Chapitre 2: Convaincre (2)

Narcissa m'entraîna au pas de charge vers la véranda où elle pensait trouver Delphini Black en train de boire un jus de citrouille avec son cousin Scorpius et Albus qui m'avait accompagné chez les Malefoy. Il s'avéra que Rose Granger-Weasley s'était jointe à eux.

Un observateur non averti aurait sans doute fort surpris de rencontrer une gryffondor, par ailleurs fille de notre Ministre de la Magie, au Manoir Malefoy, ce nid de serpents à la réputation pour moi qui étais aux premières loges pour scruter les relations entre les élèves, il n'y avait nulle surprise à la trouver là. Ou plutôt, j'étais revenu de ma surprise depuis longtemps. Car surpris, je l'avais été au moment où j'avais vu se constituer cette bande assez insolite, puisqu'elle comprenait des élèves de Maisons et d'années différentes, que leurs histoires familiales respectives auraient pu empêcher de se rapprocher. Et pourtant, c'est un groupe solide à l'amitié indéfectible que les quatre qui étaient présents dans la véranda ce jour-là, formaient avec Teddy Lupin et Victoire Weasley.

Le fils du loup-garou et Miss Weasley n'osaient pas trop s'aventurer au Manoir Malefoy craignant de croiser Lucius. Car même si Drago avait réduit son père au silence en le menaçant de déménager avec Scorpius si celui-ci ne pouvait pas recevoir au Manoir ses amis de l'école, l'air peu amène du maître de maison avait de quoi décourager les plus téméraires de s'aventurer chez lui. Pourtant, Miss Granger-Weasley se moquait de la réprobation silencieuse de Lucius comme de la première remontrance de son directeur de Maison. Il faut dire que la fille aînée de notre Ministre de la Magie se révélait un peu plus chaque jour dotée d'un caractère bien trempé, d'un aplomb phénoménal et de la conviction que la fin justifiait absolument tous les moyens. Bref, c'était une serpentarde dans l'âme qui ne devait sa répartition chez les lions qu'à un moment de distraction ou aux préjugés du Choixpeau Magique. Mais si Rose Granger-Weasley m'amusait assez – ce que jamais je n'aurais reconnu à voix haute – je n'étais pas fâché de laisser à Lupin, le directeur de la Maison Gryffondor, le soin de la gérer au quotidien.

Une chose est sûre c'est que je n'étais pas ravi de les voir en force, au moment d'essayer de discuter avec Delphini Black. J'étais conscient que l'influence du groupe sur sa décision serait bien supérieure à la mienne, alors que je devais déjà composer avec l'opposition de Narcissa. Je priai donc Delphini Black de nous suivre sa tante et moi dans le salon. Mais, elle refusa tout net:

«Non, Monsieur, ils peuvent entendre tout ce que vous avez à me dire.»

Je soupirai intérieurement, la partie s'engageait mal. En tout cas, cette affirmation de Miss Black, sans s'inquiéter de savoir ce que j'avais à lui dire, me confirmait que la révélation avait eu lieu. Je savais qu'après la tentative d'enlèvement dont Miss Black avait fait l'objet, Albus avait décidé de lui raconter ce qu'il savait de ses origines, à savoir qu'elle était la fille de Voldemort. Lui-même le tenait du portrait de Salazar Serpentard qui avait immédiatement identifié le lien de la jeune fille avec la Maison des Gaunt, comme il avait immédiatement su qu'Albus appartenait à celle des Prince. Un jour, quand j'aurai du temps, je me promettais de me pencher sur cette magie qui donnait aux portraits de certains sorciers décédés, comme Salazar Serpentard ou Albus Dumbeldore, ces extraordinaires capacités.

Je tenais d'Albus que Delphini Black avait d'emblée décidé d'étendre cette révélation au reste de leur petite bande. C'était à mon sens s'exposer bien inutilement. Miss Black réalisait mal l'ampleur du traumatisme qui était lié au souvenir de son père, un souvenir que le monde sorcier tentait d'effacer en n'évoquant plus jamais de cette triste période. Albus avait beau m'expliquer que Delphini ne voulait pas avoir de secret pour ses meilleurs amis, j'étais loin d'être convaincu de la nécessité de cette transparence.

