Chapitre 6

« Quand tu ne sais pas où tu vas. Souviens-toi d'où tu viens »

Rejoignant en courant la passerelle de commandement, je fus surprise de voir que Spock attendait que l'on remonte deux fugitifs des commandes hydrauliques.

Des fugitifs ? répétais-je en étant sûre d'avoir mal entendu. Vous rigolez ?

Je m'adressais à Pavel mais Spock secoua la tête et Nyota haussa les épaules. Ils ne rigolaient pas. Qui pourraient atterrir dans un vaisseau en distorsion ? Ou qui voudrait le fuir en passant par les commandes hydrauliques ?

Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent et la sécurité fit entrer deux hommes dont je reconnus immédiatement l'identité du premier. Jim ! Je retins net un cri de joie et me mordis l'intérieur des joues quand un sourire se dessina sur mes lèvres. Si jamais Spock le voyait, je serais virée dès que le vaisseau regagnerait la base. S'il la regagnait un jour !

Qui êtes-vous ? demanda Spock à l'inconnu qui se trouvait à côté de Jim.

Il est avec moi, répondit ce dernier sans baisser les yeux devant Spock.

Nous sommes en distorsion, clama le Vulcain. Comment vous-êtes vous téléportés ?

Devinez Einstein ! le défia Jim avec un aplomb qui me surprit.

Spock ne s'attendait visiblement pas à cette réponse car il mit quelques secondes à répondre sous le regard ironique de Jim et celui, incrédule, de celui qui l'accompagnait.

Je suis capitaine suppléant et j'exige une réponse ! se reprit Spock en jouant sur son statut.

Je refuse Monsieur le suppléant, continua Jim avec un grand sourire moqueur. Ne me dites pas que ça vous énerve que je refuse de vous répondre ?

Spock l'examina d'un regard noir, une marque humaine sur ses traits pour la première fois, avant de braquer ses yeux sur l'autre individu qui lui adressa un regard méfiant.

Vous êtes de Starfleet ? demanda-t-il et je perçus immédiatement la menace.

Oui, répondit l'autre et je perçus un fort accent écossais. Vous auriez une serviette ?

J'ordonnais à un des membres de l'équipage de nous en ramener une avant que Spock ne riposte avec son règlement. Ne connaissait-il que ça ?

Sous peine de cour martiale, je vous ordonne de répondre, menaça-t-il et l'écossais ouvrit de grands yeux avant de s'empresser de répondre.

Et bien je…, tenta-t-il avant de se faire interrompre par mon frère.

Ne dites rien, coupa Jim.

Je vous ordonne de répondre, commença à s'énerver Spock.

J'échangeai un regard interrogateur avec Pavel avant de me concentrer sur la situation. Que cherchait Jim en provoquant Spock ? A part un nouvel exil !

Je vais rester neutre, décida sagement l'écossais alors que je lui tendais une serviette fraîchement arrivée. Merci !

Nos regards se croisèrent et je ne put m'empêcher de me faire la remarque qu'il était plutôt mignon. Légèrement plus petit que Spock et Jim entre qui il se trouvait, il avait des cheveux blonds coupés courts et des yeux couleur chocolat qu'il avait ancré dans les miens.

Sans comprendre pourquoi, je me sentis profondément troublée, et je me forçais à cligner les paupières avant de détourner les yeux, me concentrant à nouveau sur la conversation en cours.

Vous me sidérez, reprit Jim en se plaçant juste sous le nez de Spock. Votre planète a été décimée, votre mère assassinée et ça ne vous fait rien !

Si vous pensez que cela affecte mes capacités de commandement, vous vous trompez, siffla Spock tandis que je commençais à comprendre l'idée de Jim.

Vous disiez qu'il fallait accepter la peur pour commander, reprit Jim sans se soucier de sa réponse. Vous avez vu son vaisseau et ce qu'il a fait ?

Le Vulcain sembla chercher vers quoi Jim tentait de l'entraîner et ne trouva rien d'autre à faire que de répondre. Il n'avait pas d'autres choix.

Évidemment, lâcha-t-il.

Avez-vous peur ? demanda Jim

Vous n'avez pas de leçon à me donner, siffla Spock tandis que je sentais pour la première fois sa colère.

