Ce texte est un OS écrit lors de la participation à l'ASPIC (Ateliers Scripturaux Promouvant l'Imagination et la Créativité) Secret Santa organisé par le serveur Discord Potterfictions.
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La personne que j'ai pigée est : Vince !

Un gros merci à Akhmaleone pour la beta ainsi qu'aux organisatrices pour le délai supplémentaire de rémise de l'OS ❤️

Vince, j'espère que tu aimeras ma tentative d'écriture avec ce ship. J'ai essayé de les écrire plus jeunes, mais le texte refusait de s'écrire. Je te souhaite un Joyeux Noël !
Ps : Beaucoup de fluff à venir, tu es prévenu.


1er décembre 1998

L'écorce du saule lui creusait entre les omoplates. Harry s'en balançait. Il aurait aimé dire qu'il se foutait de tout, mais ç'aurait été totalement faux. Il se souciait de tout. La brise froide lui pinçait les joues et des larmes se formaient à l'angle de ses paupières. Du revers de la main, il essuya les vilaines perles translucides qui osaient se montrer. Ce n'était que la brise. Une nouvelle fois, c'était complètement faux.

Les bras du saule menaçaient l'endroit, sa présence à sa base insignifiante pour le majestueux arbre. Le dos contre son tronc, les yeux rivés sur la surface noire du lac, Harry se perdit une fois de plus dans ses pensées. Triste spectateur de sa propre vie, il avait cette impression de disparaître un peu plus chaque jour. De n'être qu'un fantôme de lui-même qui observait le flot vital se mouvoir sans parvenir à sauter dans le courant.

Les nuages s'assombrissaient, haut dans le ciel. Il allait pleuvoir. En ce premier décembre, une petite couche de neige aurait pu mettre un baume apaisant sur son âme et sa langueur. Harry avait toujours aimé la période des fêtes à Poudlard. Pourtant, cette huitième année était loin de lui fournir le calme et la joie qu'il aurait dû ressentir. Malgré les réparations dans le château, Harry avait cette impression d'apercevoir des spectres de la bataille à chaque couloir, chaque tournant.

Dans les semaines qui avaient suivi la bataille de Poudlard, Harry avait célébré comme tout le monde. Dans les faits, ce n'était pas sa première victoire contre Voldemort, mais cette fois-là avait une signification différente, il le croyait. La rentrée scolaire était arrivée et Harry avait rejoint les rangs de ceux qui désiraient finir leur scolarité et terminer Poudlard sur une note positive. Pourtant, son moral semblait s'enliser de jour en jour depuis septembre. Il entraînait les jeunes Gryffondors au Quidditch sans trop de passion, suivait ses cours comme un automate et côtoyait ses amis sans, réellement, s'impliquer.

Les premières gouttes s'abattirent sur les verres de ses lunettes et il les ignora.

La pluie était froide. Il était dramatique.

D'un coup de baguette, il se protégea de l'onde et se redressa sur ses deux pieds. L'espace d'un instant, l'ankylose de sa position contre l'arbre faillit lui faire perdre l'équilibre. Il ne manquerait plus que ça. Les larmes finirent de sécher sur ses joues. Les commissures de ses lèvres se retroussèrent avec effort. Harry avait toujours trouvé que se forcer à sourire l'aidait à feindre devant les autres. Il n'avait vraiment pas envie d'attirer l'attention aujourd'hui. Et il avait remarqué qu'avoir l'air déprimé lui attirait toujours les opinions et conseils débiles de ses camarades.

Les gouttes d'eau frappaient avec force contre ses protections magiques alors que ses pieds le guidaient en automatique vers l'entrée du château. Il suivit deux jeunes cinquièmes années par l'embrasure de la porte qui menait au Grand Hall. Les deux garçons rigolaient avec cette innocence que Harry leur enviait. Il avait oublié leurs noms, mais savait qu'il leur avait enseigné dans le cadre du tutorat en Défenses contre les Forces du Mal, parce que c'était ça que l'ancien Harry faisait… Donner de son temps pour aider les plus jeunes. Les deux garçons lui rappelaient Ron et lui au même âge, toujours fichu ensemble.

Les deux Poufsouffles coururent vers les cuisines, leurs rires se réverbérèrent sur les murs de pierres. Harry eut un pincement au cœur. Il voulait vraiment retrouver cette partie de lui qui semblait s'être volatilisée avec la mort de Voldemort. Il tourna vers l'escalier de la tour de Gryffondor quand un cri perçant l'obligea à revenir sur ses pas, le cœur battant la chamade.

