Ce soir-là: Tecna, bien que très fatiguée, se sentait d'extrêmement bonne humeur et, pour la première fois de sa vie, elle avait vraiment l'impression que cela risquait de l'empêcher de trouver le sommeil.

Accroupie non loin de là, Valencia percevait l'état euphorique de sa sœur.

- Alors Tecna: t'es contente?

- Oui! Je ne pensais pas être aussi satisfaite de notre travail alors qu'on est encore si loin de notre objectif!

- Loin? Inès a pu marcher et lever les bras en une après-midi. C'est un cadeau génial que vous lui avez fait.

Tecna hocha la tête. Lorsqu'Inès s'était levée toute seule, elle avait tout fait pour masquer son émotion. Lorsque son amie s'était mise à pleurer, elle s'était sentie tellement touchée que ses yeux s'étaient instantanément humidifiés. Jugeant qu'elle avait suffisamment pleurer devant ses amis et sa famille ces derniers jours, elle avait envisagé de s'éclipser quelques temps. Heureusement pour elle, Timmy avait pris l'initiative de la serrer dans ses bras. Elle en avait profité pour dissimuler son visage contre sa poitrine, pris quelques grandes respirations et retrouver son self-contrôle. Si elle ne connaissait pas aussi bien son copain, elle aurait pu dire que cette intervention tombait à pic. Mais non, il la connaissait juste trop bien.

À la suite de ces quelques pas, ils avaient tenté de faire bouger les doigts et les poignets d'Inès: sans succès. Et pour cause: les connexions étaient mal faites à ce niveau. Tous les composants technomagiques de la main de l'exosquelette étaient microscopiques. Cette partie-là avait été, soit mal branché, soit mal programmé. Impossible de transmettre l'impulsion que le cerveau d'Inès envoyait. A tout problème: il y avait une solution. Tecna comptait bien consulter Digit à son retour. Qui de mieux indiqué que la mini-fée de la nanotechnologie pour régler un tel problème? Digit allait certainement lui râler dessus en découvrant qu'elle avait effectué tout ce travail sans son expertise mais elle ne résistera sûrement pas à l'envie d'améliorer leur invention pour le Salon d'innovations technomagique.

Pour le mode «assistance partielle», il était difficile de savoir où ils en étaient. Ils n'étaient en rien spécialisé dans le domaine médical. Cette idée reposait sur leurs propres hypothèses et convictions basées elle-même sur des heures de recherches sur la pathologie d'Inès. Cette dernière avait réussi à bouger légèrement ses jambes avec une assistance à nonante pour cent. Ils allaient devoir procéder des essais régulier, improviser un suivi médical pour démontrer l'efficacité de leur invention mais cela semblait assez utopiste au vu du temps qu'ils avaient à disposition.

La voix de sa sœur tira la jeune fée de ses réflexions.

- Oups, pardon, tu disais quelque chose?

- Oui, j'ai filmé Inès quand elle marchait tout à l'heure. Tu pourrais lui envoyer la vidéo?

Tecna lui sourit.

- Tu es géniale. Tu peux lui envoyer toi-même si tu veux. Je vais te donner ses identifiants.

- Quoi? Non, non, je n'oserai pas. Fais-le-toi! Je risque de la déranger.

- Inès t'apprécie tu sais puis tu ne risques pas de la déranger avec un seul message.

- Et si jamais elle révisait?

- Ce n'est qu'un seul message Val. Tu en échanges bien avec tes amies non? C'est pareil.

Le silence de Valencia face à cette déclaration fût éloquent.

- Attends… Tu ne leur parles pas en dehors des cours?

- Non, pas vraiment…

- Même à Terri?

Valencia haussa les épaules.

- On se parlait un peu mais, depuis que je suis passée dans la classe douze, elle ne prend plus contact avec moi. Et les autres… On ne se parlait pas vraiment en dehors des heures de cours. En fait… Quand je vois tes amis et que je les compare aux miens, je me dis que ce n'est pas la même chose.

Tecna repensa aux trois filles, «amies» de sa sœur, qu'elle n'avait pas reconnu le soir où ils étaient tous allés à Gamma Game Zone. Elle n'avait pas retenu leurs prénoms. Ils n'avaient pas eu beaucoup l'occasion d'échanger cette soirée-là. Tecna s'était beaucoup amusée avec ces amis et particulièrement avec Valencia. Ces honorables inconnues étaient restées sur le côté malgré quelques infructueuses tentatives de sa sœur et de Terri pour les inclure et étaient partis au milieu de la soirée. C'était décevant mais, étant donné que sa jumelle n'avait montré aucun signe de tristesse, elle n'avait pas jugé bon de les retenir.

