Green Flags


Base : FMAB

Disclaimer : Les personnages ne m'appartiennent pas, ils sont à Hiromu Arakawa :)

Genre : Romance – Humor – Fic dont vous êtes le héros – OS (Edvy)

Résumé : Envy a une question à vous poser. Et peut-être quelques autres.

Musiques : Home – A house on the hill (FMAB, OST 1), Play with me, My confession, My feelings, Daijôbu !, Okay, Everyone !, Poem panic ! et Sayo-nara (Doki doki Litterature club OST)


Note : J'ai réalisé que l'année dernière, j'aurais dû publier une histoire pour Halloween, comme je le fais en général tous les deux ans. Jusqu'ici, je n'avais pas dérogé à la règle, mais l'an passé, j'ai eu un petit passage à vide qui a fait que j'ai complètement zappé la date ! T.T Pour me rattraper, j'ai par conséquent décidé qu'il y aurait un OS non seulement l'année prochaine pour garder le cap, mais aussi cette année, afin de rattraper le retard : D Et, histoire de marquer le coup de la sortie de Moments, ma grosse fic du… moment (Envy : T'es fière de ta vanne ? W.A. Très.), vous aurez droit cette année à un one shot… à choix ~ Vous aurez donc deux fins possibles, selon celui que vous opérerez. Mais je ne vous en dis pas plus et je vous laisse découvrir tout ça ;)


« Fiouh ! »

Edward referma la porte derrière lui dans un soupir de fatigue audible. Il frissonna de la tête aux pieds en se sentant englobé par la chaleur des lieux, bienvenue après tant de temps à crapahuter dans le froid naissant, mais mordant, de ce mois d'octobre pluvieux. L'appartement où il vivait n'était pas si loin que ça du Q.G. militaire de Central, mais Alphonse l'avait appelé au bureau juste avant qu'il ne terminât sa journée de travail afin de lui demander de faire quelques emplettes de dernière minute pour le dîner. Or, vu l'heure tardive à laquelle il avait fini, Edward avait dû arpenter la ville en long, en large et en travers pour dénicher la perle rare dans l'un des quelques magasins encore ouverts : de la crème fraîche – et, quasi introuvable en cette saison, un fichu citron, pour Dieu savait quelle raison.

Enfin ! Tant que son cadet ne lui réclamait pas du lait, il n'allait pas se plaindre – bien que la crème fraîche en fût un dérivé et qu'elle flirtait avec l'interdit. Déjà qu'il ne faisait pas la cuisine… Al ne lui demandait pas grand-chose, en fin de compte. Il pouvait bien prendre un peu de son temps pour mettre, en quelque sorte, la main à la pâte lui aussi. C'était le minimum syndical, d'autant que son frère, lui, ne pouvait même pas profiter des bons petits plats qu'il préparait.

« Al ? T'es là ? » appela Edward en se débarrassant de son manteau et de ses chaussures, tout humides à cause de la bruine.

Il jeta le premier sur un crochet, bazarda les secondes dans un coin et lissa son pull – rouge, évidemment –, avant de se diriger d'un pas traînant vers la cuisine, son sac de courses à la main. À en juger par le bruit qui en émanait, celle-ci, située au bout du couloir, était bien animée. Sans doute Al était-il déjà à l'œuvre. Une hypothèse qui ne tarda pas à se confirmer, puisque Edward n'eut pas fait un mètre qu'une délicieuse note d'automne en provenance de cette même pièce flotta jusqu'à ses narines.

Le petit alchimiste gourmand se pourlécha les lèvres en poursuivant son chemin, porté par cette douce fragrance. Il aurait reconnu cette odeur si caractéristique entre mille : un velouté de champignons. Rien de tel pour oublier la morsure du froid et les soucis du « boulot » – ou, pour être plus exacts, ceux qui venaient de pair avec le fait de partager le bureau d'un certain colonel, dont la simple présence suffisait à hérisser le poil de l'adolescent qu'il était.

Ce plat lui rappelait son enfance, quand il allait en forêt cueillir des champignons avec mamie Pinako, Winry et Al, dès que les arbres perdaient leurs premières feuilles. À chaque lampée, ces moments de bonheur lui revenaient en mémoire, aussi vifs qu'au premier jour. Il revoyait le sublime spectacle de la végétation qui se drapait dans les couleurs du couchant, entendait le clapotis de la pluie et les rires. Il revivait la joie enfantine de rentrer à la maison avec un panier bien garni qu'on plaquait contre soi, le nez plongé dans les champignons au doux parfum de sous-bois et d'humus – faute d'avoir la force nécessaire pour pouvoir porter son butin à bout de bras.

Autant de souvenirs heureux qu'il chérissait et adorait raviver avec Al autour de ce fameux velouté, bien que son petit frère ne pût pour l'instant qu'en profiter par procuration. Mais c'était bien parce que son cadet savait tout ce que ce plat représentait pour lui qu'il se faisait toujours une joie de le lui préparer quand même, car aucun autre n'avait son pareil pour dérider le blondinet grognon après une sale journée.

Edward sourit, les pommettes hautes et le ventre gargouillant d'impatience.

Tout ça pour dire, donc, qu'il allait se ré-ga-ler ~

« Al ? » appela-t-il en poussant finalement la porte de la cuisine entrouverte.

« Ah ! T'es là ! » fit une voix… qui était tout, sauf celle d'Alphonse.

Edward se figea dans l'encadrement de la porte et cligna des yeux.

Une fois.

Deux fois.

Trois fois, même. On sait jamais.

Mais non. Il ne rêvait pas.

C'était bien Envy qui se trouvait face à lui.

L'alchimiste se frotta un œil, puis l'autre… sortit de la pièce, referma la porte, rerentra, répéta l'opération une fois, puis accepta enfin d'arrêter de se voiler la face.

Envy était bel et bien aux fourneaux, le tablier autour de la taille et la louche à la main.

« Mais qu'est-ce que…ENVY ?! HEIN ?! » s'exclama le blond en le fixant avec des yeux grands comme des soucoupes. « Mais qu'est-ce que tu fous là ?!

