Les jours qui s'ensuivit furent d'un calme remarquable. L'agitation semblait s'être apaisée, surtout après le succès des champions dans leurs épreuves respectives. Au déjeuner, comme tous les matins depuis trois jours, Chouta peinait à soutenir le regard de Drago sans lui révéler les rumeurs concernant le retour possible du Seigneur des Ténèbres. Elle se sentait comme une traîtresse, surtout que les Serpentards, eux, lui partageaient toujours généreusement leurs informations à tout moment. Pourtant, parfois, le silence valait mieux qu'une crise de panique.

Depuis l'incident durant la première épreuve du tournoi, Maugrey avait cessé de leur chercher des poux. Dans la Grande Salle, lors des repas, il restait assis à la table des professeurs, le visage renfrogné. C'était comme si le professeur Dumbledore avait dressé une barrière invisible entre la table des professeurs et celle des Serpentards.

Ce matin, le petit groupe ne manqua pas de le narguer, jusqu'à ce que Rogue leur lance un regard d'avertissement depuis la table des professeurs...

- Vipère à nez de cochon, annonça soudainement Drago sous les visages souriants de Pansy, Goyle et Crabbe.

Visiblement, Chouta était la seule à ne pas avoir compris pourquoi il disait ça.

- C'est le surnom que ton chère papa te donne, Drago? Demanda-t-elle d'une voix sarcastique.

Quelques élèves à la table des Serdaigles entendirent la boutade de Chouta et en rigolèrent à s'en tordre le ventre, ce qui agaça un tantinet Malefoy.

- C'est le mot de passe de notre salle commune, expliqua Pansy. Le professeur Rogue a exceptionnellement accepté qu'on te le donne.

- C'est aimable, reconnu Chouta.

- Tu n'as qu'à venir ce soir après les cours, proposa Drago. Notre bibliothèque personnelle regorge de manuels sur de la magie très avancée, c'est un secret entre Rogue et nous pour être en avance sur la matière.

- En deuxième année, on avait appris à faire apparaître un serpent, raconta Pansy. Tu aurais vu la tête de Potter quand Drago l'avait lancé sur lui...

Chouta brûlait d'envie de découvrir leur univers, mais elle était encore contrainte de se rendre aux retenues de Rogue. Ce dernier lui avait une nouvelle fois donné rendez-vous devant la forêt interdite le soir venu.

- On verra quand Rogue voudra bien replacer mes heures de retenues l'après-midi, soupira Chouta.

Le Professeur Karkaroff resta enfermé dans son bureau toute la journée, laissant les élèves travailler en autonomie. Quelque chose clochait. À mesure que le temps passait, Chouta avait le sentiment que le directeur s'effacait, comme s'il préparait ses élèves à sa propre disparition...Peut-être que Rogue avait raison, se dit-elle. Elle aurait mieux fait de se mêler de ses propres affaires... Maintenant, elle était la seule élève, de toutes les écoles confondues, à être au courant que l'avenir s'annonçait incertain. Au lieu de vivre encore dans l'insouciance de ses camarades, elle portait le lourd poids de la vérité comme une adulte. Il était incroyable de penser que Dumbledore, qui la connaissait à peine, lui avait fait de telles révélations après qu'elle eut découvert le miroir de Riséd.

À seize heures, après avoir passé l'après-midi à lire des livre sans intérêts dans la bibliothèque de Poudlard, alors qu'elle traversait le parc en direction du terrain de Quidditch pour retrouver y Viktor, Chouta réalisa que le propriétaire de la petite maison qu'elle voyait tous les jours n'était autre que Hagrid. Dans son jardin, le demi-géant à qui elle avait causé du tort s'affairait à récolter les dernières citrouilles de la saison qu'il plaçait dans une grosse brouette en bois. Chouta se demanda comment un homme aussi imposant pouvait vivre dans un si petit cocon, tandis que les autres professeurs de l'école vivaient du plus grand luxe.

Voulant honorer la clémence de Dumbledore à son égard, Chouta se dirigea vers lui, se disant qu'il était temps qu'elle lui présente ses excuses. Mais alors qu'elle pensait que cette affaire se réglerait aussi vite que Goyle mangeant un cupcake, Hagrid lui demanda de s'arrêter net juste avant qu'elle ne mette un pied dans son jardin. Son visage était dur, fermé, et aucun sourire ne se dessinait sous sa grande barbre brune.

- Je viens en paix, dit Chouta comme si elle était une extraterrestre.

Raté, ceci n'avait pas l'air de le convaincre...

