Chapitre 4 - Fuir le doute
- Très intéressant, souffla Tsunade
Attablées autour des cinq objets, Tsunade, Shizune et Sakura observaient religieusement ce que cette dernière avait réussi à ramener de sa longue mission. Un vieux parchemin roulé reposait à côté des éléments, maintenu par un ruban rouge dé ées toutes les trois dans une salle excentrée de l'hôpital, elles avaient prétexté une réunion de concertation pluridisciplinaire à leurs collègues pour se retrouver en toute discrétion, à l'abri des oreilles indiscrètes.
- Nous avons eu peur pour toi Sakura, s'inquiéta Shizune, il t'a été si difficile de trouver les objets? Tu es partie tellement longtemps!
- Pas spécialement… avoua la rose, les bras tendus appuyés sur la table, dans la même position que ses deux collègues et amies. La pointe de lance de fer a été la plus délicate à trouver. Le pays de fer n'est pas facilement accessible, les samouraï restent suspicieux à notre égard…
- C'est vrai, répondit la brune. Et pour le reste?
- Pour l'élément de la Terre… J'ai dû faire quelques recherches. J'ai trouvé la fameuse pierre nécessaire, elle provenait d'une grotte ancienne à Suna… J'ai tout de même dû me faire aider d'un guide local. Je n'ai pas eu à donner mes motivations, je suis restée très vague...
- C'est parfait.
- Les cendres pour l'élément du Feu proviennent bien du temple du feu. J'ai pu être discrète également dans le monastère. Et enfin pour l'élément de Bois, l'écorce du plus vieil arbre de la ville de Konoha. Celui-là ne m'a pris que quelques instants… C'est le premier que j'avais récupéré.
- Et cette eau est bien l'eau pure de Haku?
- Oui, confirma Sakura en hochant la tête. Par contre… J'ai dû rencontrer la Mizukage afin qu'elle accepte de me faire accéder à la source de cette eau. Je ne trouvais aucun indice sur sa localisation, malgré mes recherches…
- Ne t'inquiète pas, tu as bien fait, la rassura immédiatement Shizune
- Je suis désolée, avoua pourtant la rose. Je savais qu'il ne fallait parler de cette mission à personne… Mais je me voyais repartir bredouille. Je n'ai pas trouvé d'autre solution… J'ai dû lui donner quelques explications pour qu'elle accepte de me faire accéder à la source.
- Je me porte garante de Terumi, avança Tsunade, avec autant de bienveillance que sa disciple. Il aurait été préférable que nous soyons les seules au courant, c'est sûr, mais si cela n'était pas possible autrement tant pis. Je ne suis pas inquiète.
Tout comme pour Naruto, Sakura n'en dira pas d'avantage. Elle déglutit cependant dans une grimace mal dissimulée. A quoi bon exprimer les réticences des shinobis qui entouraient Terumi-sama? Cela allait inquiéter tout le monde, et à quoi bon? Ce qui était fait était fait, et ce qui était dit était dit. Si elle avait, par sa faute, créé un trouble ou une menace à cause de ses révélations, elle en résoudrait les conséquences elle-même, se disait-elle. Mais après-coup, elle avait eu beau réfléchir tout le long de son voyage retour jusqu'à Konoha: elle ne voyait pas de quelconque lien possible entre ce vieux parchemin poussiéreux et le village de Kiri. Peut-être que la source d'eau de Haku était simplement un sujet sensible, et possédait d'autres secrets bien gardés, que Ao et les autres shinobis de Kiri ne voulaient pas dévoiler à un étranger? C'était probablement ça. Les tensions ont dû s'apaiser, et elle devait s'inquiéter pour rien.
S'inquiéter pour rien… C'était sa spécialité des derniers mois. La conversation d'il y a quelques instants seulement avec Kakashi fit irruption dans son cerveau. Elle alternait entre agacement et soulagement. Agacement de le voir si nonchalant et «habituel», alors que son comportement était assez inquiétant: pourquoi évitait-il à ce point de se faire soigner? Et soulagement… De le voir si nonchalant et habituel. Soupir. Quelque soit les années qui passaient, les évènements, les coups durs, Kakashi sensei était toujours le même. Elle ne se l'expliquait pas, mais à la réflexion… cette stabilité la rassurait.
- Sakura? Peux-tu te concentrer deux minutes? Je sais que tu penses à Sasuke et que vous vous voyez après vu comment tu t'es habillée, mais s'il te plait, écoute-moi deux minutes!
Sakura revint brusquement dans la petite salle de l'hôpital. Ses joues se mirent à brûler.
- Quoi? bredouilla-t-elle Mais je suis concentrée, je vous écoute, Tsunade-sama!
- Arrête de me baratiner. Tu penses à ton mec, et je comprends cela, tu as mérité du repos. Mais après tout, c'est toi qui es venue m'apporter aussi vite les éléments, écoute au moins la suite!
