Chapitre 8: Un pas après l'autre
Je trouvais le Manoir Malefoy dans un état d'agitation bien inhabituel. De loin, j'aperçus les jeunes dans la véranda. Ils n'étaient plus quatre mais six. Toute la bande était donc réunie. Victoire Weasley et Teddy Lupin avaient bravé la crainte que leur inspirait Lucius Malefoy pour venir rejoindre leurs petits camarades et, d'après ce que je connaissais d'eux, faire bloc autour de Delphini Black.
Cela dit, ils avaient raisons de ne pas s'en préoccuper, car leur présence semblait bien le cadet des soucis de Lucius. Quand je le rejoignis dans le salon, il était assis dans le canapé auprès de Narcissa. Par-dessus la tête de sa femme, il m'adressa un regard furieux en me voyant arriver.
«Eh bien, bravo!» me lança-t-il en guise de salut.
Je n'étais sûrement pas d'humeur à battre ma coulpe.
«J'accepte tes félicitations.» rétorquai-je. «Les choses ont bien avancé, puisque nous avons identifié la nature du problème.»
Narcissa se retourna d'un bloc. Ses yeux bleus lançaient des éclairs. Manifestement, sa colère de la veille était toujours intacte.
«Je vais te dire moi quelle est la nature du problème.» gronda-t-elle. «C'est qu'hier soir, au retour de Nurmengard, Delphini m'a affirmé que ce serait peut-être plus simple pour tout le monde si elle n'existait plus, autrement dit si elle était morte!»
Je comprenais mieux la colère de Narcissa si la petite tenait des propos pareils! S'étant levée, elle se redressa de toute sa taille pour mieux me fusiller du regard.
«Je te garantis que tu as intérêt à trouver une solution, sinon je te jure que tu auras affaire à moi.» menaça-t-elle.«En attendant, les amis de Delphini, eux au moins, sont là pour la soutenir. Je vais voir s'ils ont besoin de quelque chose, car ils sont tous les bienvenus dans cette maison, n'est-ce pas? »
Cette dernière remarque s'adressait clairement à Lucius vers qui elle avait tourné un regardimpérieux face auquel il s'écrasa prudemment.
«Bien entendu, ma chérie.» gazouilla-t-il avec un sourire stupide.
«Des descendants de vélane, de loup-garou, de né-moldu sous ton toit, tu es gâté, dis donc!» plaisantai-je à mi-voix dès que Narcissa se fut éloignée.
«Mais ça ne me pose aucun problème.» prétendit-il avec un aplomb qui me laissa sans voix.
Voilà donc quarante ans que j'avais des hallucinations, puisqu'à l'en croire j'avais rêvé toutes ses diatribes contre tous ceux qui ne pouvaient pas revendiquer un sang-pur. Il profita de ma sidération pour reprendre la main :
«Bon dis donc, tu vas te dépêcher de résoudre le problème de Delphini, Narcissa est dans tous ses états. Elle va finir par se rendre malade à force de se faire du souci.»
«Me dépêcher! Me dépêcher!» râlai-je. «Si tu veux, je peux me dépêcher de te transformer et gargouille pour t'installer au milieu de la fontaine. Comme ça tu pourras cracher utilement de l'eau au lieu de débiter des stupidités.»
«Tu penses que ce n'est pas possible de te dépêcher.» en conclut-il indifférent à mes menaces.
«Evidemment que ce n'est pas possible! j'en suis encore à essayer de comprendre le processus magique par lequel ce salopard d'Hexaphorus envisageait de transformer la petite pour faire réapparaître Voldemort, comment veux-tu que j'aie déjà trouvé une solution pour l'en empêcher?» répondis-je irrité.
«C'est étrange, mais maintenant que tu le dis comme ça, ça me fait songer à une autre recette qu'il y avait dans le livre où j'ai trouvé la potion de Régénération, une potion dite de «Changement d'identité».» remarqua-t-il.
«Pourquoi est-ce que tu ne me l'as pas montrée plus tôt?» m'étonnai-je.
«D'abord, parce que ça ne correspondait pas vraiment à ce que tu cherchais à ce moment-là. Ensuite, parce qu'il y a une petite note dans la marge disant que la recette ne fonctionne pas.» expliqua Lucius.
Mon intérêt retomba d'un coup. Mais je n'avais rien de plus prometteur à me mettre sous la dent pour le moment, puisque Madame la Ministre ne m'avait encore fait envoyer aucun document à éplucher.
«Montre quand même.» soupirai-je en le suivant dans son bureau.
C'était une version du Polynectar revue et corrigée dans l'objectif de rendre son effet définitif, mais tellement revue et tellement corrigée qu'elle en devenait à coup sûr très dangereuse.