Sa grisaille éternelle revint d'un coup quand il vit simplement un des jeunes coincés contre le mur dans un piège de gui qui devait avoir été installé par un autre Poufsouffle pour ses camarades. Ils étaient inoffensifs, un simple baiser sur la joue ou une poignée de main pouvait les désarmer. La directrice les avait mis en garde contre ceux qui allaient à l'encontre du consentement. Le règlement était apparu après qu'un Serpentard eut réussi à coincer un étudiant et un professeur pendant près d'une heure avant qu'un autre membre du corps professoral n'intervienne.

Harry s'apprêtait à repartir quand il aperçut le plus petit se lever sur la pointe des pieds pour déposer un baiser chaste sur les lèvres de l'autre. Celui-ci rougit au point que tout le Hall l'aurait vu si Harry n'avait pas été le seul à observer la scène comme un imbécile. Le piège disparut et les deux gamins se fixèrent. Les pieds de Harry le gardaient collé à sa place. Ils échangèrent un deuxième baiser timide avant de repartir avec de grands sourires.

Harry soupira. Voilà, un autre évènement qui n'aidait pas son état émotif. Même les jeunes avaient l'air de mieux vivre leur adolescence que lui. Il tourna les talons et tenta de repousser les images qui s'imposaient dans sa tête. Cette envie d'un baiser interdit, le besoin de fixer le plancher dans le dortoir afin d'éviter que son regard se promène. Comment avait-il fait pour ne pas réaliser avant cette année ? Il n'en avait aucune idée. Son cerveau lui semblait incapable de l'ignorer désormais. Peu importait combien de fois Harry tentait de le convaincre du contraire. Ce béguin devait cesser.


L'ambiance familière de la salle commune de Gryffondor l'accueillit comme une couverture chaude. L'émotion avait un petit goût doux-amer pour Harry. Il aurait tout donné pour ressentir le confort complet de ses souvenirs. Le rire d'Hermione attira son attention vers l'âtre. Elle échangeait des notes de cours avec Parvati tout en discutant tranquillement.

— C'est pas sérieux ! fit Seamus d'une voix exaspérée.

Un autre rire qu'il adorait, plus encore depuis quelques mois, s'éleva dans la salle commune. Cette jovialité coula sur lui comme une caresse et le timbre titilla ses neurones d'une manière fort agréable.

— J'aime que tu gardes encore espoir, ricana Ron.

Ron devait être à sa centième victoire face à Seamus. Il fallait rendre à César ce qui lui appartenait : l'irlandais était tenace.

Seamus se contenta de hausser les épaules d'un air désinvolte avant de prendre la direction des dortoirs. Ron s'aperçut finalement de son arrivée et le rouge monta aux joues de Harry. Il n'avait aucun contrôle sur sa personne. Un sourire factice aux lèvres, il approcha ses meilleurs amis.

— Tu as besoin d'aide avec ton devoir de potions ? s'enquit Hermione au même moment où Ron lui demandait s'il voulait aller faire un tour sur le terrain de Quidditch après la pluie.

Harry n'était pas dupe. Il avait conscience que ses amis s'inquiétaient pour lui, qu'ils se demandaient ce qui se passait avec lui. S'il était facile de berner les autres, Harry, Hermione et Ron se connaissaient trop bien après cette dernière année pour pouvoir leur masquer sa condition. Il espérait simplement que sa confusion, quand il s'agissait de Ron, elle, demeurait dissimulée.

La relation entre Ron et Hermione avait duré un total d'une semaine et trois jours avant qu'ils ne réalisent que leurs émotions avaient été voilées par la guerre. Harry n'en avait pas fait grand cas sur le coup, mais il se demandait si ses sentiments auraient pris cette tangente, pour le moins surprenante, s'ils étaient restés en couple.

Il s'affala dans la chaise laissée vacante par Seamus. Comme d'habitude, les premières années lui jetaient des regards en biais. Il ne s'y accoutumerait jamais. Les plus vieux avaient grandi avec lui et avait fini par ne plus s'intéresser au grand Harry Potter, ce qui n'était pas le cas des plus jeunes.

— J'ai terminé, mais si ça te dérange pas d'y jeter un coup d'œil ? Les informations sur les propriétés des potions antiseptiques m'ont laissé perplexe.

— Avec plaisir, répondit-elle avant de retourner discuter avec Parvati.

