Chapitre 1: Entre Vent et Folie
Le vent fouettait le visage d'Arno comme une vieille dame en colère, mais au lieu d'un éventail, c'était une tempête glaciale. Les Monts du Dragon, majestueux et imposants, étaient aujourd'hui moins une merveille naturelle qu'un terrain de jeu sadique. Chaque pas était une lutte contre les éléments, le blizzard cherchant à le déséquilibrer comme s'il avait une dent personnelle contre lui.
« Eh bien, bravo la montagne… Tu es officiellement plus ennuyeuse qu'une leçon de signes de sorceleurs. Mais au moins, toi, tu m'écoutes. » Le murmure sarcastique d'Arno se perdit dans le hurlement du vent, et il secoua la tête, resserrant sa cape autour de ses épaules. La neige tourbillonnait autour de lui, comme un essaim de moucherons enragés.
Les Monts du Dragon. Rien que le nom sonnait comme une mauvaise blague. Pourquoi n'avait-il pas pris la route plus facile, celle où il ne risquait pas de mourir congelé ou enseveli sous une avalanche ? « Oh oui, c'est vrai… Parce que je suis un génie, et aussi un masochiste, apparemment. » Il soupira, les dents serrées, mais un sourire tordu apparut sous sa cagoule. La morsure du froid, la fatigue qui s'accumulait après des heures de marche… tout cela n'avait pas suffi à éteindre cette flamme irrévérencieuse qui brûlait en lui.
Arno jeta un coup d'œil derrière lui, là où les montagnes s'élevaient en une masse impénétrable de neige et de roches. Plus bas, les cadavres des soldats zerrikaniens gisaient encore, probablement déjà engloutis sous une couche de neige fraîche. « Désolé les gars, vous n'étiez tout simplement pas assez intelligents pour me suivre. Je sais, c'est déprimant. »
Les poursuivants avaient été nombreux, trop nombreux même pour un sorceleur entraîné comme lui. Mais leur plus grand défaut n'avait pas été leur nombre. Non, leur erreur avait été de le sous-estimer. Ils pensaient pouvoir capturer l'homme qu'ils appelaient en Zerrikania « le Sorceleur à la Grande Gueule ». Un sobriquet qu'il portait avec une fierté étrange, bien qu'il ait parfois souhaité quelque chose d'un peu plus… épique. Mais non, ils avaient préféré souligner son habitude de faire des blagues en plein combat.
« Franchement, vous auriez dû me laisser partir. Je ne suis même pas si intéressant que ça, vous savez ? » marmonna-t-il, tandis qu'il reprenait sa route. Le sol, glissant et traître, manqua de le faire tomber plusieurs fois, mais chaque fois, il se rattrapait avec l'agilité d'un chat. Ou d'un assassin. Une lame secrète fixée à son poignet gauche cliqueta légèrement sous son manteau, comme pour lui rappeler qu'il ne manquerait jamais de ressources pour se sortir des situations délicates.
Le paysage, bien que magnifique dans son austérité, n'était qu'une autre épreuve à ses yeux. Et à chaque bourrasque qui le forçait à plisser les yeux, Arno ne pouvait s'empêcher de se demander pourquoi il se compliquait autant la vie. « Allez, c'est pas si mal, Arno… Après tout, tu aurais pu être confortablement installé dans une taverne, à siroter du vin chaud devant une cheminée. Mais non, il a fallu que tu t'embarques dans cette grande quête épique. Ou devrais-je dire… cette grosse bêtise. »
Arno continua à gravir la montagne, ses pas crissant dans la neige épaisse. Il essayait de ne pas penser au froid qui s'infiltrait jusque sous sa peau, mais chaque bourrasque glacée semblait déterminée à lui rappeler que même les sorceleurs avaient des limites. Et pourtant, ce n'était pas le vent ou la neige qui lui pesait le plus. Non, ce qui le fatiguait réellement, c'était cette incessante voix dans sa tête, celle qui le ramenait toujours à l'École de l'Aigle.
« Ah, l'École de l'Aigle… lieu charmant où l'on vous apprend à tuer avec style, mais où on se fiche totalement de savoir si vous allez y survivre. » Il esquissa un sourire sous sa cagoule. L'entraînement avait été infernal, oui, mais ce n'était pas ça qui le dérangeait. Ce qui l'avait toujours rendu différent, c'était cette foutue mutation. Là où les autres sorceleurs maîtrisaient les signes avec élégance – une flamme qui jaillit au bout des doigts, un bouclier protecteur dans une situation désespérée – Arno, lui, n'avait jamais réussi à produire ne serait-ce qu'une étincelle.
