Bonsoir. Alors, je suis très stupide, je viens de réaliser trois plombes plus tard que j'ai oublié de publier le chapitre. Donc voilà, je rectifie l'erreur. Gros bisous.

.


.

Adara regarda les trouvailles qu'Ace avait étalé sur le capot rouillé de l'ancienne Corvega qui avait fait la fierté de Nate à une époque. Il avait réussi à trouver deux flacons encore neuf de Rad-X, trois Stimpaks, et tout autant de boîtes de munitions pour du dix millimètres comme l'arme qu'elle avait trouvés, et pour du trente-huit. Mais surtout, des provisions et des conserves désignées comme de l'eau pure (pourquoi pure ? il y avait-il un souci avec l'eau environnante encore deux cent ans après ?), mais aussi…

- De l'argent ? demanda l'avocate en prenant l'une des liasses de billets.

Le noiraud haussa des épaules. En dépit de son entraînement militaire, Nate n'était pas aussi musclé que ce gars. Portgas avait une telle musculature qu'il avait dû renoncer à mettre un tee-shirt et que ça se voyait que la veste militaire de Nate luttait pour ne pas craquer sous la pression. C'était d'ailleurs l'occasion pour la femme de réaliser que l'homme avait une énorme cicatrice, semblable à une très vilaine brûlure, lui prenant une importante zone de la poitrine. Elle ne savait pas si c'était parce que le type avait passé tant de temps en cryogénisation, mais la marque avait l'air récente.

- Les chances qu'on trouve le gamin directement sont très minces. Donc, faut prévoir les possibles frais de provisions, d'armements et payer des informateurs qui n'ont parfois pas assez de cœur pour cracher ce qu'ils savent sans qu'on leur présente quelques billets, se justifia Ace. Par contre…

Il ramassa un des billets et l'étira juste assez pour montrer le portrait d'Andrew Jackson sur le billet vert, comme s'il voulait expliciter quelque chose.

- J'ai bien peur de ne pas être familier avec la devise, donc, je te laisse gérer les finances.

- Ici, c'est le dollar américain. Qu'est-ce que tu utilisais avant tout ça ?

- Le Berry.

Adara n'avait pas connaissance de cette devise mais ne posa pas la question. Un pas à la fois et tout irait bien. Les réponses, si elles avaient de l'intérêt, viendraient en temps et en heure. Elle attrapa l'ancienne casquette de patrouille de son défunt compagnon et se l'enfonça sur le crâne après avoir réussi à y coincer autant que possible ses dreads. C'était bien la seule chose à sa taille dans les anciens uniformes de Nate. Le pantalon aurait pu lui tomber si elle n'avait pas eu l'aide de Codsworth pour trouver une ceinture et elle flottait tellement dans le tee-shirt qu'elle avait dû faire un nœud dans celui-ci un peu au-dessus du nombril. Mais ils allaient s'aventurer dans une situation inconnue, alors, il n'y avait rien de mieux que ça. Elle avait même dû récupérer les bottes de la combinaison d'abri parce qu'elle n'avait rien de mieux. Et même si l'avocate était du genre à penser que les chaussons venaient en option, quand il s'agissait de s'aventurer à l'extérieur, elle préférait des chaussures avec des semelles plus épaisses que ce qu'elle avait aux pieds.

Elle aida Ace à tout ranger dans le sac de voyage qu'il avait déniché qu'il passa ensuite à son épaule.

- Ikimasho ka ?

- Je présume que c'est une invitation pour passer devant, marmonna la femme.

- Tu connais la route, moi pas.

Adara s'éloigna de la voiture sous son préau attenant à la maison et retrouva Codsworth s'occupant toujours du jardin.

- Hey, Codsworth. On va y aller.

- Je vous souhaite bonne chance, madame. Retrouvez le jeune monsieur Shaun, je sais que vous pouvez le faire, encouragea avec sérieux le robot en flottant à son niveau.

