Dans les rues dévastées de San Francisco, une jeune femme court à en perdre haleine. Ses yeux, écarquillés par la peur et l'urgence, scrutent le chaos environnant. Démons, sorcières, êtres des ténèbres, fées, Valkyrie, et humains se livrent un combat féroce, alors que la ville se transforme en un champ de bataille.

Elle, elle n'a qu'un objectif : atteindre un lieu précis. Chaque pas, chaque respiration est dicté par ce but. Elle aurait pu se téléporter, mais les sondes métalliques de détections continuent leur manège sinistre malgré le chaos et elle préférait éviter de devoir affronter les chasseurs en plus de ce noir qui englouti tout.

Le ciel, noir comme si la nuit était tombée, est envahit par les cendres des bâtiments en flammes, rendant l'air presque irrespirable. Malgré l'obscurité omniprésente, on peut encore distingué les étoiles dans le ciel, mais même les étoiles semblent être englouties une à une pas cette ombre, ce vide, ce noir qui s'étend de plus en plus et de plus en plus vite.

Et elle, elle continue de courir. Derrière elle, le vide attrape tout, faisant s'effondrer le sol sur lui même, engloutissant rues, bâtiments et tous les êtres vivants qui ont le malheur d'être sur son chemin. Les cris des personnes englouties se mêlent aux rugissements des batailles et au grondement des bâtiments et maisons qui s'effondrent. Le vide se rapproche, il est plus rapide qu'elle. Elle le sent presque la tirer à lui, mais elle refuse de céder. Avec une détermination farouche, elle accélère, ses muscles hurlant de douleur alors qu'elle tente de lui échapper , le sol commence à devenir instable, des fissures se forment sous ses pieds. Elle doit faire vite.

Soudain, le cri d'un enfant résonne à sa droite, elle tourne la tête par réflexe vers le bruit juste pour voir le jeune garçon se faire engloutir par le vide. Son cœur se serre. Mais cette distraction lui est fatale : elle trébuche sur une faille qui vient de se former et s'écrase au sol. Figée un instant à terre, elle se retourne et voit l'abîme se rapprocher d'elle avec une vitesse terrifiante. Elle reprend ses esprits et tente de se relever au plus vite. Les quelques secondes qu'elle a perdu vont lui être fatale.

Soudain, ses pieds ne trouvent plus le sol, et elle comprend avec une terreur glaciale qu'elle va être engloutie à son tour et alors qu'elle commence à chuter vers le noir absolu, la peur s'empare d'elle et dans un reflex venu des profondeurs de son enfance, un seul mot s'échappe de ses lèvres : « Papa »

Elle n'a pas le temps de finir son cri que déjà des orbes noirs l'ont récupéré pour la téléporter. A peine un instant c'est écoulé quand elle ouvre les yeux qu'elle ne se souvenait pas d'avoir fermés. Reprenant son souffle, elle regarde autour d'elle. Elle se trouve devant le célèbre musée Halliwell Le manoir semble lui aussi avoir subit des dommages du au vide,l'imposante bâtisse victorienne avec ses murs en bois rouges et ses fenêtres à meneaux, se dresse toujours avec une grandeur certaine, mais elle est marquée par le chaos. Les grandes colonnes qui soutiennent le porche sont endommagées, et les volets en bois, habituellement peints en blanc, sont déformés et en partie brûlés.

La magie du nexus, en revanche, semble active et agit comme un bouclier protecteur autour du manoir. La magie se manifeste sous la forme d'un champ translucide, qui entoure la maison comme une enveloppe protectrice. Les projectiles venant des bâtiments qui s'effondrent et les cendres franchissent certes les barrières, mais les êtres magiques qui tentent de rentrer et les boules de feu lancées de manière désespérées sont absorbés par le bouclier protecteur.

Morgane n'a prit qu'une seconde pour voir tous ces détails. Mais elle est vite ramenée à la réalité par le bruit d'un démon qui implose. Elle se tourne vers la personne qui vient de la sauver et de vaincre le démon qui voulait les attaquer. Devant elle se tient Lord Wyatt, dont la stature imposante contraste fortement avec la scène dévastée. Ses vêtements, d'un noir profond et élégants, sont impeccables malgré l'apocalypse environnante, et ses mouvements sont empreints d'une autorité froide. Ses yeux, d'un bleu perçant, observent la scène avec une intensité calculée, alors qu'il commence à s'approcher à nouveau d'elle. La tension dans l'air est presque palpable, chaque pas de Wyatt accentuant la gravité de la situation. Morgane se tend, prête à se battre contre l'être le plus puissant de la Terre mais, en dépit de sa tension palpable Wyatt surprend Morgane en la prenant dans ses bras avec une douceur inattendue qu'elle n'a plus connue depuis des années. Leur étreinte est brève mais chargée d'émotion.