Après avoir inutilement quêté du regard un soutien du côté de Narcissa pour inciter l'adolescente à accepter de nous parler en privé, je me décidai à entamer la discussion devant les autres :

«Comme vous le savez Miss Black, je cherche à comprendre les raisons pour lesquelles vous avez fait l'objet d'une tentative d'enlèvement il y a quelques semaines, car c'est la seule façon de pouvoir assurer votre sécurité à l'avenir. Sauf à ce que vous restiez définitivement enfermée que ce soit ici ou à l'école.»

Je poursuivis en ignorant l'exclamation agacée par laquelle Narcissa avait ponctué ma phrase:

«Je souhaiterais vous faire rencontrer une personne qui détient peut-être une part de cette vérité que je recherche. Si vous l'acceptez bien entendu.»

«Si cette personne peut vous aider à comprendre pourquoi on a tenté de me kidnapper, pourquoi pensez-vous que je puisse refuser de la rencontrer,Monsieur?» murmura l'adolescente au lieu de répondre directement à ma question, prouvant ainsi que son appartenance à la Maison Serpentard ne devait rien au hasard.

«Parce ce qu'il s'agit en toute franchise d'un individu peu recommandable, Miss Black.» admis-je.

«Ça c'est le moins qu'on puisse dire !» enchaîna Narcissa d'un ton furibard. «Un sorcier enfermé depuis plus de trente ans dans la forteresse deNurmengard pour les crimes qu'il a commis.»

C'est sûr que présenté comme ça ...

«Mais, Monsieur, pourquoi faut-il que Delphini aille voir ce type ? Pardonnez-moi de vous poser la question, mais pourquoi n'allez-vous pas l'interroger vous-même.» intervint Miss Granger-Weasley.

Elle avait réussi à se taire pendant trente secondes, pas une de plus. Vacances obligent, je n'avais pas la possibilité de lui enlever 5 points ou de lui donner une heure de colle avec Monsieur Rusard pour la réduire au silence. Delphini Black ayant murmuré «en effet, pourquoi?» en appui à la question de son amie de gryffondor, je fus contraint de répondre à la question.

«Je suis déjà allé l'interroger, Miss Granger-Weasley, mais il a refusé de répondre à mes questions en dehors de la présence de Miss Black.» expliquai-je.

«Cependant, Grand-père, vous pourriez ... Enfin, je veux dire qu'il y a d'autres solutions pour obtenir une réponse.» suggéra Albus.

Je devais renoncer à l'espoir d'une conversation directe avec Delphini Black. Comme d'habitude, ils allaient tous s'en mêler.

«Oui, en effet, Albus. Mais l'individu en question est un potionniste de talent et à ce titre capable de se prémunir contre les effets de mes propres potions.» précisai-je.

Il continuait à me fixer sans rien dire. Les autres observaient cet échange silencieux avec curiosité.

«Je n'ai pas non plus une totale confiance dans le résultat de la Legilimencie.» finis-je par répondre à la question qu'il n'avait pas formulée mais que j'avais lue dans son regard. «S'il s'avérait être un aussi bon Occlumens qu'il le prétend, il pourrait m'interdire l'accès à ses souvenirs ou même reconstruire un faux souvenir pour me faire partir sur une piste totalement erronée.»

«Mais comment pouvez-vous être sûr qu'il dise la vérité, si Delphini accepte d'aller le voir ?» demanda à son tour Scorpius Malefoy.

Voilà que c'est moi qui me retrouvais sur le grill avec toutes leurs questions! Mais la rentrée reviendrait, ils ne perdaient rien pour attendre.

«Je ne peux évidemment pas en être sûr.» admis-je. «Mais s'il obtient la visite qu'il réclame, le dénommé Hexaphorus sera moins sur ses gardes et risque de laisser échapper, même malgré lui, un bout de vérité. Ce sera à moi d'identifier cette vérité et de m'en saisir pour comprendre l'ensemble du projet qui a conduit à l'enlèvement de votre cousine.»

«Ça veut dire que si j'accepte d'aller voir cette personne vous m'accompagnerez ?» releva Delphini Black.

«Bien sûr que je vous accompagnerais, Miss Black.» confirmai-je «Et vous pourrez demander à qui vous voudrez de venir avec nous.»

