Chapitre 9: Lily Molly Potter
Cinq jours plus tard, Harry débarquait à la maison pour m'amener les premiers documents sélectionnés par le Ministèrepour m'aider à comprendre et à contrer la magie susceptible de transformer Delphini Black en Voldemort. En le voyant transplaner dans le jardin, je ne manquais pas de m'interroger sur le nombre de volumes qu'un Reducto avaient pu lui permettre de dissimuler dans la poche de sa robe. Alors que je craignais de devoir éplucher une bibliothèque entière, son Amplificatum ne révéla que quelques dizaines de rouleaux de parchemins.
«C'est tout ce que nous avons pu retrouver en lien avec notre affaire dans tous les documents qui ont pu être saisi par le passé par le Ministère. Et encore mes collègues ont ratissé large, je suis certain qu'au moins la moitié de tout ça est sans intérêt pour toi.» dit-il.
Devant mon air désappointé, il ajouta :
«Mais je ne perds pas espoir de t'apporter bientôt autre chose de plus intéressant. Les Langues-de-Plomb fouillent de leur côté différents endroits où ils espèrent trouver des documents utiles à tes recherches.»
Je relativisai ma propre déception:
«Après tout, ce n'est pas très étonnant. La métamorphose humaine est vraiment un tabou absolu en matière de magie.»
«C'est toute la magie noire qui est proscrite.» rappela-t-il.
«Ce qui revient, si tu veux mon avis, à mélanger des choses assez anodines avec des choses très graves.» remarquai-je «Mais je doute que tu sois d'accord avec moi sur cette question.»
«En effet, mais je sais bien que les serpentards ont une vision assez permissive de la magie noire.» soupira-t-il.
«J'aurais dit assez pragmatique, mais nous n'allons pas nous disputer pour un mot.» plaisantai-je.
«Sûrement pas! D'autant moins que je suis aussi venu te parler d'autre chose.» assura-t-il. «Albus est passé me voir plusieurs reprises ces derniers jours. J'ai eu l'impression qu'il ne va pas très biendepuis votre visite à Nurmengard.»
Plutôt que de réagir directement à sa phrase, je lui proposai de profiter du beau temps pour aller prendre le thé sur la terrasse pour en discuter. J'avais envie de l'entendre sans forcément lui donner mon ressenti, car à mon sens Albus se remettait plutôt bien de notre entrevue avec Hexaphorus. Deux jours plus tôt, il m'avait même dit ce qu'il voulait comme cadeau d'anniversaire, alors que ma question à ce sujet était restée sans réponse depuis la tentative d'enlèvement de Delphini Black. Evidemment, sa demande était d'abord venue très indirectement. Un serpentard reste un serpentard.
«Pourquoi n'avons-nous pas de Pensine au Manoir?» avait-il commencé.
J'eus la pudeur de ne pas lui donner clairement la raison que j'avais en tête, à savoir qu'à eux tous nos crétins d'ancêtres qui s'encadraient sur les murs avec des airs suffisants, n'avaient pas eu une seule idée suffisamment profonde, un seul souvenir suffisamment intéressant, pour justifier l'acquisition d'une Pensine.
«Je n'en sais pas rien, Albus. Pour ma part, je ne me suis jamais posé la question, car j'ai toujours eu accès à celle du bureau directorial de Poudlard quand j'en avais besoin.» expliquai-je.
«Je voudrais bien que vous m'appreniez le sortilège qui permet de d'extraire ses souvenirs. Et puis je voudrais faire l'expérience de la visualisation des souvenirs dans la Pensine. En fait, j'aimerais que nous ayons une Pensine, c'est ce que je voudrais pour mon anniversaire.» avait-il expliqué en en venant au fait.
En disant cela, il n'avait absolument pas réalisé qu'il me demandait un cadeau extrêmement onéreux. Plus cher que le plus cher de tous les balais du magasin d'accessoires de Quidditch ! Mais Albus n'avait pas le moindre intérêt pour les balais ou pour le Quidditch et après tout la Maison des Prince pouvait bien s'offrir une Pensine, j'en avais donc commandé une à l'un des rares fabricants capables de réaliser un objet magique aussi complexe. En attendant, je lui apprenais à extraire ses souvenirs. Il voulait aussi que je lui explique comment modifier les souvenirs d'autrui sans laisser de traces. Je lui avais promis de travailler avec lui sur la théorie, mais pas question de lui permettre de trafiquer mes souvenirs, ni de le laisser s'exercer sur autrui.
En tout cas, Albus ne me semblait pas réellement traumatisé par sa virée à Nurmengard, et je n'en étais que plus intéressé de savoir ce qu'il avait pu dire sur ce sujet à son père. Une fois installé sur la terrasse, je m'occupai donc de servir le thé en encourageant Harry à me raconter ce que lui avait dit Albus, tout en me gardant bien de lui donner ma propre opinion. J'étais suffisamment curieux pour faire taire les scrupules que j'avais vis-à-vis de lui en songeant combien il devait difficile pour un gryffondor d'être pris en tenaille entre son serpentard de père et son serpentard de fils.