« Morgane, je suis tellement heureux de te voir en vie. Je ne savais pas si… » Sa voix, habituellement froide et contrôlée, tremble légèrement, trahissant une émotion profonde et contenue.

«Je sais que cela fait longtemps que je n'ai plus dit cela, mais moi aussi, papa je suis contente de te voir. Merci, » répond Morgane ne sortant pas de l'étreinte de son père tout de suite.

Mais à peine cette étreinte réconfortante est interrompue par le grondement sourd du vide et le craquement menaçant du sol qui s'effondre semblent les ramener brutalement à la réalité.

« Viens vite, nous n'avons pas de temps à perdre, ne lâche surtout pas ma main, les protections ne te laisseraient pas passer.» lui dit Wyatt, serrant fermement la main de Morgane dans la sienne. Il la guide rapidement vers l'intérieur du manoir.

« Pas de temps à perdre pour quoi? On va où là, on ne devrait pas aller au grenier?» demande Morgane, essayant de suivre le rythme effréné de Wyatt alors qu'ils viennent de traverser le jardin, le hall et la salle à manger du manoir à une vitesse folle.

Wyatt ne ralentit pas, ses yeux perçants se fixant droit devant lui. Il continue de la tirer avec lui.

« Dans la cave, au niveau du nexus, » répondit Wyatt d'une voix déterminée, tout en les guidant dans ce qui était la cuisine à une autre époque.

« Tu sais ce qui se passe ici ? C'est toi qui as créé tout ce chaos ? » demanda Morgane, la voix teintée d'une inquiétude croissante, elle n'aurait peut-être pas du le suivre aveuglement.

Wyatt continue de marcher d'un pas ferme, ses yeux scrutant l'obscurité grandissante des escaliers qu'ils descendent. « Oui, je comprends bien ce qui se passe. Non, ce n'est pas moi qui ai causé ce désastre, mais je pense savoir ce qui en est responsable et comment mettre fin à tout cela. J'allais justement venir te chercher bientôt, de toute façon. » lui répond-t-il.

Alors qu'ils atteignent le bas des escaliers, Morgane murmure, presque pour elle-même : « Oui, timing de super héro, une seconde de plus et tu n'aurais rien trouvé. » Son ton est un mélange de frustration et de sarcasme, mais Wyatt choisit ne répond pas mais ferme les yeux un instant. Il a faillit perdre Morgane. Il a faillit perdre sa fille. Il a faillit perdre la seule chance de sauver ce monde.

Arrivés près du Nexus, Wyatt et Morgane se tiennent côte à côte, la tension entre eux presque palpable. Morgane remarque immédiatement que l'endroit est bien plus encombré que d'habitude. Le Livre des Ombres, toujours dans la forteresse de Wyatt habituellement, repose sur un trépied dans un coin de la cave. Un autel a été construit encombré de nombreux parchemins, grimoires, potions et autres objets éparpillés avec précipitation.

Tandis que Morgane s'approche de l'autel pour voir son contenu, Wyatt se dirige vers un mur adjacent, son regard fixé sur une section de pierre vierge. Avec une craie, il commence à tracer une triquera, ses mouvements empreints d'une concentration intense. Chaque trait est méticuleusement dessiné, les courbes et les lignes se rejoignant avec une précision géométrique.

Le silence entre eux est lourd et contraste grandement avec le chaos qui se déroule à l'extérieur des murs. L'air entre eux est chargé de questions non posées, de non dits, d'années de lutte. Morgane observe Wyatt, son regard allant de la triquera en train de se former à son visage concentré. Elle ressent une frustration croissante, nourrie par l'incertitude et des années de silence.

« C'est tout ce que tu vas me donner comme info ? Tu es au courant de ce qui se passe, tu prends des mesures, mais tu me laisses toujours dans le flou. Tais toi et fais ce que je dis n'est-ce pas? Les choses ne changent pas, comme d'habitude, votre majesté ? » demande-t-elle, sa voix ferme mais trahissant sa nervosité et ses blessures enfuies.

Wyatt continue de dessiner sur le mur sans répondre immédiatement. Le temps semble s'étirer alors qu'il se concentre sur chaque détail du symbole. Finalement, il lève les yeux vers elle. Son regard est plus doux qu'à son habitude. Son attitude d'habitude pleine de rigueur semble avoir été pliée. Alors que Morgane l'observe et essaye de comprendre ce qui la choque dans l'attitude de Wyatt, elle le voit. Peur. Wyatt a peur. Wyatt Halliwell, empereur de la Terre, souverain des royaumes magiques et humain, deux fois bénis, héritier de Camelotte et détenteur d'Excalibur est terrifié. Et si quelque chose parvient à terrifier son père à ce point, Morgane ne sait pas comment ils vont s'en sortir. Wyatt n'a peur de rien ni de personne.

