Chapitre 8
« Mieux vaut demander pardon que permission »
L'infirmerie était noire de monde. Malgré tous nos efforts pour contenir le flot d'agents qui y convergeaient, la grande pièce de soins ne suffisait plus pour contenir autant de personnes. Médecins et infirmiers tentaient de se frayer un chemin afin de détecter les blessés les plus graves, et lorsque Bones m'envoya dans les étages de l'Enterprise afin de rechercher d'autres personnes qui n'auraient pas pu se déplacer, je le fis avec un peu de réticence à laisser mes collègues galérer autant.
Heureusement, ou malheureusement, dans la majorité des cas, les blessés les plus graves étaient déjà arrivés à l'infirmerie. Je dénombrais peu de morts, en revanche les portes verrouillées à certains endroits de l'Enterprise me confirmèrent que le bilan serait bien plus lourd. Ces portes empêchaient la dépressurisation du vaisseau.
Autrement dit, de l'autre côté, c'était le vide total. Toutes les personnes qui s'y trouvaient au moment de l'attaque avaient été aspirées par l'espace.
Tu as réussi à contrôler tout le vaisseau ? me demanda Bones dans l'interphone.
Presque, répondis-je en descendant les escaliers. Il me reste la salle des machines et ce sera bon.
Tant mieux, fit Bones.
Et vous, la situation s'améliore ? demandais-je.
L'infirmerie est toujours pleine, répondit Bones. Mais dans la majorité des cas, il s'agit de blessures mineures. Je renvois les agents à leurs postes le temps que l'Enterprise rejoigne la base. Essaie de faire le maximum de soins sur place, en ce qui concerne la salle des machines, nous n'avons plus de lits. Il faudra qu'ils attendent entre quelques heures.
Je ferais de mon mieux, promis-je en coupant la communication.
La salle des machines avait été relativement protégée des tirs grâce à sa position dans le vaisseau. Située à l'intérieur même du bâtiment, elle était entourée de passerelles, de couloirs et d'autres salles qui avaient encaissés la majorité des dégâts. Les blessés étaient donc moindres. Dans la plupart des cas, il s'agissait seulement de personnes ayant été surprises par les chocs.
Vous êtes blessé ? demandais-je à Scotty quand je le rejoignis devant le poste de commande des machines.
Légèrement, me répondit-il, et je levais un sourcil septique en voyant le sang qui coulait de son arcade sourcilière. J'ai juste pris un coup sur la tête en gagnant la salle des machines.
Je l'obligeais à tourner la tête pour que j'examine la blessure, mais il avait raison, la plaie avait l'air superficielle.
Vous devrez passer au poste médical une fois que l'Enterprise aura rejoint la base, le prévins-je en notant cela sur ma tablette. Je vous conseille de ne pas omettre cela, sinon le personnel médical se fera une joie de vous convoquer.
J'y passerais, promit-il avant de me dévisager. Vous êtes blessée également.
Effectivement, ma lèvre inférieure était bleutée, mais le sang avait arrêté d'y couler, ce qui n'était pas plus mal. Hochant la tête, je jetais un coup d'œil tout autour de moi.
Pas d'autres blessés ? demandais-je à Scotty qui secoua la tête.
Pas que je sache, répondit-il alors que le bourdonnement dans mes oreilles m'indiquait qu'on entrait dans l'atmosphère de la Terre.
Très bien, fis-je en signant le rapport que j'avais fais concernant les blessés de l'attaque.
Je tournais les talons, mais Scotty m'attrapa par le bras, et je lui jetais un regard interrogateur. Il avait l'air particulièrement mal à l'aise et je fronçais les sourcils.
Normalement j'aurais dû rester sur la planète Delta Vega, m'apprit-il et je hochais la tête. Je préférerais tout autant qu'ils ne m'y renvoient pas… mais je ne suis pas sûr que ma parole suffise…
Je vais en parler à Jim et Spock, répondis-je, et je vis son visage se détendre. Je ne pense pas que cela soit un souci, vous avez contribuer à sauver ce vaisseau ainsi que la planète Terre. Nous ferons notre maximum, je vous le promets.