— Comment ça, "qu'est-ce que je fous là" ? Ça se voit, non ? Je cuisine ! » répondit l'homonculus en haussant un sourcil, l'air de dire : « T'es bête ou tu le fais exprès ? »

L'androgyne touilla savamment le velouté qui mijotait sur le feu, face à un Edward proprement sidéré. Ce dernier, après un long moment de flottement, secoua la tête pour se remettre les idées en place et rejoignit le brun devant la gazinière. Il zyeuta d'un œil inquiet le contenu de la casserole, attesta que oui, c'était bien là de la soupe – et même pas cramée, en plus ! –, puis reporta son regard perplexe sur l'intrus, qu'il détailla de haut en bas.

« Et depuis quand tu sais cuisiner, d'abord ? Et… Non, attends, on s'en branle de ça, en fait ! Où est Al ?! Ne me dis pas qu'il sait que t'es là ?! » s'affola soudain le jeune garçon en se ruant à nouveau dans le couloir pour vérifier s'il n'avait pas manqué son frère par hasard.

Il n'eut même pas le temps de s'en assurer qu'Envy, derrière lui, roula des yeux et répondit :

« Naaaan, c'est bon, t'inquiète. On n'est que tous les deux, balise pas comme ça.

— Mais où il est, alors ? » angoissa Edward en faisant volte-face vers l'Envieux.

Il ne comprenait pas pourquoi Al s'était absenté, alors qu'il lui avait spécifiquement demandé de lui rapporter…

« Attends… C'est toi qui m'as appelé tout à l'heure ?! » réalisa subitement l'adolescent d'un air outré.

Tch. Il s'était fait avoir comme un bleu ! Envy et ses fichues capacités de métamorphe…

« Ben, évidemment ! » rétorqua le coupable. « Tu sais bien que "Saint Alphonse" aurait jamais exigé que son grand frère chéri se casse le cul à chercher des trucs introuvables à une heure pareille ! Des fois, tu réfléchis pas trop, crevette. Heureusement pour moi, cela dit. »

Edward plissa les yeux et revint sur ses pas en trombe pour se poster face à l'éphèbe.

« 1) Tu sais bien que je n'aime pas quand tu parles d'Al comme ça. 2) T'as sérieusement intérêt à pas m'avoir fait courir tout Central pour que dalle, parce que sinon, j'te jure que t'as pas envie de savoir où il va finir, ton foutu citron. Et 3), je ne suis pas une "crevette" » gronda la squille en tapotant le torse de l'impudent d'un index autoritaire pour appuyer ses dires, le nez presque collé au sien.

« Ouais, ouais, si tu le dis », soupira Envy en chassant ce doigt envahissant d'un geste nonchalant. « Mais tu l'as, le citron, ou pas ?

— C'est important ?

— Ouais, j'en ai besoin. Et de la crème fraîche avec. Parce qu'il en faut pour la recette, apparemment, et que je veux faire ça bien », expliqua-t-il en vérifiant à nouveau celle qu'il suivait dans le livre de cuisine posé sur le plan de travail à côté de lui. « À ce propos, c'est fou ce que votre frigo est vide ! Jamais vous faites les courses ?

— Tu sais bien que c'est parce qu'on est toujours par monts et par vaux, avec Al, et que je suis le seul à manger. On n'a pas besoin de grand-chose, alors les courses, on les fait au jour le jour. Sans compter qu'en ce moment, je déjeune au réfectoire du Q.G., le midi », expliqua Edward en sortant de son sac les derniers ingrédients qu'il fallait à Envy. « Trop de boulot pour faire un saut à la maison, avec toutes les recherches qu'on fait en vue du jour J. »

Il posa ses achats à côté du cuisinier en herbe et, tout en commençant à nettoyer le champ de bataille qu'était devenu le plan de travail – décidément, Envy et le chaos, c'était une grande histoire d'amour – s'enquit :

« Mais tu n'as pas répondu à ma question : où est Al ?

— Parti faire un tour.

— Où ça ?

— Loin, j'espère. Ce serait bien qu'on puisse être tranquilles, pour une fois – ça nous changerait !

— Mais il n'est pas "parti" comme ça, sans laisser au moins un mot, si ? » s'étonna Edward en épongeant ce qui semblait être de la farine mouillée – berk. « C'est bizarre… D'habitude, il m'avertit, quand il va quelque part ! Surtout s'il doit s'absenter inopinément.

— Il t'a averti. C'est même toi qui lui as demandé de te laisser l'appartement pour la soirée, histoire de… tu sais.

— Hein ?! » s'exclama Edward, abasourdi, en lâchant son éponge dans un « splaf » sonore sous le coup du choc. « Tu déconnes ? Non seulement tu t'es fait passer pour lui, mais pour couronner le tout, tu t'es fait passer pour moi ?! Envy, sérieux ! En plus, il va s'imaginer des trucs, maintenant ! Pour quoi tu me fais passer, avec tes sous-entendus chelous ?!

— Roh, ça va… Y a pas mort d'humain ! Tu voulais quoi ? Que je lui dise de vive voix pourquoi je désirais qu'il débarrasse le plancher, peut-être ? » demanda le polymorphe en jetant un regard très particulier à son hôte… qui se tassa aussitôt d'un air penaud. « Ouais, c'est bien ce que je pensais. »

L'Envieux se renfrogna, touilla le velouté avec « un peu » plus d'énergie – du genre à manquer de faire décoller la casserole – et enchaîna :

« T'as pas les couilles de lui avouer pour nous deux ? Soit. Mais viens pas te plaindre après si je monte des plans foireux pour qu'on puisse se retrouver tous les deux sans avoir ton petit frère dans les pattes. Je te rappelle que le Jour promis, c'est pour bientôt. Il serait plus que temps de mettre les choses au clair avec lui. Surtout que je suis de ton côté, maintenant. Je pige pas pourquoi tu continues de vouloir… comment vous dites, déjà ? Me cacher dans le placard ? Sous le tapis ? Bref, de faire des cachotteries à ton frère. »

Edward, mal à l'aise, se dandina. Il aurait souhaité répliquer que « C'est pas si simple », mais s'en garda. Ça faisait trente-six fois que « c'était pas si simple », et il comprenait tout à fait qu'Envy commençât à perdre patience. C'était déjà un miracle que, las d'attendre, l'homonculus ne lui eût pas damé le pion en mettant Al au parfum lui-même, au détour d'une énième déconvenue – nombreuses étant les fois où ils avaient dû s'interrompre en plein acte ou repousser un rendez-vous pour éviter que son frère ne découvrît le pot aux roses. Connaissant l'Envieux, il aurait pu. Pourtant, ce dernier n'en avait rien fait et avait choisi de lui laisser la main là-dessus, même si le problème n'avait pas avancé d'un pouce depuis.