- Écoute moi bien, jeune fille, dit-il en pointant son doigt sur elle. Je suis très tolérant, tu sais. Tout le monde fait des erreurs, même les meilleurs d'entre nous. Mais faire ce que tu m'as fait, alors ça, j'ai dû mal à comprendre. Pourtant j'en ait déjà vu des vertes et des pas mûres.

- Je n'ai rien à dire pour ma propre défense, je m'excuse d'avoir fait cela, dit-elle. Pourrais-je faire quelque chose d'utile pour me faire pardonner?

- Non, non, non et non. Je ne pardonnerai jamais ça, dit-il en se baissant pour récolter d'autres citrouilles. Si tu veux me rendre un service, ne t'approche plus de moi ni de ma maison ou de mon jardin. Mais surtout, fais en sorte de pas recommencer ça sur quelqu'un d'autre, d'accord?

Chouta n'en croyait pas ses oreilles. Comment quelqu'un pouvait-il refuser ses sincères excuses, elle qui ne se rabaissait jamais de la sorte? Et en prime, il osait la faire se sentir comme si elle était un monstre.

- Sachez que je n'ai aucune envie de fouler ce que vous appelez une maison! S'exclama-t-elle, blessée par ce rejet inattendu. Ce n'est qu'une cabane, comme celles dans lesquelles on range des vieux balais!

- Ma maison peut sembler modeste à certains, mais elle a plus de chaleur et de caractère que tous ces manoirs en béton, répondit Hagrid dans le plus grand des calmes.

Déchaînée, Chouta passa un pied dans son jardin et écrasa volontairement quelques plans de champifleur.

En homme sage, Hagrid ne réagissa pas et préféra la laisser dans sa colère...Il prit sa brouette remplie de citrouilles s'en alla vers le château.

Seuls sur le terrain de Quidditch, assis sur les chaises des estrades alors que le soleil déclinait, Chouta raconta à Viktor tout ce qu'elle avait entendu concernant Voldemort. Commençant par le récit de Dumbledore, ce que le professeur Karkaroff lui avait dit, sa vision dans la boule de cristal, finissant par les paroles de Rogue dans le bateau, la nuit passée...

Le champion écouta son récit avec le plus grand sérieux, mais resta quelques instants silencieux...

- Si Voldemort parvient à revenir, chacun devra choisir son camps, dit-il finalement d'une voix ferme.

Chouta fut surprise qu'il ose lui-aussi prononcer son nom. Il s'agissait d'une véritable marque de courage en ce monde.

- Le camp des ténèbres garantira la protection dans la contrainte, développa Chouta. Alors que celui de la lumière garantira la liberté, tout en sachant qu'on peut mourir à tout moment... Lequel choisiras-tu, Viktor ?

- Je serais dans la lumière, même si je dois en mourir, jura-t-il. Et toi, tu as choisi le tiens?

- J'improviserai. Le professeur Karkaroff a l'intention de fuir, peut-être partirions-nous ensemble.

- C'est de la folie! S'exclama Viktor. Chouta, avec tout ce que tu sais, tu n'as pas encore compris que le professeur Karkaroff risque de mourir? Voldemort à conscience que c'est un traître, les mangemorts vont le traquer et l'assassiner. C'est aussi ce que tu veux?

- Le professeur Karkaroff est rusé, contre-argumenta Chouta d'un air rationnel. Il va trouver des solutions pour disparaître comme il se doit, même la famille de Malefoy prépare ses cartons.

Un lourd silence s'abattit, pesant sur leurs épaules. Pour Chouta, la réalité était amère : elle refusait d'admettre que le professeur Karkaroff, à cause de ses efforts pour réparer ses fautes après la chute de Voldemort, était condamné. La perte de sa mère avait déjà laissé une cicatrice douloureuse dans son cœur, et envisager de perdre également Karkaroff était une douleur insoutenable.

- ...Les Malefoy n'iront nulle part, trancha finalement Viktor d'une voix caverneuse. Drago se teindra aux côtés de son père parmis les mangemorts. Il n'aura pas le choix.

- Pourquoi dis-tu ça? Les Malefoy ne sont plus ce qu'ils ont été, Pansy me l'a déjà dit.