Harry tomba dans la lune les yeux fixés sur les doigts de Ron qui ramassait les pièces déchues de sa partie d'échecs version sorcier. Chacune de ses phalanges était couverte de taches de rousseur, comme de petites constellations uniques à chacun de ses doigts.

— La Terre appelle la Lune, dit Ron.

Le sursaut qui l'agita dut être digne d'une comédie parce que son meilleur ami éclata d'un rire profond.

— Quidditch ? Plus tard ? répéta Ron.

— Euh, j'ai entraînement avec l'équipe plus tard, si le temps se calme.

Tous les mardis, Ron semblait oublier que Harry entraînait les plus jeunes. Ils étaient tous les deux interdits de match durant leur huitième année.

— C'est vrai ! Tu penses toujours organiser une partie amicale avant les fêtes de Noël ? Inviter les premières années à rester dans les tribunes, et nous laisser, nous pauvre vieux, retourner un moment sur le terrain ?

Le cerveau de Harry se mit à tourner. Est-ce que ses camarades de maison aimeraient réellement cela ? Il avait déjà tellement à organiser dans le mois à venir, et l'énergie lui manquait déjà… Ou la motivation. L'ancien Harry aimait aider tout le monde, tout le temps. Le nouveau Harry trouvait cela épuisant.

— Oui. Pourquoi pas ? s'entendit-il répondre. Je vais vérifier auprès de Madame Bibine les heures où le terrain serait disponible. Et je verrai si mes joueurs sont partants ce soir.

Ron fourra une poignée de caramel dans sa bouche avant d'articuler sa prochaine idée.

« Voilà qui est un brin moins attrayant », pensa Harry.

— Ah, aussi, ton secret Santa t'a laissé un paquet sur ton lit ce midi, baragouina Ron.

Harry se leva et son sourire forcé refit son apparition, ce que Ron remarqua en un instant. Il lui serra l'épaule amicalement et l'attira contre lui.

— Laisse-toi le temps, mon vieux, murmura Ron.

Il ne s'attendait pas à un conseil plus poussé venant de son meilleur ami, mais Ron aurait pu lui susurrer « Les veracrasses sont nos amis » dans l'oreille que Harry n'aurait pas eu une réaction différente. Il se raidit. Ron lui tapota l'épaule à nouveau, comme s'il comprenait sa réaction. S'il avait su que c'était l'odeur de son pull, qui lui rappelait le Terrier, mêlé à l'arôme sucré qui le suivait partout et à la chaleur qui émanait toujours de lui qui l'avait saisi, comment aurait-il réagi ? Harry se dirigea vers le dortoir afin de masquer le rouge qui colorait davantage ses joues.

La vieille porte de bois grinça sur ses gonds lorsqu'il la referma. Ron n'avait pas menti, un petit paquet, enveloppé un peu maladroitement, trônait au pied de son lit. Un long ruban rouge portait la mention : Pour Harry, de ton secret Santa.

Un autre truc qu'il avait aidé à organiser sans grande motivation. Tous les huitièmes années participaient dans un projet intermaison. Ils avaient tous pioché le nom d'un autre étudiant et durant tout le mois, sans obligation de fréquence, il devait faire vivre la magie de Noël à cette personne par de petites attentions.

Le papier céda avec facilité sous ses doigts. La boîte brune à l'intérieur était maintenue fermée par de multiples bandes de rubans adhésifs. Harry se débattit un moment avec celle-ci avant qu'un petit objet tombe sur ses draps. Un mot se trouvait dans le fond de la boîte.

Afin que chaque jour tu aies une raison de sourire. Je me réjouis d'être ton secret.

L'objet était petit et semblait si banal, mais il alla droit au cœur de Harry. Un petit balai taillé dans une pierre. Les lignes inégales et brutes démontraient que la personne l'avait sûrement sculpté elle-même. Quelqu'un avait pris le temps de lui fabriquer un petit bibelot qui le représentait. Là où Harry avait choisi d'acheter la plupart de ses cadeaux, cette personne avait mis une réelle attention et du temps personnel pour lui faire plaisir. Harry en fut touché.

Allongé sur sa couette, il tourna le petit objet entre ses doigts. Ron avait raison, il devait essayer d'avancer un jour à la fois. Après avoir broyé du noir toute l'avant-midi sous l'arbre dangereux, il revenait ici, entouré de gens qui l'aimaient.


