Bonjour,
Merci à Gweeny, Alex, Mane-Jei pour leurs reviews, qui me font toujours très plaisir. Et surtout merci pour leur chaleureux soutien. Les lectrices et lecteurs habitués, merci de continuer de lire, j'espère que l'histoire vous plait toujours et pour ceux qui ne commentent pas ou dont je n'ai pas de nouvelles, j'espère que vous allez bien?. Merci à Henrixxx pour avoir laissé une review, j'espère que ce chapitre te conviendra un peu plus !
Une inconnue: Merci à toi pour tes reviews régulières, le fait que tu me donnes ton avis est vraiment gentil! En tout cas, je suis ravie de te compter parmi les fidèles!
Pour les fantômes, vous connaissez mon point de vue, je vous remercie de lire et de participer à mon quota de vues ;). Si vous voulez vous manifester, vous êtes les bienvenus.
La présentation sera cette fois-ci courte, je pense avoir, au fil des chapitres, perdu quelques lecteurs, lectrices. Mes descriptions un peu trop présentes ont du avoir raison d'eux.
Pour ce chapitre et les suivants, j'espère contenter chacun et chacune d'entre vous, il y aura moins de visites culturelles mais plus de découvertes et qui sait, peut-être plus de dialogues. Les relations n'avancent pour certains, certaines, peut-être pas assez vite, mais c'est aussi parce que je trouve que le flirt et le tâtonnement sont bien plus intéressants. Ils sont là pour leur projet mais bien évidemment, il y aura d'autres rapprochements que celui de Rose et Emmett, juste que je prends mon temps.
Prenez soin de vous et des autres et n'oubliez pas de sourire!
Bonne lecture et bon vol sur KanameAirlines.
Chapitre 17: Hémimorphite.
La journée commençait mal, je me coupai légèrement en me rasant, ce qui ne m'arrivait pratiquement jamais. Je vérifiai les éventuels dégâts en tournant la tête. Ce n'était qu'une petite coupure. Ma barbe de quatre jours n'était pas trop fournie, ce qui m'arrangeait pour mettre un petit pansement.
J'avais eu du mal à dormir cette nuit là, la rencontre fortuite avec Félix et Alec m'avait un brin énervé. Il fut un temps où nous étions inséparables les jumeaux, Jasper et moi. On avait fait nos classes ensemble et leur père était un cousin d'Aro. Il n'était pas rare que l'on passe énormément de temps tous les quatre, pendant que nos parents parlaient boulot. Caïus, Démétri et Marus, le trio à la tête de la «famille V» comme on les appelait dans le milieu, étaient des négociants, investisseurs, entrepreneurs et ils pesaient énormément dans la balance dans le monde du luxe. Ils faisaient partie d'une des plus puissantes familles au monde. Leurs ancêtres s'étaient occupés de monter dans l'échelle sociale et ensuite, la légende Volturi était née. De nos jours, ils dominaient entre autre le marché du diamant.
Félix et Alec étaient devenus vaniteux et vénaux avec le temps. Ils cherchaient perpétuellement à être les numéros 1. Leur réputation les précédait et j'étais contrarié de voir qu'ils ne s'étaient pas calmés. Malgré le fait qu'ils soient considérés comme les mauvais garçons du gratin, ils étaient tellement craints qu'ils pouvaient se permettre bien des choses.
Pour ce qui était de nos relations, elles étaient strictement professionnelles et il n'était plus question, du moins pour moi, de faire ami-ami avec eux. Je ne supportai pas les gens qui traînaient dans des affaires louches et qui réussissaient à s'en sortir grâce à leur contacts ou à leur réputation.
Je décidai de penser à autre chose, je ne voulais pas me porter la poisse pour le reste de la journée. J'étais surexcité de pouvoir faire découvrir cette vallée aux autres. Jasper et moi, nous sommes les seuls à avoir déjà foulés mainte fois ces terres mais pour le reste du groupe c'était une grande première. J'étais content d'avoir Henri et Kennedy à nos côtés, autant le trio V était important, autant la famille Ho était dominante en Asie. On pouvait dire que nos trois familles étaient les plus importantes en réputation et en relations dans le monde de la haute joaillerie, bijouterie et horlogerie.
Je repensai au trajet d'hier, la présence d'Isabella sur mon épaule avait été si naturelle... Je n'avais pas osé bouger, sous le regard appréciateur de Rosalie et Emmett qui avait joué de ses sourcils pour me dire qu'il n'était pas dupe. Tanya m'avait gratifié d'un sourire carnassier qui me fit presque peur. Je savais par expérience, qu'elle n'allait pas en rester là. C'était quand même pas de ma faute si sa tête avait roulé sur mon épaule! En même temps ce n'est pas comme si tu avais fait quoi que se soit pour la retirer. Je ne voulais pas la réveiller voilà tout. C'est ça à d'autres! Je me regardai dans la glace et je m'aperçu que j'avais un sourire niais accroché au visage. Je ressentais cette alchimie entre nous, c'était loin d'être évident au départ mais là, avec le recul et notre voyage bien entamé, je voyais bien qu'il y avait comme un crépitement dans l'air quand je me trouvais à côté d'elle. Je ressentais comme des frissons me parcourir et au risque de paraître légèrement guimauve, mon coeur s'emballait quelque peu quand elle se mordillait la lèvre, trop prise dans sa réflexion pour voir que je l'observais. Pas peu fier d'avoir démêlé quelques pensées, j'essayais une dernière fois de me coiffer sans succès avant de sortir de la chambre.
Je croisai Jasper dans le couloir.
— Hey Ed! Tu m'as l'air radieux ce matin! Constata-t-il en me souriant.
— Je suis content d'être là!
— Cela ne serait pas plutôt dû à la présence d'une certaine journaliste... Qui rend ton voyage un peu plus... intéressant? Me dit-il calmement.