« Sérieusement, même un gamin avec un briquet pourrait faire mieux que moi. » Il secoua la tête en riant. Il se souvenait de ses maîtres, l'air sévère et plein de déception à chaque essai raté. Ce qui les avait probablement le plus irrités, c'était son attitude. Arno n'avait jamais pris ça au sérieux. Pourquoi aurait-il dû ? Se prendre trop au sérieux, c'était le premier pas vers la folie. Enfin… la vraie folie. Pas celle qui lui permettait de survivre à tout.
« Le pire, c'est que les autres sorceleurs étaient de vrais modèles héroïques. Vous savez, du genre à faire des poses épiques sous la pluie, avec leurs épées étincelantes et leurs regards sombres. Moi, de mon côté… » Il soupira. « Disons simplement que je n'ai jamais eu le charisme d'un héros. »
Il s'arrêta un instant, les mains sur les hanches, contemplant les montagnes enneigées autour de lui. La brume épaisse qui montait dans les hauteurs lui rappelait un de ces moments, juste après un entraînement où, pour la centième fois, il avait échoué à utiliser Aard. Le signe qui projetait normalement une onde de choc. Mais à la place, tout ce qu'il avait réussi à faire, c'était lever un peu de poussière.
Les autres recrues avaient bien ri. Lui aussi, d'ailleurs. Mais derrière ce rire, il y avait toujours ce sentiment d'être différent. Pas dans le bon sens, non. Dans le sens de celui qui n'avait pas eu la chance d'avoir une mutation stable. « Bravo, Arno. Tu es la seule personne au monde à survivre à l'épreuve des herbes pour te retrouver avec un pouvoir aussi utile qu'un seau percé. »
Sa mutation lui avait offert un don d'autoguérison, oui, mais en échange, elle lui avait pris bien plus. Sa peau, pour commencer. La mutation avait mal tourné, laissant son corps marqué par des cicatrices, des brûlures, et des plaies qui, bien qu'elles guérissent, laissaient des traces. Chaque regard dans le miroir lui rappelait que, sous cette cagoule, il n'était rien de plus qu'un monstre.
« Vous voyez, mes chers lecteurs, c'est à ce moment-là que le récit devient vraiment tragique. C'est l'instant où je devrais pleurer sur mon sort, vous expliquer à quel point je suis dévasté par ce que je suis devenu. » Il leva les yeux au ciel, avant de hausser les épaules. « Mais franchement, ça me passe au-dessus. Si je devais pleurer chaque fois que je me faisais insulter pour mon visage, je ne sortirais jamais de chez moi. Et puis, qui a besoin d'une peau parfaite quand on peut se régénérer après s'être pris un coup d'épée ? »
Arno reprit sa marche, sentant le vent s'intensifier autour de lui. Malgré tout, un éclat de rire s'échappa de ses lèvres, se dispersant dans la tempête. Il savait que sa décision de quitter Zerrikania n'avait pas plu à ses maîtres. Après tout, quitter l'École de l'Aigle, c'était presque comme trahir une famille. Mais quelle famille ? Celle qui l'avait constamment traité comme un échec ambulant ? Celle qui, au lieu de lui enseigner comment vivre avec sa différence, l'avait laissé se débrouiller seul ?
« Vous savez quoi ? Je n'ai jamais eu l'âme d'un héros, c'est peut-être pour ça qu'ils ne m'ont jamais compris. » Il secoua la tête, l'air faussement théâtral. « Et soyons honnêtes, je n'aurais jamais supporté de rester là-bas à écouter leurs sermons sur la loyauté et l'honneur. C'est bien joli, mais ça ne réchauffe pas quand il fait moins vingt. »
La tempête s'intensifiait, les flocons de neige tombant maintenant à l'horizontale, comme si le ciel avait décidé de les lancer en mode catapulte directement sur Arno. La visibilité se réduisait à une poignée de mètres, et chaque pas devenait un défi contre la nature elle-même. Ses bottes s'enfonçaient profondément dans la neige, et il pouvait sentir le sol instable sous ses pieds. Le moindre faux mouvement, et il finirait enseveli sous une avalanche.
« Génial, Arno, vraiment. Si tu devais te lancer dans une mission suicide, pourquoi ne pas l'avoir fait dans un endroit plus sympathique, comme, je sais pas, une plage tropicale ? » Il jeta un coup d'œil vers le sommet qu'il ne pouvait même plus apercevoir à cause des nuages épais. « Mais non, il a fallu que tu choisisses les Monts du Dragon, parce que pourquoi pas ? L'option la plus dangereuse est toujours la plus amusante, non ? »
La montagne ne lui répondait évidemment pas. Mais dans son esprit, elle le regardait de haut, fière de l'humilier à chaque pas. Le vent rugissait dans ses oreilles comme une bête sauvage, et chaque fois qu'il tentait de reprendre son souffle, le froid mordant l'obligeait à expirer rapidement.