5 décembre 1998

Une longue écharpe rouge se déroula hors de l'emballage de fortune. Chaque jour, Harry avait un peu plus hâte de trouver ces paquets enveloppés avec originalité. Le foulard, loin d'être de la qualité de Madame Weasley, avait quelque chose de familier qui lui fit quasiment monter les larmes aux yeux. Même les multiples trous dans les mailles, les petites erreurs à droite et à gauche, suintaient la douceur du geste. Quelqu'un lui avait tricoté une écharpe et c'était probablement la première fois pour cet individu. Juste pour lui.

Il l'enroula autour de son cou, la laine piquait, mais il s'en fichait, c'était un beau cadeau. Son secret Santa méritait de savoir à quel point Harry appréciait sa gentillesse. Toujours en pyjama en ce samedi matin, il descendit les marches qui menaient à la salle commune.

— Belle écharpe, souligna Ginny avec un sourire en coin alors qu'elle montait l'escalier en sens inverse, les bras chargés de bouquins.

Avec un sourire sincère, Harry continua son chemin. Hermione était assise dans sa chaise préférée près de l'âtre, une montagne de parchemins autour d'elle. Sa plume piquée dans les cheveux, elle semblait galérer à la lecture d'un paragraphe. Il prit place dans l'assise opposée. L'odeur du bois qui brûlait était réconfortante, il s'autorisa un grand soupir d'aise.

Sa meilleure amie leva finalement le regard dans sa direction.

— Bien dormi, Harry ? s'enquit-elle.

— Ça va. Et toi ?

— J'ai terminé tard hier soir, dit-elle.

Elle pointa la montagne de travaux qui l'entourait. La pile de droite menaçait de s'effondrer et Harry la redressa doucement.

— Merci, mais, sans blague, comment tu vas ? ajouta-t-elle.

Sa petite main froide se déposa sur son avant-bras comme pour le rassurer.

— Je sais, Hermione, que je devrais être content et tout…

Il coupa sa phrase. Harry n'avait jamais été très bon pour exprimer ses émotions. Un peu comme si personne ne lui avait jamais enseigné comment faire… Il soupira de nouveau.

— Je sais que je suis ridicule à être dans ma tête comme ça, finit-il. J'ai des gens qui m'aiment, des amis, de l'argent…

Ses doigts caressèrent, comme d'un automatisme rassurant, le lainage de son écharpe.

— Harry, avoir des choses, des proches, n'invalide pas comment tu te sens. Tu as le droit d'être triste, d'être fatigué, d'être dans ta tête. Je t'aime de la même manière, que tu sois solaire comme tu sais l'être, ou que tu aies besoin d'un immense câlin et de temps pour guérir de ses dernières années. On te comprend, tu sais.

Avec un sourire contrit, il s'affala sur le peu d'espace vide de la table. Bien sûr qu'il savait tout cela. Il fallait juste qu'il se le rentre dans la tête justement. Une main lui caressa les cheveux et il crut qu'il allait se rendormir à même le bois.

— Oh, moi aussi je veux qu'on joue avec mes cheveux, fit la voix de Ron derrière lui.

Il tira une chaise à côté de Harry et écrasa sa tête contre son épaule. D'un mouvement vif, il s'empara de la main de Harry et la déposa sur son crâne. Harry se retrouva avec une masse de cheveux roux entre les doigts et les joues brûlantes, encore. Du coin de l'œil, il vit l'étrange sourire de Hermione.

« Elle sait. Elle a compris mon secret », pensa Harry. Il était foutu.

Pour faire plaisir à son meilleur ami, ses doigts glissèrent entre les mèches et grattèrent comme Ron aimait. Il était foutu.

— Okay, dit-il en se relevant rapidement. Il fait trop chaud ici pour une écharpe et un pyjama. Je m'habille et on descend pour le petit-déjeuner ?

— J'ai tellement faim ce matin, se plaignit Ron, dépêche-toi !

— Tu as tellement faim tous les matins, Ron, entendit-il Hermione dire alors qu'il s'éloignait avec son embarras.


12 décembre 1998

Les flammes dansaient dans la cheminée de la Salle commune de Gryffondor devant laquelle Ginny, Hermione, Ron et Harry s'étaient amassés. Ils attendaient impatiemment que le brasier prenne forme. Harry mangeait ses truffes chocolatées faites maison. Son secret Santa devait avoir soudoyé les elfes pour avoir accès aux cuisines et l'idée faisait rigoler Harry comme un imbécile. Ces deux dernières semaines avaient été douces pour lui. Il avait hâte de découvrir l'identité de son secret Santa. Les petites attentions étaient toujours très personnelles, originales et un peu chaotiques, mais c'étaient les mots qui venaient avec les cadeaux que Harry appréciait le plus. Excepté celui de ce matin.