C'est juste que… c'était difficile, d'assumer cette relation, après tant de temps à la vivre à l'abri des regards. Après tant de baisers volés, de rendez-vous clandestins, d'étreintes secrètes… tant de mensonges à ses proches, et en particulier à Al.

Edward ne savait pas comment aborder ça… encore moins avec son frère. D'autant que ça faisait un an que ça durait ; qu'Envy et lui avaient commencé à se fréquenter, sans en toucher mot à personne. Au début, parce qu'ils n'étaient pas sûrs eux-mêmes de ce qu'ils éprouvaient, puis par sécurité, de peur de se faire remonter les bretelles – un euphémisme – d'un côté comme de l'autre. Sans compter qu'Edward était habitué à tout garder pour lui… ça, comme le reste. C'était une sale manie qu'il avait prise à la mort de sa mère, pour ne pas qu'Al se fît du mauvais sang pour lui à tout propos, et qui s'était ancrée en lui après le désastre qu'avait été leur transmutation ratée.

Depuis, il était devenu compliqué au jeune alchimiste de s'ouvrir aux autres, de peur de les inquiéter, voire pire, de les blesser. Or, il savait que sa relation avec Envy aurait eu de quoi alarmer Alphonse à plus d'un égard, en dépit de la sincérité de l'amour que l'homonculus et lui partageaient, ainsi que du fait qu'Envy avait finalement choisi de passer à « l'ennemi » ; autrement dit, de se ranger de leur côté, en vue de la bataille qui se déroulerait le Jour promis.

En apparence, tous les feux auraient donc dû être au vert et, comme l'avait très justement souligné son amant, il aurait été plus sage d'informer tout le monde de ce changement de crèmerie. Envy était un nouvel allié de poids, dont la présence pourrait peut-être en rassurer certains. Non pas parce que l'Envieux était "rassurant" en soi – tant s'en faut –, mais plutôt car cela induisait qu'ils n'auraient par conséquent pas à l'affronter lui aussi quand il faudrait faire déchoir Père de son trône. C'était une petite victoire, mais une victoire quand même.

Seulement, Envy était loin d'être un enfant de chœur. Ses choix passés étaient plus que condamnables et avaient encore des répercussions terribles à cette heure pour… eh bien, des millions de gens, ce que ne pouvait effacer d'un claquement de doigts une simple épiphanie.

Il n'était jamais trop tard pour bien faire, certes, mais cela ne signifiait pas pour autant que tout le mal qu'on avait fait serait ou devait être automatiquement pardonné.

La rédemption allait de pair avec la justice, pour le meilleur comme pour le pire.

Car, parfois, la justice, quand elle était appliquée par vengeance, pouvait être aveugle.

Edward, au fond de lui, avait peur d'être jugé. Peur de voir Envy jugé, alors qu'il faisait tant d'efforts pour changer et s'intégrer, peut-être même pour se racheter, depuis qu'ils avaient commencé à sortir ensemble. En un sens, il était plus « humain » que jamais. Bien sûr, il n'était pas parfait – l'empathie n'était pas une chose qui s'acquérait du jour au lendemain, en même temps –, mais au fond, qui pouvait se targuer de l'être ?

Tout ce qui comptait aux yeux énamourés de l'adolescent, c'étaient les progrès de son partenaire. Ils étaient considérables… et notables. Si les crises de jalousie persistaient, il n'en allait plus de même des crises de nerfs. Fini les prises de bec pour un rien et les combats inopinés parce que môsieur avait un pet de travers. En outre, l'Envieux gérait remarquablement mieux ses émotions et communiquait davantage : la preuve ! Il avait su s'exprimer à l'instant sans envoyer balader la casserole dans la stratosphère (Envy : Ou dans ta gueule. W.A. : Tu parles à Ed ou à moi, là ? Envy : Devine.).

Il y avait du mieux… et du bon.

Mais allez faire comprendre ça à un Alphonse intimement convaincu qu'Envy n'était rien d'autre qu'un meurtrier sanguinaire prêt à vous égorger dans votre sommeil, et qui méritait, certes pas une peine de mort, mais au moins la perpétuité.

Bref, tout ça pour dire qu'Edward avait mille et une raisons de redouter ce moment de vérité, et de le repousser autant qu'il le pouvait.

N'empêche qu'Envy avait raison : ce n'est pas parce qu'il avait une raison de fuir ses responsabilités qu'il en avait le droit.

C'était lâche, immature, et en un sens, peut-être même cruel.

« … »

L'alchimiste regarda d'un air contrit son amant, qui fusillait toujours du regard son plat. Il se rapprocha et posa prudemment sa main sur la sienne. Il chercha son regard et, une fois qu'il l'eut trouvé, le soutint humblement.

« Je suis désolé, Envy. Je sais que j'abuse », admit-il enfin en pressant doucement sa main. « J'ai pas d'excuse valable à te donner et tu as le droit de m'en vouloir. Mais je veux juste que tu saches que je songe sérieusement à tout ça et que ça ne remet pas en cause tous les efforts que tu fais au quotidien. Je les vois, tu sais. Ne va pas croire le contraire. »

Il se pencha en avant et l'embrassa sur la joue avec tendresse.

« Je te promets que je réglerai ça rapidement et que la prochaine fois que tu viendras, ce sera… à découvert, disons.

— Et moi, je pourrai te "découvrir" sans devoir bondir par la fenêtre comme un voleur dès qu'on entend deux pas dans le couloir ? » lança Envy dans un sourire en coin.

Edward rougit furieusement, avant de lever les yeux au ciel pour essayer – vainement – de cacher sa gêne.

« J'imagine, oui ! Mais faudra vraiment qu'on travaille là-dessus aussi et qu'on te trouve une autre occupation que le sexe, parce que ça commence sérieusement à m'inquiéter, cette histoire », avoua-t-il en ramassant son éponge pour continuer à nettoyer le bazar mis par son partenaire.

« Hé, c'est pas sympa ! » s'indigna le brun. « Je te blâme pas pour tes passions, moi ! Je m'y intéresse, même !

— Hein ? Mais t'en as jamais rien eu à secouer, de l'alchimie !