Les Monts du Dragon portaient bien leur nom, pensa-t-il, non pas parce qu'ils abritaient des créatures légendaires, mais parce qu'ils étaient tout aussi cruels et imprévisibles. « Allez, Montagne, montre-moi ce que tu as vraiment dans le ventre. Avalanche, ouragan, blizzard... je prends tout. Tu crois vraiment que je vais me laisser avoir par quelques tonnes de neige ? »
Malgré la gravité de la situation, Arno continuait à plaisanter avec lui-même, lançant des piques à la montagne, comme si elle l'écoutait. Peut-être était-ce une manière de garder le moral, ou simplement une excuse pour ne pas réfléchir trop sérieusement à sa situation. Parce que, franchement, qui avait le temps d'être sérieux quand on risquait de mourir chaque seconde ?
Le vent se fit encore plus violent, et une portion de neige dégringola non loin de lui. Il la regarda glisser sur le flanc de la montagne, s'étendant sur quelques mètres avant de s'arrêter. « Oh, c'était presque une avalanche. J'aurais juré que tu pouvais faire mieux que ça, vieille chose. Allez, essaye encore. »
Ses pensées, naturellement, commencèrent à divaguer. Quoi faire en cas d'avalanche ? se demanda-t-il. Bien sûr, il avait déjà entendu parler de techniques de survie, mais dans le fond, tout ce qu'il pouvait faire, c'était prier pour que son autoguérison fonctionne assez vite avant qu'il ne soit étouffé sous la neige. « Peut-être qu'il faut simplement faire le mort et espérer que la montagne pense que tu es déjà foutu ? » Il sourit à cette idée absurde. « Ou alors, je devrais me mettre à nager dans la neige comme si j'étais un poisson. Les montagnes n'aiment pas les nageurs, non ? »
Plus sérieusement – ou du moins autant que possible pour lui – il se demanda combien de temps il pouvait encore tenir avant que ses forces ne l'abandonnent. L'autoguérison était un avantage, certes, mais elle ne le protégeait pas de la fatigue. Ses muscles commençaient à se tétaniser, et chaque inspiration devenait un supplice. Il se sentit soudain comme une marionnette dont les fils étaient coupés. Mais même cela n'était pas suffisant pour l'arrêter. Si la montagne voulait le faire tomber, elle allait devoir redoubler d'efforts.
« Paulette, Claudette… les filles, vous êtes prêtes ? » murmura-t-il à ses épées en sentant leurs poids familiers contre ses hanches. Il avait nommé ses lames un jour de grande solitude, et depuis, ces noms absurdes lui étaient restés. Pourquoi Paulette et Claudette ? À vrai dire, il ne le savait même plus. Peut-être parce qu'elles sonnaient comme deux commères dans un village, toujours prêtes à bavarder sur la dernière bataille.
Il s'imagina une scène absurde où Paulette se plaignait de ne jamais être utilisée autant que Claudette. « Tu sais, Claudette, c'est toujours toi qu'il sort en premier. Moi, je suis juste là pour les créatures magiques. Est-ce que je ne mérite pas un peu plus d'action ? » Claudette, quant à elle, restait stoïque, une guerrière silencieuse, imperturbable face aux lamentations de Paulette. « Si seulement j'avais un Aard pour vous faire taire toutes les deux... »
Arno hocha la tête, souriant sous sa cagoule. Il devait être sacrément épuisé pour en arriver là : tenir une conversation imaginaire avec ses épées. Mais quelque part, c'était ça, sa force. La capacité à transformer n'importe quelle situation désespérée en quelque chose d'absurde, juste assez pour ne pas sombrer dans le désespoir.