D'un simple « Passe une belle journée, Harry », à « Tu mérites tout le bonheur ». Les notes étaient différentes tous les jours. Ce matin, il avait ouvert une boîte rafistolée qui contenaient des truffes et un petit carton où étaient écrit : Certains secrets devraient être révélés pour être heureux. Depuis, il essayait fort de ne pas laisser son anxiété prendre le dessus, mais il n'avait qu'un seul secret après tout…

Les mouvements dans l'âtre le sortirent de sa contemplation. Le visage de Charlie Weasley se matérialisa au cœur des flammes.

— Joyeux anniversaire, s'écrièrent-ils tous en chœur.

Des camarades de classe sursautèrent avant de retourner à leurs occupations. Ils discutèrent un moment avant de laisser Charlie retourner à ses dragons. Le match de Quidditch amical de Gryffondor avait lieu cet après-midi. Et pour une fois, Harry avait pris plaisir à l'organiser. Il avait été jusqu'à en faire un évènement plus complexe que prévu. La chorale de Poudlard serait présente et un goûter spécial serait servi dans la tour après la partie. Il était fier de ce que Ron et lui avaient mis en place et l'ambiance était des plus festives grâce à eux. Harry laissa donc son anxiété de côté et tenta de se concentrer sur l'important.


19 décembre 1998

Quelques jours avant les vacances de Noël, la neige fit enfin son apparition au plus grand bonheur de Harry. Il avait cette impression de guérir un peu plus chaque jour. La couche blanche craquait sous les pas de Harry, Ron et Hermione alors qu'ils marchaient le long de la rue principale de Pré-au-Lard, enveloppés dans leurs écharpes chaudes aux couleurs de Gryffondor. Le village entier brillait sous une couche de givre, et les fenêtres des boutiques scintillaient de décorations de Noël. Des guirlandes lumineuses ensorcelées pendaient d'un côté à l'autre de la rue, et de légers flocons flottaient dans l'air, ajoutant à l'ambiance magique de la période festive.

Pour la première fois, depuis longtemps, Harry se sentait complètement léger, presque insouciant. Cette journée ressemblait enfin à cette renaissance qu'il avait tant espérée après les événements sombres de l'année précédente. Hermione semblait détendue, son visage illuminé par un sourire alors qu'elle regardait les vitrines remplies de cadeaux magiques. Quant à Ron, il affichait une mine joyeuse et ses yeux scrutaient déjà l'entrée de Honeydukes.

— Alors, qu'est-ce qu'on commence par acheter ? demanda Ron avec enthousiasme. Des Chocogrenouilles ou des Fizwizbiz ?

— Tu veux dire, qu'est-ce que tu veux acheter ? rit Harry.

Ils franchirent la porte de la confiserie et l'odeur sucrée du caramel et de la menthe poivrée les enveloppa instantanément. L'intérieur était bondé d'élèves de Poudlard, tous aussi émerveillés par les rayonnages débordants de bonbons. Hermione, fidèle à ses habitudes, se dirigea directement vers les plumes mentholées, tandis que Ron attrapait déjà une poignée de chocolats.

Harry, quant à lui, resta en arrière et observa ses amis avec un sourire doux. Quelque chose dans la façon dont Ron riait en montrant une sucette ensorcelée à Hermione le faisait se sentir… étrange. Depuis quelques semaines, il avait remarqué que ce léger serrement dans sa poitrine augmentait toujours drastiquement chaque fois que Ron était près de lui. Et si ce n'était pas désagréable, cela le laissait perplexe.

Ron se tourna vers lui, le visage encore rougi par l'air frais.

— Harry, t'as vu ça ? Des sucres d'orge qui explosent dans la bouche ! T'en veux un ?

Harry hocha la tête, incapable de répondre tout de suite. Le sourire de Ron était contagieux.

Après leurs achats, les trois amis décidèrent de s'arrêter aux Trois Balais. L'auberge était animée et une douce mélodie de Noël jouée par un groupe de sorciers emplissait la pièce. Ils s'installèrent à une table près de la cheminée, où un feu vif réchauffa leurs mains engourdies.

Madame Rosmerta arriva rapidement avec trois Bièraubeurres fumantes, et Ron leva sa chope.

— À nous ! Et à un Noël sans devoir sauver le monde !

