Chapitre 21
La douleur. Puissante, effroyable. La sensation de mourir, cette certitude qu'il était trop tard.
L'impression que la souffrance coulait dans chacune de mes veines, impitoyable. De brûler vive.
Cet épuisement. Cette fatigue au-dessus de toute description.
On doit avancer Anna, souffla une voix.
Nous sommes déjà morts…
La douleur. Encore, et toujours.
Anna, appela une voix au loin.
Le feu dans mes veines, cette difficulté à respirer. J'étouffais.
Anna, réveille-toi, tout va bien. Tu es en sécurité.
L'Enterprise qui basculait, attiré irrémédiablement par la Terre. Cette terreur à l'idée de savoir que, d'une manière ou d'une autre, nous n'en sortirions pas vivants…
Anna ! clama de nouveau la voix et je frémis.
Mon cauchemar s'arrêta d'un seul coup, et je me réveillais d'un seul coup.
Scotty évita de justesse de tomber du lit en effectuant un recul rapide.
Tout va bien ! me lança-t-il en me regardant, inquiet. Tout va bien. On est sur Terre.
Je ne savais pas où je me trouvais, et je me souvenais de peu de choses de la soirée précédente, si tant est si bien que je fus plus que surprise de voir Scotty à mes côtés.
Qu'est-ce que je fais là ? m'exclamais-je.
A l'odeur du parfum masculin qui régnait tout autour de moi, je savais déjà où je me trouvais.
Peu importe, murmurais-je en repoussant les couvertures pour descendre du lit, attrapant ma veste sur le pied de ce dernier.
Me levant du lit, j'attrapais mes bottes et les enfilais rapidement sans un mot. J'ignorais quoi dire à vrai dire, et la situation me mettait clairement mal à l'aise.
Je ne savais plus où on en était. Ni même si nous étions quelque part.
Tu comptes partir comme ça ? demanda Scotty qui n'avait pas bougé de l'autre côté du lit.
Je ne sais pas quoi te dire et te répondre, fis-je en mettant ma veste. Tu as été plutôt clair en m'ignorant pendant près d'une semaine. Merci de ne pas m'avoir laissé hier soir.
Mettant le col de mon manteau en place, je m'avançais vers la porte, mais les doigts de Scotty se refermèrent sur mon bras, me forçant à me tourner.
Il paraissait incertain, mais la froideur de ses yeux avait disparu, remplacée par un profond désarroi. Comment en étions-nous arrivé là ?
Je t'en prie, murmura-t-il, si proche, son odeur tout autour de moi. Arrête de me repousser…
Nos yeux se croisèrent, et je ne luttais pas quand il m'attira contre lui, posant ses lèvres sur les miennes.
J'aurais dû reculer, j'aurais dû le repousser. Je ressentais encore la douleur et la peine liées à son indifférence totale de ces dernières semaines.
Mais je l'aimais. Et cela suffisait à tout reléguer au second plan.
Fermant les yeux, je le laissais passer un bras autour de ma taille pour m'attirer à lui tandis que son autre main se positionnait derrière ma nuque.
Abaissant mes armes, je passais mes bras autour de son cou. Son étreinte se renforça et je me sentis perdre pied. Je me fichais de mon ressentiment, de mon inquiétude. De mes appréhensions.
Soudain, des coups frappèrent à la porte et on se sépara violemment, surprit, l'un comme l'autre.
Se reprenant le premier, Scotty ouvrit la porte pendant que je me décalais, évitant ainsi qu'on me voit. Les ragots allaient très vite dans un endroit aussi collectif que Starfleet.
L'U.S.S Enterprise repart en mission, lança la voix de Bones et je levais un sourcil. Au cas où vous sauriez où est Anastasia… pensez à la prévenir.
Son ton était légèrement ironique, et je compris qu'il savait parfaitement que j'étais là. D'autant plus que Scotty ne savait pas mentir, et son regard qui papillonna deux secondes dans ma direction acheva de me trahir.
Soupirant, je rejoignis Scotty et saluais Bones. Ce dernier nous adressa un regard moqueur que je ne relevais pas.
Jim et Spock te cherchent, m'apprit-il. Je ne leur ai pas dit que tu étais ici, ne souhaitant pas rameuter tout Starfleet, mais si vous ne souhaitez pas que tout le monde soit au courant, je te conseille de filer les rejoindre.
A tes ordres, lançais-je ironiquement avant de rejoindre le couloir.
Attachant mes cheveux en arrière, je me dirigeais vers la salle de réunion où je rejoignis Jim et Spock.
Tu étais où ? demanda mon frère en me dévisageant. Tu n'étais pas dans ta chambre.