— Ffff... Je ne peux définitivement rien te cacher... Fis-je vaincu face au sens d'observation redoutable de mon meilleur ami.
— C'est comme si je t'avais fabriqué Edddychouuuu! Murmura-t-il en m'envoyant des baisers.
— Arrg! Tu es dégoûtant! Horrible mollusque! M'exclamai-je en essayant de le pousser, même si j'étais plutôt mort de rire.
— Je vois que vous commencez les démonstrations d'amour tôt le matin! S'amusa Tanya en mettant ses bras sur nos épaules.
— Tu pourrais prendre ma défense! Jasper n'arrête pas de m'embêter!
— Que tu es de mauvaise foi! Tu n'as plus d'yeux que pour une certaine brune aux yeux verts! Tu oses me briser le cœur! Fit-il faussement outré.
— Voyez-vous ça Don Jasper aurait un cœur? Je lui répondis sur le même ton, faisant rire Jane et Tanya.
— Cette bromance aura raison de nous... Tanya regardait Jane avec désespoir.
— Comment tu as fait pour les supporter à temps plein? S'amusa Jane.
— Je me servais d'eux comme rabatteurs, il y avait tellement de filles qui leur tournaient autour que je n'avais qu'à piocher! Taquina Tanya devant la mine boudeuse de sa petite amie.
— Ah d'accord! Jane amorçait un pas pour partir.
— Tu sais très bien que maintenant que je suis avec toi, personne ne compte. Roucoula Tanya en prenant une Jane dubitative dans ses bras.
— Bah merci pour moi! M'offusquai je.
— Tu sais très bien que tu es l'homme de ma vie. Tanya me sauta au cou au moment où Isabella sortit de sa chambre. Tu parles d'un timing! Ricana ma conscience qui avait pris des allures de démon.
— Oh... Ah... Hum. Bonjour. Tout le monde. Fit Isabella gênée. Tanya resserra sa prise autour de mon cou tandis que Jane s'approchait tel un félin vers Isabella. Mais qu'est ce qu'elles font? À quoi elles jouent?!
— Bonjour Isabella, tu as bien dormi? Chuchota Jane à côté de la brune qui se dandinait d'un pied à l'autre.
— Euh oui. Hum oui et vous? Elle s'écarta l'air de rien de Jane, aussi discrètement possible, ce qui relevait du défi puisqu'on la regardait tous. Jasper, Tanya et Jane semblaient très amusés de la situation alors que moi, j'avais qu'un envie c'était de clarifier les choses. Visiblement, Isabella était gênée en présence de Tanya.
Rosalie et Emmett sortirent de leur chambre. En un éclair, un sourire diabolique se frayait un chemin sur le visage de ma sœur.
— Hey tout le monde... Vous allez bien? Qu'est ce que vous faites agglutiné dans le couloir?
— Je saluai matinalement Isabella. Sourit Jane.
— Oh je vois... Bella ? Tout va bien?
— Oui... Oui. Et si nous allions prendre le petit-déjeuner?
— Tu as une idée lumineuse! Jane empoigna Isabella par le bras et l'emmena en riant vers la salle du restaurant.
Rosalie me fit un sourire satisfait en passant devant moi. Je venais de comprendre qu'ils étaient tous complices dans un plan dont je ne connaissais rien mais je sentais que ce n'était pas une bonne idée de les avoir réuni.
Après cet incident matinal, il ne se produit rien d'étrange mais je restais sur le qui-vive.
— Je suis désolé que vous ayez dû assister à ça... Je m'étais rapproché doucement d'Isabella qui sursauta à mon contact.
— Ho... Ce n'est rien... Je ne vais pas être choquée pour si peu de chose...
— Non enfin je veux dire... Jane n'est pas comme ça d'habitude... Grommelai-je.
— C'est vrai que je ne la connaissais pas aussi... tactile mais je ne l'ai toujours côtoyé que dans un cadre professionnel...
— Que veux-tu Bella, tu lui as tapé dans l'oeil! Alice accompagna sa phrase par un clin d'oeil dans notre direction. Perfide petit lutin! Cria ma conscience.
Isabella semblait gênée mais amusée en même temps.
— N'importe quoi Jane est ... Je ne pus finir ma phrase, Rosalie m'avait enfoncé de force un beignet dans la bouche.
— Jane est quelqu'un de timide mais elle a de très bon goût en matière de femme... Dit Tanya avec son sourire charmeur.
Isabella avait l'air de vouloir se cacher dans un trou de souris tandis que moi je voulais terminer le plus vite possible le petit-déjeuner, pour rectifier le mal entendu créé de toute pièce par les personnes en qui j'avais le plus confiance! Ce fut peine perdue, chacun prenait un malin plaisir à faire en sorte que l'on ne puisse pas se retrouver seuls avec Isabella. J'abandonnais l'idée, vaincu, Jasper me réconforta d'une tape fraternelle sur l'épaule. Il n'avait pas dit grand chose mais je voyais qu'il s'amusait beaucoup de la situation.
Henri et Kennedy nous avaient rejoint pour notre début de matinée. On allait se rendre dans une mine. Je levai les yeux vers les sommets qui bordent la ville, les siècles ont creusé la pierre et les mines ont continué de trouer les flancs. Je me souvenais qu'au fil du temps, des villages avaient fleuri aux pieds des mines. Joseph Kessel écrivait « Plus secrète que La Mecque, plus difficile d'accès que Lhassa, il existe au cœur de la jungle birmane une petite cité inconnue des hommes et qui règne pourtant sur eux par ses fabuleuses richesses depuis des siècles...». C'était encore d'actualité.
Nous nous rendions dans un de ces alignements de maisons en teck. Ici vivait Daw Aye Myà. Son prénom signifie émeraude sereine. Elle m'avait expliqué lors de ma précédente visite que la tradition birmane est de donner à son enfant, un nom qui traduit le bien précieux qu'il représente pour ses parents. Un proverbe dit «Fils méritant, précieux joyaux». Le recourt aux métaphores des astres et des pierres précieuses est monnaie courante, puisque les gemmes sont des richesses naturelles du pays. La destinée d'une personne est déterminée par son karma alors on pense que si on donne un prénom qui évoque la richesse, cela pourrait être propice à un avenir radieux.