- Si on ne revient pas au bout d'une semaine, si tu n'as aucune nouvelle, tu ne restes pas ici, tu m'entends ? Trouve un nouveau foyer, une nouvelle vie, mais ne reste pas ici à rouiller alors que tu pourrais trouver des aventures ailleurs.

- Ne vous en faites pas pour moi, madame. Faites plutôt attention à vous… qui peut dire ce que les Rouges préparent.

Oui, Adara s'en ferait pour lui, parce qu'il était un souvenir vivant d'une vie heureuse qui ressemblait à un lointain passé… ce que c'était, techniquement parlant, puisqu'on parlait bien de deux cent ans. Elle offrit une accolade au robot et s'aventura sur la route de béton. Elle pouvait tout aussi bien couper à travers champ, mais c'était presque instinctif d'en suivre la légère courbure qui menait jusqu'au sud-est et son pont. Le Old North Bridge, qui en dépit qu'il ait été reconstruit en 1956 (c'était un monument historique lieu de la bataille de Concord au premier jour de la Guerre d'Indépendance. On avait même une statue à l'effigie des Minutemen de l'autre côté), il avait tout de même réussi à survivre jusqu'à aujourd'hui. Outre quelques planches qui s'étaient à moitié effondrées sur le côté gauche du pont, celui-ci avait tout de même meilleure mine que les arbres autour qui avaient eu droit à un sévère élagage à la mode atomique.

L'avocate jeta un œil derrière son épaule et Ace pencha la tête sur le côté, lui demandant silencieusement si elle avait besoin de quoique ce soit.

Non, elle n'avait besoin de rien. C'était seulement qu'elle n'entendait pas les pas de l'homme, même avec le son assez bas de la radio active du Pip-Boy à son bras. Et c'était… assez dérangeant.

Elle regarda de nouveau devant elle et hésita à traverser le pont. A ce stade, cela serait plus simple de descendre dans l'eau pour traverser la zone. Il y avait juste assez de profondeurs pour qu'on puisse parler de courant, mais pas assez pour qu'elle doive le traverser à la nage.

« …et maintenant un mot… ou plusieurs mots… d'un de nos sponsors. »

L'annonce nerveuse de Travis manqua de faire rire narquoisement Adara alors qu'elle posait enfin un pied sur le pont.

« Pourquoi boire de l'eau sale et radioactive, quand il est possible d'en avoir pure et en bouteille ? »

Le texte que Travis semblait réciter par cœur apprit au duo que oui, l'eau était dangereuse, il ne fallait pas s'y aventurer pour le coup, ou même la consommer. Adara se rappela du robinet de l'abri. Elle espérait plus que jamais que Vault-Tec ait bien fait son boulot, sinon, elle n'allait pas tarder à se sentir malade.

« A la station de filtrage de Sheng Kawolski, venez profiter de l'eau la plus propre du marché, parfaitement filtrée. »

- Je m'émerveille de l'existence de sponsor dans un monde post-apocalyptique, nota narquoisement Ace qui marchait toujours derrière elle.

- Bienvenu en Amérique, emblème du capitalisme dans tous ses vices, répondit simplement la femme avec sa voix très légèrement enrouée.

Elle se serra sur la droite du pont et sa rambarde à moitié détruite pour éviter le trou dans le plancher alors qu'ils étaient presque à l'autre bout. Ace sembla hésiter devant le bois effondré avant de suivre le mouvement.

- Au moins, on sait pourquoi il est important que l'on ait trouvé de l'eau pure dans les provisions, continua-t-il.

- Où l'as-tu trouvée, d'ailleurs ?

- Je pense qu'un de tes voisins n'a pas pu obtenir de place dans l'abri ou ne voulait tout simplement pas le rejoindre. Il avait fait de sa cave un abri.

Cela expliquait les étranges voyages qu'un de ses voisins de gauche avait fait des mois durant à l'époque. Et en y repensant, elle regrettait de ne pas avoir pris cette initiative devant un Nate si amorphe.

