y était même résolue. Mourir n'était pas si atroce, il fallait juste se laisser aller.
Wimona s'en est-elle sortie ? questionna-t-elle d'une voix faible.
Oui, Madame, la rassura-t-elle. Tout va bien, vous avez juste à tenir !
Confiez-lui mes enfants, hoqueta Sansa en peinant à lutter. Elle s'en sortira à merveille avec George. Dites-leur que je les aime et que je suis tellement désolée...
On la perd ! cria le médecin d'une voix qui lui paraissait si lointaine.
Et Sansa ne percevait déjà plus grand-chose. Seuls ses yeux restaient rivés sur ses deux enfants, dernier port d'accroche avant la fin.
George Kirk est resté dans le vaisseau, confia une voix au loin. Il l'a jeté contre l'ennemi...
La dernière pensée de Sansa Robau fut pour ses enfants, et pour sa meilleure amie.
Je suis désolée..., souffla-t-elle avant de s'effondrer.
Merci beaucoup d'avoir prit le temps de lire ce prologue, j'espère qu'il t'a plu. N'hésite pas à me donner ton avis, il sera accueilli avec plaisir.
J'espère te retrouver la semaine prochaine pour le chapitre 1.
Encore merci,
Svjetlana