— Daw est une marque de respect pour les femmes d'un certain âge, Daw Aye Myà a passé la moitié de sa vie le dos courbé et les mains plongées dans les rigoles qui coulent de là-haut. J'expliquai aux autres.
— Avant, je travaillais dans une ferme, le prix des légumes était bien trop bas et le travail était éreintant alors, ici c'est mieux payé et moins harassant. Elle nous fit un sourire, la main posée au bas de son dos qui la faisait souffrir. Jasper se chargeait de traduire.
Derrière elle se trouvaient tout au long du sillon qui bordait les maisons, des dizaines de taches aux mille couleurs, c'était des ramasseuses de pierres dont les robes chatoyaient dans le paysage.
— Les femmes trient le bayon avec un tamis, quand elles trouvent un éclat digne d'intérêt, elles le cachent sous leur langue pour ne pas le perdre. Une des femmes se leva pour nous montrer le trésor enfoui dans sa bouche.
— Moi, j'ai récupéré l'équivalent de 3 dollars et c'est comme ça tout le jours! Poursuivit l'aînée. Elle souleva le fichu qui protégeait sa tête des insectes et du soleil. Elle en sortit un sachet au fond duquel se battaient neuf pierres microscopiques.
Les autres avaient les yeux rivés sur la veille dame, ils avaient l'air à la fois respectueux et surpris de voir si peu.
— Avec cet argent, je pourrai m'acheter du riz, des légumes et de l'huile. Nous sommes sept à partager la même pièce. Mon mari, mon fils et mes deux petits-fils compléteront avec les quelques kyats qu'ils auront gagné dans la mine.
— Pourquoi les femmes ne travaillent pas dans la mine? Demanda Leah.
— Ici, la mine est chasse gardée des hommes, alors dans l'intimité du foyer, ce sont les femmes qui gèrent les dépenses. Les époux, fils, petits-fils donnent leur salaire et les femmes confient les sommes dont ils ont besoin pour telle ou telle dépense.
— Pourtant le commerce est tenu par les femmes? Les inégalités de genre sont nettement plus faibles que chez les pays voisins! Commenta Isabella.
— Tu as raison les femmes représentent les trois quarts des travailleurs à Mogok et dans les montagnes. Elles sont vendeuses, propriétaires ou ramasseuses. Malgré tout, les femmes sont interdites dans les mines.
— Attends, attends, tu nous dis qu'en quelque sorte, qu'elles sont l'atout de la vallée des rubis et pourtant elles n'ont pas accès aux mines? S'étonna Isabella.
— Oui Bella, selon les croyances, les hommes considèrent qu'elles sont porteuses de malchance. Intervint Alice.
Isabella avait l'air surprise et dubitative mais elle continuait de photographier ces femmes en silence.
— La ville se scinde en deux, à l'ouest se trouvent la plupart des mines, à l'est il y a le commerce.
La vieille dame réajusta son longyi, la tenue de tous les jours. Vous devriez aller voir ma fille, elle tient un comptoir au marché.
Nous saluâmes respectueusement l'aînée puis repartîmes vers le marché. La ville est poussiéreuse, les rues et les routes sont défoncées et presque impraticables par endroits. Je regardai autour de moi, ça n'avait pas changé depuis les années où je n'étais pas venu, une bonne partie des ouvriers au bord de la route sont des femmes, elles ont l'air jeunes. Elles portent sur leur têtes de lourds paniers de cailloux. C'était très étrange de les voir marcher pied nus, elles déversaient péniblement leur cargaison en faisant des aller retour incessants sous la chaleur. On aurait dit des bagnards d'une autre époque. Ces femmes assises sur des petits tabourets pas très larges triaient des monticules de petites pierres, les «déchets» que l'on revend à des gens pauvres du coin pour qu'ils puissent à leur tour trier des pierres qui auraient échappées aux tris des entreprises minières, cassant avec des marteaux toute la journée pour une misère. Inlassablement ces femmes recherchaient le moindre grain de rubis sans même détourner le regard de leur tâche. Parfois je m'approchai pour échanger quelques mots, un regard, j'essayais de leur rendre leur sourire. Car malgré la dureté de leurs existences, elles sont toujours bienveillantes et souriantes. Elles avaient pour la plupart les genoux et les mains écorchés à force de casser du caillou mais elles continuaient sans sourciller. J'avais beaucoup d'estime pour ces femmes c'est pourquoi je leur achetai leur précieux trésors.
C'était ça la magie des pierres, si on voulait négocier, il fallait toujours avoir en tête qu'il ne fallait jamais démarrer une négociation sans avoir l'intention d'acheter. Une femme me tendit une pierre, puis une deuxième, une troisième, très vite j'étais encerclé entre des sourires radieux, des pierres de toutes sortes, de toutes les couleurs, il y avait des spinelles, des rubis, des péridots, des saphirs, topazes... Mais tout se fait paisiblement, sans une once d'agressivité ou d'insistance.
Très vite, une fois que l'on montre de l'intérêt pour une pierre, l'information se propage comme une traînée de poudre et on est vite pris d'assaut par les détentrices ou les détenteurs de la pierre que l'on convoite. Ce n'était pas un secret, je venais ici pour les rubis et particulièrement les «sang de pigeon».
— En Asie particulièrement, les pierres sont des valeurs refuges. Commençai-je à expliquer aux autres.
— Comme un placement? Me demanda Isabella, plus pour avoir une confirmation du fond de sa pensée.
— C'est tout à fait ça, c'est une richesse facile à transporter en cas de problème ou de départ précipité. Répondit Jasper.