— Je te parle pas d'alchimie, je te parle de la bouffe ! », corrigea Envy en lui désignant la soupe. « Là, regarde ! Je participe, moi. »

Edward lui retourna un regard blasé.

« Tu sais très bien que ma "passion" pour la bouffe vient du fait que…

— Ouiiii, je sais. Que tu partages toouuuuut avec Al », compléta l'éphèbe avec un soupir dédaigneux. « Mais tu t'es pas vu quand t'en parles, chibi. Des fois, ça me rendrait presque jaloux !

— "Presque" ?

— Commence pas », grommela l'Envieux en faisant la moue.

Edward, amusé, glissa jusqu'à lui en crabe pour lui mettre un petit coup de coude taquin.

« Cherche pas, je te connais par cœur, maintenant. Tu peux rien me cacher. »

Envy retrouva le sourire.

« Que tu crois ! » répliqua-t-il en posant son index sur le bout de son nez.

Edward rigola, secoua la tête et se lova contre lui un instant. Il ferma les yeux et inspira. Hormis la curieuse odeur d'alchimie qui venait de pair avec sa nature d'homonculus, Envy sentait toujours bon le frais du dehors et la nuit, avec une pointe de lavande mêlée à ce qui semblait être de la violette. Il ignorait si c'était une odeur qu'il avait délibérément choisie – sachant le soin qu'il avait apporté au reste de son apparence –, ou si c'était simplement le résultat de ses longues escapades nocturnes dans les jardins proprets des citadins de Central.

Sûrement un peu des deux.

« En tout cas… », murmura Edward en posant sa tête sur l'épaule dénudée de l'homonculus, les yeux clos pour mieux apprécier son contact ainsi que le calme autour d'eux. « C'est cool que tu te sois arrangé pour qu'on ait la soirée pour nous. Ça faisait longtemps, ça me manquait… Et j'ai trop hâte de goûter ce que tu nous as mijoté. » Il leva des yeux affamés vers lui. « Ça sent giga bon et j'ai trop la dalle !

— Je vois ça, t'as pris l'expression "avoir l'eau à la bouche" premier degré. Je sens ta bave qui coule sur mon épaule, là », observa Envy en l'écartant de lui d'un air faussement dégoûté. « Allez ! Ouste, l'escargot ! Va mettre la table pendant que je termine, que tu puisses manger et qu'on puisse passer à l'essentiel. »

Edward, qui était tout embarrassé et s'était empressé de s'essuyer la commissure des lèvres en vitesse, soupira d'un air désillusionné à l'écoute de cet aveu.

« Je me doutais bien que c'était louche, tout ça. Tu veux juste gratter des points, en fait !

— Et ça marche ?

— Un peu », concéda l'adolescent, qui embarqua le nécessaire pour dresser la table tandis qu'Envy finissait de préparer le dîner.

Il ne mit pas longtemps à ce faire. En cinq minutes, ce fut réglé, et tous deux s'installèrent à table dans un cadre plutôt romantique : Edward, pour l'occasion, avait mis les petits plats dans les grands. Certes, il n'y aurait que de la soupe au menu, mais c'était la première fois qu'Envy lui cuisinait quelque chose… et peut-être même la première fois qu'il cuisinait tout court, pour ce qu'il en savait. Edward voulait donc saluer la performance, aussi modeste que fût l'exploit. Il avait de ce fait mis à profit ces quelques minutes pour dresser une jolie table et allumer, en plus du plafonnier, des bougies qu'Alphonse avait achetées quand il croyait encore à une idylle entre Winry et lui et désespérait de pouvoir leur préparer une Saint-Valentin digne de ce nom.

Comme quoi, son petit frère avait tout de même eu du nez ! Il allait pouvoir en faire quelque chose, de ces bougies.

Cela dit, Edward perdit son air fiérot quand Envy, qui venait d'arriver dans la salle à manger avec son plat, pouffa en les voyant.

« T'es sérieux, chibi ?

— Ben… Ben oui. Tu t'es donné du mal, quoi ! Faut marquer le coup ! » se justifia Edward en s'efforçant de garder une contenance – ce qui était un vrai défi, avec l'autre qui se fendait la poire à côté. « Et puis, c'est le mieux que je puisse faire pour en être, moi aussi – vu que ça m'a pris un peu de court, tout ça. C'est quand même pas tous les jours qu'on dîne en amoureux !

— En même temps, j'ai pas besoin de manger, moi, alors…

— Mais tu vas m'accompagner, là, rassure-moi ? » s'inquiéta Edward, qui s'imaginait déjà dîner seul, en tête à tête avec un Envy qui le fixait comme un hibou tout du long.

Parce que oui, c'était déjà arrivé, et il avait tout sauf envie de reconduire l'expérience. Une fois avait suffi, merci bien.

Heureusement, Envy certifia :

« Mais oui ! Pose donc tes fesses, que je te fasse voyager !

— Monsieur est confiant, à ce que je vois », railla Edward dans un sourire, avant de prendre place d'un côté de la table, face à Envy. « Tu crois pouvoir me faire "voyager" loin ? »

L'Envieux attrapa la soupière qu'il avait rapportée et les servit tous les deux en confirmant :

« Oh oui ! T'as pas idée ~ »

Sitôt qu'Envy fut installé, Edward leur souhaita bon appétit et attaqua le plat. Ce fut un coup de cœur dès la première bouchée : outre le côté nostalgique inhérent au velouté en lui-même, la touche de citron, assortie à l'onctuosité de la crème, apportait à celui-ci une fraîcheur nouvelle qui le colora différemment. Elle eût d'ailleurs tôt fait de faire oublier à l'alchimiste la fatigue de sa quête de tantôt, quoiqu'il restât fourbu par sa journée de travail.

Il avait bien fait de prendre le temps d'aller chercher ce qu'il fallait pour la recette. Cet ajout en avait fait un pur délice.

À un détail près…

« Dis donc, c'est vachement bon ! », le félicita Edward en guise de préambule… pour amorcer la suite, qu'il devinait casse-gueule.

« Ah ouais ? » fit Envy en goûtant lui-même sa soupe. « Tant mieux.

