Depuis cette nuit confuse où Viktor et Chouta avaient retrouvé Monsieur Croupton engouffré dans la Forêt Interdite, ces derniers s'étaient promis de mettre de côté leurs recherches concernant l'œuf d'or, histoire de souffler un bon gros coup avant que les choses sérieuses ne recommencent.
Ils avaient besoin de repos mental, mettre toutes ces histoires de côté était leur seule porte de sortie s'ils voulaient rester saint d'esprit. Honnêtement, ils en avaient assez d'être mêlés à des drames qui ne les concernaient pas, bien qu'ils avouaient néanmoins avoir parfois cédé à une curiosité un peu trop vive. Pour l'instant, ce qui les préoccupait le plus, c'était le retour de Voldemort ainsi que le destins des anciens Mangemorts.
Le Professeur Karkaroff saurait-il remonter sur son Hippogriffe et retrouver sa ténacité d'antan? Puis, de quel côté est réellement Rogue? Cette question leur titillait l'esprit, surtout depuis les paroles plutôt vagues qu'il lui avait dites lors de sa dernière retenue.
Le père de Drago Malefoy serait-il réellement contraint de redevenir un Mangemort contre son propre souhait? Maugrey ferait-il une chasse aux sorciers dans tout le château, allant jusqu'à envoyer à Azkaban tous ses suspects?
Viktor et elle avaient parfaitement conscience d'être les seuls à s'en inquiéter pour le moment.
Malgré ses angoisses, aujourd'hui, Chouta allait essayer de s'aérer en se livrant à des activités ordinaires, tentant de vivre comme une adolescente lambda qu'elle n'était évidemment pas.
Cette journée d'hiver était particulièrement lumineuse. Nous étions le vingt et un décembre, le soleil était presque blanc et Pré-au-Lard s'était transformé en véritable village de Noël. Malgré les lunettes de soleil rondes qu'elle portait pour protéger ses yeux de la luminosité, elle pouvait distinguer toutes ces guirlandes lumineuses qui decoraient l'église au millieu du village.
C'était la première fois que Chouta venait ici, seule, car jusqu'à présent, la seule chose qu'elle savait, c'était que le professeur Karkaroff rentrait tous les soirs de là-bas en état d'ébriété.
Marchant seule à travers ce vieux village d'à peine quarante maisons, elle ne put s'empêcher de remarquer que ces ruelles étroites, bordées de boutiques pittoresques, lui évoquaient l'Allée des Embrumes dans une version nettement plus respectable et moins lugubre. Sa présence ici n'était en rien fortuite, car habituellement, elle préférait rester au bateau ou se réchauffer dans la salle commune des Serpentards. En réalité, il y avait quelque chose qui l'avait fortement motivée, ou plutôt une certaine personne : lors du petit-déjeuner, Pansy Parkinson lui avait donné rendez-vous aux Trois Balais pour onze heures du matin. L'élève de Serpentard voulait faire les boutiques, acheter des cadeaux de Noëls...
Chouta ne lui avait pas caché que la période de Noël n'était pas son fort, mais elle lui avait toutefois promis de faire un effort. L'idée même de passer du temps seule avec Pansy la rendait toujours heureuse, un sentiment rare chez elle. Parfois, elle avait l'impression qu'il y avait une sorte de jeu entre elles, mais un jeu interdit dont aucune d'entre elles ne voulait parler.
Sur son chemin, quelques habitants se frottaient les mains au-dessus d'un feu de camp pour se réchauffer, baignés dans une quiétude toute particulière, bercés par le son des cloches de l'église qui résonnaient.
Pile à l'heure convenue, lorsqu'elle arriva devant la porte en bois massif des Trois Balais, Chouta remarqua qu'il semblait y avoir beaucoup de monde à l'intérieur. Ce pub ressemblait à un énorme chalet de montagne, et de la musique champêtre s'échappait à travers les maigres carreaux de fenêtres. À l'intérieur, Chouta apercevait une femme plutôt robuste, vêtue d'une robe mauve à pois blancs et aux cheveux bouclés, qui servait des bières au beurre derrière le comptoir.