Faites-moi taire, le défia mon frère.

Éloignez-vous, ordonna Spock d'une voix qui aurait fait reculer tout le monde sauf Jim.

Ça vous fait quoi de n'éprouver ni colère, ni tristesse, ni douleur ? questionna ce dernier. Ni désir de venger celle qui vous a donné la vie ?

Reculez, siffla Spock avec une froideur extrême.

Rien du tout, répondit pour lui Jim. Votre cerveau d'ordinateur n'a pas enregistré cela. Vous ne l'aimiez pas !

Aussitôt, je compris que Jim avait frappé là où ça faisait mal car le visage de Spock prit une dangereuse couleur blanche avant que ses yeux ne brillent de colère et qu'il ne se jette sur Jim.

Ce dernier esquiva son premier coup et lui rendit avec les remerciements, mais Spock était fort, rapide et sa logique le poussait à attaquer là où Jim ne pouvait se défendre. C'était en ça que les Vulcains étaient dangereux. Eux et leur logique.

Ils enchaînèrent les coups avec plus ou moins d'élégance sous les cris de l'assemblée qui tentait de les arrêter sans pouvoir intervenir d'une quelconque manière. Quant à moi, ma colère à l'égard de Spock était soulagée par les coups qu'il recevait de la part de mon frère. Qu'il comprenne un peu la douleur que nous ressentions.

Mais brutalement, le combat bascula en faveur du Vulcain qui frappa Jim au dos avant de le projeter avec violence contre le tableau de bord qui émit un bruit inquiétant avant de se fissurer, démontrant à tous la force de Spock.

Ce dernier referma ses doigts autour de la gorge de Jim et commença à serrer.

Aussitôt, une alarme s'enclencha dans ma tête. Je n'étais pas infirmière pour rien et Spock risquait de briser à tout instant la nuque de mon frère ou de l'étouffer. Alors n'écoutant que mon cœur, je me précipitais sur Jim, ignorant Bones et Nyota qui tentèrent de me retenir, refusant de perdre encore un membre de ma famille.

Ce fut avec surprise que je sentis les doigts de Spock se refermer autour de ma propre gorge. Il était glacé, étrange pour un Vulcain. Mais ce fut la seule chose à laquelle je pensais avant de me rendre compte que Spock serrait très fortement et que je commençais également à manquer d'air.

Spock, suffoquais-je.

M'effondrant à mon tour sur le tableau de bord aux côtés de mon frère, je tentais de faire lâcher prise au Vulcain, mais les yeux de ce dernier étaient fixés avec rage sur Jim qui émettait des bruits peu rassurants. Je balançais mon pied dans les jambes de Spock, mais ne réussit qu'à me faire mal en appuyant sur l'endroit où le Romulien m'avait tiré dessus. Spock était bien trop fort pour moi, et le silence des autres autour de nous me fit comprendre que ces derniers percevaient enfin la colère, la peine, la douleur et le vide qui nous habitaient tous les trois.

SPOCK, claqua la voix du père de ce dernier dans le silence mortuaire de la pièce.

Le Vulcain nous fixa simultanément, et ce fut seulement en passant pour la troisième fois sur mon visage que ses yeux s'éclairèrent. A travers la barrière de mes larmes, je vis son regard se décomposer d'horreur et de remords avant qu'il ne se redresse en nous relâchant.

Aussitôt, Jim se mit à tousser bruyamment tandis que je tentais de reprendre ma respiration, entourée par Bones et Sulu qui s'étaient précipités sur nous. Mais mes yeux à moi ne quittaient pas Spock qui pivota vers Bones et lui tendit le journal de bord.

Docteur, annonça-t-il d'une voix humaine. Je ne suis plus apte à commander. Je renonce à mes fonctions au motif que je suis… émotionnellement fragilisé. Veuillez le consigner dans le journal de bord.

Il me jeta un regard désolé avant de s'avancer vers la porte. Sans vraiment savoir comment je m'y pris, je devinais qu'il y avait quelque chose entre lui et Nyota quand cette dernière le rejoignit devant la porte avant qu'il ne l'a passe seul.