Sasuke, Sasuke… Allait-elle vraiment le voir aujourd'hui? Pourquoi s'était-elle apprêtée ainsi, après tout? Il ne lui avait même pas donné signe de vie depuis son retour de la veille, et cela provoqua en elle un pincement au cœur. Elle réalisa brusquement que ce n'était pas à lui qu'elle pensait alors qu'elle divaguait au lointain. Elle pensait à… Kakashi sensei? Elle manquait décidément d'un sacré nombre d'heure de sommeil.
- Comme je vous le disais et comme vous le savez déjà, ce parchemin est l'objet d'un Fuinjutsu interdit pouvant changer la destinée de la personne vers qui il est dirigé.
- Modifier sa destinée? répéta Shizune, étonnée
- C'est un sort d'aliénation mentale. Il modifie le cours des pensées de la personne qui est scellée. Mais il modifie aussi les pensées des autres envers lui-même… Cela peut complètement modifier sa vie, dans un sens ou dans un autre.
- Dans un sens ou dans un autre, qu'entendez-vous par là? questionna encore la brune
- Selon l'équipe de décryptage, le parchemin que nous avons là était destiné à un sort d'aliénation «positif». C'est un Fuinjutsu de protection, donc.
- Pourquoi «celui-là»? Il y a d'autres parchemins comme celui-ci ailleurs ?
- Toutes les grandes puissances shinobi possèderaient un parchemin similaire; il en existerait 5. Un à Kiri, un à Iwa, un à Suna, un à Kumo et enfin un ici.
- … Peut-être ont-ils été créés pour protéger les grands dirigeants ? hasarda encore Shizune
- C'est très probable en effet, confirma la blonde. Leur création semble remonter à mon grand-père, 3ème Hokage. Les deux premières guerres shinobis ont été terriblement destructrices... A la suite de la deuxième guerre, ces parchemins ont été créés pour éviter une reprise des conflits. La personne concernée par le sort devait inspirer bienveillance et amitié. Le sort était censé le protéger contre les attaques ennemies, contre la malveillance humaine… Comme un bouclier contre les mauvaises intentions du monde extérieur. Cela était censé le protéger et donc protéger le peuple concerné, j'imagine.
- Incroyable… chuchota la brune. Donc… Si je comprends bien, la personne concernée serait artificiellement altruiste et empathique… Et les autres ressentiraient la même chose envers elle?
- Oui, en effet.
Un silence lourd s'installa. Sakura, qui était restée muette mais dont les joues avaient perdu de leur chaleur, pris la parole, perturbée par les explications de l'ancienne Hokage.
- Mais… La personne n'est plus vraiment… elle-même alors? Tout est artificiel?...
- Ça dépend comment on voit les choses… répondit la blonde d'un air cependant dubitatif. Rappelez-vous que nous sortions de la guerre… Les nouveaux dirigeants ne devaient pas être corrompus. Ils devaient instaurer la paix. La faire durer. Il fallait faire stopper ces bains de sang incessants. Le contexte aujourd'hui a changé, mais en se remettant dans l'époque… Ils voulaient que les dirigeants soient enfin purs, si je puis dire. Enfin j'imagine.
- La guerre a éclaté à nouveau par la suite, et pas qu'un peu, fit remarquer Shizune avec force. A croire que ces belles intentions n'ont pas suffi… Ou que cela n'a tout simplement pas fonctionné.
- Il n'y a pas que les Kages qui peuvent lancer une guerre, ajouta Sakura un peu amère. Les intentions étaient bonnes, mais probablement un peu naïves… N'importe qui peut déclencher le chaos, il n'y a rien qu'à voir les évènements des dernières années…
- Le parchemin ne peut sceller qu'une seule personne? demanda soudainement Shizune. Il ne s'agit pas d'un ensemble de personne, d'une famille entière, d'un clan ou autre?
- Non. C'est strictement individuel, répondit l'ancienne Hokage
- Mmh….
- Croyez-vous que ces parchemins aient vraiment été utilisés envers des gens, finalement? demanda Shizune d'un air un peu désabusé
- Je le pense oui, car comme vous pouvez le voir...
Tsunade retira le ruban rouge et déroula le parchemin qu'elle aplatie des deux mains sur la table. Les inscriptions étaient éparses, incompréhensibles et l'encre noire s'effaçait presque totalement par endroit. La blonde tendit le doigt vers le centre du document jauni, pointant un signe tout aussi incompréhensible que le reste du document.
- … il y a une marque attestant que le sort est scellé en ce moment même sur quelqu'un.
L'ambiance s'alourdit brusquement, et la respiration de Sakura et Shizune sembla se stopper quelques secondes. Les deux femmes se penchèrent d'un mouvement commun vers le centre du parchemin, observant la marque avec fébrilité.