Dix ou onze minutes plus tard, toujours planté devant la taverne, alors que Chouta commençait à se demander si elle ne s'était pas fait poser un lapin, Pansy arriva presque en courant et afficha un grand sourire en constatant qu'elle l'avait attendue.
- Vous êtes en retard, Miss Parkinson, dit Chouta avec ironie en prenant la voix de Rogue.
C'était le premier jour des vacances scolaires, alors Chouta se demandait pourquoi elle était habillée avec son uniforme de Serpentard.
- Si tu dois tirer les oreilles de quelqu'un, ce sont celles de Trelawney, cette espèce de vieille harpie, bougonna-t-elle. J'ai passé ma matinée à refaire un foutu devoir qu'elle n'avait pas jugé assez profond. Ce n'est pas de ma faute si je ne vois absolument rien dans cette boule de cristal! Puis, déjà, c'est quoi la profondeur, pour elle?
Elle trouva cela étonnant qu'il soit possible de ne rien voir dans une boule de cristal, mais ce n'était pas non plus une mauvaise chose, c'était même parfois un signe de bonne santé mentale.
- Comment tu as fait, cette fois-ci, si tu ne voit rien dans les boules de cristales? Demanda Chouta, mi perplexe, mi amusée.
- Pas le choix, j'ai inventé, répondit-elle d'un air indifférent, ouvrant la porte des Trois Balais. J'ai écrit que j'avais vu Salazar Serpentard jouer à la sarbacane et Dumbledore faire une collection de chewing-gums récupérés en-dessous des bancs des élèves. Après elle m'a demandé ce que tout cela pouvait signifier, et patati et patata.
- C'est absolument répugnant, affirma Chouta à haute voix pour se faire entendre, tant cet endroit était bruyant.
Tu ne vas quand même pas me laisser croire que ça l'a convaincue?
Une table de quatre venait de se libérer, les deux adolescentes sautèrent sur l'occasion pour s'y asseoir le plus vite possible.
- Je l'ai convaincue, c'est justement ça le comble. Pire encore, ma note a été bien meilleure que celle de Drago, alors qu'au moins, lui avait vraiment vu des choses, plaisanta Pansy en jetant un coup d'œil sur la carte des boissons. J'ai eu un Effort Exceptionnel.
Chouta trouva vraiment arbitraire, confirmant ce qu'elle pensait déjà de cette matière.
- Une bière au beurre chacune, ça te va? Demanda Pansy.
- Ce n'est pas le même plaisir que la Vodka, mais pourquoi pas, accepta Chouta qui n'en avait jamais goûter.
- Franchement la Vodka c'est nul, on dirait ce mélange que j'utilise pour faire disparaître les taches d'encre sur mes vêtements, soupira Pansy.
La Serpentard se leva et se dirigea vers le comptoir pour passer commande. Trois tables plus loin, elle remarqua la présence d'Hagrid, McGonagall et du professeur Flitwick, attablés et ouvrant une bonne bouteille de vin local. Leurs conversations semblaient tourner autour de Monsieur Croupton. De ce qu'elle pouvait entendre, ils disaient qu'il n'avait tout simplement jamais réussi à se remettre de la mort de son fils entre les murs d'Azkaban. Surtout que sa femme s'était laisser mourir de tristesse au moment de son incarcération.
L'intérieur des Trois Balais était baigné dans la lueur des chandelles et des bougies disposées sur toutes les tables. De plus, des têtes réduites accrochées sur la porte dissuadaient les sorciers de moins de quinze ans de pénétrer ici. Le bar en bois massif, devant lequel se tenait Pansy, était orné de bibelots... Des bougies brûlaient dans des bouteilles de bières vides, il y avait aussi un tirelire en forme cochon qui faisait aller ses fesses pour encourager les gens à lui donner une pièce.