Ils arrivèrent de l'autre côté du pont, juste devant une statue de métal que le temps et l'humidité avait verdi. Si le duo s'arrêta, c'est parce qu'au milieu de la route, on avait deux corps. L'un était celui d'un homme en tenue pratique de voyage, mort la gorge arrachée. L'autre, c'était un chien. Un chien maigrelet et déformé, presque momifié, vu qu'il avait l'air d'avoir juste une fine pellicule de peau sur ses muscles rouge foncé. L'animal avait été battu à mort si on en jugeait ses blessures et la présence d'une longue tige de métal qu'on utilisait avant le cataclysme sur les pneus de voiture.

- J'aime déjà les nouveaux voisins, grommela Adara en ramassant le pistolet à pompe proche du cadavre.

- Tu aurais dû leur faire des cookies et des petits gâteaux.

- Je suis à court de farine, ils repasseront. Ou alors, ils me laissent en acheter à Concord.

Ace eut un petit souffle par le nez, Adara répondit par un reniflement amusé. Quand ils reprirent leur route ils avaient un maigre sourire aux lèvres. Leur situation n'était pas la meilleure, mais l'avocate était heureuse de trouver quelqu'un en Ace qui puisse comprendre son humour et rebondir dessus sans lui demander toutes les deux minutes si elle était sérieuse ou juste sarcastique.

- A une époque, j'avais une amie de ce genre, raconta le noiraud comme s'il avait la même pensée qu'elle à cet instant. On faisait parfois un concours pour savoir qui pouvait devenir le plus dérangeant, et ça se finissait par une troisième personne nous disant que le sarcasme était dangereux pour la santé.

- Des ignorants. Si on gardait tout ça en nous, oui, clairement, on aurait des soucis à se faire. En le partageant, on ne fait que rester en bonne santé.

- …je vais vraiment apprécier cette quête avec toi. Certes, on s'en serait bien passé de partir à l'aveugle à la recherche d'un bébé, mais…

- La compagnie est toujours un bon remède pour cultiver sa psychose personnelle.

Ace leva un pouce en approbation avant de ramasser la barre de métal. Il la regarda un instant et la glissa à sa ceinture, avant de désigner quelque chose un peu plus loin, hors de la route, invisible derrière le relief en pierre qu'on avait creusé pour faire passer le chemin bétonné.

- On a de la vie plus loin.

- Et la façon dont tu es apte à dire ça, c'est lié à ton caractère enflammé digne d'un caisson cryogénique haute sécurité ? s'enquit narquoisement l'avocate.

- Nan. Ça c'est parce que j'ai de bons gènes, et un grand-père assez fou pour croire que j'étais apte à intégrer la Marine. Ce vieux fou a bien failli me tuer plus de fois que je ne peux le compter sous ses excuses d'entraînement.

Un frisson d'horreur remonta l'échine du noiraud. Il y avait l'air d'avoir une bonne histoire derrière.

Quelques pas plus loin, la pierre laissa place à la station pour automobile Red Rocket, reconnaissable de loin par son immense emblème semblable à une fusée rouge sur le toit du bâtiment. Une très vieille compagnie qui avait réussi à faire la transition de l'époque des moteurs essence/diesel à celle des moteurs à fusions. Ce qui à une époque était des pompes à carburant avait été changé pour des pompes à liquide de refroidissement nucléaire.

En suivant la route, ils se rapprochaient de plus en plus du terrain de la station à l'abandon avec ses carcasses de véhicules rouillés çà et là et ses herbes jaunâtres envahissant les alentours, formant comme un cocon de végétaux brûlés autour de la relique poussiéreuse témoin des rêves d'abondances de l'humanité.

Elle était tentée de s'y arrêter. Après tout, c'était l'Amérique et Concord avait l'air d'être occupé par un groupe un poil hostile. Il était fort probable qu'on trouve encore des armes dans le coin. Mais cela faisait deux cent ans. Les chances qu'il y encore quelque chose étaient très faibles.

- Wouf !

Un chien venait de débarquer en courant devant eux. Un chien plutôt propre et en très bonne santé. Il se planta devant eux, la langue pendante, la queue s'agitant joyeusement devant la rencontre.