- Qui est-ce? demanda Sakura, son esprit cette fois totalement recentré sur le document
- Le nom de la personne n'est pas inscrit. Ce sigle est incompréhensible… Je ne sais pas de qui il s'agit.
- Vous probablement, non? s'écria presque Shizune, scrutant Tsunade comme si elle la voyait pour la première fois.
- Impossible.
- Pourquoi, impossible? Ou c'est peut-être Kakashi Hatake? Ou Naruto?
- Oui, Naruto! s'écria Sakura, brusquement convaincue. C'est le bien incarné, mon dieu, c'est probablement de lui qu'il s'agit!
- Le parchemin est trop ancien pour que ce soit lui.
- Ah oui… Alors… Kakashi sensei, peut-être?
Sakura avait proposé son nom de manière étonnamment fébrile. Elle essaya de dissimuler le soulagement qui l'envahit à la réponse de la blonde.
- Hautement improbable.
- Ah oui? Et pourquoi cela?
Pour toute réponse, Tsunade signa quelques mudras complexes de ses mains, déclenchant un échange de regard interrogatif entre ses deux autres collègues. Elle prononça quelques mots et fit planer ses deux mains au-dessus du document. A la stupéfaction de Shizune et Sakura, une deuxième écriture apparut par-dessus la première, rouge et grossière. Des ratures apparaissaient, des sigles supplémentaires, des paragraphes entiers.
- Comment avez-vous… murmura Shizune, le souffle coupé
- L'unité de décryptage m'a donné un sérieux coup de main là-dessus… Cela leur a pris un mois. Quelque chose de maléfique émanait de ce parchemin, mais je n'arrivais pas à mettre la main dessus. Un sourcil se haussant, son index à ses lèvres dans une moue de réflexion Je leur ai promis une augmentation de salaire s'ils me trouvaient la solution, il va falloir que j'en touche un mot à Naruto…
- Grimaçant Vous deviez être vraiment désespérée pour leur proposer cela…
- Oh ce n'est pas mon argent, c'est celui du Hokage, maintenant!
- Il aurait peut-être été plus raisonnable d'en parler à Naruto d'abord, non? hasarda Sakura
- Tu vois Naruto refuser une augmentation? s'amusa Shizune, s'éloignant quelque peu du sujet angoissant du parchemin
- Tsunade coupant la conversation, se mettant brusquement à s'énerver Je n'ai pas pensé à demander cela à Naruto, car comment dire? Je n'arrive peut-être pas encore à le voir tout à fait comme le nouvel Hokage, il pourrait être mon petit-fils! Ce n'est pas comme si j'avais confié ce rôle à quelqu'un d'autre!
Les murs avaient un peu vibré autour des trois femmes à ces paroles. Et en général, lorsque les murs tremblaient, aucune réponse n'était attendue. Sakura observait le corps de Tsunade crispé comme jamais, ses poings autour du parchemin se fermer d'énervement. Elle devinait son artère temporale palpiter sous ses mèches couleur miel. Cette passation n'était donc toujours pas digérée... Sakura se mit à sourire en repensant à la situation, imaginant son ancien sensei se cacher de Tsunade et d'elle en permanence, lisant ses Icha-Icha dans les grottes ou derrière les cascades, à l'abri de la fureur de la Sanin. Elle se demandait quand ce manège enfantin allait cesser. Mais à priori donc, pas de sitôt.
Tsunade redescendit en pression rapidement cependant, se reconcentrant sur ses explications.
- Je disais donc… soufflant doucement pour se calmer L'équipe de décryptage a donc repéré cette deuxième écriture par-dessus la première. Cette deuxième écriture a falsifié le sort de Fuinjutsu. Un sort interdit par-dessus un sort déjà interdit…
Nouveau silence.
- Il est difficile même pour l'équipe de décryptage de comprendre la nature exacte de la modification de ce parchemin. Ils y travaillent encore pour le détail. Mais de ce qui a été compris, cette deuxième écriture aurait tout bonnement inversé le sort de Fuinjutsu.
- … Inversé? Je n'y comprends plus rien, avoua Shizune, les bras ballants
- Inversé. Plus de protection, plus d'empathie, plus de bienveillance… Tout le contraire. Le malheur, la destruction, la mort…
- Merde! laissa échapper la brune, la main cachant sa bouche de stupeur
- Et… ses sentiments, son ressenti envers les autres?... osa Sakura
- … Même principe… Probablement rempli de haine ou de mauvaises intentions… Pas une belle personne en tout cas.
- En effet, on ne parle donc ni de Naruto, ni de Kakashi sensei… souffla Sakura de soulagement
- Mais… c'est terrible! s'écria brusquement Shizune, horrifiée. Qui aurait pu faire une chose pareille? Et dans quel but?
