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"Alors, comment s'est passé ton premier jour ?" demandai-je à Alice alors qu'elle attachait sa ceinture de sécurité et, bon sang, qu'elle remettait son casque de vélo sur sa tête.
"C'était bien ! David Ayers a eu des ennuis pour avoir poussé Lauren, et maintenant les professeurs le surveillent déjà. Il ne peut plus se permettre d'être un abruti pendant un certain temps !"
Je ris de son enthousiasme et regrettai de ne pas avoir plus apprécié le CM2 quand j'étais en CM2. Plus on vieillit, moins l'école et toutes les conneries qui l'entourent sont amusantes.
"Je suis contente que David ait eu des ennuis. Il a toujours été une brute."
"Uh-huh. Et Maddie m'a invité à sa fête d'anniversaire. Et Lauren veut faire une soirée pyjama ce week-end. Je peux ?"
"Tu devras demander à papa."
Elle se moqua de moi, et oui, c'était un commentaire idiot. De toute façon, papa me demandait si elle pouvait le faire. Il travaillait beaucoup et laissait le plus souvent l'aîné s'occuper de choses comme l'organisation des activités. Maintenant que Rose était partie, c'était à moi de m'en charger. Tant que nous étions honnêtes sur l'endroit où nous allions et que nous faisions ce que nous faisions en toute sécurité, il était d'accord.
"Tant que je n'ai pas à te conduire." Aller de la maison à l'école était une chose. Conduire dans toute la ville en était une autre.
"S'il te plaît, comme si je te demandais de faire ça," me dit-elle, en me montrant son casque pour me rappeler le vrai sujet.
"Ouais, ouais, sale gosse."
D'accord, on peut le faire. Le parking était presque vide car Ali était sortie après moi. J'avais mis à profit le temps passé à l'attendre pour lire quelques chapitres supplémentaires de Cœurs interdits, mon dernier roman d'amour à l'eau de rose. Tout le monde a ses addictions et la romance sexy était la mienne. Je ne m'en excuserais jamais, même si Emmett s'amusait à me taquiner à propos de mes livres.
Je démarrai la voiture, adressai une prière rapide à toutes les divinités et enclenchai la marche arrière, tout en gardant le pied sur le frein, puis en le relâchant lentement. Tout va bien ! Nous avancions et nous avancions lentement, et...
"Regarde où tu vas, Swan !"
Putain de merde. Je freinai, horrifiée de voir le seul et unique Edward Cullen sauter juste à côté de mon pare-chocs gauche.
"Je vais faire du vélo à partir de maintenant !" me dit Alice en croisant les bras.
Je n'eus pas eu le temps de lui répondre parce qu'Edward Cullen frappait à ma vitre. Une vraie merde. Je la baissai, manuellement bien sûr, puisque le pick-up datait des années soixante.
"Bonjour, Edward," dis-je, comme si c'était tous les jours qu'il frappait à ma vitre.
Il jeta un coup d'œil dans la voiture et sourit en voyant le casque de ma sœur. Il me dit : "C'est une enfant intelligente."
J'ouvris la bouche pour me défendre, mais que pouvais-je bien dire ?
"Ce pick-up est très vieux mais il a un rétroviseur et des rétroviseurs latéraux, à ce que je vois."
Bien vu. "En effet."
Finalement je risquai un regard vers lui et je fus soulagée de voir qu'il souriait.
"Et si tu les utilisais avant d'écraser un camarade de classe qui ne se doute de rien ? La plupart d'entre eux ne seraient pas aussi cool que moi." Il sourit en se complimentant lui-même. Crétin.
"Peut-être que je l'ai fait exprès."
"L'enfer sur roues, Bella Swan. Les cloches* de l'enfer. Ça tombe bien," dit-il en riant. "Je ne pense pas avoir fait quoi que ce soit qui justifie que tu m'écrases, n'est-ce pas ?"
Eh bien, non, techniquement, il n'avait rien fait.
"Peut-être que j'espérais que ta petite amie soit avec toi. Tu ne peux pas me dire qu'elle ne le mérite pas."
Son demi-sourire tomba. "Je ne sais pas où est Tanya. Mais ce qu'elle a dit tout à l'heure..."
Je secouai la tête. "Ne t'inquiète pas pour ça. Je suis habituée à ce comportement."
"Ce n'était pas cool, quand même. Et je le lui ai dit quand nous étions seuls."
J'aurais préféré qu'il dise quelque chose à ce moment-là mais c'était plus que ce à quoi je m'attendais de sa part. Il était un peu largué quand il s'agissait de Tanya.
"Merci. Mais je peux prendre soin de moi."
"Evidemment." Il me rendit son sourire. "Tu écrases les gens dans ton grand char d'assaut. Personne n'a la moindre chance."
Je dus rire. "C'est vrai. Alors ne me contrarie pas, Cullen."