— L'instabilité politique aide l'enrichissement des négociants quand leurs propriétaires ont besoin de les transformer en liquidités. La plupart du temps, les très belles pierres ne sont pas à vendre à l'endroit de leur extraction, les propriétaires les gardent ou les confient à des négociants pour les faire réapparaître sur les marchés internationaux de Bangkok, Honk Kong, Genève, Londres ou New York. Commentai-je.
— On ne trouvera pas de rubis alors? Demandai déçue Leah.
Je souris devant sa mine déconfite, c'était attendrissant de voir que chacun avait «mordu» à l'hameçon et qu'ils s'étaient tous pris au jeu de la recherche des pierres.
— Je n'ai pas dit ça... Grâce à notre présence et aussi à celle des frères Ho, nous aurons le droit d'avoir une vue sur les extractions et qui sait sur les prochaines ventes.
— Ce que l'on ne trouvera pas, on pourra éventuellement le trouver à Bangkok... Ajouta Jasper sûr de lui, après tout, il était négociant et la Thaïlande était sa maison.
Je remarquai qu'Isabella se régalait à photographier les visages et les attitudes des gens. Quant à moi, je scrutai avec intérêt les pierres que l'on me proposait. C'était pour la plupart des petites pierres sans importance mais quand je trouvai un lot un peu plus décent que les autres, je l'achetai. J'avais beaucoup d'estime pour ces femmes qui travaillaient d'arrache pied pour avoir qu'une poignée de billet. Juste assez pour nourrir leur famille. C'est vrai que nous, nous étions bien dans notre chambre d'hôtel ou au bord d'une table de restaurant à négocier avec des intermédiaires, nous n'avions pour seul effort de sourire et d'entamer une négociation ou chacun serait gagnant. On ne pouvait pas comparer ça et leur vie bien entendu c'était trop différent. Mais je pensais qu'en achetant quelques poignées de ces minuscules pierres, je pouvais contribuer à une vie décente pour ces personnes. Je ne me leurrai pas mais je voulais leur montrer qu'ils avaient mon respect le plus total. A travers un sourire, un regard et des paroles, on pouvait transmettre autant de choses. Et je pense que ces personnes en étaient conscientes, le respect quelque soit la langue la culture ou autre, se ressentait et ça j'en étais persuadé.
J'éclairai grâce à ma lampe de poche que j'emmenais partout avec moi, c'était avec ma petite loupe, un outil qui ne me quittait jamais. Je lassai mon œil expert, parcourir cette pierre non taillée, beaucoup de gens préféraient que ce soit l'acheteur qui s'occupe de la taille lui-même, surtout pour éviter les déconvenues d'une taille qui tourne mal. Je m'approchai d'Isabella pour lui montrer ma pierre, nos mains se frôlèrent et un frisson me parcourut. Je me perdis quelque secondes dans son regard vert, puis je lui souriais, pour ne pas laisser une gêne s'installer, je lui tendis la lampe pour qu'elle puisse regarder de plus près.
— Comme tu peux le voir, à la différence des rubis du Mozambique, les rubis birmans sont bien plus lumineux. Chuchotai-je, comme pour ne pas briser cet instant. Elle me regardait avec ces yeux brillants de curiosité, de malice et d'un je ne sais quoi.
— Je pensais que les rubis du Mozambique avait inondé le marché mondial et que c'était... - Elle réfléchit quelque seconde, son petit air renfrogné était vraiment craquant - environ 80 la production mondiale? Répondit-elle en souriant, satisfaite de sa réponse.
— Tu as raison mais ils sont bien trop chargés en fer et en chrome donc beaucoup moins lumineux. Ils n'ont pas d'aussi beaux reflets verts... Soufflai-je en me perdant dans son regard.
— Vert...? Dit-elle avec le même ton.
— Hum je parlais des péridots! Je me repris tant bien que mal en toussotant.
— Oh je pensais que l'on parlait des rubis... Dit-elle en souriant tout en se mordant la lèvre inférieure.
— Tu as du être déconcentrée... Je lui souris en coin, elle dodelinait de la tête, riant doucement. J'étais loin d'être un pro dans l'art du mensonge mais j'étais content qu'elle ne s'offusque pas de mon comportement.
On arrivait au marché, le grand marché plutôt, il est constitué de deux parties bien distinctes, la première ressemble à un marché comme les autres, les femmes coiffées de chapeaux de paille, nous encerclaient dès notre arrivée, c'était drôle de voir un grand gaillard comme Emmett ou même Jacob dépasser de deux têtes les Birmanes qui ont plutôt un gabarit fin et fluet. Jasper, Rosalie, Tanya, Jane étaient tout aussi entourés avec leur cheveux blonds comme les prés, c'était assez cocasse de voir la nuée de couvre chefs en paille qui les entourait. Isabella, Leah et Rebecca les regardaient. Je pouvais presque deviner les yeux espiègles et rieurs d'Isabella, malgré le fait qu'ils soient à présent cachés derrière des lunettes de soleil.
Une fois que tout le monde s'était extrait de cette partie, je montrai l'autre côté qui était tout à fait différent, il y avait des tables et des parasols. Emmett s'installa tout content de pouvoir déguster des mets locaux, sous les yeux rieurs de Rosalie qui lui indiqua que c'était les tables pour les acheteurs et les vendeurs. On pouvait déjà voir des tables où les négociations allaient bon train; calculettes, petite balance, liasse de billets étaient disposés sur la table.
J'observai les photographes qui m'entouraient, Isabella, Jacob et Rebecca regardaient tout autour d'eux, en attente, comme pour se plonger dans un bain, ils jaugeaient pendant quelques secondes la température, évaluant les zones d'intérêts puis d'un coup, comme pris de frénésie, ils circulaient entre les tables, les chaises en plastique où les vendeurs et acheteurs se retrouvaient naturellement.
Les vendeurs étaient complètements hétéroclites, des vieux, des jeunes, des hommes, des femmes, ils avaient tous des visages et des attitudes différentes, mais ce qui était récurent, c'était qu'ils avaient toujours le sourire.