- Ce n'est qu'une supposition, répondit Tsunade, mais je ne serais pas étonnée que Danzo Shimura y soit pour quelque chose…
- Danzo Shimura? s'étonna encore la brune Même s'il n'était pas l'homme le plus bienveillant du monde, il tenait énormément au village…
- Le village oui… Le poste de Hokage encore plus grimaça Tsunade. Si ce sort fonctionnait, c'était gravé dans le marbre pour lui qu'il ne serait jamais le futur Hokage. Il est quasiment certain qu'il n'était pas le destinataire initial de ce sort.
- … C'est probable…
- Tous les parchemins auraient pu être ainsi falsifiés? Ou seulement celui-ci?
- Celui-ci c'est certain. Pour les autres… Je n'en ai pas la moindre idée.
Enième silence pesant. Une pensée broya instantanément les entrailles de Sakura, et son teint pâle inquiéta Shizune qui remarqua immédiatement le mal-être de la rose.
- Sakura? Tout va bien?
- Oui, je… Je… balbutiant J'espère juste que… Non rien.
- Quoi?
- Je… Je me demandais juste si… Si la personne concernée était vraiment quelqu'un de notre entourage, ou un inconnu.
- Tu te demandes si c'est Sasuke, c'est ça?
Les yeux noisette de Tsunade rencontrèrent ceux émeraudes de Sakura et la Sanin comprit immédiatement à sa réaction qu'elle avait visé juste.
- L'idée m'a aussi effleuré l'esprit, mais c'est impossible Sakura, la rassura-t-elle. Il est trop jeune.
Sakura sentit ses mâchoires se relâcher imperceptiblement à cette réponse. Elle hocha la tête, clôturant la conversation, et les réflexions autour de l'identité mystérieuse de l'inconnu. Néanmoins, elle sentait que cette idée terrifiante ne la quitterait pas totalement.
Tsunade retourna sur un terrain moins glissant et poursuivit ses explications tout en s'asseyant devant le parchemin, provoquant la même réaction à Sakura et Shizune qui prirent place autour de la table d'un air las et préoccupé.
- Donc. Il est noté que le sort peut être annulé en rassemblant les éléments que tu as rapporté Sakura.
- Les éléments du Feng Shui? demanda la rose, encore un peu hébétée
- Oui. Je vais m'atteler à essayer de désactiver ce sort maintenant que j'ai tout ce qu'il me faut en main. Tu as totalement rempli ta mission pour ce parchemin-ci, Sakura. Beau travail.
- Je… Merci.
- On risque de libérer quelqu'un d'un sort maudit, sans savoir de qui il s'agit? questionna encore la brune
- En effet mais je pense que cela vaut mieux pour tout le monde… Cette personne ne peut pas errer ainsi dans la nature. Qu'il soit dans notre camp, ou dans un autre…
- Pourquoi ne pas tout simplement détruire le parchemin ? hasarda Shizune
- Je risquerais de tuer la personne concernée par le sort…
Sakura baissa les yeux sur le parchemin poussiéreux, pensive. Elle anticipa la suite des évènements.
- Bon… Il va falloir trouver les quatre autres parchemins j'imagine ?
- Très juste, confirma Tsunade. On ne peut pas laisser trainer de tels parchemins, maudits ou non… Si quelqu'un de suffisamment habile les utilisait à nouveau à mauvais escient comme pour celui-ci, cela pourrait mener à la catastrophe. Si ce n'est pas déjà fait! Les destinées individuelles peuvent changer les destinées des peuples… Il ne faudrait pas qu'un nouveau Madara apparaisse, ou qu'un Kage ne se mette à haïr à nouveau ses voisins. La paix est fragile, dit-elle en baissant les yeux. Il est déjà difficile de sauvegarder la paix sans aucun artifice, alors si les sorts et les pouvoirs ninjutsu ou Fuinjutsu se mêlent là-dedans cela risque fortement de compromettre l'harmonie actuelle des peuples.
- Je m'en charge, s'empressa de proposer la rose
Les deux femmes se tournèrent vers Sakura d'un air interrogatif.
- Je ne sais pas qui est concerné mais cela peut mettre en danger le village, et Naruto en particulier. Je veux le protéger. Je veux me sentir enfin utile lança Sakura, conquérante et sûre d'elle
- Mais, Sakura… osa Shizune Tu es utile à l'hôpital, tu es notre meilleur médecin avec Tsunade-sama! Les patients ont besoin de toi désormais…
- S'il vous plait, Tsunade-sama… implora la rose de ses yeux émeraudes écarquillés Nommez-moi responsable de cette mission. J'ai commencé à aller chercher les éléments du Feng-Shui, c'est à moi de poursuivre. C'est logique.
- Tu es allé les chercher car je n'avais une confiance absolue qu'en toi, mais j'aurais préféré que ce soit quelqu'un d'autre et que tu me secondes ici…
Le cœur de Sakura battit à tout rompre dans sa poitrine sans qu'elle n'en saisisse vraiment la raison.