Écartant Bones et Sulu de moi, je pivotai vers mon frère, hésitant entre colère et joie de le revoir. Il avait été un peu trop violent avec Spock et surtout, je devinais pour quel motif.

J'adore ce vaisseau ! clama soudainement l'écossais, me faisant sursauter. On s'éclate bien !

Quel est votre nom ? demandais-je d'une voix éraillée en continuant de frotter ma gorge.

Scott Montgomery, répondit-il en reposant les yeux sur moi, ce qui me fit, encore une fois, frémir.

Je me contentais néanmoins de hocher la tête tandis que Bones prenait la relève.

Bravo Jim, siffla-t-il. On n'a plus ni capitaine, ni second pour le remplacer.

Il était pourtant présent quand Pike avait nommé Jim officier en second. Et dans tous les cas, même si je ne le dirais jamais de vive voix sauf si l'équipage était en danger, j'étais la troisième sur la liste des capitaines après Spock.

Oh que si ! s'exclama Jim en rejoignant le siège du Capitaine.

Pike l'avait nommé officier en second devant Anastasia, lui rappela Sulu.

C'est pas sérieux, s'exclama Bones et j'esquissais un sourire.

Merci du soutien, riposta Jim bien qu'il semble s'en moquer ouvertement.

Je vis Nyota le rejoindre, et son visage confirma ma supposition première. Il y avait quelque chose entre elle et Spock. Et le regard que je lui jetais lui fit comprendre qu'elle me devrait des explications.

J'espère que vous savez ce que vous faites, capitaine, murmura-t-elle.

Je l'espère aussi, répondit-il avec un air sérieux.

Il me jeta un regard où je devinais l'anxiété et je hochais la tête lentement. C'était moi qui avais eu les meilleures notes dans les discours que l'on pouvait faire à son équipage. Mais c'était à Jim de le faire à présent.

A tout l'équipage, clama mon frère sans me quitter des yeux. Ici James Kirk. Mr Spock m'a transmis les fonctions de capitaine suppléant. Je sais que vous pensiez rejoindre notre flotte, mais nous allons poursuivre l'ennemi. Vous avez dix minutes pour gagner vos postes de combat.

Il émit une pause pendant que son regard passait sur chaque membre de l'équipage présent sur la passerelle. De Bones à moi. Puis de Pavel, Sulu, Nyota et Scott avant de se concentrer sur moi de nouveau.

Ce sera nous, reprit-il. Ou eux. Terminé !

Immobile face à lui, je conservais un visage impassible, tentant de ne pas grimacer à cause de la douleur de ma gorge. Spock n'y avait pas été de main morte, c'était vraiment peu de le dire.

Il nous faut un moyen de rentrer dans l'atmosphère de la Terre sans que le vaisseau de Néro ne nous détecte, reprit mon frère au bout d'un moment de réflexion. Quelqu'un aurait-il une idée ?

Je cherchais en même temps que les autres une solution, mais ne trouvait rien du tout comme idée. Ce fut soudainement que j'avisais la flaque d'eau aux pieds de Scott Montgomery qui n'osait plus rien dire depuis que la déclaration de guerre avait été lancé.

Venez avec moi, soufflais-je, et il m'adressa un regard reconnaissant en me suivant en dehors de la salle.

C'est toujours comme ça l'ambiance dans ce vaisseau ? me demanda-t-il tandis que l'on longeait les couloirs.

Un sourire dessina mes lèvres et je secouais la tête en signe de négation.

Heureusement non, répondis-je. Mais Spock et Jim ne se sont jamais vraiment entendu. Vous voyez, Spock est Vulcain, et il est du genre à tout contrôler par la logique. Sauf que Jim préfère nettement l'imprévu et les surprises. Ils sont toujours en contradiction. Encore plus depuis que le capitaine Pike a été pris en otage.

C'est ce que j'ai cru comprendre en effet, avoua Scott. Visiblement, il semble tenir à votre capitaine. Bien plus qu'en tant que simple officier.

Le capitaine Pike a remplacé nos pères respectifs, fis-je, légèrement moins enjouée. Il a tenu le rôle que les nôtres n'ont pas pu tenir. Alors forcément, malgré le fait que nous soyons aujourd'hui assez grands pour ne plus avoir besoin d'une figure paternelle, les liens sont toujours là.