Je m'approchai des autres en quelques enjambées, pour glisser quelque mots.
— Ici, la règle du jeu est simple, on s'assoit autour d'une table seul ou avec un expert, puis les vendeurs jeunes et vieux arrivent de plus en plus nombreux autour de nous, comme des abeilles qui ont repérés une fleur odorante.
— Hey! Je ne suis pas une fleur! S'écria Emmett boudeur, ce qui nous fit rire.
— Dans tout les cas, ils se mettent autour de la table et chacun leur tour, ils sortent des pochettes en plastiques ou de papiers pliés, leur trésor. Des pierres précieuses ou fines.
— Et comment on distingue le vrai du faux dans cette cohue? S'interrogea Jacob, l'air perdu.
— C'est là qu'entre en scène ceci - je sortis ma lampe torche, qui ressemblait à un stylo avec un faisceau lumineux - ça c'est notre baguette magique! Cela nous permet d'examiner la transparence, l'éclat, la clarté, la texture intérieure de la pierre et sa pureté... Entre autre! Souriai-je.
— Wahou! Je veux le même! S'exclama Seth.
— Ensuite, si l'acheteur est convaincu, alors commence le bras de fer, la discussion sur le prix puis une fois que l'on est d'accord, on fait une sorte de promesse d'achat qui se finalisera dans un hôtel... Expliqua Jasper.
— Euh... dans une chambre d'hôtel? Emmet jouait des sourcils tout en étant surpris.
— Ah euh non non, je me suis mal exprimé, dans un coin tranquille, pour finir la transaction... Toussota Jasper gêné.
— Haha détend toi, je plaisantais! Emmett mit une «claque» amicale dans le dos de Jasper, mais ne contrôlant pas sa force, il le fit quelque peu décoller. Rosalie lui mit une claque derrière la tête en le rouspétant. Il se tenait la tête comme un enfant alors que nous rions.
A droite de nous, un homme, avec une casquette et une chemise était concentré malgré le bruit et l'agitation qui l'entourait. A travers un rayon de soleil, il avait les yeux braqués sur ces rubis. Je le voyais calculer, évaluer la qualité de chacun d'entre eux, tout en faisant une rapide sélection. Il séparait le bon grain de l'ivraie en quelque sorte. Il était complètement absorbé par la pierre, observant les différents reflets, je pouvais presque l'imaginer préparer une stratégie de négociation, tout en estimant la revente et le bénéfice sur le marché de Yangon.
— Tu ressembles beaucoup à cet homme quand tu es concentré...Murmura Isabella.
— Ha bon?! M'étonnai-je.
— Oui...Même quand tu parles des pierres, tu es tellement passionné que l'on dirait que tu es happé dans un autre monde...Continua-t-elle, je sentais son délicieux parfum près de mes narines, je me retenais de fermer les yeux.
— C'est certain qu'Ed est toujours dans sa tête, à croire que rien ne peut l'intéresser autant! Tanya venait de briser l'instant, je lui lançai un regard noir avant de me tourner vers Isabella. Elle avait l'air chiffonnée et j'avais bien conscience que ce petit moment avait éclaté comme une bulle de savon. Tanya me mima un «je suis désolée», alors que je soufflai d'exaspération.
— Ici, près de quatre cents comptoirs sont tenus par des femmes.
— Et bah c'est vraiment les femmes qui tiennent les rênes! Dit avec une pointe de fierté Emmett.
J'étais d'accord avec lui, dans les faits, l'égalité est importante mais ça reste dans le domaine de l'utopie car à partir du moment où historiquement, idéologiquement, naturellement, financièrement et autres adjectifs, on ne peut qu'en rêver. Dans la pratique, des hommes et des femmes contribuent à faire en sorte que ce monde soit plus égal mais c'est un travail de titan. Chacun de nous naît avec des capacités, une génétique qui lui sont propres et par l'éducation, l'environnement et la curiosité innée, on apprend à s'écouter, s'apprécier et par extension à vivre en communion. Mais ce n'est pas le cas de tout le monde et d'un côté c'est ce qui fait que le monde est riche car chacun apporte quelque chose. Je me gardai bien de dire ce que je pensais, ce n'était pas un discours approprié malgré le fait que j'étais d'accord avec l'égalité, j'étais aussi réaliste et tant que moi, en tant que personne, j'essayais d'être le plus honnête avec mes idéaux et mes actions, je pense que c'était la bonne façon de faire, d'essayer d'être le plus juste possible et surtout d'avoir une ouverture d'esprit sur le monde qui nous entoure. Et c'est plutôt par l'apprentissage des cultures, religions, trésors humains que l'on arriverait à une certaine harmonie.
J'étais encore un peu songeur, tellement que je n'entendis pas Rosalie qui me parlait.
— Allô Edward, ici la terre...?! S'impatienta ma soeur.
— Pardon Rose, j'étais ailleurs, tu disais? Je lui fis mon plus beau sourire pour l'amadouer.
— Tssss, je passe l'éponge pour cette fois, où allons nous maintenant?
— Oh... Nous devons rejoindre Ma Né Win, elle tient le comptoir 122.
On n'eut pas beaucoup de chemin à faire, il suffisait de se rendre sous le bâtiment avec un toit de taule. Là, une dame ajustait son longyi traditionnel bleu nuit avant de s'affairer à déplier devant elle, les petits paquets qui dissimulaient ses trésors. Je captai son attention et lui fit un petit signe de la main, elle nous rendit un sourire radieux.
— Nei khaun thala! Min nay kow lat?
— Kaw oar deh min yaw!
— Je vais bien, merci! Je lui souriais.
— Cela fait longtemps que tu n'es pas venu nous rendre visite! C'était dit sans une once de méchanceté ou de reproche, plutôt comme une vieille amie qui disait que je leur avais manqué.