Merci, fit-il et je lui souris avant de tourner les talons pour regagner l'infirmerie.
oOoOo
Remettre les pieds sur terre après autant de temps passé dans l'espace me fit un bien fou. J'avais beau aimé voyager dans l'espace, revenir sur la terre ferme restait un moment que j'appréciais particulièrement. Sentir les rayons du soleil caresser ma peau de façon naturelle, et non pas à travers les vitres de l'Enterprise, sentir le souffle du vent dans mes cheveux et respirer l'air frais était particulièrement agréable.
Il faisait même un peu frais alors que je gagnais le bureau de l'amiral Marcus en compagnie de Jim et de Spock. L'amiral souhaitait nous voir tous les trois. C'était la procédure, mais cela n'en restait pas moins stressant.
J'espère que, pour une fois, ils n'auront rien à me reprocher, souffla Jim alors que je poussais la porte du bâtiment de direction.
Parce qu'il est vrai que tu as été particulièrement exemplaire pendant tout le voyage, répondis-je en souriant.
D'autant plus quand on se souvient que vous n'étiez même pas censé vous trouver à bord de l'Enterprise à la base, rajouta Spock et je hochais la tête en signe d'accord. Je ne vois vraiment pas pourquoi ils vous reprocheraient quelque chose.
Monsieur Spock, faites attention, je pourrais croire que vous vous essayez à l'humour, lança Jim alors qu'on parvenait devant le bureau de la secrétaire de l'amiral Marcus.
Cette dernière prévint immédiatement l'amiral et je m'adossais au mur en attendant d'être reçue par ce dernier. En d'autres circonstances, je n'aurais pas été nécessairement convoquée avec Jim et Spock, n'étant que troisième dans la chaîne de commandement, mais étant donné que j'avais eu les commandes à un moment, il était dans la procédure que je sois présente également.
On patienta pendant quelques minutes dans le couloir en silence. Même Jim n'avait rien à dire. Il fallait dire que l'heure était un peu matinale, et j'enviais nos collègues qui devaient probablement dormir profondément.
Kirk, appela soudainement une voix devant nous, et je relevais la tête, me redressant immédiatement en reconnaissant l'amiral Marcus. Monsieur Spock. Robau.
Amiral, répondis-je immédiatement en inclinant la tête en signe de respect.
Entrez, nous enjoignit-il et je suivis Jim et Spock à l'intérieur du bureau de mon supérieur. Asseyez-vous.
Obéissant en silence, je pris place à la droite de Spock, prêt de la fenêtre par laquelle je voyais le soleil se lever lentement.
L'amiral Marcus était un homme de grande taille, très mince, dont le visage et les galons inspiraient le respect. Ses yeux étaient d'un bleu glacial, et j'étais sûre qu'il lui suffisait d'un seul regard pour faire taire même le plus téméraire d'entre nous. Je connaissais bien sa fille. Carol était une jeune femme qui avait beaucoup hérité du physique de son père, mais dont le visage était bien plus doux et avenant.
Je tentais en tout premier lieu à vous féliciter pour votre intervention, fit l'amiral Marcus et je vrillais mes yeux sur lui. Sans vous, nous ne serions plus là à discuter. Vous avez géré la situation avec brio.
Merci amiral, répondit Spock tandis que je hochais la tête.
Les yeux de l'amiral Marcus nous dévisagèrent tous les trois, et je supportais son regard sans sourciller. Puis il reposa ses yeux sur Jim et j'inspirais silencieusement, appréhendant la suite des évènements.
Le docteur McCoy m'a expliqué par quel miracle vous vous êtes retrouvé sur l'Enterprise alors que vous étiez consigné à terre. Je ne remettrais pas en doute ses propos, remerciant plutôt sa décision étant donné les évènements, mais ne vous y trompez pas, je sais exactement ce qui s'est passé.