- Inu ? s'étonna Ace avec les sourcils haut sur son front.

Adara s'accroupit et tendit une main vers le berger allemand inconnu qui leur faisait face. Avec un aboiement joyeux, il se frotta contre la paume offerte, comme si c'était la meilleure chose qui lui soit arrivé dans sa vie.

- Je suis plus chat, mais les chiens peuvent être sympathiques, nota la blanchette. Tu as perdu ton maître…

Elle pencha légèrement la tête pour voir sous le ventre de l'animal avant de revenir à la tête.

- … mon grand ?

- BOUGE !

Adara se releva d'un bond en s'éloignant à l'exclamation d'Ace. Juste à temps, parce que derrière le point où elle s'était tenue, une étrange créature venait de jaillir du sol. Cela ressemblait à un mélange impie entre un rat et une taupe qu'on aurait rasé de près. Un rat-taupe-nue de la taille d'un gros chien qui pourtant, vola comme un simple ballon quand Portgas lui fit faire connaissance avec son pied. Le coup était tellement fort que la créature disparut très vite et très loin.

D'autres sortirent juste en suivant, et le flingue d'Adara ne loupa certainement pas ses cibles, surtout quand le chien se jetait sur elles pour les prendre à la gorge. A côté, Ace n'était pas en reste, la barre de métal qu'il avait ramassé voyait son usage détourné pour quelque chose certainement imprévu par ses constructeurs. Ou pas, mais allez savoir, c'était la même chose avec les cravates, un innocent objet devenant une arme menaçante entre certaines mains.

La difficulté de cet assaut venait que ces choses jaillissaient du sol sec et graillonneux sous leurs pieds avec vitesse et précision. Elles avaient l'avantage de certainement percevoir les vibrations qu'ils causaient par leurs déplacements. Ace lui-même en semblait capable, ce qui était pour le moins effrayant, mais rassurant. Au moins, pour l'instant, ils étaient dans le même camp.

Le souffle court, entouré d'une dizaine de rats-taupes géants morts, Adara ne pouvait que se demander ce que le monde était devenu pendant ce long sommeil forcé. D'abord les cafards, puis les mouches et maintenant ça… et c'était sans prendre en compte le corps du chien sans peau qu'ils avaient croisé.

Le couinement lui rappela quelque chose d'un poil normal qu'elle connaissait de sa vie d'avant : le berger allemand.

L'avocate regarda l'animal qui la fixait avec un air triste et plein d'espoir. Il lui rappelait le chien de Nate, dans un sens, même si son compagnon avait eu un rottweiler et non un berger allemand. Elle se demandait encore où était passé le molosse de son époux. Il avait disparu un beau jour pour ne jamais revenir. Encore un mystère du monde d'avant.

Ace s'accroupit devant l'animal et le caressa. Le chien aboya joyeusement, obtenant un rire de gosse de la part du noiraud. Cela lui donnait un air si jeune avec ce sourire heureux qui lui mangeait la moitié du visage. Si jeune malgré son regard hanté et son abominable cicatrice qu'il arborait sur la poitrine. Qu'est-ce qu'il avait vécu pour avoir ce comportement cliché de gosse qui a grandi trop vite ?

« … le programme musical est interrompus pour partager cette alerte météorologique. »

La voix de Travis avec son ton inquiet les coupa de leurs pensées. S'il interrompait la musique, c'était que ça devait être important, non ?

« Une tempête radioactive est en train de remonter depuis la Mer Brillante à toute vitesse. Elle a déjà dépassé Somerville. Elle sera sur Diamond City d'ici quelques minutes et devrait continuer sa route vers le nord pour recouvrir la totalité du Commonwealth en moins de vingt minutes. Ceci est une alerte de niveau jaune. »

Le chien aboya et attrapa Adara par une lanière du sac pour la tirer avec lui. La femme regarda Ace, lui demandait s'il pensait à la même chose et le noiraud sauta sur ses pieds.

- Montre-nous un abri, demanda la femme.