— Juste un truc… Y a un genre de… d'arrière-goût, j'ai l'impression », signala l'adolescent en touillant sa soupe d'un air perplexe. Il leva soudain des yeux horrifiés vers Envy. « Attends… Fais-moi peur, les champignons que t'as pris, tu les as achetés, hein ? T'es pas allé les chercher en forêt ou j'sais pas où ? T'es au courant qu'ils sont pas tous mangeables ?! »

Pour en avoir cueilli des tonnes, Edward savait bien que la science des champignons n'était pas à la portée du premier venu, a fortiori d'un homonculus qui confondait encore le sucre et le sel – à en juger par le goût étonnamment sucré du plat qui, quoiqu'il ne le gâchât pas, était pour le moins surprenant.

Envy reposa sa cuillère et fronça les sourcils.

« Ben oui, j'suis pas débile, quand même ! J'ai deux cents ans d'espionnage et plus si affinités au compteur, je te rappelle. Les poisons – entre autres choses –, ça me connaît.

— Les poisons ? C'est marrant, je t'imaginais pas faire dans la subtilité.

— Ça m'arrive, pourtant. Mais pour revenir à nos moutons, j'vais pas te servir de ces machins rouges et blancs, là, ou j'sais pas quoi, si c'est ça qui t'inquiète ! J'ai pris des "pèces" au marché, comme vous faites. » Il fit la moue et se pencha par-dessus la table pour inspecter le bol de l'alchimiste. « C'est bizarre, ton histoire. Fais-moi voir ! »

Il plongea sa cuillère dans le bol d'Edward, goûta la mixture et plissa les yeux, cherchant vraisemblablement de quel « arrière-goût » il était question. Puis, un éclair de compréhension passa dans ses yeux et il claqua des doigts.

« Ah, je sais ! C'est à cause de tout à l'heure, quand t'as débarqué. Je t'attendais pas de si tôt. À la base, tout devait être prêt avant ton arrivée.

— Ouais… C'était pour ça aussi que tu m'as envoyé à l'autre bout du monde, hein ?

— J'avoue. En tout cas, ça m'a surpris de t'entendre, et sous le coup de la panique, j'ai accidentellement fait tomber un truc dans le velouté. De la… "cariondre", ou truc du genre.

— De la… coriandre, tu veux dire ? » demanda Edward, qui n'était pas trop sûr lui-même du nom de ce condiment.

En même temps, il ne cuisinait pas. Difficile pour lui de savoir lesquels Al utilisait ou quel goût ils avaient exactement. Son seul talent côté cuisine, si c'en était un, c'était son sens du goût, fort développé après des années à traquer la moindre goutte de lait dans sa nourriture. Preuve en était qu'il n'avait pas mis trois secondes à détecter l'anomalie dans sa soupe, là où Envy, lui, ne sentait strictement rien. Cela dit, on parlait d'un homonculus qui devait manger tous les 36 du mois, alors…

« Ouaiiis, ça ! » confirma le cuisinier. « En fait, tu m'as fait sursauter et en me redressant, j'ai heurté la planche, là, au-dessus de la gazinière. C'est là que ce foutu paquet est tombé dans la casserole. C'est Al qui pose les trucs là-haut, j'imagine ?

— Pourquoi ça pourrait pas être moi ?

— Tu sais très bien pourquoi », répliqua son amant en le regardant de « haut » en bas. « Bref ! Je pensais avoir tout retiré, mais faut croire que non. Perso, ça m'a pas dérangé, mais y en a peut-être plus dans ton bol que dans le mien… Tu veux qu'on échange ?

— Non, t'embête pas. C'est juste… déroutant.

— Mais c'est pas mauvais, si ?

— Non, non, t'inquiète ! C'est très bon comme ça », assura Edward, soucieux de ménager l'ego de son partenaire, qui avait fait de son mieux malgré ce petit bémol – et qu'il ne souhaitait pas vexer après la brouille de tout à l'heure.

Il n'allait pas jouer les rabat-joie en pinaillant pour trois cuillérées d'une pauvre épice. Et puis, il était sûr qu'il ne remarquerait même plus le problème au bout de quelques minutes. Il avait tellement faim, de toute façon ! Tout ferait ventre, surtout si c'était fait avec amour.

« Au fait… », commença l'alchimiste après avoir repris une cuillère de soupe afin de rassurer le cuistot. « Qu'est-ce que t'as fait de beau, ces derniers temps ? Tu t'es fait rare… »

Edward n'avait pas manqué de noter l'absence d'Envy de ces derniers jours. Comme le Jour promis approchait, ils avaient justement mis un point d'honneur à passer plus de temps ensemble, depuis peu, car ils le craignaient compté. Certes, Envy avait changé de camp, mais rien ne leur garantissait qu'ils survivraient tous les deux à cette date fatidique, bien qu'ils l'espérassent. Alors, ils avaient décidé de profiter à fond de chaque journée ensemble jusqu'au jour J, pour ne rien regretter si le pire devait arriver.

Or, Envy avait été aux abonnés absents depuis le début de la semaine. Ça n'avait rien d'inhabituel, puisque l'homonculus était en général un vrai courant d'air et ne tenait pas en place – lui non plus, du reste –, mais étant donné que cela rompait la routine qu'ils avaient installée récemment, Edward était curieux. À quoi avait-il pu occuper ses journées ? Il espérait que le brun n'avait pas broyé du noir dans un coin, comme il avait pu le faire à plusieurs reprises déjà à l'idée de devoir retourner sa veste pour de bon le jour J et d'affronter ses « démons ».

Envy, néanmoins, ne tarda pas à le détromper :

« Ben… Comme on va passer encore plus de temps ensemble à l'avenir, j'ai continué de me renseigner sur les humains pour pouvoir commencer notre nouvelle vie du bon pied. D'où l'idée de cuisiner, d'ailleurs ! Je voulais te faire la surprise, mais en vrai, j'avais surtout envie de voir si j'étais capable de te nourrir correctement. Si je dois prendre soin de toi, je dois le faire comme il faut !

— Me "nourrir" ? Tu sais que ça sonne bizarre, quand tu dis ça, hein ? », souligna Edward en pouffant.

« C'est pas plus "bizarres" que ces nouveaux trucs, là… Les magazines », répliqua Envy à brûle-pourpoint. « T'en as déjà lu un ?

— Oui ? Mais c'est pas "nouveau"… Ça doit faire quinze ans que ça existe !