Pourquoi voulait-elle absolument faire cette mission? Elle ne saurait l'expliquer. Le mauvais pressentiment à Kiri, avec l'opposition d'Ao d'accéder à sa requête? Elle ne pouvait pas laisser quelqu'un poursuivre la mission sans savoir dans quoi il s'engageait. C'était peut-être plus dangereux que ce que cela n'y paraissait. Et c'était une opportunité. Une opportunité de se sentir utile pour Naruto, pour le village.
Ou… Peut-être avait-elle juste besoin de s'éloigner de sa vie un peu morose entre son appartement et l'hôpital? Une routine qui s'instaurait et qui lui pesait? Pourtant, n'avait-elle pas Sasuke pour égayer enfin sa vie?...
Si. Pourtant, tout ce qu'elle voulait là, tout de suite, c'était s'échapper. Repartir en mission, comme elle venait de le faire pour chercher ces éléments aux quatre coins des différents pays. Elle a aimé cette fuite. Elle a adoré l'adrénaline de l'étranger, de la recherche.
Elle voulait y retourner encore. Peut-être pour oublier, oui. Peu importe.
- Si vous n'avez confiance qu'en moi pour chercher les éléments, vous n'avez alors confiance qu'en moi pour chercher les autres parchemins… C'est encore plus délicat.
- Et qui va me rechercher monsieur Hatake mutilé qui ne vient pas se faire soigner après chacune de ses missions?
- Vous lui faites peur, Tsunade-sama, osa Sakura, se retenant de sourire avec peine
- J'espère bien.
- Vous savez, il a peut-être eu de bonnes raisons de donner le poste à Naruto.
Lire du porno? Dormir dans les arbres? Aller se recueillir sans cesse au cénotaphe? Au regard sévère de la Sanin, Sakura comprit qu'elle devait se justifier. Rapidement.
- Il… le sentait prêt.
- Riant nerveusement … Tu ne penses pas ce que tu dis, Sakura.
- Je… gênée J'essaie de le comprendre…
- N'essaie pas de le comprendre, trouve-le juste quand je te le demande pour me le ramener ici par la peau des fesses la prochaine fois qu'un rapport de mission le rapporte à moitié mourant.
- Je ne pourrai plus, Tsunade-sama, répondit avec vigueur Sakura, non sans une pointe au cœur. Car je veux repartir en mission pour chercher ces parchemins. Nommez-moi, s'il vous plait.
Les yeux émeraudes de la jeune kunoichi défiaient du regard l'ancienne Hokage. Celle-ci l'observa quelques instants et finit par souffler de dépit. C'était bien là le caractère trempé de sa jeune disciple.
- C'est d'accord. Mais à une condition…
- Laquelle?
- Je veux que tu sois accompagnée d'un shinobi qui t'aide dans ta quête. Il est hors de question que tu ne repartes seule.
- Mais… balbutia-t-elle On vient de dire que…
- C'est une mission qui peut être dangereuse.
- Je n'ai pas besoin d'aide, je saurai très bien me débrouiller seule, s'agaça-t-elle en se redressant sur sa chaise, fermée. Je l'ai fait pour les éléments et tout s'est très bien passé.
- Justement, nous nous sommes inquiétés. C'était imprudent de notre part. Pas question que nous ne refassions la même erreur…
- Je croyais que vous n'aviez confiance qu'en moi… cela devait être confidentiel…
- C'est à prendre ou à laisser Sakura.
- Bon… se calma-t-elle, résignée. Et… d'un coup préoccupée avec qui devrais-je faire équipe?
- Eh bien je te laisse voir avec NARUTO, puisque c'est LUI le Hokage, lâcha-t-elle avec amertume à nouveau. C'est lui le responsable des missions. Peu importe du moment que tu ne sois pas seule. Bien compris?
- Bien…
C'est sur ces paroles que les trois femmes se séparèrent dans une atmosphère quelque peu morose, retournant chacune à ses obligations respectives. Tsunade emporta avec elle le parchemin et les éléments, Shizune retourna dans le service soigner les patients, et Sakura sortit de l'hôpital, étonnée elle-même de ce jour de repos inhabituel.
Le soleil la surprit comme si elle sortait d'une geôle de prison. Elle s'était toujours demandé pourquoi l'hôpital reconstruit n'avait pas été remis au goût du jour: comme s'il devait être écrit que les hôpitaux devaient être sombres, quoi qu'il arrive. Sinistre, avec en prime cette odeur de désinfectant dont elle avait fini par s'habituer. Sakura se mit à marcher sans but, jusqu'à ce qu'elle se décide à rendre visite à son amie Ino. Elle la trouverait probablement à la boutique de fleurs familiale. Ses camélias étaient resplendissants grâce à elle, après tout.
