Gestion de crise inexistante – 32 ans

Severus Prince remontait les escaliers des cachots d'un pas vif, presqu'hargneux. Les élèves qui se trouvaient sur son chemin s'écartaient vivement, peu volontaires pour recevoir une pique assassine de la part du professeur de potions.

Cela faisait trois années que Severus Prince avait accepté d'enseigner les potions à Poudlard. Si la plupart des élèves étaient soulagés de ne plus avoir à traiter avec Horace Slughorn, leur nouveau professeur leur apprit ce qu'était réellement son art, avec un grand A. Il avait donc proprement terrifié toutes ses classes avant de faire le tri entre ceux qui étaient réellement intéressés par les potions de ceux qui voulaient simplement cocher la case. Il s'était fait un plaisir de changer tous les livres de cours par d'autres bien plus pertinents et avait utilisé le premier mois de cours pour instaurer des habitudes de travail saines qui perduraient dans le temps.

Car oui, le contrat que Severus avait fait signer au ministre de la magie garantissait une liberté totale sur ses cours et indiquait en toute lettre qu'en cas de doute, son référent était la guilde de potions et non Albus Dumbledore, qui avait peiné à obtenir sa maîtrise de potions. Ce dernier était furieux car concrètement parlant, il ne pouvait plus mettre un seul pied dans les salles de classe de potions ainsi que dans les laboratoires, il n'avait plus son mot à dire sur les grimoires de référence sur la matière et ne pouvait certainement pas faire de remarques sur ses méthodes pédagogiques ou les sujets à aborder. En clair, le directeur ne pouvait rien contester quand Severus Prince agissait en tant que professeur de potions

Le sujet de la direction de la maison Serpentard avait été un autre échec cuisant pour Albus Dumbledore. Dans le même contrat d'engagement, Severus Prince avait décrété que tant qu'il serait professeur de potions et/ou directeur de Serpentard – qui ne serait révoqué que par les lois établies de Poudlard, donc ni par le ministre de la magie et encore moins par Albus Dumbledore, peu importait les postes qu'il occuperait à ce moment-là – il serait le seul référent de tout ce qui concernait cette maison, des infractions au règlement aux contacts avec les familles ou les forces de l'ordre le cas échéant, en passant par les soins que devait leur fournir l'école ou les visites médicales. Ainsi, le vieux sorcier n'avait plus eu la possibilité d'accuser les vert et argent de tous les maux, encore plus quand ils n'étaient pas concernés, et n'avait plus aucune raison valable d'attirer le mépris des autres maisons sur eux car il ne pouvait plus les accuser sans preuve. Toutefois, si les Serpentards avaient voulu abuser de cette protection, le maître de potions avait mis deux bonnes années pour assainir le fonctionnement interne de la maison, remettant la ruse et l'ambition en avant au lieu de la réputation de certaines familles, le harcèlement ou encore les galions de certains.

Mais cela n'empêchait pas de retomber dans les anciens travers.

Samain – Halloween pour Albus Dumbledore et les crétins qui le suivaient et qui refusaient de reconnaître les célébrations sorcières – avait vu une blague de mauvaise goût être réalisée aux yeux de toutes les élèves. En effet, alors que ces derniers quittaient la Grande Salle pour rejoindre leurs salles communes, tous – y compris les Serpentards, alors que leur salle commune était dans les sous-sols – étaient montés au deuxième étage pour tomber sur les toilettes des filles inondées où deux messages macabres avaient été laissés: miss Teigne, la chatte d'Argus Rusard, le concierge, pétrifiée, et quelques mots écrits sur le mur avec de la peinture rouge devant passer pour du sang «Ennemis de l'Héritier, prenez garde!».