— Ouais, c'est nouveau, quoi ! » répéta Envy, comme s'ils s'étaient mal compris. « Bref, toujours est-il que comme Lust m'avait dit un jour que c'était intéressant pour en savoir plus sur vous et avoir un minimum de conversation, je lui en ai piqué quelques-uns, histoire de savoir de quoi vous causiez en général… et je suis désolé de te le dire, mais c'est affligeant. Je vois pas comment je vais pouvoir apprendre quoi que ce soit de pertinent avec ces trucs-là », fit-il d'un air mi-dépité, mi-consterné.

« Je te conseillerais bien de lire le journal à la place, mais vu les âneries que le frère d'une certaine personne oblige la presse à mettre dedans, je suis pas sûr que ce soit mieux », rétorqua Edward. « Je te prêterai un livre, la prochaine fois ! Il y en a plein qui pourraient te plaire.

— Nan, je voulais pas dire que c'était chiant ! Juste… "affligeant", quoi. Tiens ! J'en ai même trouvé un avec un test, là ! » poursuivit Envy.

« Un… test ? » s'étonna Edward. Mais qu'est-ce qu'Envy était allé lire, au juste ?

« Ouais. Pour en apprendre plus sur l'amûûûr de ta vie », expliqua l'androgyne avec une voix de fausset. « Enfin, c'est pas présenté comme ça, mais je pense que c'est la finalité du truc. À la base, c'est surtout censé nous permettre de "développer des sentiments" en trois secondes cinq pour celui ou celle avec qui on passe le test… ou les renforcer. Je l'ai même rapporté, ce truc, tellement ça m'a scié ! C'est d'une connerie… », fit-il en se tournant pour récupérer, effectivement, un magazine qui se trouvait posé sur le buffet à proximité et qu'Edward n'avait même pas remarqué en rentrant.

Le blond dut réfréner un sourire. Pour que son amant l'eût laissée à porter et dégainée comme ça, c'est que la revue l'avait plus marqué qu'il ne voudrait bien l'avouer. Mais bon. Encore une fois, il ménagerait l'ego de l'homonculus et se garderait de toute remarque – même s'il n'en pensait pas moins. Et puis, c'était rigolo de le voir faire des découvertes comme ça. On aurait dit un gosse.

« Tu sais, nous aussi, souvent, on trouve ça con, ce genre de trucs », s'amusa Edward, avant de prendre une nouvelle cuillère de soupe. « D'ailleurs, j'ai peur que ça fausse plus ton jugement à notre égard qu'autre chose…

— Tu plaisantes ? C'est typique ! » s'exclama-t-il en tapant du dos de la main le magazine. « Y a pas plus humain que de faire des tests aussi débiles que biaisés, si ? »

Edward, en bon scientifique qu'il était, étudia sérieusement la question un instant.

« Aussi paradoxal que ce soit, moui, c'est pas faux », fit-il avant de slurper une nouvelle cuillère de soupe. « Allez, vas-y ! Fais-le, ton test ! T'en crèves d'envie, ça se voit à dix kilomètres.

— N… Non, p… pas tant que ça », nia Envy en appuyant sa tête dans sa main pour cacher un rougissement naissant. « C'est de la curiosité scientifique, c'est tout.

— Tu m'en diras tant ! Alors, c'est quoi, la première question ? »

Envy se saisit du magazine, le feuilleta à toute vitesse et mit à peu près deux secondes à retrouver la double page qui l'intéressait – cornée à dessein, nota Edward.

« Alors, alors, alors… », gazouilla Envy, qui ne pouvait s'empêcher de gigoter sur sa chaise comme un môme. « Ahem ! Première question ! Tu peux dîner avec qui tu veux. Qui choisis-tu ?

— Peuh ! Facile ! » s'esclaffa Edward, avant de s'interrompre brusquement. Il s'attrapa le menton. « Attends… "Qui je veux ?" Ça inclut tout le monde, mort comme vivant, on est d'accord ?

— Pourquoi tu voudrais grailler avec un macchab-… Oh, merde ! Ça m'a échappé », se reprit Envy en catastrophe.

Edward devina de suite l'origine du malaise. Sans doute l'homonculus s'était-il dit que, peut-être, le « macchabée » en question pouvait aussi s'appeler « maman ». En dépit du petit pincement au cœur provoqué par cette maladresse, l'adolescent posa sur son partenaire un regard indulgent. Après tout, ne disait-on pas que l'erreur était humaine ?

« Y a pas de mal. Mais non, je ne pensais pas à elle… mais au grand sage qui a apporté l'élixirologie à Xing ! » rectifia l'alchimiste avec des étoiles plein les yeux. « Je rêverais d'en apprendre plus sur cette science. » Il soupira et regarda le ciel nocturne par la fenêtre, l'air songeur. « Ce serait une dinguerie de dîner avec lui… »

Envy haussa un sourcil.

« "Dinguerie", c'est le mot, ouais, vu comme t'as le sang chaud. Vous finiriez par vous écharper avant la fin du repas, tu crois pas ? Et pourquoi tu le portes aux nues, d'un coup ? Je croyais que tu le détestais. Ou alors j'ai loupé un épisode ?

— Hein ? » fit le blondinet, confus. « Pourquoi je le détesterais ? Je le connais même pas, ce type ! »

Envy cilla et, après un instant d'incompréhension, pâlit et se plaqua une main sur la bouche, face à un Edward cette fois-ci perplexe. La crevette plissa ses petits yeux, soupçonneuse.

« Attends voir… tu l'as rencontré ? » Il claqua des doigts, réalisant soudain l'évident. « Mais bien sûr, que j'suis bête ! T'as voyagé plus d'une fois à Xing, toi ! Tu l'as déjà croisé, c'est ça ?! Comment il est ?! » le mitrailla l'alchimiste en trépignant d'excitation sur son siège.

« Mais non, je disais ça comme ça, c'est tout… », bredouilla Envy, mal à l'aise. « C'est juste que… tu sais comment sont les Xinois… Enfin, t'as bien vu ton pote, ha ha !

— Je sais que t'essaies de noyer le poisson, mais là, tu passes juste pour un gros con, et je suis pas sûr que ce soit ce que tu souhaitais.