Il ne me semble pas que mes activités te regardent particulièrement, répondis-je en levant un sourcil.
Je vous ai vu partir en compagnie de Mr Scott, lança Spock et je lui adressais un regard mi-amusé, mi-blasé.
Vous aussi il me semble que ce que je fais en-dehors de ma vie professionnelle ne vous regarde pas, rajoutais-je.
Je dis simplement…, commença Spock.
Vous souhaitez que l'on discute de vous et de Nyota ? demandais-je.
Spock ouvrit la bouche. Puis la referma.
Satisfaite, je reposais les yeux sur Jim qui me fixait, moqueur.
Scotty a enfin réussi ? demanda-t-il et je secouais la tête.
Si par-là tu entends avoir réussi à tenter de s'expliquer, pas vraiment, Bones nous a trouvé avant, répondis-je et le sourire de Jim se fana.
L'alcool ? demanda-t-il.
Je haussais les épaules et il me fusilla du regard.
Je n'ai pas mis ma réputation en jeu, conclus-je. Et il ne s'est strictement rien passé entre Scotty et moi, donc calme-toi.
On se défia du regard, mais il finit par baisser le sien avant d'allumer l'hologramme devant nous.
Nous partons en mission de cinq ans, lança-t-il avec un grand sourire et je levais les deux sourcils.
La mission tant attendue, murmurais-je et il hocha la tête avec joie. Cinq ans… C'est très long pour ceux qui ont une famille.
C'est notre travail, répondit Spock et je ne pu que lui donner raison.
Raison pour laquelle il est vraiment plus simple d'être en couple avec quelqu'un bossant à Starfleet et encore plus dans le même vaisseau, nous balança innocemment Jim et on posa des yeux blasés sur lui.
Tu as tout à fait raison, sifflais-je. Comment va donc Carol ?
Touché.
Je passe l'annonce à tout l'équipage de l'U.S.S. Enterprise, reprit Jim l'air de rien. Nous partons demain matin. Alors profitez de vos derniers moments sur Terre.
Hochant la tête, je sortis de la salle, regagnant ma chambre où se trouvait déjà Nyota qui sursauta quand je rentrais et qui se détendit en voyant qu'il ne s'agissait que de moi.
Un problème ? demandais-je en levant un sourcil.
Spock, répondit-elle immédiatement et je lui adressais un regard surprit.
Hein ? demandais-je sans comprendre.
La nuit dernière…, expliqua Nyota. J'étais bien bourrée… Mais du genre vraiment. Je ne me souviens de rien après ton départ. Spock m'a incendié… paisiblement. Je suis sûre que même Scotty ne s'est pas comporté ainsi avec toi !
Ah…, compris-je en ouvrant ma valise pour commencer à préparer mes affaires. On part en mission de cinq ans demain matin.
Et merde, laissa échapper Nyota en plongeant dans son armoire. Je n'ai rien de prêt du tout !
Je ne répondis rien, j'étais dans la même position. Essayant d'agir avec intelligence, je réunis toutes mes affaires, essayant de ne rien oublier d'important. A bord d'un vaisseau, il était difficile de faire des emplettes.
Tu n'as pas dormi ici, fit remarquer doucement Nyota sans savoir comment en parler.
J'étais avec Scotty, répondis-je et elle esquissa un sourire. J'étais pas mal amochée aussi. Il ne s'est rien passé. Si ce n'est qu'on s'est embrassé juste avant que Bones ne frappe à la porte.
Mais à part cela il n'y a rien entre vous, sourit Nyota et je ne pu m'empêcher de sourire également.
Je n'ai jamais menti sur mes sentiments, corrigeais-je. Je ne sais juste plus où j'en suis dans l'histoire. Ma relation avec Gabriel m'a laissé quelques leçons.
Sauf que Scotty n'est pas Gabriel, fit remarquer mon amie. Tout le monde connait déjà ses sentiments à ton égard, il ne s'en cache pas. Quant à toi, cela commence à se voir.
Je ne répondis rien mais on échangea un regard qui en disait long. Elle savait parfaitement que les choses ne seraient pas aussi simples. Elles ne l'étaient d'ailleurs pas depuis le départ.
C'est compliqué l'amour…, soupira Nyota. Alors que ça ne devrait pas l'être.
Ça ne s'arrange pas entre Spock et toi ? demandais-je en comprenant que sa phrase n'était pas anodine.
Non, confirma Nyota. Et je ne sais plus quoi y faire… Ne te vexe pas, mais je crois qu'une relation avec les membres du commandement est tout sauf simple. Pour cette raison que je ne t'oblige pas à sortir avec Scotty.