Quoi que discrète, Terri, elle, était restée jusqu'au bout. Elle était amie avec sa sœur depuis le début du lycée, période à laquelle elle avait attiré en classe treize. A l'instar de la majorité de ses propres amis, elle n'avait jamais pu venir chez eux mais Tecna avait déjà joué de son influence de bonnes élèves pour que Terri et Valencia aient droit à quelques privilèges. C'était étonnant qu'elle ne souhaite plus parler avec sa sœur. Elles semblaient bien s'entendre. Valencia lui en avait dit du bien puis, elle lui faisait passer de bons moments à l'école ce qui la rendait appréciable aux yeux de Tecna.

- Je sais pas quoi dire…

- Ne t'en fais pas… Tu sais, plus j'y pense, plus je me dis qu'on n'est pas devenus amis sur de bonnes bases. Si on s'est rapprochées, c'est parce qu'on était dans la classe treize. Celle sur laquelle on fonde plus aucun espoir, les ratés de Madison. C'était notre seul point commun… Avoir un point commun aussi négatif, ce n'est peut-être pas la meilleure base pour une amitié…

- Peut-être… Mais… Terri, quand même… Il me semble qu'elle tenait vraiment à toi non?

Valencia frappa brutalement dans ses mains ce qui fit sursauter sa sœur qui la regarda avec confusion.

- Bon, si on allait se coucher?

- Pourquoi?

- Parce qu'il est tard. C'est l'heure.

- On a pas fini de parler…

- Okay, Tecna, je pense que je veux plus en parler. Je pense que pour Terri… Ouais, c'est pas très facile.

- Et tu ne veux pas y réfléchir maintenant?

- Exactement.

- Alors, d'accord.

Les deux jeunes femmes, qui s'étaient déjà changées, se mirent chacune au lit. Bien qu'elles appréciassent tout partager, elles avaient décidé, d'un commun accord, d'avoir chacune leurs lits. Car, au fil des ans et des quelques nuits où elles avaient pu dormir ensemble, Tecna avait remarqué que sa jumelle souffrait d'un léger somnambulisme.

Ce n'était pas grave en soit mais Tecna préférait se réveiller sur son matelas et non par terre ou le dos en compote à cause des coups que lui donnaient, parfois, sa jumelle en dormant.

Elles firent donc lit à part.

Après s'être souhaitées réciproquement une bonne nuit, Tecna éteignit la lumière.

Le marchand de sable donna tord aux prévisions de la fée de la technologie. Il l'emporta rapidement dans un sommeil profond et réparateur.

Quant à Valencia, il la fit attendre un peu. Cette dernière avait la tête ailleurs. Un ailleurs qui ressemblait à une salle de classe qu'elle avait fréquenté encore et encore ces dernières années. Et, dans cette salle de classe, il y avait une fille qu'elle ne savait plus si elle devait apprécier ou détester.

Le débat promettait de lui mettre les nerfs en pelote mais la respiration régulière et apaisée de sa sœur non loin d'elle la plongea progressivement dans un état d'apaisement.

Les minutes s'écoulèrent.

Les yeux se fermèrent.

La nuit commença.


Terence Anderson avait appelé chez lui il y a un peu plus d'une heure. Il était tombé sur Valencia et l'avait prévenu qu'il ne rentrait pas cette nuit.

Il s'était également assuré que les amis de Tecna étaient toujours présents et passeraient bien la nuit à son domicile.

Ensuite: il s'était remis au travail.

L'homme avait réussi à s'introduire dans le Palais des données. Non sans mal. Et ce pour deux raisons.

La première: c'est que le Palais des Donnés ne se situait pas à Nocturna mais dans les terres. Il avait dû louer un véhicule adapté aux conditions météorologiques par-delà les protections de la ville. Cela lui avait pris plus de temps que prévu et se fût assez onéreux. Mais à quoi servait-donc l'argent si on ne le dépensait pas pour une bonne cause? Maintenant, il réalisait à quel point sa vision de la richesse avait été étroite depuis qu'il était père. Ses enfants et sa femme auraient sûrement été plus heureux s'il avait investi son argent dans des activités épanouissantes plutôt que dans des écoles privées.

Penser à l'avenir l'avait privé du présent.

Enfin.

Une fois le véhicule obtenu, il avait traversé les vallées enneigées bordant la capitale Zénithienne jusqu'à atteindre, à cinq heures de là, un long tunnel. Ce dernier avait été creusé au cœur d'une montagne et c'est en son sein que se trouvait le Palais des donnés. C'était à l'intérieur de la plus imposante montagne de la planète que se trouvait les données informatiques de tous les appareils de la planète.

Sur place, il avait été confronté à un second obstacle.