— Si tu le sais, épargne-moi tes commentaires », grommela le brun. « Question suivante ! Quelle serait…

— Hé, attends ! Non seulement tu m'embrouilles, mais en plus, tu réponds même pas à la question ?! C'est quoi, cette douille ? » s'indigna le blondinet en brandissant sa cuillère vers son amant cachottier. Il se doutait qu'il n'aurait pas le fin mot de l'histoire ce soir concernant ce fameux sage de l'Est, mais par contre, il refusait qu'on dérogeât à la règle de l'échange équivalent sous son toit. « Avec qui tu dînerais, toi ? »

Envy s'attrapa le menton d'un air pensif, mais ne mit pas longtemps à trouver sa réponse :

« Avec ta mère, je dirais. »

Toute colère évanouie, Edward le regarda d'un drôle d'air. Il s'était attendu à tout, sauf à ça.

« Décidément… », lâcha-t-il, décontenancé par la fixette qu'Envy pouvait faire sur elle.

L'homonculus, remarquant son trouble, se hâta de préciser :

« Mais non ! Pas cette mère. L'autre. Celle qui est encore en vie.

— Comment ça, "l'autre" ? J'en ai pas d'autre », rétorqua Edward en zyeutant d'un œil inquiet son bol de soupe. Mais qu'est-ce qu'il avait mis là-dedans pour divaguer comme ça ? Ils étaient « magiques », les champignons, ou bien ?

« Et la meuf avec des serpentins à la place des tifs, là, qui a failli nous prendre sur le fait, un coup, c'était qui ? » insista le brun en haussant un sourcil.

Edward, comprenant enfin de qui il s'agissait, lui retourna une expression similaire.

« T'es sérieux à critiquer les "tifs" des autres, là ?

— Oh, pitié ! Tu sais très bien que ses cheveux sont bizarres.

— J'en reviens pas qu'on ait cette discussion », soupira le plus jeune, qui se fit la réflexion qu'après avoir travaillé le savoir-vivre et l'empathie, il faudrait impérativement revoir la leçon sur la paille, la poutre… tout ça. « Bref, pourquoi tu voudrais passer tout une soirée avec mon maître ?

— Ben… pour savoir comment t'étais, petit !

— Hein ? Pourquoi ? » s'étonna Edward.

En voilà une drôle de lubie…, songea-t-il tout d'abord, avant d'être intrigué par la mélancolie que dégagea soudain le regard de son amant. Ce dernier resta un moment silencieux, à touiller sa soupe pensivement, puis expliqua :

« Parce que moi, je sais pas ce que c'est, d'être "petit". Enfin… je sais ce que c'est que de naître et de faire ses premiers pas dans le monde, mais… c'est très différent d'être "petit" chez nous.

— Ah ouais ? En quoi ?

— Je sais pas, t'as mis combien de temps à pouvoir utiliser tes guiboles sans te casser la gueule au bout d'un mètre, aligner deux mots qui donnent pas envie à quelqu'un de te foutre une claque, et à tabasser ton frère ?

— T'es pas bien ? J'ai jamais "tabassé" mon frère !

— Tu vois ? C'est parce que je sais que tu me racontes toujours des craques qu'il me faut un compte rendu objectif de tes années de larve.

— C'est toi, la "larve". Et tu le sais très bien », gronda l'humain.

« Sauf que même dans cet état, moi, j'ai pas besoin d'aide pour aller d'un point A à un point B et je peux tenir une conversation – et pas brailler comme un veau. Ton argument est irrecevable, et je vais me faire un plaisir de l'ignorer. Question suivante ! » s'exclama l'homonculus en reprenant son magazine. « Décris ta journée idéale ! »

Edward songea que ce serait un miracle s'ils arrivaient au bout du test sans se sauter à la gorge comme ils avaient pu en être coutumiers par le passé, mais se décida à jouer le jeu et à ne pas s'appesantir davantage sur les idioties d'Envy. Il réfléchit ainsi à la question, puis répondit :

« Je dirais… une matinée à la bibliothèque pour faire des recherches, un déjeuner dans un bon restau, une escapade dans une ville inconnue avec Al pour s'aérer un peu, et une soirée avec toi ?

— Eh ben, dis donc ! J'ai cru que t'allais jamais me citer ! » grogna l'androgyne. « Et forcément, faut que ce soit en dernier », criaient ses yeux.

« Roh, sois pas comme ça ! » rétorqua Edward, avant de rajouter dans un clin d'œil pour tempérer : « Tu sais bien qu'on dit qu'on garde toujours le meilleur pour la fin ! »

Le compliment dut faire mouche, car Envy quitta aussitôt sa mine morose. Edward en profita pour lui passer la main :

« Et toi, alors, ce serait quoi ta… O.K., te fatigue pas, je vois le genre », termina-t-il en notant qu'un sourire lubrique se dessinait tout de suite sur le visage rêveur de l'éphèbe. « J'imagine que ta journée "idéale" se déroulerait essentiellement dans la chambre, je me trompe ?

— Complètement.

— Ah oui ?

— T'as un trois pièces, chibi, et moi, j'ai un château. Ce serait quand même con de pas profiter de toutes les pièces qu'il comporte !

— Sauf qu'il est pas à toi, le "château", mais à ton père, et que là-bas, les murs ont littéralement des oreilles. Or, j'ai aucune envie de me taper des commentaires salaces au moment où je devrai botter le cul de ton paternel ou du voyeur qui te sert de frère, merci bien.

— Bah ! Si y a que ça, on squatte chez Greed. Lui, au moins, il est équipé.

— Mais qu'est-ce que t'as contre mon chez-moi ?

— Y a que ton frère, lui aussi, écoute aux portes.

— Tu me tues…

— Possible. Allez, question3 ! Si tu pouvais…

— Attends, y en a encore pour long ? » se renseigna Edward dans un bâillement. « Parce que je sais pas pourquoi, mais j'ai un de ces coups de barre, d'un coup…

— Ça m'étonne pas, tu m'avais déjà l'air crevé au téléphone, tout à l'heure », l'informa Envy avec une moue inquiète. « Grosse journée ?

— Ouais… Je suis claqué, je commence à avoir du mal à aligner deux idées », admit le blond en se frottant un œil. « Tiens, ben, tu sais quoi ? Pour une fois, à toi l'honneur ! » décréta-t-il, avant de se servir de l'eau bien fraîche, espérant que ça suffirait à le sortir de la torpeur qui s'était installée. « C'est quoi, la question ?