Hermione éclata de rire et trinqua avec lui, tandis que Harry, plus pensif, suivait le mouvement. Il but une gorgée et savoura la douceur caramélisée, tout en jetant un coup d'œil furtif à Ron. Les reflets dorés du feu dans les cheveux roux de son meilleur ami lui semblaient étrangement captivants.

— Harry, ça va ? demanda Hermione, le tirant de ses pensées.

— Hein ? Oui, oui, ça va. Juste… beaucoup de choses dans la tête.

Hermione échangea un regard complice avec Ron, mais Harry remarqua que ce dernier le fixait avec une lueur curieuse dans les yeux. Cela ne fit qu'ajouter à sa confusion. Pourquoi son cœur battait-il si fort sous le regard de Ron ?

La conversation continua, légère et ponctuée de rires. Ils parlèrent des cadeaux qu'ils comptaient offrir et de leurs projets pour le reste des vacances. Ron raconta une anecdote sur son père qui avait trouvé un grille-pain enchanté, et Harry ne put s'empêcher de sourire, même si son esprit vagabondait ailleurs.

Lorsqu'ils sortirent enfin des Trois Balais, la neige avait cessé et laissé la place à un ciel clair parsemé d'étoiles. Harry marcha aux côtés de Ron, leurs épaules se frôlant parfois. Cela suffit à faire naître une chaleur diffuse dans sa poitrine qui contrastait avec le froid mordant.

Alors qu'ils approchaient de Poudlard, Harry se surprit à souhaiter que la promenade dure un peu plus longtemps.

Joyeux Noël

Les divines odeurs de la cuisine de Madame Weasley les assaillirent dès qu'ils mirent les pieds dans la demeure. Elle les avait envoyés faire quelques achats de dernières minutes. Leurs bottes posées devant la cheminée afin qu'elles sèchent, Harry, Hermione et Ron se rendirent à la cuisine afin d'offrir leur aide. C'était la tradition chez les Weasley, tout le monde mettait la main à la pâte afin de préparer les festivités du soir. Harry adorait cette période et il avait enfin l'impression d'avoir repris pied après la grisaille du début de sa huitième année.

Les jumeaux débarquèrent à leur tour. D'un baiser sonore sur la joue de sa mère, Fred vola un petit gâteau dans l'immense pile sur le comptoir.

— Fred Weasley, dépose ce gâteau maintenant.

Il lui sourit de toutes ses dents, la pâtisserie avalée depuis un moment.

— Allez préparer votre chambre, votre frère et Fleur la prendront ce soir avec le bébé, commenta Molly.

— On va dormir où ? s'enquit George scandalisé.

— Avec Charlie ! Allez, nous n'avons pas le temps aujourd'hui, renchérit-elle.

Fred et George disparurent dans le grand escalier qui montait vers les multiples chambres du Terrier.

Molly leur fournit chacun une liste qui les garderait occupés pour la journée. Là où Ron ronchonna, Harry était content d'installer les décorations et de préparer la maison pour recevoir famille et amis ce soir-là.

— Le dernier en bas récure les salles de bain ! dit Ron.

Il dévala les escaliers à la vitesse de l'éclair.

— C'est de la triche ! s'exclama Harry.

Il partit à sa poursuite.

— Ah ! cria Ron, plus bas.

Harry accéléra le pas, mais comprit rapidement la réaction de son meilleur ami. Ils étaient tous les deux pris dans un piège de gui désormais. Ron trouva la situation hilarante vu que Harry était quasiment suspendu par les pieds dans l'espace restreint du premier palier.

— Donne-moi ta main, imbécile ! fit Harry, un sourire aux lèvres.

Ron glissa ses doigts contre les siens, mais rien ne se produisit.

— Les nouvelles règles de Poudlard ne fonctionnent pas, on dirait, conclut Ron.

— Que… quoi ?

— Fais pas cette tête, vieux !

Ron se balança dans ses liens et déposa ses lèvres sur sa joue, juste à la commissure de celles de Harry. Il fut si surpris qu'il ne prit pas garde et atterrit durement au sol.

— La course est toujours en cours, cria Ron, qui déguerpit.

Harry était figé sur le palier. Ses doigts passèrent sur sa joue et tracèrent la marque invisible que les lèvres de Ron y avaient laissée. Il était de nouveau foutu.

— Ça va, Harry ? s'enquit Hermione.

Elle lévitait un vaisselier entier vers la salle à manger.

— Euh, oui, oui. Euh, je vous rejoins.

Il avait besoin de se ressaisir. Un Noël en famille, il ne souhaitait qu'un Noël tranquille en famille. Ses sentiments et sa confusion devaient cesser maintenant.