- Enfin rentrée, Sakura! s'exclama la jeune Yamanaka au fond de la boutique en la voyant entrer, un tablier à motif fleuri serré autour de la taille
Sakura sourit. Elle avait apprécié le jour où «Grand Front» avait disparu de la bouche d'Ino. Elle avait donc abandonné elle aussi «La Truie». Cela rendait les conversations un brin plus agréables.
- Otô-san, je vais déjeuner avec Sakura et je reviens!
Son père lui lança un sourire entendu et hocha la tête, occupé à servir un client. La boutique semblait calme, les clients peu nombreux malgré la saison. Ils échangèrent quelques mots et Ino suivit Sakura dehors à la hâte, visiblement heureuse de prendre un bol d'air frais.
- Ha, je n'en pouvais plus! Il y a trop de travail au printemps. J'ai mal à la tête tellement les émanations sont fortes! C'est pareil chaque année!
Sakura sourit sans un mot. Elles se dirigèrent vers le restaurant Ichiraku – décidément elle réalisa qu'elle n'avait pas besoin de Naruto pour n'avoir aucune curiosité culinaire – et s'attablèrent, Sakura commandant un simple plat de curry vert tandis qu'Ino prenait des brochettes de yakitori. Le restaurant s'était agrandi et proposait de plus en plus de plat: excuse supplémentaire, on dira, de ne pas aller voir ailleurs.
- Sakura je vois que tu mets ma robe, tu commencerais à avoir bon goût?
- Sceptique Bon goût je ne suis pas sûre: je me suis fait aborder hier par un type bizarre qui allait presque me mettre une main aux fesses…
- … Presque?
- Kakashi sensei a fait diversion.
- Les yeux ronds … Kakashi Hatake? Comment? Qu'est-ce qu'il a fait?
Sakura laissa passer quelques secondes, se refaisant la scène. Elle fronça les sourcils en récupérant ses souvenirs.
- Il… était attablé à un restaurant juste à côté de moi quand c'est arrivé. Il a fait croire au type qu'il m'attendait…
- Qu'il t'attendait pour quoi? Pour un déjeuner en amoureux?
Quoi? C'était vraiment ça? Sakura sentit une chaleur monter d'un coup à ses joues. Elle n'avait pas fait attention, sur le moment. Pas du tout.
- Les joues rouges Un déjeuner tout court. Qu'est-ce que tu racontes? Je t'ai dit Kakashi, pas Sasuke.
- Amusée Ha ha, je pensais pas qu'il ferait un truc pareil. Surtout pour aider la fille qui le cherche partout et qui essaie de le traîner de force à l'hôpital. Il avait l'air malade?
- Pas du tout. Et de toute façon je ne vais plus le chercher longtemps: j'ai à nouveau une mission, lâcha la rose, pressée de changer de sujet de conversation.
- De plus en plus étonnée Ah bon, déjà? Mais tu viens juste de revenir!
- Je ne partirai pas tout de suite. J'ai des recherches à faire pour savoir exactement où je dois aller… Je ne sais pas le temps que cela va me prendre.
- Eh bien, c'est bien mystérieux tout ça… Et ta mission qui se termine s'est bien passée?
- Oui, ça a été. Merci encore de t'être occupée de mes fleurs… Ino jeta la main en l'air d'un air absent, signe que ce service n'était pas grand-chose. Et toi, la boutique tourne bien? Tu dois beaucoup aider tes parents en ce moment?
- Tu n'as pas idée, s'agaça la blonde. Je n'ai même pas le temps le soir de retrouver Saï. Trop de bouquets à préparer. Enfin, avant c'était pour décorer les tombes qu'on était débordés… Maintenant c'est plutôt pour les mariages. C'est un peu plus gai.
- Et le vôtre alors, de mariage? s'amusa Sakura
- Pas d'actualité! répondit Ino du tac au tac Enfin plus d'actualité que le vôtre, j'imagine?
- Rougissant à nouveau brusquement Evidemment!
- Bon sang, et où est-il, Sakura? Tu es en tenue, toute prête, ou est-il?
- Je… Il ne vient jamais à Konoha. On se voit toujours en dehors du village, ou en bordure.
- Mais que faites-vous donc, après 3 mois? Vous allez à l'hôtel alors, rassure-moi?
- Comprenant le double sens de sa question, les joues en feu Sur trois mois j'ai été absente un mois entier. On va à notre rythme.
La jeune Yamanaka plaqua sa main sur son visage d'un air désolé, secouant la tête d'un air résigné.
- Si je ne te connaissais pas aussi bien, je penserais que tu es vierge et que tu n'oses pas te lancer pour ta première fois.
- Jetant des coups d'œil par-dessus leurs épaules Ino!
- Quoi?