Le chien aboya et conduisit le duo en courant vers la cambrousse environnante, glissant juste un peu sur le flanc de la colline pour trouver un gros trou loin d'être naturel dans le flanc de celle-ci. Ni une, ni deux, ils entrèrent dedans. Mais le chien ne s'arrêta pas là, il continua à s'enfoncer.

Jusqu'à ce qu'il dérange les occupants du lieu, autrement dit, une petite famille de rats-taupes nues. Adara aurait fini avec les crocs d'un spécimen particulièrement gros dans la gorge si ça n'avait pas été pour le réflexe un poil stupide d'Ace qui mit son bras sur le chemin et avait à présent cette saleté accrochait au biceps.

Et pourtant, ça le laissait indifférent. Cela l'amusait même presque si on en croyait le petit sourire qu'il avait sur les lèvres.

- C'est à ton goût ou encore trop froid ? se renseigna le noiraud avec un ton plaisant à la créature. Non parce que je peux le réchauffer si tu veux.

Et le bras entra en combustion, brûlant littéralement la créature au point que ses muscles fondirent et se contractèrent.

Sur le bras d'Ace, les flammes disparurent, sauf pour quelques flammèches qui persistèrent sur la zone de la morsure. Il les regarda en fronçant les sourcils, mais la radio au bras de Adara leur annonça que la tempête était à présent au niveau de la station Oberland et continuait de prendre en vitesse dans sa remontée vers le nord.

- On doit continuer à s'enfoncer ! pressa-t-elle.

Avançant courbés, le duo suivit le chien toujours plus loin dans ce terrier géant. Son origine et usage devinrent vite clairs pour l'avocate en voyant les débris mécaniques qui envahissaient la zone. Un véritable dépotoir avec certainement de mauvaises surprises radioactives si elle en jugeait le sigle sur l'un des barils jaunes tout au fond d'un renfoncement en bout de course.

Elle savait que l'entreprise Red Rocket avait tout fait pour maintenir une satisfaction client parfaite au travers toute son existence, tout en gardant une apparence propre et respectueuse de l'environnement. Mais quelque chose disait à la blanchette qu'elle avait trouvé un des placards à squelettes de l'entreprise qui avait eu quasiment un monopole sur le marché de l'entretien de véhicules. Et ça l'ulcérait que cela se soit passé juste sous son nez sans qu'elle ne le découvre.

- Le chien s'est assis, je pense qu'on est vaguement en sécurité.

La femme regarda son compagnon de route s'avancer dans le dépotoir sans que cela ne semble le déranger outre mesure, plus préoccupé par trouver un coin où s'asseoir et à éteindre la flamme qui rester accroché à son biceps.

- Ne va pas plus loin si tu ne veux pas te faire pousser un troisième bras, recommanda la femme.

Ace la regarda sans comprendre, alors, elle lui montra du doigt les deux tonneaux jaunes et blancs.

- Déchets radioactifs. C'est ça qui a détruit le monde de dehors. En plus gros et sous la forme d'une bombe… sans entrer dans les détails.

D'office, le noiraud se recula et se trouva un rocher où poser ses fesses. Il regarda son biceps en fronçant des sourcils et chercha à étouffer la flamme sur lui avec sa main. Mais en relevant sa paume, elle était toujours là, le vexant encore plus. C'était presque amusant à regarder, comme certains tours de magies que son père allait voir avec elle quand elle était jeune et avant qu'il ne finisse en prison. Ces tours un poil clownesque où tu hésites entre l'émerveillement de ce qui semble impossible et le comique du performeur.

Cela lui ramenait autre chose en mémoire, aussi. Les conditions de détentions de l'homme en face d'elle alors qu'il était cryogénisé. Le froid pénétrant et incongru de la chambre secrète. Les installations importantes recouvertes de mousse ignifugée, la vapeur qu'il avait produit pendant un moment. Et enfin, l'augmentation notable de la température à sa libération du caisson.

Caractère enflammée était certainement un euphémisme pour un talent tout autre. Un talent qui alimentait les mythes autour de la zone 51 puisqu'il avait passé un moment là-bas.

