Stiles n'avait aucune idée d'où pouvait venir cette satané fatigue, mais elle était là et il devait faire avec. Il ne se souvenait pourtant pas avoir passé de trop mauvaises nuits ces temps-ci. Elles étaient, disons… Classiques, avec quelques réveils nocturnes de temps à autres. Rien qui ne change de l'ordinaire, en somme.
Le jeune homme passa en revue l'inventaire de sa valise. Mais même après l'avoir fait, il se sentait obligé de recommencer, persuadé qu'il avait oublié quelque chose et qu'il s'en mordrait les doigts une fois à Beacon Hills. Sauf que tout était bon, il ne manquait rien. Il n'avait plus qu'à descendre au parking. Conduire dans cet état ne l'enchantait pas, mais il était hors de question qu'il repousse l'heure de son départ parce que de la route, il en avait et des pauses, il en ferait. Inutile donc de se retarder davantage même si, pour une raison qu'il ignorait, rassembler ses affaires et faire sa valise l'avaient essoufflé. Lorsqu'il reviendrait, il lui faudrait se remettre en forme – et il entendait par là faire du sport de manière un peu plus régulière et intense, comme au début de sa formation. Ces temps-ci, il se laissait beaucoup aller à ce niveau-là, la faute à cette espèce de lassitude qui le prenait depuis un moment déjà. Stiles avait pour habitude d'adorer son métier, qu'il avait longtemps considéré comme une vocation. Ça l'était toujours, simplement… Quelque chose était venu obscurcir son jugement au point qu'il se levait désormais, le matin, avec l'envie de trouver une excuse pour pouvoir rester dans son lit.
Enfin techniquement, tout ceci devrait s'arranger. Il s'était juste un peu lassé et c'était notamment en cela que son petit séjour à Beacon Hills lui ferait du bien – même s'il ne s'agissait pas là de la principale raison pour laquelle il avait choisi d'y aller. Son supérieur, qu'il connaissait bien, le lui avait accordé sans problème… Ce qui ne l'avait pas empêché de le rabrouer légèrement quant au fait qu'il le prévenait bien tard. Par chance, sa brigade ne manquait pas d'effectifs.
Stiles reçut un appel au moment où il s'installait devant le volant. Il choisit alors de regarder son téléphone avant de l'utiliser exclusivement pour le GPS. Le nom de l'appelant qu'il vit s'afficher sur son écran le fit instantanément soupirer d'agacement. Il lui en voulait toujours, à cet idiot de Scott. Oh oui, il lui en voulait pour son étroitesse d'esprit et son égoïsme. Autant dire que ce n'était pas près de changer car lorsqu'il le voulait, Stiles pouvait se montrer très rancunier. Et pour le coup, il avait de bonnes raisons.
Ainsi, il ignora purement et simplement l'appel de Scott, préférant programmer son trajet à la place. C'est ainsi qu'il partit, la vitre baissée, le coude sur la portière, une main seulement sur le volant. Il faisait encore nuit dehors tant il était tôt. Lorsqu'il devait voyager et qu'il savait qu'il lui faudrait enchaîner plusieurs heures de voiture, Stiles faisait toujours en sorte de partir au moment où la majorité des gens normalement constitués dormaient. Il s'évitait ainsi un trafic monstrueux et bien des emmerdes – au moins sur le départ. Par la suite, il y aurait forcément des endroits où cela boucherait aux heures de pointes. Il ne pouvait malheureusement pas tout éviter.
Après deux heures de route, il s'arrêta à la première station-essence à laquelle il fit attention. Avec sa forme, mieux valait qu'il fasse des pauses – même si un arrêt toute les deux heures était déjà la norme conseillée. Et il se rendit compte, en sortant de sa voiture, qu'il se sentait déjà un peu plus léger qu'au départ: le simple fait de partir lui changeait les idées. La preuve en était que les pensées qui l'habitaient se faisaient moins pesantes. Il ne songeait déjà plus à son boulot et à toute la lourdeur qui l'accompagnait ces temps-ci. Stiles était quasiment certain que son impression n'était pas due à la morbidité et à la gravité de la plupart des affaires – il en avait l'habitude. Il était notamment pourvu d'une étonnante capacité d'adaptation. Il savait ajuster les différents traits de sa personnalité en fonction de ce qu'il avait à faire. De même, il était très courant pour lui de mettre de la distance: de privilégier sa raison à son affect. Une qualité que certains de ses collègues lui enviaient. Ce métier n'était pas pour tout le monde… Et tous les agents n'étaient pas de taille à le supporter. Stiles connaissait des cas, certains de ses collègues ayant démissionné quelques mois auparavant, préférant mettre une croix sur ce rêve pour vivre une vie plus tranquille, moins dangereuse… Le genre de vie qui ne laissait pas de séquelles psychiques aussi profondes qu'une affaire bien sordide.
Bien sûr, même si Stiles était habitué au côté sombre de son métier, il restait humainet parfois, la distance qu'il mettait ne suffisait pas. Ce n'était pas un robot et il pouvait lui arriver de craquer – la chose restait toutefois rarissime. Le fait est qu'il était certain que sa lassitude n'était aucunement liée à la difficulté de son travail.
Enfin, ce n'était plus la peine d'y réfléchir. Techniquement, il était en vacances et il comptait bien en profiter. De cette façon, il éloigna toute pensée qu'il jugeait parasite et se concentra sur son téléphone. Après avoir regardé les actualités, il fit un tour dans ses notifications et nota avec un agacement non feint que Scott lui avait envoyé un message. Il s'inquiétait pour lui, qu'il disait… Eh bien, qu'il continue. Stiles ne comptait pas lui répondre de sitôt. Scott s'était comporté comme un con, ainsi il devrait l'assumer. Autant dire que leurs retrouvailles seraient très peu amicales, peut-être même froides. Stiles ferait l'effort de sourire et d'avoir l'air cordial, pour les autres. Parce qu'il avait tout de même conscience que la meute avait besoin de stabilité… Et que ça ne le ferait pas s'il se montrait hostile envers son alpha. Stiles était un des piliers de la meute… Autant dire que dans ces temps troubles, mieux valait préserver le calme. Il serait là pour lui-même, certes, mais également pour ses amis.
Et Derek.
Non parce que Stiles n'oubliait pas que le pauvre Sourwolf était peut-être le plus lésé dans cette histoire. En fait, c'était même sûr et certain. L'hyperactif se doutait d'ailleurs bien du fait que l'on ne devait pas beaucoup s'occuper de lui dans la mesure où c'était presque toute la meute qui avait subi, dans cette histoire de retour du Nogitsune. Et même si Stiles en voulait à Scott, entre autres, pour ne pas l'avoir prévenu en urgence, il fallait avouer qu'il appréciait grandement l'idée de ne pas s'être à nouveau retrouvé face au démon-renard. Depuis qu'il l'avait possédé pendant son adolescence, Stiles avait peur au point de parfois faire des cauchemars de cette époque. Il se pensait même encore «possédable» tant il savait ce souvenir-ci douloureux. Enfin, si c'était pour aider, il l'aurait affrontée, sa peur. Il se serait sans hésiter jeté dans la gueule du loup – ou ici, du renard.
Puis peut-être que ça aurait évité à Derek de subir la douleur innommable de la morsure du feu sur sa peau tannée.
Stiles soupira et glissa son téléphone dans sa poche avant de se diriger vers sa voiture. Il s'installa derrière le volant et se mit à bâiller. A la prochaine pause qu'il prendrait, il faudrait qu'il dorme.