D'ordinaire, l'entrée au Palais ne lui était pas interdit. Il avait un passe-droit. Mais il avait perdu beaucoup de temps. Entre son altercation avec Electronio et son arrivée au cœur de la montagne, plus de six heures s'étaient écoulées. Ce délai fut suffisant pour que son ex-beau-fils lui retire certains privilèges.

Les robots lui avaient refusé l'entrée. Heureusement, leur mise à jour le concernant n'était pas encore complète. De fait, ils ne s'étaient pas montrés menaçants envers lui et n'avait pas signalé sa présence.

A cette distance de la capitale, le point faible était les transmissions de faible qualité.

Terence avait observé son beau-fils. Il était radical dans son travail et, visiblement, tout autant dans sa vie personnelle si ce n'était plus. Il était plus que probable que, si les transmissions avaient été meilleur dans cette zone, les robots se soient mis à lui tirer dessus plutôt que de le rembarrer.

Terence avait fait mine de repartir. Il s'était arrêté au milieu du tunnel et, grâce à ses appareils, avait forcé une porte de service. Ensuite, bien qu'il ne fût pas très sportif, il s'était faufilé tant bien que mal dans d'endroits passages pour, finalement, atterrir au cœur du Palais.

Une fois sur place, il avait fait appel à sa logique et, surtout, à sa mémoire. Il s'était déjà rendu en ces lieux à l'époque où Andromeda s'était mariée. Electronio y effectuait la transition entre la nouvelle et l'ancienne direction de l'endroit. Il en avait été responsable deux semaines et en avait profité pour lui faire visiter les lieux.

Terence avait été impressionné. Toutes ses tubes transparents qui paraissaient entre remplis de couleurs et des chiffres. C'était un spectacle fascinant. Une colonne représentait un appareil de Zénith, les couleurs représentaient le flux d'information et les chiffres les données.

Terence avait cherché une colonne en particulier. Une colonne très importante. Une colonne qui, dans la logique des choses, aurait dû être surveillée de près, mise à part.

Et pourtant…

Cette colonne, il l'avait cherchée durant des heures avant de tomber dessus.

Celle de sa majesté le roi Cryos.

Elle ressemblait à toutes les autres. -

Sa meilleure protection, c'était cela. Elle se fondait dans la masse.

Rares étaient ceux qui connaissaient son emplacement.

Il aurait pu se tromper. Terence restait un homme, sa mémoire était faillible.

C'est en se connectant à la colonne que ses doutes s'étaient envolés.

Bien que d'apparences lambda, les données de sa majesté étaient surprotégées.

Mais cela n'avait pas effrayé Terence. Il était venu avec tout le nécessaire.

Il était prêt à tout pour rendre à Electronio la monnaie de sa pièce.

Lorsqu'il avait réalisé l'heure qu'il était, il avait préféré prévenir ses enfants. Et, heureusement pour lui, son amplificateur d'ondes téléphoniques était d'une efficacité redoutable. Il avait bien entendu sa fille, aucune friture sur la ligne.

En sortant d'ici, il envisagerait de leur commercialiser auprès des entreprises travaillant en dehors des villes. Ce serait une grande avancée, les ouvriers pourraient prendre des nouvelles de leur famille sans craindre une coupure et sans avoir à hurler.

Il retroussa ses manches.

Il lui restait encore de nombreux pare-feu à passer.

Pour l'instant, il demeurait invisible. Personne ne semblait avoir remarqué, au Palais Royal, que quelqu'un était en train de pirater l'ordinateur personnel de sa majesté.


Valencia était en train de marcher dans une forêt dense et multicolore. Elle ignorait comment elle était arrivée là et progressait à pas rapides comme par automatisme. Sous ses pas, le sol s'illuminait brièvement. Lorsqu'elle effleurait les feuilles colorées qui l'entourait, ces dernières brillait d'une façon plus intense avant de retrouver une luminosité plus feutrée.

Apaisant.

Voici le terme parfait pour décrire son environnement. Tout y était apaisant. Comme si elle était à sa place.

Mais, où était-elle?

Elle n'avait pas souvenir d'avoir quitté la maison et, la seule chose dont elle était absolument certaine à l'heure actuelle, c'est qu'elle ne se trouvait plus à Nocturna. Dans sa ville: il n'y avait aucun espace vert et elle doutait fortement que les autres mégalopoles Zénithiennes en soit dotés. Elle n'était probablement plus sur sa planète natale.

Était-ce à cela que ressemblait Limphéa? Ce monde où la nature avait poussé l'homme à s'adapter à elle et non l'inverse?

Elle n'était pas certaine.

Enfin, tout ce qui lui importait, à l'heure actuelle, c'était ce sentiment d'harmonie, de sécurité.

Tout y était parfait.

Elle pourrait rester ici éternellement.