— "Si tu pouvais te réveiller demain avec une qualité ou un don, que choisirais-tu ?" » lut le brun, qui croisa ensuite les bras d'un air très concentré. « Hmmm… Côté qualités, je vois pas trop… » – Edward manqua de s'étrangler avec son verre devant tant de fatuité – « … mais côté dons, si, y a bien un truc qui m'intéresserait. » Il leva l'index. « La télépathie !

— Ah bon ? Pourquoi ? » s'enquit Edward avec une pointe d'inquiétude.

Malgré tout l'amour qu'il portait à l'homonculus, il devait avouer que le savoir capable de lire dans l'esprit des gens, vu la propension qu'il avait pu avoir par le passé à manipuler leurs sentiments, n'était pas pour le rassurer. Cela étant, l'Envieux avait pas mal changé, depuis… peut-être l'usage qu'il souhaitait faire de ce don était inoffensif, à la réflexion.

Peut-être.

« Eh ben… », commença Envy, alors qu'Edward était pendu à ses lèvres, redoutant de voir ses pires craintes confirmées. « Pour savoir ce qui peut bien se passer dans ta petite tête, parfois », fit-il en tendant la main pour lui tapoter le front d'un air attendri. « Ça m'intrigue. »

Edward, pris de court, rougit instantanément jusqu'aux oreilles. Il ignorait si la réponse était mieux que celle qu'il avait imaginée, mais une chose était certaine : elle était loin de le laisser de marbre. Il recula la tête pour échapper à ce contact qui le rendait tout chose et bafouilla :

« Y a… y a rien d'intéressant, là-dedans, pourtant…

— Ooooh, je suis persuadé du contraire ! » garantit Envy dans un sourire en ramenant sa main vers lui. Ses yeux plongèrent dans les siens. « Avec tout ce que tu dissimules à Al, je suis sûr que tu dois bien avoir un ou deux secrets pour moi, non ? » lança-t-il d'un air espiègle.

Edward, se rappelant leur dernière fois ensemble, durant laquelle Envy avait tenté de lui tirer les vers du nez pour découvrir ce dont il avait vraiment envie au lit, rougit de plus belle.

« P… Peut-être, mais ces choses-là sont censées rester cachées ! » bégaya-t-il en fuyant son regard. « Y a des trucs que t'as pas à savoir, pervers !

— J'ai un autre avis sur le sujet, mais passons. Et toi, alors ? Qu'est-ce que tu voudrais avoir, comme qualité ou comme don ? »

Edward saisit la perche tendue avec la précipitation d'un noyé qui se serait accroché à une bouée de sauvetage.

« Euh… Je pense que j'aimerais bien avoir… euh… ahem ! peut-être un don de guérison ? Quelque chose comme ça. Pour Al, à son retour », expliqua-t-il en tentant de calmer son petit cœur qui battait encore la chamade, ce qui faisait mauvais ménage avec sa fatigue. « Vu comme son corps est dénutri, ce ne serait pas du luxe. Si je peux lui épargner une longue rééducation… Ou alors…

— Ou alors ? » rebondit Envy, dont le sourire était quelque peu retombé.

« Eh bien… » Edward se frotta la nuque, toujours gêné. « Je pense que j'aimerais aussi avoir ton don », répondit-il, à la surprise manifeste de son partenaire. « Juste pour savoir… ce que ça fait, tu vois. De pouvoir se transformer à volonté comme tu le fais. Ça doit être cool. »

Envy, loin de tirer la tête cette fois, eut du mal à cacher son hilarité. Il pointa sa cuillère vers l'alchimiste et asséna :

« Dis plutôt que tu souhaiterais "savoir ce que ça fait" d'avoir dix centimètres de plus, hein, chibi ?

— Roh, la ferme ! » gronda le plus petit en retournant à son velouté pour se faire oublier, conscient d'avoir été percé à jour – quoiqu'une part de lui désirât tout de même sincèrement se mettre dans la peau de son amant, pour mieux le comprendre.

Face à cette culpabilité évidente, Envy ne manqua pas de renchérir :

« Réflexion faite, je sais même pas si j'aurais vraiment besoin d'être télépathe, vu que tout ce que tu penses est écrit en gros sur ta tête, ha ha !

— Mais arrête ! Passe à la suite, au lieu de m'embêter ! » s'écria Edward, qui hésita à lui jeter son bol de soupe à la tête (Envy : Et après, on dit que c'est moi qui suis sanguin et qui balance les trucs ! On croit rêver.).

« O.K., O.K., j'arrête », capitula l'androgyne en levant les mains en signe de reddition.

Il pouffa une dernière fois pour la route, reprit le magazine, s'éclaircit la gorge et annonça :

« Dernière question. »

Un silence s'ensuivit, assez long pour qu'Edward, qui refusait obstinément de le regarder après qu'il l'eut asticoté comme ça, relevât aussitôt la tête.

Il croisa le regard d'Envy qui, la tête appuyée sur ses mains, le fixait si intensément que ses pupilles n'étaient plus que deux fins fils au milieu de ses iris. Son sourire de tantôt demeurait… mais il était statique. Comme… figé.

« Si tu devais mourir demain, sans pouvoir parler à qui que ce soit, que regretterais-tu de ne pas avoir dit ? »

Edward fronça les sourcils. Outre le côté plus sérieux de la question en elle-même, il y avait aussi quelque chose dans le ton de l'homonculus qui le fit tiquer. L'atmosphère… avait changé, tout à coup.

Il n'aurait su dire pourquoi, mais il avait l'impression que, sur ce coup…

Quelque chose d'important se jouait.

Sans doute cette question revêtait-elle une importance particulière pour Envy. Edward décida donc de la considérer sérieusement et, après de longues secondes de réflexion, sut ce qu'il lui fallait répondre.

Quelque chose qu'il n'avait jamais dit jusqu'ici, mais qui lui brûlait les lèvres… aussi bien que le cœur.

Quelque chose qu'il regretterait d'emporter dans la tombe, si jamais il devait périr lors du Jour promis.

C'était évident, il n'y avait pas à hésiter.


Choix 1 : « Je t'aime… à Al. »

Choix 2 : « Je t'aime… à toi. »



Hé hé… Voici le moment de vous départager ! Car cette histoire, comme annoncé dans la note, peut se finir de deux manières différentes, et c'est à vous de choisir comment. Alors, choisissez vite, mais choisissez bien ! Et une fois que vous serez décidé, vous n'aurez qu'à choisir le chapitre suivant associé. À tout de suite pour la réponse de votre choix ~


White Assassin