Informé de la situation – et après une soufflante passée à Draco Malfoy devant toute la maison pour avoir ouvert sa grande bouche pour apporter l'opprobre sur les vert et argent – Severus s'était renseigné sur l'affaire de l'héritier de Serpentard qui avait secoué l'école une cinquantaine d'années plus tôt, avait discrètement interrogé toutes les personnes qui étaient présentes à l'époque de manière clinique – y compris les fantômes – et avait relié toutes les informations entre elles. Mimi Geignarde lui avait indiqué avoir entendu des sifflements avant sa mort et puisqu'on parlait de l'héritier de Serpentard, on ne pouvait pas se tromper de beaucoup en présumant qu'il s'agissait d'un serpent qui avait pétrifié miss Teigne puis le crétin de Gryffondor avec son appareil photo, surtout avec les coqs égorgés. Les basilics étant au programme de l'académie de potions de Lyon – puisque parmi les ingrédients de potions les plus puissants, abordés pour les maîtrises de 3e et de 4e degré – il avait royalement ignoré la suggestion de Dumbledore d'attendre que les plants de mandragore deviennent mâtures à la fin de l'année scolaire et avait contacté l'académie pour se procurer le précieux ingrédient. Il avait donc brassé l'antidote à la pétrification de basilic et fourni une fiole salvatrice à Poppy Pomfrey pour réveiller la chatte et l'enfant mais avait placé le reste de la production à Gringotts pour que Dumbledore ne soit pas tenté de les «emprunter» à son profit.

Mais ce qui rendait actuellement furieux Severus, c'était ce qu'il avait découvert. Ne comprenant pas que le directeur n'ait pas pensé à placer un bête sort de surveillance autour du poulailler de Rubeus Hagrid, lui l'avait fait sans prévenir qui que soit par précaution et avait bien fait car après un nouvel achat de coqs, ces derniers avaient été agressés par une élève dont le comportement, après coup, lui avait paru assez étrange. La mettant en retenue sur un prétexte quelconque, son état de santé l'avait alerté et il avait prévenu sa directrice de maison et le directeur de l'école pour la prendre en charge.

ET ILS N'AVAIENT RIEN FAIT!

Depuis sa propre enfance, Severus ne supportait pas qu'on fasse du mal à des enfants et ignorer leur état de santé était à mettre dans le même sac. Il avait donc décidé de se passer une nouvelle fois de l'avis de bien-pensants et avait contacté Molly Weasley sur ses inquiétudes au sujet de sa fille Ginny. La matrone avait donc renvoyé une beuglante particulièrement virulente à l'encontre de Minerva McGonagall et d'Albus Dumbledore et avait indiqué qu'elle serait présente dans la journée pour récupérer sa fille et la faire ausculter. Le directeur avait toutefois eu le temps d'intercepter le maître de potions pour le réprimander de ne pas être passé par lui pour prévenir un parent d'élève et il s'était retenu de lui rétorquer que ce n'était pas lui qui avait sciemment ignoré les signalements faits, des professeurs comme de la plupart de ses frères.

Pour se calmer, Severus avait sollicité l'aide de Filius Flitwick pour un petit duel. Si ses camarades à Serpentard avaient une idée de sa vaste connaissance en sorts dit de magie noire, personne ne se doutait qu'il avait pu développer ses talents de duelliste à l'académie de potions jusqu'à atteindre un niveau qui avait intéressé la guilde de combat. Il en avait informé le professeur de sortilège car c'était un maître duelliste mais aussi parce qu'il savait qu'il aurait besoin de se défouler avant d'être tenté d'étrangler son supérieur avec sa barbe, comme ce jour-là. En sortant du bureau du directeur, il avait donc lancé un regard équivoque à son collègue et avait pris le temps de se changer avant de le rejoindre.

Passablement calmé, Severus avait pu croiser Molly en train d'enguirlander proprement le directeur de l'école, sa fille derrière elle et ses fils – mis à part le dernier, qui devait être en train de dévaliser la cuisine – en train de se réjouir de la déconfiture du vieux sorcier, ce qui le mit de très bonne humeur.