Je sentis son regard glisser à nouveau sur moi, et encore une fois, je sentis des frissons parcourir mon corps. C'était à la fois dérangeant et surprenant. Jamais encore je n'avais ressenti cela. Aucun homme ne m'avait jamais fait cet effet. Et encore moins aussi rapidement.

Comment vous appelez-vous ? finit-il par demander après avoir sans doute délibérer sur le bien-fondé de sa question.

Anastasia Robau, lâchais-je en connaissant déjà sa réaction.

Sauf que je ne m'attendais pas à celle-ci. Scott hocha la tête, sans grande surprise peinte sur ses traits et il continua à marcher sans rien ajouter. La surprise m'en fit m'arrêter au milieu du couloir. Surprit, il pivota vers moi, ses yeux me dévisageant avec étonnement.

Vous vous en doutiez, murmurais-je.

Jim Kirk, expliqua-t-il. Je savais qu'il avait été élevé seulement par sa mère lorsque son père a sauvé son équipage sur l'U.S.S Kelvin. Et je savais aussi que Wimona Kirk avait élevé les enfants de ses amis. Étant donné que vous paraissiez si proche que Jim Kirk et que vous parlez de Christopher Pike comme de votre propre père, c'était facile à deviner.

Surprise par tant de logique, je me contentais de hocher la tête. Ses yeux ne quittaient pas mon visage, détaillant les expressions qui y passaient. Douleur, étonnement, puis résignation.

Et vous leur ressemblez beaucoup, ajouta doucement Scott, s'avançant pour poser sa main sur mon bras.

Evidemment, une nouvelle fois, des frissons parcoururent mon corps. Sauf que cette fois-ci, je les repoussais. Qu'est-ce qui me prenait ? Je me contentais d'offrir un regard reconnaissant à Scott.

Ce dernier me répondit par un sourire et je lui rendis, avant de me remettre à marcher.

Il n'y a pas de loge de libre, expliquais-je tandis que l'on parvenait devant la cabine que je partageais avec Nyota. Mais je pense que vous ne souhaitez pas rester trempé jusqu'à notre arrivée.

Bien pensé, me répondit-il avec un rire tandis que je composais mon mot de passe et que je poussais la porte de ma loge. C'est nettement mieux que les cabines de l'U.S.S Truman !

Aussitôt, mon sourire se fana et je dû me raccrocher au mur de la cabine pour ne pas flancher. Il remarqua immédiatement mon trouble et son propre sourire s'effaça avant qu'il ne m'attrape par le bras pour m'aider à m'asseoir. Je tentais de résister mais il insista et me força à m'asseoir sur le lit.

Que s'est-il passé ? me demanda-t-il bien plus perspicace que la plupart des personnes à bord.

Les images des débris des différents vaisseaux de la Fédération flottant dans l'immensité de l'espace me revinrent en mémoire et je luttais pour les éloigner de moi.

Nous sommes arrivés à sept vaisseaux dans l'espace Vulcain, débitais-je mécaniquement, l'image de l'U.S.S Truman disloqué dans ma tête. Ils ont tous été détruits. Y compris l'U.S.S Truman. Aucun membre d'équipage n'a pu être sauvé, il était bien trop tard.

Scott ne répondit rien, encaissant le choc de ma révélation en silence. Peut-être connaissait-il des gens à bord de ce vaisseau et je ne voulais pas le brusquer. N'étais-je pas la personne la mieux placée pour savoir ce que l'on ressentait à ce moment ?

J'étais officier sur l'U.S.S Truman, souffla Scott en paraissant totalement choqué. Et aucun d'entre eux ne s'en est sorti ?

Non, murmurais-je. J'ai perdu mon frère jumeau et mes deux meilleures amies à l'intérieur. Il n'y avait aucun espoir.

Ses yeux papillonnèrent vers moi et je lui adressais un sourire triste. Que pouvions-nous faire ? S'effondrer était de loin la pire chose à faire. Alors il fallait continuer à se battre. Irrémédiablement.