Andromeda émergea d'un profond sommeil au cœur de la nuit. Elle prit un instant à se rappeler où elle se trouvait. Rien d'étonnant cela dit car, lorsqu'elle consulta son holomontre, en permanence à son poignet, elle se rendit compte qu'elle avait dormi treize heures d'affilées.

Rien que ça.

Soit la décoction de plante de cette Flora était rudement efficace, soit elle manquait cruellement de sommeil.

Elle s'étira.

Cela devait être la seconde option. La tisane de la jeune fée n'avait que des vertus relaxantes, ce n'était pas un somnifère. Depuis quand n'avait-elle pas aussi bien dormi? Qui plus est d'une traite? Des années lui semblait-il.

Elle bailla. Elle avait encore sommeil. Curieux, qu'est ce qui l'avait réveillé ainsi?

Elle eut sa réponse quand son ventre produit un son quelque peu disgracieux.

Elle avait faim et, maintenant qu'elle y pensait, plutôt soif.

La jeune femme alluma et constata qu'on avait devancer ses souhaits. Sur sa table de chevet se trouvait un plateau repas accompagné d'une cruche d'eau et de quoi boire.

Elle se saisit du plateau et fut étonnée de constater la diversité des aliments s'y trouvant. Un petit message, laissé par Tecna, lui expliqua que Flora, un certain Hélia et une certaine Bloom, avaient tenu à lui préparer un plat froid et équilibré. Une base de salade de pâtes mélangés à des légumes originaires de Limphéa et, de fait, acheter à prix fort. Il y avait également des fruits venant de Magix présentés d'une façon tout à fait charmante.

C'était agréable, une fois son plat terminé, elle n'aurait qu'à se recoucher. Elle était sincèrement touchée par l'attention qu'on lui portait.

Elle mangea son petit plat et s'étonna à y prendre un certain plaisir. Depuis combien de temps n'avait-elle pas ressenti une satisfaction saine à manger?

Peut-être était-elle enfin sur le bon chemin pour retrouver une certaine stabilité émotionnelle.

Elle l'espérait en tout cas.

Tout en mangeant, elle s'interrogea sur la façon dont ses sœurs et son frère avaient occupés leur temps. Cela lui faisait bizarre de ne pas avoir été là pour veiller sur eux alors qu'elle se trouvait littéralement à quelques mètres de leurs chambres respectives.

Maintenant qu'elle y pensait, bien que sa chambre d'adolescente eût été reproduite à la perfection grâce aux pouvoirs des amies de sa sœur, il demeurait qu'il y avait toujours un petit truc en plus par rapport à l'époque où elle y logeait.

La porte liant sa chambre à celle, désormais, des jumelles.

Peut-être pourrait-elle jeter un coup d'œil dans la pièce d'à côté?

Comme au bon vieux temps.

Non, elles étaient grandes maintenant et ce n'est pas parce qu'elles se retrouvaient à nouveau dans la même chambre qu'elle devait voir ça comme un retour en arrière.

Andromeda finit son repas, déterminée à ne pas infantiliser sa fratrie. Elle déposa le plateau sur sa table de chevet et décida d'éteindre dans la foulée.

Une fois allongée dans le noir, le sommeil l'a fui. Elle se sentit bizarrement angoissée.

Des pensées obsédantes lui tournèrent en tête à propos de l'attaque dont elle avait été victime. Oserait-elle encore sortir de chez elle après cela? Comment envisager l'avenir?

Sa respiration se fit plus rapide et saccadée. Oh non, elle s'était sentie si bien au réveil, pourquoi ce genre de sentiment de bien-être devait-il être aussi éphémère chez elle?

Elle tâcha de s'apaiser en respirant profondément.

«Tout ira bien» pensa-t-elle afin de se rassurer.

Cette pensée, bien que cela soit étonnant, la calma quelque peu.

Elle se le répéta tel un mantra jusqu'à ce que les battements de son cœur s'apaisent.

C'était bien d'avoir le cerveau concentré sur une seule chose, ça permettait au corps de se détendre réellement.

Au bout d'une dizaine de minutes, Andromeda sentit que le sommeil n'était plus très loin. Il allait pointer le bout de son nez et elle pourrait replonger dans les bras de Morphée.

- Non… Arrêtez…

Une voix. Un filet de voix même se fit entendre.

Andromeda se redressa, ses sens en alerte.

Elle se toucha les oreilles.

Comment se faisait-il qu'elle ….

- Mes occulteurs de sons !

D'ordinaire, elle pensait à les mettre pour dormir… Maintenant qu'elle y pensait, ça faisait bien deux nuits qu'elle les laissait trainer sur sa table de nuit. Si elle les avait mis la dernière fois, elle n'aurait pas été réveillé par la sonnerie et là…

Andromeda eut un flash. La… Flora, oui c'est ça, avec qui elle avait parlé. Elle avait dit quelque chose… Oui, elle avait parlé d'un sort, d'une sorte de bulle de silence pour qu'elle soit isolée du reste de la maisonnée.