«Quand il est venu me voir, Albus m'a raconté par le menu votre entrevue avec Hexaphorus. Je l'ai senti vraiment troublé. Ensuite, il est revenu à la charge sur son souhait que Ginny et moi nous venions ici avec sa petite sœur. Je l'ai trouvé tellement affecté que j'ai accepté, à condition que tu sois d'accord.» dit-il.
Tout de suite, je comprenais mieux pourquoi Albus était allé parler à son père de son «malaise». Il y a longtemps qu'il souhaitait rendre public notre lien familial, une aspiration qui contrariait beaucoup son frère James d'un an son aîné à qui au contraire il convenait très bien d'être un Potter, en tout cas beaucoup mieux que d'être le petit-fils de son affreux professeur de Potions. Faute de pouvoir imposer une vérité officielle immédiate, Albus avait procédé donc par petite touche en révélant la vérité à ses plus proches amis. Et il considérait clairement comme une étape majeure le fait de pouvoir faire venir sa petite sœur, Lily, au Manoir des Prince. Une fois Lily informée de mon existence, le secret aurait encore plus de mal à tenir, puisqu'elle était trop petite pour qu'on lui impose de se taire.
«Bien sûr que je suis d'accord.» assurai-je avant de demander. «Mais, James l'est-il?»
Harry prit le temps de vider sa tasse de thé et de s'en servir une autre avant de me répondre:
«J'ai eu une grande discussion avec James. Et pour tout dire, une discussion houleuse.»
«Houleuse.» répétai-je. «A propos de moi, j'imagine.»
«En fait, non.» répondit Harry en secouant la tête. «A propos de ses études et de ce qu'il fait de son temps. Ça a commencé quand James est venu me demander de l'inscrire à un stage de Quidditch organisé cet été sur le continent par quelques anciens joueurs de différentes équipes nationales, notamment Viktor Krum dont tu dois te souvenir. J'ai commencé par refuser en lui reprochant de passer tout son temps à jouer au Quidditch. Depuis le début de l'été, il ne fait que ça, que ce soit chez ses grands-parents Weasley ou chez ses amis. Pourtant, je lui avais demandé de faire quelques révisions cet été, car je n'étais pas absolument ravi de ses résultats plutôt moyens aux examens cette année. Je voulais donc qu'il travaille au moins un peu, car je m'inquiète des résultats qu'il va avoir aux Buses à la fin de l'année prochaine. »
Je m'abstiens de tout commentaire.
«J'ai dû dire quelque chose comme: «C'est bien beau de jouer au Quidditch, mais il est temps que tu songes à préparer ton avenir.»» poursuivit-il. «Et pour le coup, James s'est énervé pour de bon. Il m'a dit qu'il avait déjà essayé de me parler de ses projets d'avenir et que c'est moi qui refusais de l'écouter. Qu'il voulait faire du Quidditch son métier, intégrer une équipe professionnelle et peut-être rentrer un jour dans l'équipe nationale. Qu'il s'entraînait à fond cet été pour devenir capitaine de l'équipe de Gryffondor, puisque la place serait vacante à la rentrée. Bref, qu'il voulait aller faire ce stage pour préparer son avenir justement.»
Il resta un moment silencieux, les yeux rivés sur la surface de sa tasse de thé. Je m'amusais de retrouver chez lui ce tic qu'Albus avait parfois lui aussi quand il venait me parler de quelque chose d'important.
«C'est vrai qu'il avait fait des allusions à ce projet et c'est vrai aussi que je n'avais pas voulu l'entendre.» reprit-il après un moment. «Sans doute parce que même si j'ai moi aussi adoré le Quidditch et que, sans me vanter, j'ai été un bon joueur, je n'ai jamais envisagé d'en faire mon métier. Du coup, à chaque fois que James m'a parlé de son projet, j'ai traité ça comme une lubie d'enfant qui allait finir par lui passer.»
Il se tut à nouveau.
«Ce n'est pas si simple d'élever des enfants, n'est-ce pas?» observai-je sur un ton dénué d'ironie.