"Je n'en aurais jamais rêvé, Swan." Il sortit son téléphone et fronça les sourcils. "Tu me le dirais si tu venais à l'écraser, n'est-ce pas ? Parce que ce ne serait pas sympa de me faire attendre ici si tu savais qu'elle n'allait pas se montrer."
"Je suis trop intelligente pour m'impliquer mais je peux dire en toute conscience que je ne l'ai pas renversée. Pas aujourd'hui en tout cas. Mais je ne peux rien promettre pour demain."
Il gloussa et recula d'un pas. "Je vais mettre un autocollant d'avertissement sur ton pare-chocs demain pour que tout le monde sache qu'il ne faut pas marcher derrière et à aucun moment. Je suis presque sûr qu'on fabrique des panneaux "Attention aux Cygnes*"."
Seigneur. Je ne pus m'empêcher de rire de l'image que j'avais d'un cygne en plein milieu du hayon. J'avais envie d'en avoir un maintenant, non pas que je veuille qu'on parle de ma mauvaise conduite. Juste parce que.
"Ce serait amusant."
"C'est amusant et c'est utile pour le reste d'entre nous." Il s'esclaffa. "Sois prudente et utilise tes rétroviseurs sur le chemin du retour, d'accord ? "
"Où est le plaisir là-dedans ?" criai-je alors qu'il me saluait et se dirigeait vers son Audi, qui était à peu près à l'opposé de mon pick-up de merde.
Il vérifia à nouveau son téléphone portable et essaya d'appeler quelqu'un - Tanya, présumai-je. Il me fit de nouveau un signe de la main en montant dans sa voiture, le téléphone collé à l'oreille.
Waouh, il était bien plus cool que je ne le méritais, vraiment.
"Qui était-ce ?" demanda Alice, m'obligeant à me concentrer à nouveau sur elle.
"Edward Cullen," lui dis-je en remettant la voiture en marche. Je passai devant Edward, essayant de paraître beaucoup plus compétente que la dernière impression qu'il avait eue de ma conduite.
"Il est vraiment mignon," me dit-elle, en ponctuant cette affirmation d'un petit rebondissement.
"Il sort avec Tanya," lui dis-je, espérant ainsi étouffer les fantasmes d'Edward Cullen qu'elle aurait pu essayer d'entretenir.
"Oh !" Elle soupira et me tapota le genou. "Sais-tu au moins pourquoi elle te déteste tant ?"
J'avais des théories mais aucune raison solide. "J'ai dû embrasser Edward pendant une partie de bouteille tournante quand nous étions au collège, et elle avait le béguin pour lui et je le savais. Le lendemain, elle a plus ou moins cessé de me parler, sauf pour me dire quelque chose de méchant." Je haussai les épaules. "En plus, Angela et moi nous sommes rapprochées, et peut-être qu'elle s'est sentie délaissée. Je ne sais pas. Ça me paraît fou qu'elle me déteste alors qu'elle a fini par l'avoir à la fin."
"L'amour fait faire des choses folles," me dit Alice.
Je poussai un soupir de soulagement en tournant dans notre allée. "Et tu le sais... comment ?"
"Ces livres que tu lis…" dit-elle en ricanant alors que j'éteignais le pick-up.
"Tu ne les lis pas, n'est-ce pas ?" demandai-je parce que, merde, papa allait me tuer.
"Non ! Je ne faisais que deviner. J'ai lu les couvertures." Elle avait l'air si fière d'elle en enlevant son casque et en poussant la portière. "Et demain, je vais à l'école en vélo."
Je soupirai et sortis de mon côté. "Je demanderai à papa de nous déposer et à Angela ou Emmett de nous ramener à la maison." Il était temps d'admettre la défaite. Le roi du lycée qui avait failli être écrasé avait suffi. J'avais de la chance qu'Edward soit beaucoup plus gentil qu'il ne devait l'être.
"Bien vu, soeurette," me dit-elle en sautillant vers la maison.
Oui, c'est vrai. Il valait mieux garder les pieds sur terre. J'avais déjà la tête dans les nuages, comme disait toujours ma sœur. Je n'avais pas besoin que le reste de mon corps le soit.
"Bella ?"
Je levai les yeux de la cuisinière où j'ajoutais les pâtes au fromage. "Qu'est-ce qu'il te faut ?" demandai-je à Alice.
"Je fais une carte d'anniversaire pour Maddie et j'ai besoin de colle. Sais-tu où elle se trouve ?"
"Mon bureau," lui dis-je. "Va la chercher mais nettoie ensuite pour le dîner. C'est presque prêt."
"D'accord." Elle partit chercher sa colle pendant que je sortais le poulet du four.
Papa entra juste au moment où je finissais de mettre nos assiettes sur la table, et Alice nous rejoignit une minute plus tard.