Je me repris et me relevais, ouvrant différents placards. Je lui tendis deux serviettes et des gants de toilette. Puis j'ouvris la porte de la salle de bain et me poussais.

Je vais voir si l'un des hommes à bord de ce vaisseau a des habits à votre taille, expliquais-je. Je n'ai pas de tenues masculines.

Je préfère éviter les robes, sourit-il et je grimaçais avant de sortir de ma cabine, me mettant à la recherche de Bones ou Jim.

Les couloirs étaient déserts, tout le monde avait retrouvé sa place et je dû remonter à l'infirmerie pour tomber sur Bones.

Tu n'aurais pas une tenue à prêter à Scott Montgomery ? demandais-je en m'arrêtant devant lui. Je doute que des robes soient de circonstance...

Il sourit et confia son patient à son collègue. Dernier médecin à bord à part lui-même. Remontant dans le couloir, je restais à l'extérieur de la cabine de Bones. Évidemment, les hommes avaient leur propre cabine. Les femmes, elles, étaient placées deux par deux. Sexisme !

Il va très certainement te remercier, fis-je quand il me tendit une pile de vêtements. Même si j'aurais été ravie de voir sa tête si je lui avais tendu une robe.

Je doute qu'il aurait apprécié, répondit Bones et je grimaçais à nouveau avant de rejoindre ma propre cabine, quelques mètres plus loin.

Scott ?! appelais-je et il me répondit depuis la salle de bain et sous le bruit de l'eau qui coule. Je pose vos vêtements sur le lit. Une fois que vous aurez fini, remontez en salle de commandes. Jim veut vous parler !

D'accord, cria-t-il et je refermais la porte de la cabine pour rejoindre l'infirmerie.

Entrant dans mon lieu de travail, je manquais de percuter Christine Chapel.

Que se passe-t-il ? demandais-je en la voyant si épuisée.

On s'obstine à sauver quelqu'un qui ne peut être sauvé, m'expliqua-t-elle en murmurant pour ne pas causer de problèmes. Il ne survivra pas !

Elle indiquait un rideau derrière lequel se trouvait l'une des dernières victimes de l'attaque de Néro. Nombreux avaient été blessés. Mais à présent, on comptait les morts. Dix-sept au dernier décompte.

Je vais aller voir, lançais-je à Christine qui parut soulagée. Tu devrais prendre une pause.

Je vais y aller, souffla-t-elle d'une voix faible. Mais je dois finir un truc avant.

Je hochais la tête et rejoignis mon patient.

Et il était en mauvais état, très mauvais état même. Pas besoin d'être infirmière ou médecin pour le voir. Qu'importent les traitements et les opérations qu'il subirait, ça ne mènerait à rien d'autre qu'à sa mort.

Comment vous sentez-vous ? demandais-je en m'approchant du lit.

Mal, souffla-t-il d'une voix considérablement affaiblie. J'ai très mal et je ne sens plus mes jambes.

Je soulevais les couvertures, et l'odeur de la décomposition me heurta, manquant de me faire vomir. Heureusement, mes années de pratique me permirent de ne faire que ciller.

Car l'odeur n'était pas la seule chose qui n'allait pas. La couleur de ces jambes, de son flanc et de son bras droit ne l'était pas non plus. Un mélange de bleu, de mauve et cette couleur verte…

Je ne vais pas survivre n'est-ce pas ? demanda-t-il d'une voix douloureuse. Ne me mentez pas s'il vous plaît, j'ai mis tant de temps à me décider à poser cette question.

Je n'avais de toute manière pas le droit de lui mentir. Et lui dire que ça allait aller était un mensonge.

Non, répondis-je en m'asseyant à ses côtés, posant une main sur sa seule épaule valide. Non, vous ne survivrez pas à vos blessures.

Bon sang, s'exclama-t-il avant de se mettre à pleurer sans même s'en rendre compte. Je le savais !

Je suis là, murmurais-je en posant mes doigts sur sa joue. Je ne vous laisserais pas d'accord ? Tout ira bien, ça, je peux vous le promettre. Je vous accompagnerais jusqu'au bout.