Ça avait marché du tonnerre, elle n'avait rien entendu et les amis de Tecna étaient nombreux.

Mais, alors, si elle partait du principe que ce sort était toujours efficace. D'où venait la voix qu'elle…

- Non… Non…

La voix était toujours très basse. A peine audible.

Et, Andromeda comprit, elle ne pouvait venir que d'un seul endroit.

Elle se leva et se dirigea vers la porte menant à la chambre de ses sœurs.

Au cours de sa balade, Valencia avait fini par rencontrer des gens.

Ils s'agissaient d'hommes, de femmes, d'enfants à la caractéristique commune: tous avaient des cheveux rouges.

Ils vaquaient à leurs occupations. La plupart d'entre eux semblaient déprimés, préoccupés.

Les adultes avaient le visage grave, ils semblaient exténués. Ils ne cessaient de jeter des regards dans une direction. Comme s'ils s'attendaient à voir quelque chose en surgir.

Toute la sérénité qu'elle avait ressentie jusqu'alors avait, d'un coup, disparu.

Elle partageait leur inquiétude sans savoir exactement ce qui lui faisait peur.

Un jeune homme regarda dans sa direction. Elle l'interpella.

- Bonjour. Est-ce que je peux vous poser quelques questions?

Il ne lui répondit pas. Elle poursuivit malgré tout.

- Qu'est ce qui se passe ici?

Toujours aucune réaction. C'était curieux. Elle s'approcha de lui et constata une chose.

Il avait le regard vide.

Comme s'il regardait l'horizon sans que la moindre pensée ne vienne le perturber. Il ne l'ignorait pas. En réalité: il ne l'avait pas vu.

Valencia interpella d'autres personnes. Le résultat était sans appel.

Personne ne la calculait car personne ne la voyait.

«Etrange… Pourtant, j'arrive à …»

Elle effleura une feuille à proximité.

«A toucher les choses alors… C'est réel…ça… Je ne rêve pas. »

Un cri se fit entendre. Valencia reporta son attention sur les gens présents et fût saisi par la scène.

La plupart d'entre eux semblait parer à l'attaque.

Elle n'y connaissait pas grand-chose en magie mais beaucoup en semblait pourvu. Des sphères lumineuses brillaient dans leurs mains. Des plantes rampantes s'étaient rassemblées aux pieds de quelqu'un. Le vent s'était levé et semblait tourbillonner autour d'une personne.

Les enfants s'étaient rangés derrière les adultes. Bien qu'effrayés, ils s'étaient munis de cailloux au cas où.

Tous faisaient face à la direction qu'ils regardaient, quelques instants plus tôt, avec appréhension.

Des hommes et femmes solidement armés sortirent de l'ombre.

Ils avaient une lueur. Une lueur malsaine dans le regard.

Les deux camps se toisèrent un temps.

Puis, une femme s'avança chez les nouveaux venus. Elle retenait fermement un petit garçon à la tignasse rouge par le bras. Il était attaché et il criait.

Une vive émotion traversa le camp adverse alors que l'enfant était jeté aux pieds du chef des soldats.

- Vous n'avez pas encore compris? s'écria-t-il, Voici ce qui arrive à ceux qui ne se soumettent pas à nos ordres.

L'homme ouvrit le poing révélant une pierre. Une pierre d'un violet ocre, sombre. Sans plus de cérémonie: il l'apposa au front de l'enfant.

Un hurlement de douleur se fit aussitôt entendre, perçant ses tympans.

Valencia mit ses mains sur ses oreilles et tomba à genoux.

Elle ressentait vivement tout.

La douleur de l'enfant et comme si quelque chose était trainé à l'extérieur de son corps.

- Non… Arrêtez…

Elle tâcha de regarder la scène mais cela lui tordait, l'estomac, le cœur.

L'enfant hurlait, il était livide.

C'était comme si quelque chose disparaissait en lui.

Et ces cheveux…

Ces cheveux devinrent de plus en plus sombres au fur et à mesure que son cri devenait de plus en plus perçant.

- Non… Non… Non…

- Valencia! Valencia!

La jeune femme se réveilla en sursaut faisant presque se renverser de surprise la personne se trouvant à son chevet. C'était Andromeda, les cheveux en pagaille mais bien réveillée et visiblement paniquée qui se tenait à côté d'elle. Elle avait allumé une veilleuse à la lumière bleutée plus que rassurante que Valencia avait toujours apprécié. Sa tête lui tourna. Elle s'était levée si vite? Elle la prit entre ses mains.