La neige tombait encore doucement sur le Terrier et recouvrait les champs environnants d'un épais manteau blanc. Le décor qu'on voyait par la fenêtre du salon était féerique et glacial. La grande table était presque prête à accueillir tous les convives et débordait déjà de plats somptueux préparés tout le long de la journée. Le parfum des tourtes, des puddings et de la fameuse dinde rôtie de Molly embaumait l'air et créait une atmosphère chaleureuse et réconfortante qui serra le cœur de Harry. Il était plus facile pour lui d'accepter sa chance maintenant que son cœur semblait un peu plus en paix, bien qu'il battait un brin trop vite par moment.

Harry avait l'habitude de ses festivités de réveillon avec sa famille adoptive. En revanche, ce soir, la maisonnée était encore plus remplie que d'habitude. Les Lovegood et les Diggory étaient présents puisqu'ils faisaient partie du voisinage, et tous les enfants Weasley avaient pu faire le voyage jusqu'au Terrier. L'ambiance était animée, ponctuée de rires, de blagues et du tintement des couverts alors que chacun mettait la main à la pâte pour aider à finaliser la table.

Fred et George, fidèles à leur réputation, avaient réussi à glisser des bonbons farceurs dans certaines assiettes. Quand Ron s'assit pour vérifier son couvert, il se retrouva avec des moustaches luminescentes et un nez qui sifflait chaque fois qu'il respirait. Fred refila l'antidote à Ron après l'hilarité général, celui-ci revint à la normale avec des pommettes rougies en surplus. Toute la journée, les petits elfes de Madame Weasley avaient été les victimes des jumeaux qui profitaient de toutes les occasions pour tester de nouveaux produits.

Le dîner fut servi dans une ambiance de fête. Molly avait préparé des portions généreuses pour tous, et Arthur racontait des anecdotes amusantes sur les moldus.

— Saviez-vous, commença-t-il, que les moldus ont des boîtes lumineuses qu'ils appellent télévisions pour regarder des choses comme… du sport et des drames ?

— Il est même possible d'y jouer à des jeux, confirma Hermione.

Arthur ouvrit de grands yeux, fasciné, avant que Fred et George ne proposent d'en inventer une version magique pour leur boutique.

Harry eut l'impression de manger pendant des heures et de discuter avec, littéralement, tous les convives présents. Monsieur Lovegood était toujours aussi expressif, bien qu'il semblât extrêmement repentant pour la dernière fois qu'ils s'étaient vus.

Après le dîner, tout le monde se réunit dans le salon pour ouvrir les cadeaux. Comme d'habitude, Molly avait tricoté des pulls pour chacun, et, cette année, elle avait même ajouté des motifs festifs. Celui de Harry arborait un motif en forme de Vif d'Or, tandis que celui de Ron était orné de petits balais volants.

Fred et George offrirent à chacun un échantillon de leurs nouveaux produits farceurs, et Luna, toujours aussi excentrique, offrit des boucles d'oreilles en forme de strangulot à Hermione, qui les accepta avec un sourire amusé. Chaque élève de Poudlard avait aussi un petit quelque chose de leur secret Santa à ouvrir. Harry avait hâte de connaître l'identité du sien. L'étui de cuir, gravé à son nom, pour ses lunettes était très beau et une nouvelle fois semblait avoir été fait à la main par cette personne un peu maladroite.

Tout vient à point à qui sait attendre. Joyeux Noël, Harry.

La soirée culmina avec une bataille de boules de neige magique dans le jardin. Les sorts fusaient dans toutes les directions et rendaient les boules de neige plus rapides, plus grosses, ou carrément colorées.

De retour à l'intérieur, tout le monde se retrouva autour d'un chocolat chaud ou d'un petit digestif qui réchauffait l'âme. La fatigue commençait à se faire sentir, mais les sourires sur les visages disaient tout. C'était un moment de répit bienvenu, une soirée où les horreurs de la guerre semblaient appartenir à un passé plus lointain.

Harry regarda autour de lui et absorba l'image de cette famille qu'il considérait comme la sienne. Pour la première fois depuis longtemps, il se sentait totalement en paix.

— Tu as l'air heureux, lui murmura Hermione en lui serrant la main.

— Je pense que je le suis, répondit-il doucement.

— Je monte me coucher, tu suis ? proposa-t-elle dans un bâillement.

— Je vais rester un moment.