J'étais content de voir que le climat de confiance que j'avais instauré avec toute cette famille était préservé, malgré le temps qui passe.
— Tu sais bien que ta vallée est difficile d'accès pour nous autres!
— Je sais que tu n'es pas n'importe quel gemmologue Edward, et même avec ces deux là, raison de plus pour me voir plus souvent! - elle montra à la va vite les frères Ho qui stoppèrent leur rires; elle n'était pas commode quand elle le voulait -
— Mais cette fois-ci nous t'avons ramené Edward...! Tenta Kennedy pour faire sourire Ma Né Win.
Elle réfléchit quelques secondes à une réponse puis quand elle jugea qu'il avait marqué un point, elle souriait de nouveau.
— Présente moi tes amis Edward!
Je lui fis une présentation rapide des experts et de ma famille. Elle les salua tous gentiment.
— Si tu le veux bien, on va allumer la caméra et tu pourras expliquer ce que tu fais? Je lui demandais sans la brusquer. Elle hocha la tête dans l'affirmative.
Emmett et l'équipe s'occupait de gérer le son, la lumière et la caméra puis Isabella fit un signe pour que Ma Né Win puisse commencer.
— Je m'appelle Ma Né Win, on pourrait traduire par «soleil brillant un jeudi» puisque je suis née un jeudi. - Elle marqua une petite pause hésitante, je lui souriais pour lui faire comprendre que c'était très bien - Je travaille ici depuis presque trente ans, lorsque j'étais enfant, il suffisait parfois de se baisser pour trouver une pépite.
— Vous trouviez ça dans la rue? Demanda Isabella en gardant un ton professionnel néanmoins, on pouvait ressentir toute la curiosité qui émanait de sa voix.
— Pendant la mousson, les alluvions transportaient les pierres, alors avec mes frères et soeurs, on se retrouvait dans la rue pour jouer.
— Comment avait vous appris à différencier les pierres? Continua Isabella souriante. C'était déconcertant de la voir dans son "milieu naturel". J'avais appris par expérience qu'elle n'était pas quelqu'un qui se laissait marcher dessus. En revanche, quotidiennement, elle était attentionnée, quelque peu maladroite et un brin timide. Cette fois ci se tenait devant moi une jeune femme parfaitement professionnelle et à l'aise, elle faisait l'interview d'une main de maître en prenant bien soin de ne pas brusquer mon amie. Cela ne devenait pas non plus une rencontre "téléguidée", on sentait bien que c'était le résultat d'un réel dialogue et d'une envie de partage des deux côtés.
Je continuais d'observer la scène, pendant ce temps Alice, Jasper et Tanya étaient partis avec Henri pour faire le point sur les mines que nous irions voir.
La birmane avait les yeux clos, comme si elle s'était perdue dans de lointains souvenirs, puis elle les ouvrit de nouveau. Au fond de ses yeux noirs, on pouvait lire de la fierté.
— Les femmes de ma famille m'ont appris à exercer mon oeil, je devais comprendre les subtilités, les reliefs et très vite, il fallait apprendre à vendre les pierres à leur juste prix. Longtemps, on devait vendre dans la rue, à même le sol. - Un voile de tristesse passa dans son regard - On était à la merci des pilleurs et de la pluie. Mais aujourd'hui, notre espace est plus sécurisé.
— Combien payez-vous pour l'emplacement?
— nous devons payer 3000 kyats par semaine, quand on habite dans la vallée, on n'a pas le choix. Mais les bons mois je gagne environ 160 000 kyats! Je ne suis pas à plaindre.
— Merci beaucoup pour votre témoignage! Isabella se leva prestement pour saluer la birmane. Chacune d'elles souriaient avec un respect mutuel. C'était ce genre d'égalité que je voyais, où tout le monde se respectait et apprenait à travers les échanges.
Ma Né Win nous indiqua la route à suivre pour aller visiter une des rares mines tenue par une femme. En partant, je lui promettais de revenir le lendemain matin.
— Elle est vraiment adorable! Jane et Leah avaient presque parlées en même temps.
— Ses ancêtres sont venus de Chine et comme la plupart, ils sont restés.
— J'avais remarqué de nombreux visages de l'Asie étaient représentés ici... Indiqua Isabella, qui avait l'air toujours émue par sa rencontre avec mon amie.
— C'est vrai, Indiens, Chinois, népalais, Thaïlandais sont venus s'installer au cours des siècles, ils ont laissé la fièvre du rubis rouge en héritage.
Scène rare, on voyait des émissaires en contact vidéo, ils étaient coiffés d'un casque de réalité virtuelle.
— C'est pas courant de voir ça et surtout pas ici! S'exclama avec envie Rebecca.
— C'est certain, il faut de plus en plus jongler avec la technologie. Les frères Ho ont aidé à développer une application et grâce au casque, les acheteurs à l'autre bout peuvent faire défiler les pierres, comme si elles étaient entre leur doigts.
— Tu utilises beaucoup ça pour faire tes expertises? Demanda soudainement Isabella.
— Je préfère venir en personne mais lorsque ce n'est pas possible, j'ai recours à ça oui.
— Généralement, les riches entrepreneurs de Shenzen ou de Shangai ne peuvent pas faire l'aller retour, d'abord parce que les laisser passer sont très difficiles à obtenir mais surtout qu'ici la confiance et la discrétion et de rigueur. Expliqua Kennedy.
— Les chinois achètent en quantité mais pas toujours la meilleure qualité, ils cherchent surtout à faire les meilleures affaires. Ajoutai-je.
— L'atout de Mogok, c'est que le pays a su entretenir le mythe de la vallée. Renchérit Kennedy.
— Le mythe de la vallée? S'étonna Emmett.
— Même vous, vous avez cette impression...? Dit joueur le jeune Ho. Vous ne voyez pas de quoi je veux parler?
— Je crois comprendre où vous voulez en venir... Commença Isabella en souriant.