- Valencia! Tu vas bien?

- Hum… Pourquoi je n'irais pas bien? Marmonna-t-elle.

- Tu criais dans ton sommeil! J'ai eu peur, je n'arrivais pas à te réveiller.

Comment ça «elle criait dans son sommeil?». Valencia ne comprit pas tout de suite. Elle ne criait pas, elle était ailleurs en train de faire quelque chose… De voir… C'était juste… Un rêve? Un rêve bien réel alors. Et perturbant.

- J'ai… Je…

- Val, tu es pâle. Tu es malade?

Andromeda posa une main sur son front avant de décréter.

- J'ai l'impression que tu as un peu de fièvre… Tu devrais te rallonger, je vais te chercher quelque chose.

Valencia sentit un frisson la parcourir alors qu'une voix semblait résonner dans sa tête. Comme un gémissement. Une sorte d'appel à l'aide. Elle saisit le poignet de sa sœur.

- Val?

- Andro… Tu peux réveiller Tecna?

- Tecna mais…

Andromeda lança un regard en direction du lit de l'intéressée. Elle n'avait pas bougé. Elle semblait bien dormir.

- S'il te plait.

- Elle a besoin de se reposer avec toutes les émotions de cette semaine. Puis, tu sais bien qu'elle repart après-demain.

- Va la réveiller Andromeda, je t'en supplie.

Le ton de Valencia était suppliant et douloureux. Andromeda ne distinguait pas très nettement les traits de sa sœur avec le manque de luminosité mais elle aurait mis sa main à couper que la jeune femme était sur le point de fondre en larme. Elle la rassura.

- Chut, je vais la réveiller si tu y tiens. Mais, tu te débrouilleras avec elle lorsqu'elle se mettra à râler okay? Ensuite, j'irais te chercher des médicaments. En attendant, rallonge-toi d'accord?

Valencia hocha doucement la tête tout en se recouchant.

Andromeda se dirigea vers le lit de Tecna. Elle se fit la réflexion que le cauchemar de Valencia devait être terriblement effrayant pour qu'elle la supplie de réveiller sa jumelle. Il n'y avait rien à faire, depuis qu'elles étaient enfants, il n'y avait que Tecna qui savait le mieux réconforter Valencia et vice-versa. Les choses ne changeaient pas même avec l'âge.

Elle s'assit sur le rebord du lit de la jeune femme.

- Tecna, Tecna. Réveille-toi.

Elle n'obtenu aucune réponse. Elle devait être drôlement fatiguée.

Andromeda lança un regard à Valencia. Elle ne tenait pas tant que ça à la couper dans un si bon sommeil.

- S'il te plait Andro… dit Valencia en lui lançant un regard suppliant.

- Bon okay… soupira-t-elle, Tecna! Val a besoin de toi.

Toujours aucune réaction. Peut-être qu'elle avait mis ses occulteurs de sons?

En parlant de son… Quel était ce bruit qu'elle entendait? C'était comme… des sortes de hoquet… Un souffle un peu entrecoupé.

- Tecna?

La jeune femme ne répondait toujours pas. Andromeda, inquiète, attrapa son épaule pour la secouer légèrement. Sa main rencontra une peau humide. Elle recula de surprise puis se précipita sur l'interrupteur. La lumière révéla à la jeune adulte une scène d'effroi. Tecna était allongée sur son lit certes mais trempée de sueur que les draps et les cousins peinaient à absorber. Sa respiration semblait rapide et entrecoupées. Andromeda se précipita à son chevet posant, comme elle l'avait fait pour Valencia sa main sur son front. Il était brûlant!

- Oh mon…

Andromeda secoua sa sœur mais rien n'y fit. Impossible de la réveiller. Que lui arrivait-il?

- Tecna, Tecna, réveille-toi!

- Andro… Il se passe quoi?

- Appelle quelqu'un! L'hôpital, le docteur Katarina! Tecna est brûlante elle ne se réveille pas!

Valencia se leva rapidement, rejoignant Andromeda auprès de sa jumelle.

Elle avait l'air au plus mal.

- Je vais téléphoner.

Malgré sa tête qui lui tournait encore, Valencia partit à la recherche de son portable. Elle ne le trouva pas, elle l'avait visiblement laissé en bas. Elle gémit de frustration tout en sortant de la chambre. Avant d'emprunter les escaliers, elle enclencha la lumière déclenchant une série de gémissement dans la grande pièce à vivre du salon.

Il y avait du monde?

Ah oui.

C'est vrai que les amies de sa sœur avaient eu le droit de dormir ici ce soir.

- Désolée, dit-elle en entamant sa descente.