Au grand dam de Narcissa, Delphini Black accepta rapidement le principe d'une rencontre avec Hexaphorus. Restait à en fixer les modalités en accord avec le Ministère et cette dernière phase s'avéra plus complexe que prévu. Harry avait été délégué par Hermione Granger, pour aller discuter chez les Malefoy du nombre et du nom des accompagnants. Il accéda sans mal à la première demande de l'adolescente d'avoir avec elle sa tante et tutrice, Narcissa Malfoy, à ses côtés. Mais la suite de ses demandes s'avéra plus difficile à satisfaire, puisqu'elle réclama d'être accompagné de sa bande d'amis de l'école et le professeur Hagrid. Je n'avais pas anticipé cette dernière demande. Elle était pourtant prévisible. Les Soins aux Créatures Magiques étaient sa matière préférée à Poudlard et Hagrid son professeur préféré. Cependant, il y avait un petit souci pour pouvoir accéder à sa requête…

«Hagrid, c'est impossible !» répondit immédiatement Harry.

«Mais pourquoi?» s'exclama Miss Black dépitée. «Le professeur Rogue m'avait assuré que je pourrais y aller accompagnée de qui je voudrais.»

«Je suis navré, Delphini.» assura Harry. «Mais, je vous garantis qu'il n'y a aucune chance pour qu'Hagrid puisse pénétrer dans un endroit aussi étroit que le cachot où est enfermé le dénommé Hexaphorus.»

Delphini Black soupira. L'argument était imparable. Et de fait, il m'arrangeait bien. Etant donné son attachement pour l'adolescente qui partageait avec lui la passion des créatures magiques, je croyais Hagrid capable d'écraser Hexaphorus comme une mouche sur le mur, si celui-ci s'avisait d'être désagréable avec elle. Sur le fond, je ne tenais sûrement pas à protéger ce sinistre individu, mais je tenais à ce qu'il survive au moins le temps nécessaire pour m'aider à comprendre pourquoi on s'en prenait à l'adolescente et comment assurer sa sécurité.

«Quant à vos amis, je suis désolé de vous dire, Delphini, que la prison de Nurmengard n'est pas précisément un endroit où l'on puisse emmener un groupe de jeunes en visite.» poursuivait Harry. «Quand le professeur Rogue vous a dit que vous pourriez vous faire accompagner de qui vous voulez, il pensait à des sorciers adultes.»

Après cette succession de refus, je craignis un moment que Delphini Black ne renonce à la visite à Nurmengard, mais son envie de retrouver une vie normale fut plus forte que ses déconvenues. En vraie serpentarde, elle entreprit de négocier avec Harry en acceptant tous les refus que celui-ci lui avait opposé sauf concernant Albus, en arguant une fois de plus que sous le coup de l'émotion, elle craignait de ne pas comprendre ce qui se dirait autour d'elle. Grâce au Fourchelang qu'ils avaient en commun, Albus pourrait toujours lui faire la traduction. C'était un pur prétexte, car elle comprenait et parlait désormais parfaitement anglais quelles que soient les circonstances, mais Harry céda.

Cependant, les tractations ne s'arrêtèrent pas là, car faute de pouvoir se faire accompagner d'Hagrid, Miss Black réclama la présence de son oncle, Lucius Malefoy. Or, il n'était évidemment pas question pour le Ministère d'accepter que deux ex-mangemorts aillent rendre visite à un potionniste spécialiste de magie noire qui semblait avoir des informations susceptibles d'intéresser les nostalgiques de Voldemort. En réalité, Lucius ne comptait pas plus que moi parmi les nostalgiques de l'époque des Ténèbres, mais je ne m'étonnais pas que le Ministère préfère prendre quelques précautions. Ma présence excluant de fait celle de Lucius, il fallait trouver une autre solution qui à la fois rassure Narcissa et sa nièce et qui soit acceptable par notre Ministre de la magie. Ce fut finalement Narcissa qui émit l'idée de se faire accompagner, à défaut de son mari, par sa sœur Andromeda Tonks et du gendre de celle-ci, Remus Lupin, ainsi selon ses propres termes la question resterait «en famille». Cette option fut immédiatement approuvée par Harry puisque, contrairement à Lucius Malefoy, Andromeda Tonks et Remus Lupin avaient autrefois été du côté des adversaires de Voldemort.