- C'est… Ce n'est pas n'importe qui, c'est Sasuke!
- Eh bien justement! On ne parle pas de ton fantasme de toujours? Vous auriez dû vous jeter l'un sur l'autre comme des bêtes!
- Rouge C'est comme ça que tu aurais fait, s'il était venu vers toi?
- D'un air faussement outré Je suis passée à autre chose, moi! J'ai mon Saï, et autant il est complètement rigide quand on le voit comme ça, autant au lit…
- Se bouchant les oreilles Je ne veux pas en savoir plus! Arrête!
Comme à chaque fois, Ino se désola de ne pouvoir parler plus librement de sexe avec sa meilleure amie. Sakura se fermait comme une huître, fuyant la conversation. Et comme à chaque fois, cette dernière se demandait pourquoi elle n'était pas plutôt en compagnie d'Hinata, qui elle au moins, ne lui racontait pas ses positions sexuelles préférées - et encore heureux étant donné l'identité de son compagnon.
Après quelques confidences croustillantes dont Sakura se serait bien passé, les deux jeunes femmes finirent par se quitter, Ino reprenant le chemin de la boutique.
- N'oublie pas d'arroser les hortensias que je t'ai laissé!
Sakura la remercia encore et rebroussa chemin, reprenant sans réfléchir le chemin de son promontoir préféré. Elle y parvint en peu de temps et s'asseya au sol, adossée à la falaise, observant comme à son habitude la vie envahir le village. Les genoux recroquevillés contre sa poitrine, les bras serrant ses jambes, elle laissait les images de son village animé défiler comme un film au fond de ses pupilles.
Elle n'avait pas regardé une seule fois sa montre de l'après-midi, profitant juste de l'instant présent. Bercée par le brouhaha en contrebas et par le chant des oiseaux au-dessus de sa tête, elle avait dû s'assoupir une heure au moins, aidée par la digestion – enfin son ventre avait reçu ce qu'il réclamait depuis la veille: un repas décent.
Alors qu'elle laissait son cerveau divaguer au gré de ses pensées, les images du village s'évanouirent quelques instants pour laisser place à la silhouette de son ancien sensei, attablé à cette table de restaurant. Elle repensa à ce qu'Ino lui avait fait réaliser quelques instants plus tôt. C'était bizarre, c'est vrai, mais à posteriori, pas vraiment étonnant. Kakashi pouvait des fois avoir des comportements inattendus, mais il n'y avait jamais de double sens. C'était juste bienveillant, évidemment. Cela lui attira un sourire automatique, mais qui s'effaça vite quand elle repensa à la fin de leur entrevue. Elle n'avait pas encore prévu de vengeance, mais elle le savait, elle ne le louperait pas.
Puis c'est l'image de Sasuke qui remplaça celle de Kakashi, et cette image-ci lui amena un soupir mélancolique. Elle avait l'impression de le fuir, et paradoxalement, voyant le soleil atteindre progressivement la ligne d'horizon, elle était déçue de ne pas l'avoir vu arriver ce soir pour la rejoindre. Quand elle venait ici avant sa dernière mission, il apparaissait habituellement de nulle part, se faufilant dans son dos, encadrant sa taille de son bras unique et la serrant contre son propre corps, son visage enfoui dans sa nuque. Ses lèvres froides déposaient souvent une lignée de baisers le long de son trapèze, caressant avec douceur les lignes de son corps élancé.
Ils ne parlaient pas beaucoup, mais cela ne l'avait pas étonnée: elle n'avait jamais pensé que Sasuke pouvait être un grand bavard. Elle avait essayé d'en savoir plus sur ces dernières années, sur ses habitudes, ses goûts. Il ne lui exprimait pas grand-chose. Même si l'ambiance se voulait plutôt tendre et romantique, elle devait se contenter de beaucoup de silence. Beaucoup de mystère. Et malgré les semaines qui étaient déjà passées, la rose faisait encore énormément attention à tout ce qu'elle pouvait dire. L'ambiance était toujours un peu lourde, les caresses timides, les baisers un peu réfléchis.
Et pourtant, du temps ensemble, ils en avaient passé beaucoup. Ils avaient pris une routine, autour de ce promontoir discret, et aux alentours de celui-ci. Ils avaient même mangé à un restaurant un soir de semaine, ils faisaient des balades, lisaient parfois ensemble à la belle étoile, à la lueur d'une petite flamme couleur rubis que Sasuke aimait désormais entretenir depuis leurs retrouvailles. Il la positionnait à leurs côtés et celle-ci les réchauffait, leur permettant de rester ensemble de plus en plus tard, les jours grandissant. Elle ressentait les caresses de la main de Sasuke sur ses cheveux alors que parfois elle s'endormait la tête posée sur sa cuisse.