En soupirant, Adara s'assit elle aussi par terre, pas très loin du noiraud qui luttait toujours contre la flammèche sur lui.

- Hey, appela l'avocate.

Il la regarda.

- Essaye avec de l'eau, ça sera peut-être plus efficace.

- Je l'aurai bien fait si…

Un grand bruit venant de l'extérieur l'interrompit. Le chien eut un gémissement inquiet et vint se presser contre Adara en quête de réconfort. Un réconfort dont elle-même aurait bien eu besoin. Le bruit était le son de la tempête, mais c'était aussi un son qu'elle n'oublierait certainement jamais. Le même son métallique semblable à des hurlements de damnées qu'elle avait entendu en descendant la première fois dans l'abri 111. Le son du monde qui meurt. La bourrasque qui avait traversé le Massachusetts suite à la tombée de la bombe atomique.

Elle sursauta en sentant un bras chaud autour de ses épaules. Ace s'était rapproché, lui offrant du réconfort et un soutien, ayant clairement capté que quelque chose n'allait pas.

« La tempête vient d'arriver au niveau de l'abri 111. Nous vous tiendrons au courant de la fin de l'alerte. En attendant… eh bien… un peu de musique… pour passer le temps… je suppose ? »

Et il se mit à diffuser une musique guillerette aux accents arméniens que la blanchette reconnue comme le triste titre de Come On-a My House de Rosemary Clooney, tante du très séduisant George Clooney qui avait fait tourner quelques têtes à son époque, bien avant la naissance d'Adara.

Elle baissa le volume du Pip-Boy et remercia tout aussi bas son camarade pour son soutien. Comprenant le message, Ace lui serra les épaules une dernière fois avant de revenir à son siège.

- Plus qu'à attendre. Merci la radio, marmonna le noiraud qui avait fini par se débarrasser de la flamme.

Il s'arrangea contre le mur, laissa aller sa tête en arrière et ferma les yeux.

- Comment as-tu fait ça ? demanda la blanchette.

- Fais quoi ? grommela l'homme sans ouvrir les yeux.

- Clairement, tu as passé pas mal de temps dans ce caisson et tu fais des choses suffisamment intéressantes pour qu'une base militaire secrète veuille t'avoir sous le pouce sans te laisser l'occasion de fuir. La question est, depuis quand et comment ?

Un frémissement parcourut la mâchoire du noiraud et Adara nuança immédiatement son propos.

- Je peux comprendre que tu sois passé par des choses douloureuses que tu ne veuilles pas partager. Je ne te demande pas ton histoire. Si tu veux vider ton sac, je suis à ton écoute. Je te pose la question avec un point de vue pratique, comme par exemple, si je dois faire attention à certaines choses pour ne pas finir rôtie à point.

Tout le monde avait son histoire, et avec le temps, et toutes les visites qu'elle avait fait au parloir pour voir son père ou sa grand-mère sur le trottoir, elle avait appris que sous les plus beaux sourires se cachaient les personnes les plus souffrantes.

Ace la regarda un instant en ouvrant juste un œil. Un seul et unique œil qu'il referma en suivant, comme s'il contemplait l'intérêt de lui répondre.

- Je suis né le premier janvier de l'année 1502. Et dans mon dernier souvenir concret, j'avais vingt ans, quasiment vingt et un.

C'était… tout bonnement impossible. A cette époque, on découvrait à peine le Brésil ! Certes, ils avaient des armes à feu à l'époque, mais elles étaient rudimentaires et archaïques. Clairement, soit Ace était un bon comédien, soit il avait été assez longtemps conscient durant cette période pour assister à ces changements. Et c'était sans parler de la langue ! Certes, l'anglais ne semblait pas être la langue natale du noiraud, mais il la maîtrisait parfaitement au point de pouvoir communiquer avec aise en dépit de quelques hésitations dû au fait qu'il cherchait à traduire de son dialecte natal à celui-ci. Et en plus de sept cent ans, la langue avait grandement évoluer.