«Comme tu dis, ce n'est pas si simple.» répéta-t-il en soupirant. «D'autant plus que ça ne se passe pas toujours comme on l'avait imaginé. Quand James et Albus sont nés à un an d'intervalle, j'ai cru qu'en plus d'être des frères, ils seraient des amis, qu'ils seraient inséparables, qu'ils feraient tout ensemble … Et rien ne s'est passé comme je l'avais pensé. James s'est immédiatement passionné pour son premier balai, alors qu'Albus n'a pas accordé la moindre attention au sien. Ce qui passionnait Albus quand il était petit s'était d'empiler les objets. A peine a-t-il était capable de s'assoir qu'il a commencé à faire des piles qui s'effondraient dès qu'il s'en détournait, car, sans s'en rendre compte, il utilisait déjà la magie pour les faire tenir. Il avait à peine deux ou trois ans quand les objets ont commencé à changer de couleur autour de lui. Et au lieu de le féliciter pour ce qu'il était capable de faire, j'avais tendance à le renvoyer toujours jouer avec son frère qui lui ne s'intéressait déjà qu'à la version pour enfant du Quidditch. C'est comme ça qu'Albus a passé des années à me reprocher de vouloir qu'il soit comme James. Et le plus paradoxal, c'est qu'aujourd'hui c'est James qui me reproche de vouloir qu'il soit comme Albus, quand je lui demande de faire des révisions!»
A nouveau, il s'arrêta de parler.
«C'est exagéré de dire qu'Albus passe son été à lire ses livres de classes. A part pour faire ses devoirs de vacances, je crois bien qu'il ne les ouvre jamais.» remarquai-je.
«Certes, mais c'est tout à fait exact de dire qu'il a souvent un livre à la main quand il est à la maison. Même s'il s'agit plutôt de «la Legilimencie sans laisser de trace» ou de «Occlumencie: comment construire un faux souvenir plus vrai que vrai» que de ses livres de classe.» admit Harry. «James a fait volontairement la confusion pour me reprocher de vouloir le renvoyer à ses bouquins plutôt que de le laisser jouer au Quidditch.»
«Et comment s'est conclue cette intéressante conversation?» m'informai-je.
«Eh bien, j'ai accepté que James aille faire son stage de Quidditch sur le continent et, en même temps, je lui ai dit que Ginny et moi avions décidé d'aller chez toi avec Lily» répondit-il.
Je ne sais pas comment on appelait ça en langage gryffondor, mais si Harry avait été un serpentard, j'aurais dit qu'il avait négocié avec James en échangeant le stage de Quidditch contre le fait que son fils aîné cesse de s'opposer à ce que ses parents viennent me rendre visite avec sa petite sœur.
Il restait encore une question cruciale.
«Mais qu'est-ce que tu vas dire à Lily? A propos de moi, je veux dire.» demandai-je doucement.
«La vérité. Que tu es son grand-père.» répondit-il simplement.
La réponse me parut un peu courte.
«Et comment vas-tu lui expliquer le fait qu'elle ne me connait pas encore?» insistai-je.
«Je vais lui dire que tu étais «absent». C'est la chose la plus proche de la réalité que je puisse lui dire, il me semble.» répliqua-t-il avant d'ajouter sur un ton plus incisif. «Et le jour où elle sera assez grande pour se rendre compte que cette explication est franchement bancale et où elle demandera plus de détails, je compte que tu lui apprennes toi-même la raison pour laquelle elle ne t'a rencontré qu'à l'âge de sept ans!»
L'allusion était transparente. En dépit de mes tentatives d'explications et des regrets que j'avais exprimés, Harry restait blessé du fait que je ne lui ai jamais dit que j'étais son père, avant que les découvertes d'Albus ne le mettent brusquement face de cette réalité. Malgré toutes les assurances que j'avais pu lui donner depuis, je savais qu'Harry continuait de se demander si je n'avais pas gardé mes distances parce que je trouvais qu'il n'était pas assez bien pour être mon fils, alors qu'en réalité j'avais considéré que c'était moi qui faisais un père bien encombrant.
Etant bien décidé à ne pas rouvrir ce chapitre ardu de nos relations, je me bornai à répondre à la question en ignorant le sous-entendu.
«J'essayerai.» promis-je.
Même si j'affichais un visage serein, je m'inquiétais un peu de ce que je pourrais le jour venu raconter à la petite Lily pour la convaincre que mon absence n'était en rien de l'indifférence et encore moins du rejet.
…
Quatre jours plus tard, j'étais encore plus inquiet en voyant Lily Molly Potter débarquer avec ses parents sur la pelouse devant le Manoir. Depuis la visite d'Harry, j'avais pris conscience que je ne connaissais strictement rien aux enfants de cet âge-là. Et, faute de savoir comment me comporter, j'étais totalement tétanisé à l'idée de faire un impair, de lui faire peur, de la faire fuir … Mais, c'était sans compter qu'avec son expérience en matière de grands-parents, elle serait capable de combler mes propres lacunes en matière de petits-enfants.
Elle vint directement vers moi sans paraître s'inquiéter de ma robe noire et de mon allure austère.
«C'est toi, le papa de mon papa?» dit-elle tranquillement.
Après que j'ai confirmé l'information, elle enchaîna en me prenant par la main:
«Tu me montres ta maison?»