« Allez, Arno, un pas après l'autre. Si tu ne crèves pas gelé, tu auras une sacrée histoire à raconter... » Une rafale de vent soudaine manqua de le faire trébucher, mais il se rattrapa de justesse, plantant ses pieds fermement dans la neige. « Bon, d'accord, si tu ne te fais pas emporter par une avalanche avant. »
Le vent commençait à hurler plus fort que jamais, mais même la tempête des Monts du Dragon ne pouvait rivaliser avec le tumulte dans l'esprit d'Arno. Alors qu'il avançait, ses pensées retournèrent à la récente poursuite, à ces pauvres soldats zerrikaniens qui avaient eu la malchance de croiser sa route. « Il faut dire que leur timing était franchement pourri. Me traquer en pleine montagne… Ils auraient dû se douter que ce n'était pas le meilleur terrain de jeu pour moi. »
Il se souvenait encore du dernier soldat, celui qui, au lieu de fuir en voyant ses camarades tomber, avait tenté une charge héroïque, épée en main, hurlant un cri de guerre aussi pitoyable qu'inutile. Arno avait levé un sourcil sous sa cagoule. « Sérieusement, mec ? Un cri de guerre dans ce blizzard ? On n'est pas dans un film épique. »
Il l'avait achevé d'un mouvement fluide, sans hésitation. Claudette avait fait le sale boulot, et Paulette avait simplement observé. « Eh, Paulette, ne sois pas jalouse. La prochaine fois, je te laisserai trancher quelque chose de plus exotique. Peut-être une goule, qui sait ? » Il se mit à rire, même si, en réalité, il y avait quelque chose de profondément solitaire dans cette scène. Tuer, se battre, fuir… c'était devenu son quotidien, mais cela ne signifiait pas qu'il s'en réjouissait.
Il jeta un regard vers le ciel gris au-dessus de lui, comme s'il espérait y trouver une réponse. Pourquoi fuis-tu, Arno ? se demanda-t-il. Il savait bien pourquoi. Il fuyait une vie qu'il n'avait jamais choisie, une existence où il n'avait jamais trouvé sa place. Mais maintenant que les montagnes l'encerclaient et que la solitude s'étirait à perte de vue, il ne pouvait s'empêcher de ressentir ce vide qui se creusait en lui.
« La solitude ? Sérieusement ? Ah non, pas de ça avec moi. » Il s'arrêta, plantant ses mains sur ses hanches comme s'il affrontait directement un auditoire invisible. « Vous devez penser que je suis le genre de type qui va se morfondre parce qu'il est seul au sommet d'une montagne, à des kilomètres de toute civilisation, n'est-ce pas ? Faux. Héros tragique, ce n'est pas mon style. Si vous cherchez un type qui pleure sur son sort, il faut aller voir ailleurs. Moi, je suis juste... en vacances prolongées. » Il secoua la tête avec un sourire, jouant son rôle d'anti-héros désinvolte à la perfection.
Mais pourquoi fuis-tu vraiment ? reprit cette petite voix agaçante dans son esprit. Arno haussa les épaules. La réponse était à la fois simple et complexe. Il fuyait l'École de l'Aigle, bien sûr. Mais surtout, il fuyait ce qu'il était devenu, ou plutôt ce qu'il n'avait jamais réussi à être. Un sorceleur digne de ce nom. « Vous voyez, c'est ça le problème quand on vous vend du rêve. 'Oh, tu vas devenir un grand sorceleur ! Tu seras un maître des signes et des potions, invincible, un héros !' Et moi ? Je me retrouve avec une autoguérison et un look qui fait peur aux mômes. Franchement, merci les gars. »
Ses pensées le ramenèrent vers Kovir, cette terre lointaine qu'il avait quittée depuis des années, presque une autre vie. Que cherchait-il là-bas ? Une réponse ? Un but ? Ou juste un peu de répit ? Peut-être les trois. « Franchement, Kovir… je ne suis même pas sûr que ce soit mieux que Zerrikania. Mais bon, au moins, je serai plus loin de ces imbéciles qui veulent absolument me ramener là-bas. Comme si j'allais m'amuser à les suivre. »
Un soupir s'échappa de ses lèvres. Et puis après, Arno ? Une fois à Kovir, tu comptes faire quoi ? Là encore, il n'avait pas de réponse claire. Mais après tout, pourquoi en aurait-il besoin ? La vie était une improvisation permanente. « Peut-être que je vais devenir un éleveur de chèvres, ou un poète. J'ai entendu dire que la poésie, ça paye bien à Kovir. Et puis… les chèvres sont probablement plus agréables à fréquenter que les humains. Elles, au moins, ne te jugent pas si tu n'as pas de signes. »
La tempête autour de lui semblait s'apaiser légèrement, comme si la montagne elle-même prenait une pause pour écouter ses réflexions absurdes. Arno leva les yeux vers l'horizon enneigé. Les Monts du Dragon étaient encore loin d'être vaincus, mais l'idée d'arriver à Kovir commençait à prendre forme dans son esprit. Une nouvelle aventure, un nouveau départ… ou juste un autre endroit où fuir.