Je ne répondis rien, n'ayant rien à répondre à cela. Elle avait raison. De par nos positions, il était compliqué d'entretenir une relation avec quelqu'un sans conflit d'intérêt. Il suffisait de voir la difficulté que Scotty et moi-même avions eu à s'opposer l'un à l'autre alors que nous n'étions même pas ensemble.
Finissant de boucler nos valises, on finit par attraper nos vestes pour sortir dans la cour. Sachant qu'on allait quitter la Terre pendant cinq années consécutives, on voulait profiter une dernière fois avant longtemps de cet air pur.
Ça va quand même me manquer à certains moments, soupira Nyota. J'adore ce que je fais, et je suis heureuse de faire partit de cette aventure… Mais cela va me manquer. Pas toi ?
Pas vraiment, répondis-je en haussant les épaules. Ici, rien ne me retient vraiment.
Nyota serra mon bras et je lui souris distraitement. Le soir tombait peu à peu et le soleil disparaissait progressivement à l'horizon quand on gagna un banc où s'asseoir, un peu à l'écart du passage.
Presque sans surprise, Sulu et Tchekov nous rejoignirent en silence. Eux aussi semblaient vouloir profiter des derniers rayons du soleil.
Puis ce furent Carol, Spock, Jim et Scotty qui finirent par nous rejoindre. Le regard de ce dernier heurta le mien, et ignorant comment réagir, je fus soulagée que Sulu choisisse pile ce moment pour prendre la parole.
Prêts à retourner dans l'espace après un an sans quitter Terre ? demanda-t-il à Jim et moi-même.
Plus que jamais, confirma Jim et je hochais la tête.
Du coin de l'œil, je vis Spock rejoindre Nyota et cette dernière m'adressa un regard surprit auquel je répondis par un léger sourire.
Peu importe comment il l'exprimait, Spock l'aimait. Il avait seulement de grosses difficultés à le montrer. Un peu comme moi en somme. Heureusement que nous n'avions pas flashés l'un sur l'autre.
Un mouvement sur ma droite et je constatais que Scotty s'était assis à côté de moi. Sa jambe toucha la mienne par inadvertance et un frisson me parcouru de la tête aux pieds. C'était fou l'effet qu'il avait sur moi.
Tout en lui m'attirait : son physique, son odeur, son caractère. Il était devenu de plus en plus compliqué de lutter contre mes sentiments à son égard, et il me semblait bien qu'il s'en rendait compte.
Capitaine Kirk, appela soudainement une voix derrière nous avant qu'un homme n'apparaisse à nos côtés. Officier-en-Tiers Robau, vos plaques.
Tendant la main devant moi, je le vis y déposer la plaque qu'on m'avait retiré en même temps que mon grade et mon poste un an auparavant.
Sur la photo, la jeune femme au visage souriant me semblait étrangère. Son visage était jovial, rendu mât par l'air de l'Iowa, ses yeux gris pâle n'étaient pas encore assombris par les épreuves de la vie, et ses cheveux mi-longs étaient coiffés à l'arrache. Je ne ressemblais plus à cette jeune femme désormais.
Rangeant ma plaque et mon insigne, je me relevais, indiquant aux autres que je regagnais ma chambre. Nyota m'emboîta le pas et on rentra.
Quand je me couchais ce soir-là, je ne pu m'empêcher de me dire que la prochaine fois que je me réveillerais sur Terre, j'aurais cinq années de plus.
oOoOo
Le lendemain, c'était un beau bordel organisé dans toute la base de Starfleet, raison pour laquelle j'avais laissé mes collègues embarquer en premier avant de me décider à gagner la navette de transfert.
J'appréhendais ce moment de regagner l'U.S.S Enterprise malgré mon excitation de repartir en mission après un an d'absence.
Depuis Khan et les évènements qui avaient suivis, Jim et moi-même n'étions pas remontés à bord d'un quelconque vaisseau, et quand la navette s'éloigna du sol, je sentis mon angoisse me heurter de plein fouet.
Elle était là la raison pour laquelle nous avions pris un an de congés loin de Starfleet.
Une angoisse perpétuelle depuis notre « mort ». J'en faisais encore de nombreux cauchemars. Même un an après.
Respire, souffla soudainement la voix de Scotty à ma gauche et je sursautais, tournant des yeux surprit sur lui.
Je ne l'avais pas vu s'installer à côté de moi, trop accaparée par la vue du sol qui s'éloignait. En revanche, lui avait clairement vu mon regard fixe.
Tout va bien se passer, murmura-t-il en me voyant adresser un nouveau regard dehors quand la navette effectua un mouvement un peu trop brutal pour moi.
Je sais, répondis-je en tentant de me donner une contenance que je n'avais pas.