— Miss Swan, cela m'aurait étonné de vous, je vous écoute! S'enjailla Kennedy.
— Quand on me parle de Mogok, je me replonge instantanément dans la vallée des rubis, je sens une terre inaccessible...
— Correct! Les nombreuses fermetures du pays, au moment où les voisins d'Asie du Sud-Est, notamment la Thaïlande qui valorisaient le tourisme de masse, ont été un vrai coup de génie, si je peux dire. Cela faisait de Mogok, un endroit extraordinaire. Encore maintenant, les réseaux d'accès aux pierres précieuses sont encore secrets.
— C'est vrai que j'ai pensé ça, je me sens privilégié de vivre ça! Nous dit Emmett.
— Pareil pour moi! Complétait Jacob et les autres.
— Face à la concurrence des rubis africains, le pays est obligé d'entretenir la réputation des pierres, les mines surexploitées donnent moins alors il faut que la qualité exceptionnelle fasse mouche. Et c'est lors des ventes prestigieuses que le Myanmar tire son épingle du jeu.
— Tout le monde se damnerai pour un rubis sang de pigeon. Il ne faut pas se leurrer, les grandes marques ont lancé des campagnes de boycott sans réellement comprendre la situation sur le terrain. Continua Kennedy avec une nonchalance qui le caractérisait.
— Ils répondaient surtout à une demande émotionnelle de leur clientèle. Et c'est là que l'on sent tout le paradoxe de la question, car les marchés asiatiques sont devenus déterminants car ils compensent les pertes induites par les marchés occidentaux.
— Je ne suis pas certaine de comprendre? M'interrompit Leah.
— J'allais y venir - je souriais face à son impatience -, pour les acheteurs asiatiques, tant qu'ils peuvent acquérir des pierres de grande voir de très grande qualité pour les plus chanceux, ils sont moins sensibles à la corruption, aux dégâts environnementaux causés par une extraction de masse ou le travail forcé que l'on a pu observer dans certaines mines.
— Hey mais c'est tordu! S'emporta Emmett.
— C'est la loi du marché. Tempérait Rosalie.
— Certain Chinois sont prêts à payer des fortunes pour obtenir une pierre, pour sa qualité intrinsèque mais aussi pour sa signification. Les chinois sont très sensibles aux superstitions et le rouge est la couleur de la chance.
— Mais il ne faut pas oublier que les Birmans sont méfiants à l'égard des intentions chinoises mais ils sont pragmatiques.
— C'est à dire? Me coupa Isabella.
— C'est un fait, l'économie a besoin d'investissements et la crise des Rohingyas a porté un sévère coup, les occidentaux se sont désintéressés. Mais la méfiance est réelle, les Birmans sont très nationalistes et les Chinois sont frustrés de ne pas avoir la marge de manœuvre pour faire ce qu'ils souhaiteraient. Terminai-je.
— Est-ce vrai que l'armée birmane a des postes militaires ici? Rebondit Isabella.
— Mogok est une étape intermédiaire car la ville ne se trouve pas très loin de la frontière chinoise. Les militaires veulent contrôler les flux de toutes sortes en provenance du Yunnan ou des régions voisines notamment l'Etat de kachin qui est en conflit permanent avec l'Etat central.
— C'est un secret pour personne que l'armée birmane avait plusieurs garnisons, lorsque le pays était fermé, l'armée a été le seul intermédiaire dans le commerce de produit dont les pierres précieuses. Kennedy m'épaulait dans les explications.
— Et les « sang de pigeon» sont passés sous son contrôle. Il n'était pas rare de voir des mines surveillées par des soldats. On ne pouvait acheter dans certaines villes, des rubis que dans des boutiques détenues par des militaires ou leur famille.
— les Etats-Unis ont mis en place un embargo sur les rubis et le jade birman pour tarir les sources de revenus de l'armée.
— Il fut un temps où le gouvernement prenait une taxe de 30% sur les licences des entreprises minières et grâce à cela, ils pouvaient se permettre d'avoir des machines plus robustes, d'avoir des mines plus grandes et ainsi, faire plus de profits que les habitants. De plus, l'armée birmane est très très bien renseignée, elle connaissait la baisse de la production, ce qui était prévisible, donc elle avait compensée en augmentant le prix des pierres sur le marché. Les petites exploitations ont été repris par les communautés locales, par conséquent, l'armée a diversifié ses activités dans d'autres secteurs, comme le tourisme. Je concluais notre explication.
— C'est dingue, à chaque fois j'ai l'impression de retourner sur les bancs de la fac... Dit Emmett en clignant des yeux et en se frottant les tempes.
— Mouais au moins à l'université, y'avait le football... Dit dépité Seth.
— Et les cheerleaders... Ajouta Jacob.
Ce qui nous fit rire, c'est vrai que j'avais tendance à m'emporter dans des explications rocambolesques. Mais quand il s'agissait de pierres précieuses et tout ce qui les entouraient, je devenais quelque peu fanatique.
Isabella me regarda avec un sourire d'encouragement, à priori, elle n'avait pas l'air saoulée par notre discussion. Elle avait même pris quelques notes.
— Tu es prête à visiter des mines?
— Je croyais qu'elles étaient interdites aux femmes...? Elle me regardait joueuse. Je ne me laissais pas démonter et je lui souris en retour.
— Tu as raison, je me suis mal exprimé, vous n'irez pas à l'intérieur des mines mais vous pourrez toujours rester regarder l'extraction.
Je passai ma main dans le bas du dos d'Isabella, je sentis qu'elle se tendait puis elle se détendit. Quant à moi, je me maudissais d'avoir fait ce geste que j'avais l'habitude de faire avec mes sœurs ou Tanya. Mais sur Isabella, cela m'avait procuré des frissons. Je lui fis un sourire désolé, qui ressemblait plus à une grimace.