« Mais bon, peu importe. Je n'ai jamais été du genre à planifier. Vous voyez, chers lecteurs, c'est là que l'histoire devient intéressante. Pas besoin de destin tragique, pas besoin de grand héroïsme. Juste moi, mes épées, et une montagne. Ça, c'est de la vraie vie. Pas des conneries de héros en quête de gloire. » Il sourit à nouveau, satisfait de cette pensée, et reprit sa marche, le regard fixé droit devant lui.
Le vent hurlait encore, mais il y avait un certain rythme dans cette cacophonie glaciale. Chaque bourrasque était comme une note dans une symphonie sinistre, et Arno se retrouva à avancer au tempo, un pied devant l'autre, comme s'il participait à une étrange danse macabre avec la montagne. Mais même le danseur le plus agile finissait par s'épuiser, et Arno sentait maintenant les effets du froid s'infiltrer dans ses os, malgré son autoguérison.
« Oh, c'est ça, hein ? Tu veux voir jusqu'où je tiendrai avant de geler ? Eh bien, je vais te dire un secret, Montagne : j'ai survécu à pire. » Il grogna en s'efforçant de garder le sourire. Mais même lui ne pouvait ignorer les signes de son corps qui commençait à protester. Chaque souffle se transformait en vapeur cristalline, chaque mouvement devenait une épreuve.
Il continua à avancer, jusqu'à ce qu'une forme indistincte se dessine à travers le blizzard. Un abri ! Ou du moins quelque chose qui y ressemblait vaguement. « Ah, enfin ! Peut-être que pour une fois, ce fichu destin m'envoie un coup de pouce. » Arno se dirigea vers ce qu'il reconnut comme une petite grotte formée par la roche et la neige. Ce n'était pas un palace, mais c'était mieux que de rester dehors à se faire fouetter par le vent.
Il s'installa à l'intérieur, appréciant le répit temporaire. L'air y était plus calme, et la température, bien qu'encore glaciale, lui permettait de reprendre un peu son souffle. « Ah, voilà... On se croirait presque dans une auberge de luxe. Il ne manque plus qu'un feu de cheminée et une belle rousse pour me servir du vin. » Il fronça les sourcils derrière son masque. « À propos de rousses... Où est Triss dans cette foutue histoire ? Sérieusement, j'en ai marre. Pas une seule rousse à Zerrikania ! C'est la galère. »
Il s'adressa directement à vous, ses fidèles lecteurs : « Alors, le rédacteur, tu as décidé de m'écrire une aventure sans la moindre trace de Triss ? Pas cool, les gars. Vous savez bien que j'ai un faible pour les rousses. Mais non, vous m'envoyez grimper une montagne glacée, seul. Et je sais ce que vous vous dites : 'Mais Arno, tu es un dur à cuire, tu n'as pas besoin de compagnie !' Eh bien, newsflash : même moi, j'ai mes limites. »
Il soupira, exagérément dramatique, avant de se laisser aller contre la paroi rocheuse. Le froid restait un ennemi sournois, même ici, mais au moins il pouvait se poser un instant et réfléchir à sa situation. Ou du moins, méditer brièvement avant que ses pensées ne divaguent.
Pourquoi suis-je ici déjà ? Ah oui, fuir, grimper, peut-être mourir... Le programme habituel. Mais la solitude, cette vieille compagne qu'il refusait de prendre au sérieux, commençait à faire son chemin. Il n'allait pas l'admettre, bien sûr. Pas besoin de plonger dans un drame existentiel. Ce n'était pas son style.
« Bon, on va être clairs, je ne vais pas passer trop de temps à faire de l'introspection ici. Vous savez ce qui se passe après une bonne méditation dans les récits épiques ? On finit toujours par faire ses besoins naturels. Et désolé, mais je ne vais pas vous faire l'honneur de vous décrire ça. Même les sorceleurs ont droit à une certaine intimité. » Il hocha la tête, satisfait de son discours improvisé.
La tempête rugissait encore dehors, mais il savait qu'elle ne durerait pas éternellement. Et une fois qu'elle se calmerait, il repartirait, grimperait encore plus haut, plus loin. Son ascension n'était pas terminée, ni ici, ni ailleurs. Mais pour l'instant, il prit un moment pour contempler l'horizon, le regard perdu dans les flocons tourbillonnants.
« Alors, Montagne, on n'a pas fini, toi et moi. Mais je te préviens, j'ai encore plein de blagues en réserve, alors prépare-toi. »
Il se redressa lentement, jetant un dernier regard vers la sortie de la grotte. L'ascension reprendrait bientôt, et avec elle, ses aventures absurdes.
Arno chuchotte: «Triss fera bien parti de l'aventure. On se retrouve au chapitre 2. Bisou ou tu sais!»