Pour une fois, Jim eu la présence d'esprit de ne rien dire, et encore moins de provoquer l'amiral. Nous savions tous les deux ce qu'il aurait encouru si la situation s'était déroulée autrement.
En d'autres circonstances, je n'aurais en rien encouragé votre entêtement et votre défiance, mais au vu des évènements, et selon la volonté du Capitaine Pike en qui j'ai une entière confiance et un grand respect, je vous propose le poste de Capitaine du vaisseau Enterprise.
Surprise, j'ouvris de grands yeux en regardant Jim qui ne semblait pas y croire ses oreilles.
Mais le Capitaine Pike ? demanda Spock.
Sa convalescence sera longue, répondit l'amiral. De plus, il souhaite se retirer du commandement, en conséquent, il m'a vivement conseillé de nommer James Kirk à sa place. Vous avez fait vos preuves en tant que tel, et malgré votre insubordination, Starfleet a besoin d'hommes comme vous. Acceptez-vous l'offre qui vous ait faite ?
Bien sûr ! s'exclama Jim qui ne semblait pas y croire. Sans la moindre hésitation.
Alors c'est clos, mais que je vous prévienne, fit Marcus. A la moindre tentative de défier le commandement supérieur, je vous mets à la porte sans la moindre hésitation. Est-ce clair ?
Très clair, promit Jim.
L'amiral Marcus le toisa du regard pendant encore quelques secondes avant de poser ses yeux sur Spock. Ce dernier inclina brièvement la tête en signe de respect.
En tout premier lieu, et au nom de tout Starfleet, je vous présente nos sincères condoléances concernant votre planète et votre mère, reprit-il. Nous aurions aimé pouvoir éviter cela.
Je vous remercie, répondit Spock d'une voix neutre. Nous avons fait le maximum.
Nous admirons également ce que vous avez fait en acceptant de vous sacrifier pour détruire le Narada. C'était courageux et au-dessus des attentes de Starfleet.
Je n'ai fait que mon travail, répondit Spock et l'amiral se permit un sourire en constatant que le Vulcain ne s'attribuait aucun mérite pour ce qu'il avait fait.
L'Enterprise vous garde à son bord, reprit Marcus. En tant qu'officier en second, si vous vous sentez capable de travailler de concert avec votre capitaine. Connaissant vos différents, je souhaite être sûr que cela ne nuira ni à votre équipage, ni à Starfleet.
Spock marqua une hésitation, et je le vis échanger un regard avec Jim. Je savais que leur relation n'était pas encore parfaite, le serait-elle seulement un jour, mais je savais également que ça allait mieux entre eux.
J'aimerais beaucoup pouvoir bénéficier de vos savants conseils à bord de l'Enterprise, fit Jim et cela me fis sourire.
Je servirais avec plaisir à vos côtés, répondit Spock et l'amiral Marcus hocha la tête avant de tourner la tête vers moi.
J'avais beau n'avoir rien à me reprocher, je ne pu m'empêcher de frémir en croisant ses yeux si froids.
De la même manière que pour Monsieur Spock, l'ensemble de Starfleet vous présente ses condoléances pour la perte de votre frère.
Merci amiral, répondis-je en essayant de ne pas penser au visage de mon jumeau.
Adrian Robau était un jeune homme plein de promesses, très doué et convaincu de ce qu'il faisait. Encore une fois, le Narada nous a retiré un agent brillant et un homme qui avait la vie devant lui. Une cérémonie sera rendue en la mémoire de tous les disparus de ce jour si funeste.
Incapable de dire quoi que ce soit, je me contentais de hocher la tête.
Malgré votre douleur et votre colère, vous avez commandé l'Enterprise avec brio dans l'un des pires moments. Vous avez prouvé que vous aviez les capacités nécessaires pour commander. Starfleet vous propose de rejoindre un autre vaisseau en la qualité d'officier en second si cela vous intéresse.