Il tremblait, et je savais que ce n'était plus seulement à cause de la douleur. Il y avait la peur, le désespoir et la culpabilité. Celle de laisser une famille.

Je serrais ses doigts avant de me redresser et d'accentuer la descente de morphine. Il était inutile qu'il souffre pour rien. Et quand je le sentis se tendre, je compris que c'était inutile et que la fin était proche.

Ce ne sera pas long, murmurais-je avant d'appeler Bones. Et je suis sûre que les gens que vous aimez vous attendent là-haut, ils doivent être fiers de vous.

Vous croyez, souffla-t-il tandis que le médecin nous rejoignait, avisant immédiatement la situation. Je laisse ma femme et mes enfants tout seuls.

Ils ne seront pas tout seuls, répondis-je avec douceur en gardant mes yeux rivés aux siens. Parce que vous serez toujours là auprès d'eux. Ils auront de quoi être fiers de vous. Et même si parfois ils seront en colère parce que vous aurez sacrifié votre vie aux dépens de leur bonheur, ils comprendront.

Ils ne m'en voudront pas ? demanda-t-il, les yeux brillant de larmes.

Non, ils ne vous en voudront pas, confirmais-je en gardant les miens secs. Quand notre père s'est sacrifié comme vous l'avez fait, on en est fier. Même si parfois c'est dur, même si on aurait préféré que ce soit quelqu'un d'autre qui paie à sa place. Parce que sinon, ça signifierait qu'ils ne vous aiment pas. Et ce n'est pas le cas. Soyez-en sûr !

Il hocha la tête, et ses yeux papillonnèrent vers Bones qui s'activait silencieusement à ses côtés. C'était son rôle d'accompagner cet homme jusqu'à sa mort, mais je ne pouvais me résoudre à le laisser le faire seul. Par égard envers mon ami, mais aussi par égard envers cet homme à qui j'avais juré d'être présente jusqu'à la fin.

Vous n'en voulez pas à votre père ? me demanda à nouveau ce dernier.

En d'autres circonstances, je lui en aurais voulu de mettre ce sujet sur la table. Mais pas là. Pas en cet instant précis. Parce qu'il avait besoin de la réponse.

Non, répondis-je avec douceur. Je ne lui en ait jamais voulu, même si parfois j'ai haïs le fait qu'il se soit sacrifié sur ce vaisseau plutôt que de laisser quelqu'un d'autre le faire. J'ai haï ceux qui lui ont ôté la vie, ceux qui m'ont fait grandir sans mes parents mais jamais, jamais je n'ai détesté mon père.

Il hocha la tête, rassuré, et se tourna vers Bones qui s'était figé de l'autre côté du lit. Il ne restait plus qu'à attendre la fin.

Je veux que mon corps soit ramené à ma famille, expliqua-t-il. Et je veux qu'il soit incinéré. Dites-leur que je les aimais profondément et que je suis désolé. Mais dites-leur aussi que je veillerais sur eux de là-haut et que je veux les voir rire et vivre.

Ce sera fait, promit Bones en souriant légèrement pour paraître plus rassurant.

Merci, souffla l'autre en reposant les yeux sur moi. Je crois que c'est la fin.

Son rythme cardiaque perdait effectivement de la vitesse et mes yeux évaluèrent rapidement la situation. Il ne lui restait que quelques minutes.

Je suis sûr que votre père serait fier de vous, souffla-t-il et je le regardais, surprise. Parce que je serais aussi fier de mes enfants quand ils réussiront leurs vies.

Je lui souris avant qu'un bip sonore ne se mette à retentir. Bien que je sache que ça ne servirait rien, je commençais immédiatement un massage cardiaque tandis que Bones tentait de le sauver. Façon de parler.

Mais le son resta continu, et au bout de quatre longues minutes de soins intensifs, je cessais de me battre pour une vie à présent perdue, les mains encore appuyées sur la poitrine de l'homme. Puis je fermais un bref instant les yeux avant de les rouvrir et de faire la dernière partie de mon travail.

Laissant à Bones le soin de couvrir le corps, je rejoignis le bureau et rédigeais l'heure et la cause de la mort avant de coller le nom sur un bracelet que je tendis à mon collègue quand je le rejoignis.