«Alors qu'est-ce que tu en penses? Tu crois qu'elle ne marche pas cette recette de changement d'identité, comme le dit la petite note manuscrite.» demanda Lucius.
«Oui et non.» répondis-je sans plus de précision.
«Oui et non, quoi?» insista-t-il.
«Oui, ça permet bien de changer l'apparence de la personne qui avale la potion.» expliquai-je sur un ton technique. «Et non, car la potion entraîne à mon sens sa mort dans les plus brefs délais.»
«Tu crois?» s'inquiéta-t-il.
«Comme tu le sais, j'ai quand même une petite expérience en matière de potions.» ironisai-je. «Et donc oui, j'en suis sûr. Il n'empêche que ça me donne quand même une idée pour le cas qui nous occupe.»
«Tu n'envisages quand même pas de donner cette potion mortelle à Delphini?» s'inquiéta Lucius.
«Bien sûr que non!» répliquai-je en haussant les épaules. «J'ai juste dit que ça me donnait un début d'idée, pas que j'allais l'empoisonner avec cette potion. Mais pour le moment, j'ai besoin de réfléchir.»
Comprenant que je n'en dirai pas plus dans l'immédiat, Lucius me proposa d'aller prendre une tasse de thé ou de café dans le salon. J'optai pour le café qui eut la bonne idée d'apparaître accompagné de différentes choses à manger.
Par la porte ouverte, nous apercevions la petite bande qui discutait toujours dans la véranda où Narcissa leur avait manifestement servi à eux aussi un encas. Lucius qui contemplait le petit groupe d'un regard circonspect, finit par lâcher:
«Quand même, je me demande bien ce qu'il peut lui trouver!»
Je suivis son regard pour m'apercevoir qu'il fixait son petit-fils, Scorpius, qui comme souvent béait d'admiration devant Rose Granger-Weasley, dont il buvait des paroles que nous étions trop loin pour entendre.
«Une sang-mêlée, la fille d'une née-moldue, je comprends que ça ne te plaise pas trop.» ironisai-je à mi-voix.
«Non, ce n'est pas ça.» osa-t-il prétendre. «C'est juste qu'elle n'a vraiment rien d'une beauté fracassante. Du coup, je n'arrive pas à comprendre que Scorpius la regarde comme ça, d'un air émerveillé.»
«C'est le côté serpentard qu'il admire chez elle.» lui assurai-je.
«Tu te moques de moi.» grogna-t-il vexé.
«Absolument pas.» affirmai-je péremptoire. «Moi qui la connais bien je peux te garantir que les plus entreprenants de mes serpents ont l'air d'une gentille bande de boursouflets à côté d'elle. Miss Granger-Weasley est absolument persuadée qu'elle peut employer n'importe quel moyen pour atteindre ses objectifs et elle entretient un rapport assez lointain avec la vérité lorsque la vérité ne l'arrange pas, sans compter que je ne serais pas surpris qu'elle fasse montre à terme d'une ambition hors norme.»
«Ah bon!» s'étonna Lucius.
Son ton était déjà moins critique. Sans s'en rendre compte lui-même, il considérait déjà Rose Granger-Weasley d'un œil plus favorable. Car ma description du caractère de la donzelle qui aurait inquiété n'importe qui d'autre, avait tout pour intéresser Lucius.
«Mais si elle est telle que tu le prétends, qu'est-ce qu'elle fabrique chez les gryffondors?» reprit-il.
«Bonne question!» admis-je. «Soit le Choixpeau magique est rempli de préjugés, soit ce vieux machin est bon à mettre aux chiffons.»
«Ça ne doit pas être facile pour elle tous les jours d'être chez les lions.» compatit-il.
«Permets-moi de te contredire.» plaisantai-je «C'est surtout pour les lions que ce n'est pas facile de la gérer au quotidien. Son directeur de Maison a bien du mal à savoir comment réagir face à ses agissements.»
«J'imagine!» rigola Lucius avant de murmurer pour lui-même «Après tout, c'est quand même la fille de la Ministre de la Magie …»
Je sentais que ce vieux crétin vaniteux commençait à être quelque peu séduit par l'option Rose Granger-Weasley. Scorpius Malefoy ne saurait jamais ce que sa tranquillité devait à mon initiative.
En parlant d'initiative, j'espérais qu'Albus avait bien transmis mon message au reste de sa petite bande et qu'ils n'allaient pas venir interférer dans mes recherches. D'ailleurs, ce n'était pas beaucoup demander, je voulais juste qu'ils s'occupent de n'importe quoi d'autre. «Ils feront toujours moins de dégâts», songeai-je. Manque d'imagination de ma part comme les faits finiraient par me le prouver …