« Morgane, » dit Wyatt doucement sentant la peur monter en elle, « je fais ce que je crois être nécessaire. Pour toi, pour nous. Laisse-moi quelques instants pour terminer cela, et je te donnerai toutes les explications dont tu as besoin. » Il marque une pause, puis ajoute avec une voix apaisante, « Donne-moi la main. » dit-il en lui tendant la sienne.

Sachant qu'essayer de demander plus d'information maintenant et d'argumenter avec son père serait futile et consciente que si quelqu'un pouvait stopper le carnage qui ravageait le monde extérieur, c'était bien lui, Morgane n'hésite pas et lui tend la main.

Wyatt accepte sa main avec reconnaissance et les dirigent vers une table en bois ancien située de l'autre côté de la pièce, où un chaudron en fonte noire repose sur un trépied de métal. Le chaudron, usé par le temps mais encore robuste, est rempli d'une mixture bouillonnante.

La potion à l'intérieur est d'un rouge profond et luminescent, parsemée de fragments indéfinissables qui flottent dans le liquide. Des émanations de vapeur s'échappent du chaudron, dégagent une odeur âcre mêlée à des notes herbacées et terreuses. À côté du chaudron, divers ingrédients magiques et alchimiques sont éparpillés : racines sèches, cristaux brisés, et poudres scintillantes, Morgane en reconnait beaucoup, mais pas tous.

Wyatt sort de sa poche un athamé à la lame fine et acérée, ornée de runes anciennes. Il le manipule avec une dextérité assurée, le portant délicatement vers la main de Morgane.

« Juste une goutte, » dit-il d'une voix calme mais déterminée. Il pique doucement le doigt de Morgane, la lame tranchante perçant à peine sa peau. Une goutte de sang s'échappe et tombe lentement dans la mixture du chaudron.

Au contact du sang, la potion réagit immédiatement : elle s'agite avec une intensité nouvelle, émettant des éclairs des filets de vapeurs argentées qui dansent à la surface du liquide. Le chaudron gronde doucement, comme si la potion prenait vie..

Wyatt observe attentivement la réaction, ses yeux fixés sur le chaudron tandis que la potion continue de bouillonner, au moment où les vapeurs semblent commencer à se dissiper, Wyatt commence à réciter une formule

« J'en appelle aux anciens pouvoirs,
Pour m'aider dans ces heures noires.
Qu'à travers le temps et l'espace,
Le sort reprenne enfin sa place.

Par le lien de ce sang qui nous uni,
Je t'invoque, toi qui la conduit .
Que ton sort se dévoile à moi,
Qu'il m'ouvre la voie. »

Ses mots flottent dans l'air, chaque syllabe imprégnée de magie. La potion dans le chaudron bouillonne de plus en plus fort, des éclats dorés illuminant la pièce d'un éclat presque surnaturel.

Wyatt, concentré, se dirige alors vers le Livre des Ombres posé sur l'autel en pierre. Ses yeux scrutent les pages, cherchant désespérément un emplacement bien précis. Cependant, au moment où il atteint une page spécifique, il se laisse emporter par une vague de frustration. Dans un accès de colère, il balance le livre à travers la pièce, le lançant contre un mur avec une force qui fait trembler les murs. Le livre rebondit sur le mur puis au sol, atterrissant en désordre parmi les débris éparpillés.

« Et merde, Tu vois bien que le monde disparait ! Tu veux réellement que tout disparaisse? T'opposer à moi jusqu'au bout? Qu'on disparaisse tous? Même elle? Elle est innocente dans tout ça! » s'exclame-t-il, s'adressant au vide. Son visage est un masque de frustration, et ses mains tremblent légèrement alors qu'il se tourne vers Morgane, son visage s'adoucissant en la voyant.

Choquée par la réaction colérique de son père mais pas étonnée, Morgane l'observe un moment. La vue de Wyatt, généralement si maître de lui, en proie à une telle rage et un tel désespoir est déconcertante. Elle choisit de ne pas ajouter à la tension en exprimant son propre stress. Au lieu de cela, elle se marche au milieu du chaos et se penche pour ramasser le Livre des Ombres couvert de poussière et de débris. Elle le saisit délicatement, sentant la chaleur de la magie douce et accueillante du livre qu'elle n'a pas sentie depuis des années.

À peine a-t-elle touché le livre que celui-ci s'ouvre brusquement dans ses mains, comme guidé par une force invisible, à l'endroit précis que Wyatt consultait quelques instants auparavant. Les pages se déploient devant elle, révélant le passage que Wyatt tentait de consulter. La page déchirée remarque Morgane. Elle a souvent interrogé son père sur cette page, mais elle n'a jamais obtenu de réponse. Pourquoi son père essayait-il là, maintenant, au milieu de la fin du monde, de consulter cette page?