Mais un nouveau mouvement brutal quand on quitta l'atmosphère me fit ciller et je m'aperçus que je serrais les accoudoirs de mon fauteuil seulement quand Scotty prit ma main gauche dans la sienne.
A des années lumières de penser à l'éloigner de moi au cas où quelqu'un nous verrait, je frémis quand la navette recommença à tanguer. Fermant les yeux pour contrôler la nausée qui me prenait à la gorge, je me laissais aller contre mon dossier.
D'abord perdue dans l'angoisse, je me concentrais peu à peu sur le pouce de Scotty qui effectuait des mouvements circulaires sur le dos de ma main.
Peu à peu, mon angoisse se calma et je finis par papillonner des paupières. Reposant les yeux sur Scotty, je constatais que ce dernier ne me regardait pas et s'était positionné de telle manière à me cacher et à ce qu'on ne voit pas mon malaise.
Merci, murmurais-je en me redressant, un peu incertaine.
Ça va ? me demanda-t-il.
Autant que possible, murmurais-je. Je ne pensais pas…
… Que ce serait à ce point-là ? termina-t-il et je lui adressais un regard surprit. Jim m'en a parlé. Ce soir-là, alors que je te voyais t'alcooliser de plus en plus. Et te rapprocher de ce mec…
Quel mec ? demandais-je en fronçant les sourcils.
Tu ne te souviens pas de toute la soirée, m'avoua Scotty et j'ouvris de grands yeux horrifiés. Tu n'as rien fait de… dégradant. Mais un mec a attiré ton attention un moment…
Oh…, répondis-je.
Je l'ai plutôt eu mauvaise, avoua Scotty en détournant les yeux. Et j'étais prêt à quitter la soirée quand Jim est arrivé. Je ne l'ai pas écouté au départ, jusqu'au moment où il m'a forcé à te regarder. Ce n'est pas un tendre quand il s'énerve… J'ai aussi entendu ce que tu lui as dit. Trop centré sur ma colère… je n'avais pas fait attention au mal que cela t'occasionnait.
Fixant nos doigts liés, je me sentais étrangement en sécurité.
Je ne compte pas te lâcher, murmura Scotty et je croisais ses yeux. Peu importe le temps que cela prendra, je n'abandonnerais pas. Et tant que tu n'auras pas dit oui à quelqu'un d'autre, je ne m'avouerais pas vaincu…
Nos regards se vrillèrent l'un à l'autre et j'y lus toute la sincérité du monde à l'intérieur.
Je ne sais pas si je suis capable de faire ça, répondis-je et il hocha la tête. De te donner ce que tu attends.
Je veux juste que tu essais, murmura Scotty et je frémis devant la douceur de sa voix. Je ne te demande rien de plus.
A cet instant, la navette se posa sur le sol de l'U.S.S Enterprise. On y était.
Je ferais au mieux, promis-je en me levant.
Les doigts de Scotty effleurèrent mon visage rapidement, et il hocha la tête. Le suivant dehors, je fus surprise quand Nyota me sauta dessus à peine le pied posé sur l'Enterprise.
Jetant un regard désolé à Scotty, je la suivis dans le couloir. Ma meilleure amie m'adressa un regard intrigué.
Hum ? demanda-t-elle en indiquant Scotty qui prenait ses fonctions derrière nous. Vous étiez proches tous les deux.
Je ne sais pas si j'en serais capable, répondis-je en entrant dans l'ascenseur. Mais je lui dois d'essayer.
Tu te le dois à toi aussi ma belle, répondit Nyota. Tu mérites d'être heureuse tu sais.
J'allais lui répondre quand Bones arriva en courant vers moi. Haussant un sourcil, il m'attrapa le bras pour me forcer à le suivre en direction de l'infirmerie. Définitivement, je passais trop de temps à courir.
On est en retard ! clama-t-il. L'Enterprise est censé décoller dans un quart d'heure et l'infirmerie est en bordel !
L'infirmerie est rangée Bones, constatais-je en rentrant à l'intérieur de ladite infirmerie.
Néanmoins, je me dépêchais d'effectuer les dernières vérifications avant de suivre Bones en direction de la passerelle. Tous les autres s'y trouvaient déjà.
Ready ! lançais-je à mon frère qui m'offrit un grand sourire.
Depuis quand l'infirmerie est le dernier service prêt ? me demanda-t-il néanmoins.
On était trop occupés à regarder la télévision, répondit Bones et je souris devant son ton spontané. Désolé on a un job nous !
Parés à cinq années dans l'espace ? clama Jim, tout fier de lui dans son fauteuil.
J'entendis Bones râler au possible et je rejoignis Nyota et Scotty.
Parée ! lança mon amie avec un grand sourire.