Les clients assis sur les tabourets discutaient joyeusement autour de pintes et de plats fumants, servis par un cuisinier vêtu d'un tablier de cuir.
Tout semblait aller pour le mieux, jusqu'au moment où...
Alors que Pansy, de retour, venait de poser les deux bières sur la table, les regards des deux jeunes filles furent attirés par l'entrée de Severus Rogue et d'Igor Karkaroff dans la taverne. Après un rapide coup d'œil, les deux hommes remarquèrent que les seules places disponibles étaient à leur table.
Karkaroff, affichant un sourire authentique, s'avança vers Chouta :
- Eh bien, si ce n'est pas une surprise de te voir ici! Puis-je me permettre de me joindre à vous?
Chouta acquiesça poliment, remarquant toutefois que Karkaroff avait perdu une de ses dents du dessus, sûrement l'effet des excès en tout genres. Pendant ce temps, Pansy accueillit leur arrivée comme si elle recevait des divinités descendues sur Terre :
- Professeur Rogue, professeur Karkaroff, dit-elle en poussant les deux chaises de devant. Oui, je vous en prie, c'est même un honneur pour moi.
En retrait, Severus Rogue arborait un visage aussi accueillant qu'un gardien de prison. Coincé dans son labyrinthe de mensonges, il savait pertinemment bien qu'il n'avait pas de raisons particulières pour se défiler.
- À en juger par votre accueil, vous devez être à Serpentard, n'est-ce pas ? demanda le professeur Karkaroff d'une voix amicale.
- Tout à fait, monsieur. Je suis Pansy Parkinson, répondit-elle joyeusement.
- Ah, je vois. Votre éducation sous la responsabilité du professeur Rogue est évidente. Les bonnes manières sont un bel atout en société.
Toute cette scène n'avait rien d'hypocrite : Pansy semblait véritablement admirer les sorciers accomplis et diplômés de la maison Serpentard.
Les deux professeurs s'éclipsèrent brièvement pour commander un verre de whisky pur feu, puis revenirent rapidement à la table. Chouta se retrouva alors face à Rogue, lui adressant un sourire contraint.
Le professeur Karkaroff leva son verre :
- Aujourd'hui, nous trinquerons au succès du Tournoi des Trois Sorciers et à la collaboration entre la maison Serpentard et l'école de Durmstrang.
- J'espère que Viktor gagnera, ajouta Pansy, surtout maintenant que Chouta et lui travaillent en équipe.
Après Pansy et le professeur Karkaroff, Chouta fut forcée de porter son verre contre celui de Rogue, lui offrant son visage de provocatrice qu'elle aimait sortir de temps à autre.
Le maître des potions vida son verre d'une traite, elle en fit de même...
- Mon élève a fourni les efforts que je lui avais demandés, déclara le professeur Karkaroff avec fierté. C'est grâce à son obéissance envers moi que même toi, Severus, est finalement satisfait de son comportement. Pas vrai?
- Oui, murmura Rogue entre ses dents.
La tension entre eux était palpable, mais étonnamment, personne ne semblait s'en rendre compte.
- Alors, comment se passent les préparatifs du bal de Noël, dans la maison des Serpentards? S'intéressa le professeur Karkaroff à l'adresse de Pansy. Un garçon vous a-t-il demandé votre main, Miss...
Le professeur Karkaroff semblait perdre ses mots.
- Miss Parkinson, compléta Rogue d'une voix neutre, voyant qu'il avait déjà oublié son nom.
- Je serais accompagnée par Drago, monsieur Karkaroff. La question ne s'est pas vraiment posée, c'était pour nous une évidence.
- Aaaaaahhh, tout cela me rappelle le bon vieux temps. À Durmstrang j'organise des bals tous les ans pour mes élèves. Chouta a déjà reçu l'invitation de nombreux garçons, mais ils se sont tous prit un balais, dit-il, hilarde.