Il est mort ? demanda soudainement Christine en me rejoignant. Mais je croyais qu'il allait encore vivre quelque temps !

Il ne le souhaitait plus, répondis-je en me lavant les mains. Et tu sais autant que moi que le moral joue beaucoup.

Elle hocha la tête, les larmes aux yeux mais je ne me sentais pas le courage de la rassurer et de la consoler. Aussi me contentais-je de poser une main consolatrice sur son épaule avant de décrocher quand le téléphone sonna.

Anastasia ? demanda Jim. Il faut que vous nous rejoigniez. Bones aussi !

On arrive, répondis-je avant d'appeler ce dernier.

Nos collègues prirent le relais et on se dépêcha de rejoindre la passerelle de commandement.

Vous n'avez toujours pas d'idée ? demandais-je en les voyant tourner en rond tandis que Spock restait invisible.

Non, répondit Jim en tapotant sur son clavier. La priorité est de mettre le pied sur le vaisseau de Néro.

Mais on ne peut pas débarquer les armes aux poings ! intervint Bones.

Ils ont le capitaine Pike à bord et ils se dirigent tout droit vers la planète Terre, riposta mon frère. Si nous ne posons pas le pied à bord, nous perdrons tout ce que nous avons.

Je hochais la tête avant de pivoter vers Scott qui avait également rejoint la passerelle et achevait de se sécher la tête. J'ouvris la bouche pour dire quelque chose, mais Pavel poussa un cri de joie en bondissant dans notre direction.

Capitaine Kirk ! appela-t-il. Capitaine Kirk !

Oui ? demanda ce dernier en pivotant vers lui, les sourcils froncés. Que se passe-t-il ?

D'après la trajectoire du Narada, expliqua Pavel. Et selon mes statistiques, le vaisseau de Néro va passer devant Saturne. Comme vous l'avez dit, on ne doit pas être vu. Mais si Monsieur Scott peut activer la distorsion 4 et qu'on sort derrière l'une des lunes de Saturne, disons Titan, le champ magnétique des anneaux nous masquera. L'Enterprise sera invisible pour le Narada. A partir de là, tant que leur foreuse n'est pas activée, nous pouvons nous téléporter à bord !

J'analysais rapidement ce qu'il venait de dire, tandis que Bones et Jim débattaient sur l'âge du jeune homme. Il était vrai que remettre la vie de toute une planète et de tout un équipage sur les épaules d'un garçon de 17 ans avait de quoi inquiéter, mais Pavel Tchekov avait prouvé plus d'une fois qu'il était très inventif. Et intelligent.

Si je peux me permettre docteur, je pense que Monsieur Tchekov est dans le vrai, fit la voix de Spock et je pivotais sur mes talons pour me retrouver face à ce dernier. Si je peux m'introduire à bord du Narada, je pourrais gagner leur salle des machines, récupérer l'appareil et peut-être même libérer le Capitaine Pike.

Je ne peux pas vous laisser faire ça, répondit Jim en s'avançant vers le Vulcain.

Vulcains et Romuliens ont de nombreuses caractéristiques en commun et il me serra donc plus aisé de me diriger dans leur vaisseau, expliqua Spock. Et ma mère étant humaine, ça ne me laisse que la planète Terre comme seule attache.

Ça aussi se tenait. Je vis les autres échanger des regards. Je vis clairement les yeux de Nyota étinceler d'inquiétude et elle rougit légèrement quand elle croisa les miens, perspicaces.

Je viens avec vous dans ce cas, décida Jim et aussitôt, mon visage perdit quelques couleurs.

Je serais bien tenté de vous énoncer les règles de Starfleet mais je sais que ça serait inutile, répondit Spock dans ce qui passa comme une remarque ironique.

Vous voyez ! s'exclama mon frère en lui tapant sur l'épaule. On finit par se comprendre !

Il sourit de toutes ses dents devant l'air figé de Spock et pivota vers moi, m'indiquant de le suivre. S'il comptait me laisser ici alors qu'il partait sur ce vaisseau, je le décapitais !

Le commandement te revient, expliqua-t-il. Spock et moi-même partant pour le Narada, c'est à toi de commander.