"Voilà mes filles ! " Il nous serra dans ses bras. "Comment s'est passé votre premier jour ?"
"Bien," lui dis-je et Alice se lança dans un récit de tout ce qu'il s'était passé au CM2 pendant que nous mangions. Elle parla pendant tout le dîner, à peu près.
Je l'ignorai puisque j'avais déjà tout entendu, jusqu'à ce que j'entende vaguement quelque chose comme "Bella a failli écraser ce garçon très mignon."
"Bells ?" demanda-t-il en me fixant avec son regard de flic.
Je soupirai. "Je sais. Je suis nulle pour conduire. Tu pourrais nous emmener à l'école ? Je peux trouver un moyen de nous faire ramener à la maison."
"Bien sûr." Sa moustache se hérissa. "J'essaierai de trouver du temps ce week-end pour t'emmener dans le pick-up."
Je souris, tout en sachant que cela n'arriverait pas. Papa travaillait dur, trop dur, et pendant le peu de temps libre qu'il avait, il aimait se détendre. Conduire avec moi n'était relaxant pour personne.
"Ça m'a l'air bien, papa."
"Et maintenant, que dirais-tu de mettre la Roue de la Fortune et de jouer contre moi ?" demanda papa en me souriant.
"Tu sais que je te bats toujours." Ce n'était rien d'autre que la vérité.
"Ali va m'aider, n'est-ce pas, chérie ?"
"Oui, papa !"
"Bells ? " demanda-t-il en apportant nos assiettes à l'évier et en commençant à les laver.
"Bien sûr."
"C'est bien. Mes filles me manquent. Toutes."
Il sourit tristement, et je savais qu'il pensait à Rose. Elle me manquait aussi. Je n'avais pas réalisé à quel point je comptais sur elle jusqu'à ce qu'elle ne soit plus là. J'aidai papa à charger le lave-vaisselle puis je m'installai dans le salon. Nous étions désormais trois, c'était notre nouvelle normalité. Le changement, ça craint.
Le reste de la semaine se passa bien mieux puisque ce n'est pas moi qui étais au volant. Papa nous déposait, ce qui était embarrassant puisqu'il avait la voiture de police mais je me disais que c'était moins embarrassant que de tuer un de mes camarades de classe, même Tanya.
Angela était de retour au déjeuner et Emmett se joignit à nous une fois. Les autres jours, il les passait seul, je suppose. Je savais que Rose lui manquait et le fait d'être près de moi ne pouvait que lui faire penser à elle. Nos séances de jeu après l'école avaient complètement disparu. Mais ce n'était pas grave. J'avais des devoirs. Et mes livres.
Le vendredi soir arriva, et je m'installai joyeusement pour regarder Sixteen Candles pour la milliardième fois avec Ali.
"Tu es sûre que tu n'as rien de mieux à faire ?" me demanda-t-elle en posant sa tête sur un oreiller placé sur mes genoux.
Je passai mes doigts dans ses cheveux noirs. "Qu'est-ce qui pourrait être mieux que de passer la soirée avec toi et Jake Ryan ?"
"La passer avec un vrai garçon ?" suggéra-t-elle.
Mon esprit se tourna automatiquement vers Emmett mais je secouai la tête. Les choses étaient différentes maintenant, sans Rose comme tampon pour mes sentiments et avec ses sentiments pour elle qui influençaient chacune de nos interactions.
"Les garçons fantastiques comme Jake Ryan sont beaucoup plus amusants que les vrais, lui dis-je. "Beaucoup moins de drames."
"Je pense que tu as besoin d'un petit ami."
Je ris. "Je n'en ai pas et même si j'en avais un, ce n'est pas comme si je pouvais en avoir un en claquant des doigts."
"Si, tu pourrais." Ali se redressa et me regarda fixement. "Tu es vraiment jolie, Bella."
Je me moquai de cette remarque mais elle secoua la tête et continua.
"Tu l'es ! Et tu es intelligente et drôle quand tu le veux. Et tu t'habilles bien."
Là, je savais qu'elle voulait en découdre. "Tu es gentille, Alice. Et je t'aime. Tu es tout ce dont j'ai besoin."
Elle fit un grand soupir avant de se rallonger. "Tu mérites ton propre Jake Ryan."
"Merci. Si tu le trouves, envoie-le-moi." Comme s'il y en avait un qui m'attendait, surtout ici à Forks.
"D'accord."
Je secouai la tête et me plongeais dans mon film préféré. La fiction me suffisait. C'était plus sûr. Les vraies personnes partaient, ou pire, mouraient. Ce n'était pas le cas des gens imaginaires. Qui avait besoin de la réalité ? Pas moi.
…
Bells : cloches
Swan : Cygne
Sixteen Candles : Seize bougies pour Sam, 1984.