- C'est peut-être parce que je ne considère pas ces machins comme étant des garçons, souligna Chouta avec tout son sarcasme. J'ai besoin au minimum de quelqu'un ayant un cerveau plus développé qu'un scoutt à pétard.
Tous rirent à l'unisson, même Rogue esquissa un léger sourire en coin, avant de poser lentement une question dont Chouta aurait préféré se passer :
- Ou serait-ce...Le genre masculin, qui vous rendrait indifférente, Miss Byrne?
Elle avait parfaitement compris ce sous-entendu.
Comme si Rogue avait fouillé dans ses pensées les plus intimes. Ce sorcier avait des tendances intrusives...
Il fallait qu'elle réagisse rapidement :
- Je suis misanthrope, c'est le genre humain qui m'est indifférent. Un peu comme vous, cher professeur.
Pansy trouva ça tellement drôle qu'elle en pleurait, le professeur Karkaroff, lui s'était étouffé dans sa dernière gorgée...
- Être sociable n'est pas une priorité lorsqu'on est indispensable dans son travail, répliqua Rogue d'un ton sec, ses yeux encore plus noir qu'à l'accoutumée.
Il me semble, Miss Byrne, que vous êtes frustrée de ne pas avoir été invitée par la personne que vous convoitiez.
- Et vous, Professeur Rogue, riposta Chouta du tac-au-tac, presque machinalement. C'était quand la dernière fois que vous avez touché une femme? Vu comme vous êtes aigri, je présume que ça doit faire depuis le temps où vous étiez élève.
Les rires s'étouffèrent, tous perdirent immédiatement leur sourire. Pansy afficha un air interdit,
sa couleur de peau métis habituellement colorée était soudainement pâle.
Elle était choquée par ses paroles aussi tranchantes que des lames de rasoir.
- Chouta! Gronda le professeur Karkaroff. Tes manières!
- Simple plaisanterie, Monsieur.
- Oui, mais bon, tout de même! On ne dit pas des choses aussi déplacées à un professeur, à un directeur de maison!
Elle avait énormément de chance que son directeur soit dans un état second, avec des problèmes bien plus grave en tête. En temps ordinaire, il l'aurait très sévèrement puni.
Rogue garda un visage impassible, conscient que la moindre parole de travers pourrait inciter Chouta à révéler au directeur le sortilège impardonnable qu'il lui avait infligé dans la forêt. ( et l'expérience de mort qui s'en était suivie )
Sans un mot de plus, le maître des potions se leva brusquement et alla chercher un nouveau verre de whisky.
- Eh bien, heu, je pense que Chouta et moi devons y aller, dit Pansy en regardant sa montre imaginaire.
Elles partirent d'ici sur la pointe des pieds, avant que Rogue ne revienne.
Durant plusieurs heures, les deux filles arpentèrent toutes les boutiques telles des elfes de maison en quête de la perfection pour le jour tant attendu de Noël. Tandis que Pansy semblait avoir vidé Gringotts pour acheter une montagne de cadeaux, Chouta se contentait d'une liste plus modeste. Elle opta pour de la cire magique pour balais, offrant ainsi à Viktor la garantie de ne pas tomber de son balais pour au moins une heure, qu'importe ce qui pouvait se passer.
Quant à Drago, elle lui choisit un détecteur de présence, afin qu'il puisse traquer les personnes qui se cachent de lui plus efficacement que le Professeur Rogue ne détecte les élèves hors du dortoir après minuit.
Et pour les acolytes, tels que Goyle, Poliakoff et Crabbe, elle opta pour une cargaison de friandises qui promettaient des révisions plus efficaces de cents heures de travail.
Pansy n'osait pas lui demander des explications concernant ce qui s'était passé aux Trois Balais. En réalité, ça faisait plusieurs fois que Chouta remarquait sa retenue, et surtout ses doutes. Mais elle ne l'a questionnait pas, une bénédiction en soi.
Car finalement, elle-même n'aurait su quoi lui répondre. Il n'y avait ni de comment ni de pourquoi entre elle et le maître des potions.