Jane quant à elle la poussa plus gentiment vers la sortie et maintenait sa main dans le creux de son dos. Isabella semblait mal à l'aise, enfin bien plus tendue qu'avec moi. Je remerciai du bout des lèvres ma «sauveuse» qui me fit un clin d'œil discret tout en glissant un « tu me le revaudras» au passage. Je déglutis en pensant que si cela revenait aux oreilles de Tanya ou de mes sœurs, elles allaient encore comploter à nos dépends.
Nous partîmes en direction des mines, notre joyeuse troupe était guillerette d'aller sur le terrain. Je reconnais que je l'étais aussi, je me sentais toujours anxieux mais avec l'adrénaline, la recherche des pierres et le spectacle des pierres brutes valaient tout son pesant d'or.
Voilà pour ce début de voyage au Myanmar! Il y a tant de choses à dire et j'essaye de me limiter pour garder une fluidité et une certaine cohérence avec mon histoire. Donc pas de points historiques.
Il doit rester quelques fautes, vous me pardonnerez, je ne suis pas infaillible.
Pour les quelques termes techniques, vous trouverez un petit lexique, pense-bête juste après!
Je suis désolée pour cette introduction, un brin froide, mais je ne vais pas redire que les commentaires sont importants pour nous. Pour ceux et celles qui le font, merci de tout cœur, ce n'est pas exagérer quand on dit que c'est notre seul moyen de savoir ce que vous en pensez. A présent, je ne m'attacherai plus à savoir si c'est bien ou pas bien, j'estime que je perds trop d'énergie à me poser la question. Je vais seulement profiter de celles et ceux qui le font gentiment et apprécier vos retours. Mane-jei, je vais apprendre à prendre les compliments promis ;).
Pour le reste des personnes, mes MP sont ouverts.
A très vite pour la suite.
Lexique:
- Bayon: C'est un gravier gemmifère qui est le résultat de la dissolution du marbre et de l'écoulement des sédiments dans les rivières souterraines.
- Rubis sang de pigeon: pierre précieuse la plus rate avec les diamants de couleur. Cette appellation désigne uniquement les rubis birmans. La tonalité est un mélange de rouge franc avec une teinte de bleu. Les rois de Birmanie étaient connus sous le titre de "Seigneur des Joyaux". Pour l'extraction de nos jours, les mines sont quasiment épuisées et les rubis du Myanmar sont maintenant extraits ailleurs mais pour mon histoire, j'ai choisi de les laisser dans la vallée d'origine, pour entretenir le mythe si je peux dire.
Pour mémoire, les rubis sont comme les saphirs, de la famille des corindons, du sanskrit Kuruvinda. A l'état pur, ils sont incolores ( saphirs et rubis), ils sont donc colorés par des éléments chromogènes: le fer et le titane pour le saphir et le chrome essentiellement pour le rubis. ( Une forte concentration de fer donne en général une espèce de teinte brune).
Le rubis est connu pour être le "Ratnajar" le roi des pierres précieuses. Les Birmans l'utilisaient comme un talisman pour se protéger des maladies, des accidents et autres blessures. Pour eux le rubis étaient "une goutte de sans issue du cœur de la Terre Mère".
Le rubis de Tanzanie se rapproche le plus du sang de pigeon, le rubis du Viêtnam quant à lui est plus rose.
- Etat Kachin: état le plus au nord du pays. Il est frontalier avec la Chine au nord, à l'est avec l'Etat de Shan, à l'ouest avec l'Inde et au Sud avec la région de Sagaing. On y retrouve le Hkakabo Razi, la montagne la plus haute du pays qui forme la pointe sud de l'Himalaya. Il y a aussi le lac Indawgyi qui est le plus grand lac d'Asie du Sud-Est.
- Rohingyas: C'est un vaste sujet, alors je vais m'en tenir à la définition la plus courte. Groupe ethnique majoritairement musulman qui vivent dans le nord de l'Etat de Rakhine, anciennement d'Arakan. Si vous suivez un peu ce qui se passe dans le monde, même si les informations sont bien en retard sur la question, on en a parlé en raison de la répression du gouvernement qui a constitué un nettoyage ethnique agrémenté d'un ensemble de crimes contre l'humanité. L'exode des Rohingyas vers le Bangladesh notamment est toujours d'actualité, même si c'est quelque peu oublié.
/!\ A ne pas lire si vous ne voulez pas avoir un mini pavé géopolitique /!\
Sans faire de géopolitique approfondie, Le Myanmar reconnait officiellement environ 135 groupes ethniques depuis 1982 dont les Kachins, à l'inverse des Rohingyas qui sont apatrides. Pour ce qui est de l'Etat Kachin, après un cessez-le-feu d'environ 17 ans, le conflit a reprit. Le gouvernement central réclame que les soldats de l'armée indépendante Kachin intègre l'armée régulière et deviennent des gardes frontières. La communauté Kachin a, quant à elle, plusieurs revendications, la gestion de ses ressources naturelles, une meilleure redistribution des richesses et une reconnaissance constitutionnelle de ses droits en font partie. Il faut savoir qu'au nord se trouvent les plus grandes réserves de Jade et d'Ambre du pays.
Pour résumer, depuis l'indépendance britannique, le pays est balloté entre conflits ethniques ( Kachin, Rohingyas notamment), vous soupoudrez un regard de la Chine qui a des intérêts économiques importants ainsi qu'une volonté de faire pression sur les autorités pour obtenir des concessions et des privilèges dans le but d'avoir un certain poids sur la "nouvelle route de la Soie", vous ajoutez une junte militaire et des ressources naturelles importantes. Cela vous donne une idée de l'état actuel du pays, sans parler du coup d'état récent.
Voilà je referme la parenthèse géopolitique pour vous dire que bien entendu, tout cela ne sera pas mentionné dans mon histoire, du moins pas comme cela. Les pays où ils vont ont tous une histoire et je tiens à faire vous faire rêver, c'est de là où le côté "fictif" entre en jeu.