Valencia tâcha de faire vite mais ce n'était pas facile quand on avait la sensation que tout tournait autour de soi. Elle loupa une marche et se rattrapa in extremis à la rampe avant de la lâcher. Cela atténua un peu sa chute mais elle le sentit quand même passer.

- Bordel, jura-t-elle.

Quelqu'un vient rapidement à ses côtés. Il s'agissait de Bloom qui dormait dans le canapé le plus proche des escaliers.

- Tout va bien? Tu ne t'es pas fait mal?

Valencia eut les larmes aux yeux sans trop savoir pourquoi. Peut-être était-ce parce qu'elle était fatiguée, que les mauvaises choses s'enchainaient puis les émotions de ces derniers jours, son rêve qui semblait si réel. Bon sang, qu'est-ce qu'elle voulait qu'on laisse tranquille.

- Mince. Où est ce que tu as mal?

Valencia secoua la tête. Elle voulut dire qu'elle n'avait pas mal mais elle ne se sentait pas bien et il fallait qu'elle fasse quelque chose pour sa sœur mais…

Une autre personne monta les trois marches qui la séparait du salon et s'agenouilla à ses côtés. C'était Flora.

- Je… je me sens pas bien…

- Ça va aller, la rassura Bloom, c'était juste une mauvaise chute.

- Non, hoqueta-t-elle alors que des larmes coulèrent de ses yeux.

Valencia sentit une main fraiche se poser sur son front.

- Je crois qu'elle a un peu de fièvre. On ferait bien de la ramener dans son lit.

- Tecna… commença-t-elle.

- Qu'est ce qui se passe avec Tecna? dit une voix fatiguée dont Valencia ne put déterminée si elle appartenait à Musa ou à Layla.

- Tecna. Elle a beaucoup de fièvre… On arrive pas à la réveiller…

Il y eut un silence étrange dans la pièce. Un silence plutôt alarmant. Et si Valencia n'était pas autant dans les vapes, elle aurait vu le regard grave que c'était échangé Bloom et Flora avant que la rousse ne déclare.

- Restez avec Valencia, on va voir ce qui se passe!

Lorsque Flora entra dans la chambre de Tecna et Valencia, elle sentit tout de suite que l'air était vicié par la fièvre. Elle savait reconnaitre quand la maladie était présente grâce au métier de ses parents qui étaient soigneurs. Elle avait senti de nombreuses fois cette odeur dans leur cabinet.

Elle vit Andromeda en train de secouer Tecna. Lorsqu'elle les entendit entrer, elle se tourna vers elles l'air affolée.

- Je n'y arrive pas. Elle ne se réveille pas.

Flora prit les choses en mains en s'approchant de son amie. Elle posa sa main sur son front et constata que sa température était très élevée, plus que celle de Valencia. La fée de la nature s'y connaissait un peu en sort de soin et en lança un sort sommaire permettant d'apaiser les fièvres d'origine infectieuse. Il n'eut aucun effet. Elle interpella Bloom.

- Bloom, grâce à ta magie, lance un sort de diagnostic.

- Flora, je n'ai jamais essayé ça. Puis, tu sais bien que mes pouvoirs de guérisons ne peuvent agir que sur les blessures magiques. C'est la seule anomalie que je pourrais détecter.

- Justement. J'ai envoyé un sort de soin sur Tecna mais il n'a eu aucun effet. Au vu de son état, on aurait dû voir une amélioration tout de suite. Et c'est très étrange que Valencia se sente mal en même temps. Lance le vite.

Bloom parut gênée.

- Je… Je ne me souviens pas de l'incantation.

- Ce n'est pas grave. Je la connais. Je vais t'expliquer mais sois bien attentive! C'est crucial! Tecna a une température très élevée, le temps est précieux.

- Okay…

La fée de la nature se plaça face à son amie. Elle lui montra les différentes positions des mains nécessaires pour lancer un sort de diagnostic. La magie médicale était différente de ce qu'ils apprenaient en cours. Contrairement à ce que Bloom pensait, elle n'avait pas besoin d'une incantation pour lancer ce sort. Mais les mouvements étaient primordiaux pour obtenir un diagnostique précis.

Après quelques essais dans le vide, Flora poussa Bloom a réitéré les mêmes gestes au-dessus de Tecna. Le sort se lancerait lorsqu'elle apposerait ses mains sur elle.

Bien que nerveuse, Bloom tenta le coup.

Son premier véritable essai ne donna aucun résultat.

Loin de se laisser décourager, Bloom prit une grande respiration et recommença.

Cette fois: ce fut payant.

Une lumière jaune entoura Tecna et Bloom.

Des informations, des mots divers surgirent dans la tête de la fée de la flamme du dragon qui ferma les yeux pour mieux les comprendre et les interpréter.

- Alors? s'inquiéta Andromeda.

- Alors? s'impatienta Flora.