Tu plaisantes n'est-ce pas ?! m'exclamais-je alors que les autres nous rejoignaient. C'est hors de question. Si tu pars là-bas, je viens avec toi !

Non, coupa Jim et je le fusillais du regard. Je veux que tu restes ici et que tu sauves l'Enterprise si jamais nous ne parvenons pas à sauver la Terre.

Tu me demandes de sauver un vaisseau alors que toute notre planète partira en poussière ?! répétais-je, estomaquée. Qui dans l'Enterprise acceptera de partir ? Qui Jim ?

C'est un ordre Anastasia, fit-il et je m'arrêtais net avant qu'il ne pivote sur ses talons pour se placer face à moi, les mains sur mes épaules. Je t'aime Anna, et je n'aurais jamais pu rêver mieux comme sœur. Je viens de perdre Adrian, je ne veux pas te perdre également. Tu es infirmière, mais pas soldat. C'est à moi de partir, pas à toi. Tu dois rester ici, prendre les commandes du vaisseau et faire honneur à ton rang.

Je pinçais les lèvres, mais ne protestais pas. Que cela me plaise ou non, mon frère avait raison et je ne pouvais pas désobéir.

Si jamais nous échouons, reprit Jim. Je veux que tu partes le plus loin possible et que tu préviennes les autres planètes de la Fédération. Nous sommes en guerre et si la Terre se consume, il ne restera plus rien.

A vos ordres, répondis-je d'une voix ferme.

Je t'aime, souffla-t-il en me serrant dans ces bras fortement. Je sais que tu y arriveras.

Je t'aime aussi, répondis-je faiblement. Jure-moi de revenir !

Nos yeux se croisèrent, et il hésita un instant, refusant comme moi de faire une promesse qu'il n'était pas sûr de tenir. Mais finalement, il hocha la tête, sûr de lui.

Je te jure de revenir, promit-il.

Je hochai la tête tandis que Spock le rejoignait. Jetant un dernier regard à mon frère, je pivotai sur mes talons, reprenant le couloir en sens inverse, suivis par Bones et Sulu.

Personne ne broncha quand je montais sur l'estrade pour gagner le fauteuil de capitaine. Même si ça me déplaisait de faire ça, je me sentais néanmoins fière de me tenir là où chaque membre de ma famille c'était un jour retrouvé.

Scott ? demandais-je dans l'interphone.

Ils viennent d'arriver, répondit ce dernier. Je suis prêt à les faire partir.

Monsieur Sulu, appela soudainement Jim et je levais les yeux sur le concerné. Si jamais à un quelconque moment vous pensez avoir l'avantage, n'hésitez pas ! Tirez, même si nous sommes encore à l'intérieur.

Sulu croisa mon regard et je ne bronchai pas. Je savais pourquoi Jim s'était adressé à lui et non à moi. Même au moment de partir, il se refusait à me demander l'impensable. Mais je savais aussi bien que lui que le sort de deux hommes face à celui de tout un peuple n'était rien. Et même si ça signifiait de sacrifier la vie de mon frère, mon choix était déjà fait.

Bien Monsieur, confirma Sulu tandis que je fixais mon regard dans l'espace. Bonne chance !

Il y eu un instant de silence pendant lequel je vérifiais l'armement du vaisseau, puis il y eut un hoquet de surprise de l'autre côté. Haussant un sourcil, j'échangeai un regard avec Bones.

Je ne ferais aucun commentaire, répliqua Spock à ce qui devait être un regard de Jim.

Un sourire m'échappa avant que mon visage ne se ferme à nouveau quand Scott donna le signal de départ. Pianotant sur les accoudoirs de mon fauteuil, je redressais le menton et vrillais mes yeux droits devant moi.

Si leur vaisseau a été construit avec un minimum de bon sens, vous devrez atterrir dans un endroit peu fréquenté, expliqua Scott. Bon courage !

J'entendis distinctement le téléporteur se mettre en marche, puis se refermer. Le combat commençait.


J'espère que ce nouveau chapitre vous a plu, n'hésitez pas à me laisser vos avis.

Je vous souhaite un beau week-end ! Prenez soin de vous.

Lana