Wyatt, voyant le livre s'ouvrir de lui-même, s'approche avec une expression mêlée de surprise et d'espoir.

Morgane n'est pas vraiment surprise par ce phénomène. Il est courant, lorsque le Livre des Ombres est dans le manoir, que celui-ci semble agir de son propre chef. C'est grâce à cela qu'elle en a appris plus sur ses origines magiques. Le livre la très souvent guidée. Plus précisément, les esprits des anciennes sorcières Halliwell ont souvent pris l'habitude d'intervenir et de lui parler de cette manière. Wyatt, en revanche, est décontenancé. Le ivre a cessé de le soutenir depuis son adolescence. Les entités des ancêtres Warren/Halliwell l'avaient renié depuis longtemps en raison de ses actions. Pourtant, bien qu'il soit surpris, il comprend rapidement quel esprit en particulier est intervenu.

« C'est maintenant que tu décides enfin à aider. C'est pas trop tôt. » murmure-t-il, un soupir lourd de fatigue et de résignation échappant de ses lèvres. Il tente de se ressaisir après sa crise de colère, retrouvant une part de calme alors qu'il se dirige vers Morgane. Avec une expression déterminée, il lui tend la main, lui tend le papier où est inscrite la formule.

« Il semble que ... que les matriarches Halliwell ont décidé d'apporter leur aide, mais uniquement à toi. » poursuit-il, son regard se frustrant une seconde avant de se faire plus doux malgré la situation.

« Essaie de réciter la formule toi-même. Si je ne me trompe pas, une page avec un sort devrait apparaitre.» lui dit-il en lui tendant la feuille où se trouve le sort d'invocation.

Morgane prend le papier, ses doigts effleurant les inscriptions avec appréhension.

« Pourquoi devrais-je te faire confiance ? Si le livre refuse de t'aider, il a sans doute de bonne raison. Qu'est-ce qui me dit qu'une fois que j'aurais invoqué cette page, tu ne vas pas tenter quelque chose ? » rétorque-t-elle, tout en prenant néanmoins le papier contenant l'incantation.

Wyatt, visiblement frustré, réplique avec une impatience contenue : « Bon sang Morgane, tu es aussi têtue que ... Tu sais très bien comment fonctionne le Livre ! Les esprits Halliwell ne veulent pas m'aider, s'ils acceptent que tu invoques cette page, c'est qu'ils savent que c'est la seule solution pour nous sauver » dit-il, semblant une nouvelle fois frustré au début de sa phrase.

Morgane reste silencieuse, un « Hum » hésitant étant la seule réponse qu'elle lui offre. Elle hésite un moment, la méfiance pesant lourdement sur ses épaules. Elle aime son père, mais elle sait aussi combien il peut être retord.

Finalement, le livre semble prendre la décision pour elle. La magie le guidant, il s'éjecte des bras de Morgane pour atterrir aux pieds du chaudron.

"Très bien, très bien, si même le livre a décidé de te faire confiance, je peux faire un effort" dit-elle prenant l'invocation des mains de Wyatt.

Elle se dirige vers le chaudron, le regard déterminé malgré ses doutes. Avec une précision tranquille, elle prend la dague qui était restée sur place et ajoute une nouvelle goutte de son sang dans le mélange bouillonnant, observant le liquide réagir avec une intensité croissante. Elle commence à réciter l'incantation à haute voix, ses mots se déployant avec clarté

« J'en appelle aux anciens pouvoirs,
Pour m'aider dans ces heures noires.
Qu'à travers le temps et l'espace,
Le sort reprenne enfin sa place.

Par le lien de ce sang qui nous uni,
Je t'invoque, toi qui la conduit .
Que ton sort se dévoile à moi,
Qu'il m'ouvre la voie. »

À peine Morgane a-t-elle terminé la dernière phrase de l'incantation qu'une lueur éblouissante commence à se former au-dessus du chaudron. Des petites lucioles de lumières se forment de plus en plus vite. Fascinée, elle tend la main vers la lumière scintillante qui s'élève. Soudain, une page apparaît dans la lueur, comme si elle émergeait d'un voile magique. La page, usée par le temps, présente des bords déchiquetés qui correspondent parfaitement à ceux du Livre des Ombres, confirmant ainsi qu'il s'agit bien de la page manquante.

Morgane, la respiration suspendue, prend délicatement la page dans ses mains. Son regard se pose sur les mots inscrits, un mélange d'espoir et d'appréhension se mêlant en elle alors qu'elle commence à lire le sort qui y est écrit :

Écoutez mon chant et mes rimes
Afin que l'espoir vive en moi
Envoyez-moi au temps d'autrefois
Avant que ne soit commis l'ultime crime.