Cette petite routine devait être idyllique, donc. Inespérée. Fantasmée. Après tout, peu importe le temps que prenait les choses, il était enfin A ELLE. Qu'ils n'aient pas encore sauté le pas d'une relation plus «charnelle» lui importait peu: le problème était ailleurs.
Elle avait imaginé mille fois vivre ce qu'elle était en train de vivre. Elle imaginait des papillons dans son ventre. Un sourire béat stupidement affiché à longueur de journée sur son visage. Un cœur rempli de bonheur, et une tête bourdonnante de projets à deux. D'envies. Elle pensait que le monde pouvait s'écrouler autour d'eux, tant qu'eux étaient là, ensemble.
«Qu'est ce que je peux être stupidement sentimentale, se répétait-elle ces derniers temps. Ino a raison de se moquer: je suis ridicule».
Mais cela ne venait pas. Pas de papillons, ou peut-être en avait-elle, mais ne s'en rendait-elle pas compte? Souriait-elle sans s'en rendre compte? Il y avait tellement de pudeur entre eux. Elle pensait que c'était le choc des retrouvailles au début, mais rien ne venait vraiment. En couple avec ses ex, elle vivait la même chose, mais elle pensait que JUSTEMENT, c'était parce qu'elle n'était pas avec LUI.
C'était incompréhensible, et le doute finissait par l'assaillir. Et plutôt que d'affronter ce doute, elle préférait fuir. Elle avait été si soulagée de partir, loin et longtemps. Elle en avait même redemandé. Une femme amoureuse agissait-elle vraiment ainsi?...
Elle se releva avec lenteur, époussetant sa robe un peu courte de manière machinale. L'ombre du début de nuit avalait le village et ses habitants, et Sakura eut subitement froid. Persuadée que Sasuke ne la rejoindrait plus à cette heure, elle décida de changer ses habitudes et de sauter de portrait en portrait avant de remonter jusqu'au petit chemin familier qui longeait la falaise.
Elle manqua de trébucher, debout sur la tête de la Sanin, lorsqu'elle découvrit quelqu'un observer comme elle le spectacle de la fin de journée de Konoha en contre-bas. Elle réussit à garder ses pieds au sol in extremis et se recroquevilla immédiatement, stoppant sa respiration et plissant des yeux pour vérifier que sa vue ne la trompait pas. Elle fit immédiatement disparaître toute trace de son chakra et essaya de se cacher tant bien que mal dans la raie rocailleuse de cheveux de la Sanin. Bon sang, la chevelure du 4ème ou de Kakashi l'aurait bien mieux aidé à se cacher, au diable le fer à lisser. Et justement, les épis argentés de l'homme assis sur son propre portrait dansaient au rythme du vent qui commençait à se lever.
Il était là, tout comme elle quelques instants plus tôt, assis entre deux épis dont l'un lui servait à reposer son dos. Il ne semblait pas se cacher, et - très étonnant - il ne lisait pas. Son regard noir mi-clos indéchiffrable semblait perdu dans l'immensité du paysage qui s'affichait devant lui. Elle ne savait pas pourquoi elle restait là à l'observer, mais sans qu'elle ne puisse se l'expliquer, elle ne pouvait pas détacher son regard de Kakashi sensei.
Elle avait été contrainte des mois durant à jouer au chat et à la souris avec lui. Mais elle réalisa ce soir qu'en fin de compte, elle ne l'avait que très peu côtoyé – ses capacités à se faire oublier du monde entier étaient sans limite. Elle ne le trouvait jamais, mais quand parfois elle parvenait par chance à mettre la main sur lui, il avait toujours ce visage penaud et pressé et disparaissait aussi vite qu'il était apparu. Ce qui lui valait les remontrances de Tsunade-sama, et les moqueries d'Ino et Hinata.
Elle ne l'avait jamais vu posé ainsi comme elle le voyait ce soir.
Elle attendit qu'il fasse un mouvement montrant son intention de partir, mais il n'en fit rien. Elle resta ainsi accroupie dans le froid un temps certain qui lui parut une éternité, l'observant sans se faire repérer et sans même comprendre pourquoi elle agissait ainsi. Elle n'avait qu'à le saluer et partir, tout simplement…
Mais non. Elle observait sa silhouette, sa posture, son regard, et les mêmes questions le concernant s'entrechoquèrent à nouveau dans son cerveau. Que faisait-il ici? N'avait-il vraiment personne le soir à retrouver? Pas de foyer? Pas d'amis? Pourtant des amis, il en avait. Les fuyait-il? Pourquoi enchainait-il ainsi les missions? Pourquoi refusait-il de se faire soigner?
Ce n'est que lorsqu'elle vit la silhouette du gris bouger et se lever enfin, puis disparaître brusquement dans un nuage de feuille, que la jeune femme prit conscience de la nuit noire qui était tombée, et de son cœur qui battait à tout rompre dans sa cage thoracique.