Viktor Krum observa brièvement le ciel nocturne, ses pensées tourbillonnant comme des feuilles dans une tempête. Il prit une profonde inspiration, puis expira lentement...Enfin, il déclara quelque chose qui frappa Chouta comme de la foudre :

- Cet été, j'ai participé à un festival où j'ai représenté mon équipe de Quidditch, commença-t-il d'une voix grave, ses yeux reflétant des souvenirs douloureux. Mes parents m'avaient regardé jouer, ce qui me rendait fier. Mais au soir, j'ai entendu des cris venant de l'extérieur alors que j'étais couché sur le canapé de notre tente. En ouvrant la toile d'entrée, j'ai vu une horde d'hommes habillés en noir, masques argentés et chapeaux pointus, mettant à feu et à sang tout ce qui se trouvait sur leur passage. J'ai réveillé mes parents et nous avons affronté ces malades au cœur des flammes. Ma mère, qui n'avait pas peur, a blessé l'un d'entre eux, et lorsque son masque est tombé, nous avons vu qu'il s'agissait de Lucius Malefoy. Mais ce qui m'a le plus terrifié, c'est la marque des ténèbres qui a alors surgi dans le ciel avec le bruit d'explosions. J'ai pensé que Lucius aurait été fier de cet exploit, mais au contraire, lui et sa bande ont été pris de panique et ont transplané immédiatement. Je suis convaincu que celui qui a invoqué la marque des ténèbres appartenait à un autre groupe de fidèles à Voldemort, un disciple dévoué prêt à sacrifier sa vie pour son maître...Tu as dit que Rogue avait prétendu auprès du professeur Karkaroff qu'il ne craignait rien de Voldemort, et si justement, c'était lui qui avait fait apparaître cette marque? Il n'a rien à craindre de lui, parce qu'il est de son côté.

- Viktor, le professeur Rogue est ce qu'il est, mais c'est un professeur de Poudlard en qui Albus Dumbledore fait entièrement confiance. Moi aussi j'avais dû mal avec lui au début, puis est arrivé le moment où je suis tombée malade...Rogue a veillé sur moi tous les soirs. Il va lui aussi être traqué par Voldemort...

- Voldemort avait beaucoup de considération pour lui, à l'époque. Ce n'était pas n'importe quel mangemorts tu peux me croire, expliqua le champion. Tu es l'amie de Drago et Rogue le considère presque comme son neveu, c'est simplement pour ça. Il ne fait que de s'occuper des Serpentards, et sur le côté, il maltraite les trois autres maisons.

De toute façon, je vois qu'il déteste Poudlard, tout cela n'est qu'une couverture.

- Mon instinct me dit que non, déclara Chouta.

- J'espére alors que ton instinct te sauvera quand il essayera de te tuer. Il est aussi malsain que son manuel des potions l'était. Ce Rogue devait être un adolescents perturbé qui n'a pas assez joué dehors quand il était petit. Je suis certain qu'une fois qu'il rejoindra les rangs de Voldemort, il voudra humilier notre directeur en éliminant ses meilleurs élèves, à savoir toi et moi.

- Le professeur Rogue et le professeur Karkaroff sont proches, ils se connaissaient bien avant ma naissance.

- Non, tu ne comprends pas, ils se tolèrent. C'est une guerre froide...

- En même temps, ça ne doit pas être facile d'entretenir un lien d'amitié quand des cadavres du passés sortent de leurs tombes.

Un nouveau silence glaciale s'en suivit...Chouta lui en voulut de lui avoir remis ce manuel dans la tête.

- Tu ne veux toujours pas me dire où est cette fichue ancienne classe des potions? Demanda Chouta. Même Pansy et Drago ne la trouvent pas, ils ne tombent que sur les portes fermées à clé...

- Non, pas depuis que j'ai compris que c'était le manuel de Rogue, dit-il d'une voix ferme. Ce machin doit rester là-bas, il ne mérite que l'oubli.

Chouta soupira...

- Je ne comprends pas tout, tu sais, avoua Chouta. Certains éléments ne collent pas. Pourquoi Lucius Malefoy a dit au professeur Karkaroff qu'ils comptaient fuir en Belgique, alors que trois mois plus tôt, il a faisait un attentat à ton festival de Quidditch?

- Je ne sais pas, mais je suis certain de ce que j'ai vu, se braqua Viktor.

Il prit son balais volant, prêt à partir faire un tour dans le ciel.

- Attend, demanda Chouta.

- Quoi? Soupira Krum.

- Je ne veux pas que le professeur Karkaroff meurt...

L'adolescente laissa échapper une larme...Viktor lâcha son balais et plaça ses mains sur les épaules de Chouta.

- Personne ne le veut, Chouta.

- Il nous prépare à une deuxième guerre depuis le début, avec ses cours poussés de défense contre la magie noire, n'est-ce pas?

- Oui, et nous allons lui faire honneur, affirma Krum d'une voix forte.