La proposition me surprit et je ne pus m'empêcher de jeter un coup d'œil à mon frère. Ce dernier ne paraissait pas aussi surpris que moi et il m'adressa un regard encourageant.
La proposition était surprenante et aurait pu être alléchante. Mais si j'avais rejoint Starfleet, c'était en qualité d'infirmière en tout premier lieu. Une place que je tenais à conserver.
Prendre les commandes d'un vaisseau temporairement est enrichissant, repris-je lentement en reposant mes yeux sur l'amiral Marcus. Et j'apprécie votre proposition. Néanmoins, l'Enterprise et son équipage sont devenus ma famille. Et si j'apprécie de commander quand les circonstances le réclament, je me suis engagée en la qualité d'infirmière. L'Enterprise a besoin d'une infirmière en chef, et je tiens à conserver mon poste.
Très bien, répondit l'amiral Marcus en hochant la tête. La situation est donc réglée. Pour le moment, l'Enterprise est en réparation, par conséquent, vous restez au sol. Néanmoins, une fois qu'il sera de nouveau opérationnel, Starfleet a besoin que vous repartiez en mission.
Ce sera avec plaisir, répondit Jim et l'amiral Marcus sourit.
La mission durera cinq ans, nous apprit-il et on ouvrit tous les trois de grands yeux surpris. En conséquent, je vous conseille, à vous et à votre équipage, de profiter des quelques semaines qu'ils vous restent à profiter de vos proches avant le départ.
On hocha à nouveau la tête en signe d'accord.
Y-a-t-il quelque chose dont vous souhaiteriez me parler ? demanda Marcus.
Oui amiral, répondit Jim à qui j'avais jeté un regard. Lors de notre mission, nous avons récupéré l'agent Scott Montgomery.
Oui, j'ai bien vu que côté défiance, vous y avez été un peu fort, fit Marcus et Jim grimaça un peu.
Certes, acquiesça mon frère. Néanmoins, Scott Montgomery nous a à tous sauvé la vie en permettant à l'Enterprise d'échapper au trou noir créé par la matière rouge. Personne n'aurait eu l'idée qu'il a eu. D'un commun accord, nous souhaiterions le conserver à sa place d'ingénieur en chef à bord de l'Enterprise si vous le permettez.
Il nous avait indiqué de la main Spock et moi-même. Quand je leur en avais parlé, ils avaient tout de suite décidé de l'accepter à bord et de défendre son cas. Restait à savoir si l'amiral Marcus y serait sensible ou non.
Encore une fois, au vu de la situation, je ne peux qu'accepter votre demande, décida l'amiral Marcus, et malgré moi, je ne pu m'empêcher d'être soulagée. L'agent Scott Montgomery sera affecté à l'Enterprise en qualité d'ingénieur en chef. Mais je vous saurais gré de ne plus faire preuve de défiance ou je serais forcé de sévir. Ce que je n'hésiterais pas à faire.
La menace était à peine voilée, et Jim hocha la tête. Aucun de nous trois n'ajouta quoi que ce soit, et l'amiral Marcus finit par hocher la tête.
Une cérémonie aura lieu ce soir en la mémoire des disparus, reprit-il et mon sourire se fana. Dix-huit heures dans la cour, en tenue de cérémonie. Tous comme chaque membre de Starfleet ayant perdu un membre de sa famille, vous récupérerez le drapeau de votre frère agent Robau.
Je me contentais de hocher la tête, incapable de dire quoi que ce soit. Que pouvais-je dire de plus de toute manière ?
On se releva tous les trois, avant de quitter la pièce. Retenant fermement mes larmes, je me contentais de suivre Jim et Spock dehors, respirant avec soulagement l'air pur qui était devenu étouffant à l'intérieur du bâtiment. La journée allait être pénible, et la soirée difficile. Il me fallait m'y préparer.