- Aucune malédiction… Pas de mauvais sort… La fièvre est très élevée… Euh… Attends une minute!

- Quoi?

- C'est étrange. L'empreinte magique de Tecna semble complétement perturbée.

- L'origine de sa fièvre est donc liée à sa magie. Il faut appeler Faragonda et Avalon ! Immédiatement !


"Au coeur de la nuit" posté au coeur de la nuit !

Avez-vous remarqué que je mets systématiquement à jour alors qu'il est plus que l'heure de dormir ?

J'ai récemment parlé avec une "professionnelle" de l'écriture. Entendez par là une autrice publiée donnant également des ateliers d'écriture. Elle a accepté de relire une part de mon manuscrit (que j'ai déjà évoqué dans l'une de mes notes d'auteurs) et de me faire un retour. C'était généreux de sa part surtout en sachant à quel point ce service peut être onéreux ! Elle m'a dit : " C'est marrant, il y a vraiment quelque chose autour de la nourriture dans ton histoire." Et, en effet, mes personnages se retrouvaient très régulièrement autour d'un repas. Avec le recul, c'est assez logique. Je viens d'une famille où il y a toujours eu cette tradition de manger ensemble. Malheureusement plus pour des raisons pratico-pratique que pour un véritable échange sociale. Je me rends compte que, inconsciemment, j'ai voulu mettre en contraste la vie familiale de mes deux protagonistes en mettant en scène leur repas. Et j'ai continué ainsi. A chaque nouvelle rencontre, il y avait, finalement, une scène de repas.

Comique non ?

Et ben, j'ai réalisé que, dans cette fanfiction, je m'axais sur le sommeil. C'est terrible non ? Je m'en étais déjà faite la réflexion en écrivant : "mais pourquoi mes personnages se retrouvent si souvent à dormir ? ". Car, au fond, on s'en fiche un peu de savoir s'ils dorment ou non. On s'en doute en sous-texte.
Il faut croire que c'est un prisme que je voulais explorer. Pour moi, le sommeil n'a jamais vraiment été synonyme d'anecdote. Je rêve beaucoup mais VRAIMENT beaucoup. Les rêves, c'est l'expression de notre inconscient. Notre cerveau qui fait du tri. Ça peut mettre des choses en avant, il peut y avoir des messages et ça peut aussi n'avoir ni queue ni tête.

Il y a vraiment tout un monde à explorer.

En tout cas, de mon point de vue, le sommeil, la fatigue que j'associe beaucoup au personnage d'Andromeda est liée à son anxiété. Et, fait "comique", je vais, depuis très récemment, voir une psy et c'est elle qui m'a dit que la fatigue pouvait être l'expression d'une anxiété. C'est bête mais j'ai toujours pensé qu'elle se manifestait de façon plus violente. Et voilà. Bref.

Hum, comme vous devez le comprendre avec ces quelques lignes, je ne suis pas dans une très chouette période. L'approche de mes 25 ans m'a miné plus que de raison. Ceci dit, j'ai décidé de prendre les choses en main et d'aller voir quelqu'un. J'en suis bien contente ! Depuis que j'ai pris cette décision, j'écris avec plus de régularité et de plaisir. Et c'est très bon signe. J'ai toujours écris pour le plaisir et le fait de perdre cela m'avait inquiété.

J'ai aussi, très récemment, trouvé un travail Je suis encore en train de m'habituer au rythme. Ça fait un sacré changement de ma petite vie. :D

J'aime assez bien ce chapitre. La réflexion de Valencia par rapport à son amitié avec Terri est une référence directe à "A découper en suivant les pointillés" de Zerocalcare. Je vous conseille cette série animée sur Netflix. Elle est top ! En gros, un moment donné, il dit, en parlant d'une relation, que baser cette dernière sur les incapacités/instabilité émotionnelle de l'autre est une mauvaise chose. Ça m'a donné à réfléchir. Cette phrase s'applique parfaitement à des amitiés passés que j'ai eu et qui on foiré. A l'instar de Valencia, j'ai effectivement commencé des relations amicales sur base d'un rejet mutuel à l'école. Et je pense qu'avoir ça comme base pour une amitié : c'est pas top. Comment voulez-vous construire quelque chose de sain là dessus ? Je dis pas que c'est impossible hein. Seulement complexe.

Complexe : comme le chapitre suivant où vous retrouverez : non sans grand plaisir, nos chers professeurs et directrice d'Alféa.
On les a pas encore assez vu donc je suis contente de ramener leurs petites bouilles parmi nous !

Je crois que c'est à peu près tout.

Je vais vous laisser car je commence à m'endormir sur mon ordinateur !

Merci beaucoup d'avoir lu et à bientôt pour la prochaine mise à jour !

Bises,

Memori Plume