- Pour quelqu'un qui a quasiment un millénaire, tu es plutôt bien conservé. Mieux que le steak que l'on oublie au fond du congélateur pendant deux trois mois.

Cela tira un rire à Ace.

- Et sinon, monsieur millénaire, les flammes, c'est quoi ? enchaîna la femme avec innocence.

Une poignée de flammes apparut littéralement dans le creux de la main que le noiraud tendit devant lui. C'était réel, elle sentait la chaleur d'ici et cela produisait un certain éclairage autour.

- Cela te fait mal ? se renseigna-t-elle.

- Pas le moins du monde. Ça procure la même sensation que si je bougeais un doigt.

La flamme se modela en un simple tire-bouchon, avant de retomber sur la main, l'englobant dans sa totalité, avant de remonter et grossir, comme mangeant le bras pour devenir une grosse boule de feu au niveau de l'épaule d'un Ace indifférent.

- Je suis le feu à l'état pure. A mon époque, ma condition était à la fois courante mais unique en son genre. Elle était liée à un fruit dont l'origine elle-même est un mystère dont le secret n'était connu que de quelques élus.

Le bras réapparut et il ferma le poing, laissant la pénombre reprendre le dessus jusqu'à ce qu'Adara active l'éclairage du Pip-Boy, diffusant une lueur verte autour d'eux.

- Akuma no mi. Je pense que la traduction la plus proche serait devil's fruit. Une bouchée te change profondément. Tu gagnes un don aléatoire. Allant du plus ridicule au plus fantastique, en passant par tout ce qui peut être imaginé par l'homme et plus encore. Mon compagnon était littéralement un phénix, et ma meilleure amie une divinité. Moi, c'est le feu. Et c'est à cause d'un de ses fruits qu'un très proche ami à moi a perdu la vie. Le début de ma fin.

Des étincelles jaillirent des poings serrés du noiraud. Un terrain glissant se profilait à l'horizon et elle n'avait pas intérêt à s'y aventurer.

- Il y a des choses à savoir pour éviter des incidents ? demanda-t-elle. Éviter de t'arroser, par exemple ?

- Cela éteindra les flammes actives sur le moment, me mettra vaguement de mauvais poil, mais rien de plus, je serai séché en un instant, rassura le noiraud en reprenant un ton de voix moins sombre. Si je suis totalement immergé, par contre, mon corps cessera de répondre et ça sera la noyade assurée. Si je le désire, je peux devenir totalement immatériel et donc, possiblement invulnérable…

Adara se fit une note mentale sur le possiblement. La marque sur la poitrine du noiraud, sauf si antérieur à l'acquisition du don ou si elle en était une conséquence, disait qu'il était toujours vulnérable, au moins à certaines choses.

- Il arrive que mes flammes, si je ne prends pas garde, réagisse à mes émotions, surtout la peur, la surprise et la colère.

- Comme un système d'auto-défense ? compara la blanchette.

Le geste du doigt dans sa direction lui donna raison.

- Mais le plus gros risque que tu peux courir est si jamais j'entre sans le savoir dans une zone avec de l'huile ou du gaz, et que je n'en ai pas conscience avant le dernier moment. Pareil avec la poudre. Si je fais boom, je vais juste finir ébouriffer sur les fesses, mais ça sera pas la même chose pour ce qu'il y a autour.

- D'accord, alors, dis-moi, si je te dis voiture, tu sais ce que c'est ?

- Du tout.

- Toutes les épaves allongées avec des sièges à l'intérieur sont des cadavres de voitures. Ce sont des moyens de transports automatisé. Et beaucoup de leurs composants peuvent faire boom.

- Ah.

Et toujours avec son maigre sourire narquois, la blanchette montra le dépotoir illégal dans lequel ils s'étaient réfugiés avec le chien toujours gémissant.

- Il y a énormément de pièces de voitures autour de nous. Donc, possiblement, pas mal de choses aptes à faire boom aussi.

- Oopsie.

Et immédiatement, la température baissa.

- Good boy.

- Sale garce ! ricana Ace.