Malgré lui, son regard tomba sur Ron, qui discutait avec entrain avec Charlie près du feu. Hermione lui sourit d'un air entendu qu'il commençait à bien connaître tant il l'avait vu ces dernières semaines. Il secoua la tête en signe de négation.

— Nah, les Canons vont gagner cette année, s'obstina Ron.

— Aucune chance ! C'est pas que j'aime pas les Canons, mais les Faucons sont trop forts pour ton équipe Ron !

— Je sais pas, Charlie. Le nouvel attrapeur des Canons va créer des surprises, je crois, ajouta Harry.

— Deux contre un, on gagne, fit Ron d'un ton puéril à souhait, mais qui fit sourire Harry.

Le regard de Ron demeura sur lui un brin trop longtemps pour être naturel aux yeux de Harry. Voilà qui était étrange. Il termina son verre d'hydromel d'une traite.

— Je vais me coucher, dit Harry. Fred et George vont sans doute nous réveiller avec une mauvaise blague, autant avoir quelques heures de sommeil.

— Bonne idée, fit Ron en se levant du canapé dans lequel il était affalé depuis un moment.

Ils traversèrent silencieusement la maison vers la chambre de Ron, toujours située sous le grenier. L'air froid de la pièce les assaillit avant que Ron ne règle le tout d'un sortilège rapide. Leurs deux petits lits étaient de chaque côté de la pièce. Il manquait un oreiller sur celui de Harry.

— Ron, il me manque…

Sa question demeura en suspens puisque la vision d'un Ron, torse nu, combiné à l'hydromel, court-circuita son cerveau à cet instant.

Ron leva un sourcil bien haut.

« Voilà », se dit Harry, « pris en flagrant délit cette fois ».

— Il te manque ?

Sa bouche était sèche comme s'il avait mangé une bouchée d'ailes de Billywig. Un sourire étira les lèvres de Ron, qui ne se dépêcha pas de mettre son pyjama.

— C'est peut-être un bon moment pour me dire ton secret, tu penses ? dit Ron. Certains secrets peuvent rendre heureux quand ils sont révélés au bon moment.

Les yeux de Harry s'affolèrent et plongèrent dans ceux de son meilleur ami.

— C'est toi ? Les cadeaux et les petits mots ? demanda Harry.

Le changement de sujet ferait peut-être diversion.

— Harry ?

— Hum ? répondit-il en feignant l'innocence.

Ron s'avança vers lui. Il devait avoir les joues écarlates une nouvelle fois. Ses yeux refusaient de quitter la moquette orange. Deux doigts se glissèrent sous son menton et l'obligèrent à le regarder. Harry remarqua leur proximité pour la première fois et il aurait eu un mouvement de recul si ses pieds avaient encore été connectés avec son esprit.

— J'aime ton sourire, murmura Ron. Le vrai. Celui que tu avais quand tu ouvrais mes cadeaux vers la fin du mois. Celui qui apparaît quand ma mère te serre trop fort. Ou celui que tu avais il y a quelques minutes en me regardant.

— Mon sourire…

Harry se doutait qu'il devait sonner complètement disjoncté.

— Celui que tu as quand Hermione te rassure que tout ira bien est bien, mais mon préféré est celui que tu me fais quand tu penses que je te vois pas.

Voilà, il était foutu pour de bon.

— Je m'excuse, bafouilla-t-il, je devrais, j'ai essayé de pas, j'ai tenté de…

Des lèvres douces interrompirent sa tirade sans fin. Chaude, agréable, un simple baiser auquel Harry oublia de répondre avant que le contact ne se rompit.

Sans attendre, il embrassa Ron à son tour. Si c'était le fruit de son imagination, il allait tout de même en profiter. Son cœur s'emballa, son corps s'emballa. Il allait s'évanouir. Ron rompit le contact à nouveau. Ses yeux fixèrent le petit lit de Harry.

— Les jumeaux ont dû prendre ton oreiller pour camper dans la chambre de Charlie. Allez, le mien est assez grand pour nous deux, ajouta-t-il et il poussa vers son lit.

Il dut lire la panique dans le regard de Harry car il précisa.

— Pour dormir, je dirai pas non à t'embrasser encore, mais je pense qu'on doit parler demain matin, à tête non alcoolisée.

Harry hocha la tête et accepta volontiers de se blottir près de son meilleur ami pour la nuit. Il craignait la discussion du lendemain, mais, pour l'instant, son secret semblait partagé.

— J'aime aussi ton sourire, soupira-t-il simplement avant de fermer les yeux sur une nuit paisible et sans cauchemars.


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Joyeux Noël à tous !