Ce texte est écrit dans le cadre du calendrier de l'avent organisé par Almayen, qui consiste à offrir tous les jours un OS à quelqu'un. Il est donc pour Almayen elle-même, j'espère qu'il te plaira sincèrement ! ENJOY !


- A notre liberté ! s'exclama Ulrich en levant son verre. Et à un monde sans Winden !

- A un monde sans Winden ! répondirent-ils tous en chœur en trinquant.

Leur diplôme en poche, ils avaient tous réalisé la promesse qu'ils s'étaient faite pendant leur enfance : Vivre dans un monde sans Winden. Cela n'était pas très compliqué en soi, ils savaient tous qu'ils n'auraient aucun métier ni avenir s'ils ne partaient pas faire d'études supérieures dans une ville digne de ce nom. La centrale électrique avait beau offrir continuellement des emplois, ceux-ci restaient restreints et aucun d'eux ne les intéressaient. Ulrich, déterminé à continuer l'enquête bâclée de la disparition de son frère, s'était inscrit en école de police. Katharina entamait une licence pour devenir professeur, Hannah était en première année de médecine et Michael, en école d'arts. Ils avaient tenu à rester ensemble. Malgré cette ville et son histoire maudite qui les reliaient, affronter une capitale inconnue restait trop angoissant quand on n'avait jamais rien connu d'autre que Winden. Ils n'étaient pour autant pas les seuls enfants de Winden à s'être enfuis, ils croyaient savoir que Regina était partie à Munich en faculté de gestion et avaient même eu des rumeurs d'autres camarades partis à l'étranger. Leur promotion avait prouvé que leurs parents avaient tort : Winden ne vous avale pas, il est bel et bien possible d'en partir si on le décide.

Ulrich fut le premier à revenir. Malgré sa hâte de partir, il savait qu'il s'était engagé dans la police pour résoudre une enquête, celle sans laquelle il ne pourrait passer à autre chose. Trois ans plus tard, il demandait son affectation au commissariat de Winden et l'obtenait. Personne ne demandait le commissariat de Winden. Lui avait une affaire à y classer mais il se le promettait : Ce n'était que temporaire. Un an tout au plus, le temps de résoudre l'enquête Mads Nielsen. Ensuite il repartirait en laissant tout ça derrière lui.

Katharina avait rapidement suivi Ulrich. Les professeurs ne choisissent pas leur première affectation et elle avait été affectée à l'autre bout de l'Allemagne. Mais elle avait déposé un recours en demandant Winden. Personne ne demandait le lycée de Winden. En tant que zone délaissée, les professeurs qui y enseignaient gagnaient des droits de mutation deux fois plus vite que les autres en zone favorisée. Quitte à ce que Ulrich passe quelques années là-bas pour résoudre la disparition de Mads, elle pouvait bien en profiter pour tirer le système à son avantage. Quatre ou cinq ans tout au plus. Ensuite, ils repartiront en laissant tout ça derrière eux.

Regina ne voulait pas revenir. Sa licence de gestion en poche, elle s'était spécialisée dans la direction des entreprises d'hôtellerie. Elle avait navigué entre différents hôtels dans lesquels on lui proposait au mieux de tenir la réception, au pire d'y faire le ménage. Elle déchantait de poste en poste, ses diplômes ne lui serviraient à rien car personne ne veut donner sa chance à une jeune femme de vingt ans à peine sortie d'école. Et puis elle avait entendu parler du patron de l'hôtel de Winden qui cherchait quelqu'un avec qui travailler quelques années, en vue de lui léguer l'établissement à sa retraite. Personne ne postulait à l'hôtel de Winden. Le poste était disponible, connaître la région était un avantage non-négligeable, et elle avait admis qu'elle ne trouverait pareille opportunité nulle part ailleurs. Elle était revenue. Cinq ou dix ans tout au plus, le temps de mettre suffisamment d'argent de côté pour ouvrir un établissement ailleurs.

Hannah avait insisté pour qu'ils reviennent à Winden. Elle avait sorti le nez de ses études de médecine dix ans plus tard, son diplôme de kiné durement obtenu, et avait découvert qu'elle avait oublié de vivre pendant tout ce temps. Michael était resté, mais il était le seul. Tous ses amis s'étaient dispersés, évaporés, et la plupart avaient même fini par retourner à Winden. Elle n'avait jamais été douée pour se faire des amis mais avoir une vie sociale lui manquait trop pour qu'elle parvienne à s'en passer. Alors elle était retournée à Winden et avait ouvert son cabinet de kiné. Pour dix ou vingt ans ? Certainement plus. Winden vous avale et elle avait peut-être été la plus lucide d'entre eux sur le fait qu'ils ne parviendraient pas à s'en échapper éternellement.

Michael avait suivi Hannah. Pas de gaieté de cœur, loin de là. A Berlin, il avait enfin commencé à savourer pleinement sa vie, à oublier d'où il venait et à admettre que cette vie à cette époque méritait d'être vécue. Son talent de peintre avait été salué et reconnu, et pour la première fois depuis des années, il avait été en paix avec lui-même. Mais Hannah avait insisté pour qu'ils retournent à Winden et il l'aimait trop pour accepter de la voir partir sans lui. Il était rentré et avait continué à peindre, seul dans son atelier. Beaucoup de ses angoisses étaient revenues quand il avait vu Ulrich vieillir, se marier avec Katharina, avoir Magnus, Martha, et enfin Mikkel. Combien de temps devrait-il subir ça ? Pas longtemps, il le savait. Il ne se souvenait plus de la date exacte de la mort du père de Jonas. Mais, quand il avait pris l'identité de Michael Kahnwald, Mikkel avait dores et déjà su qu'il ne lui restait que 33 ans avant que Winden, ses mystères, ses horreurs et ses angoisses ne viennent à bout de sa résistance.


J'ai longtemps hésité à écrire du Jonas/Martha mais je suis finalement partie sur ce que ma mauvaise foi a autoproclamé "truc le plus surnaturel dans cette série" : Le fait que les gens qui vivent dans le village soient les mêmes sur une timeline d'au moins 66 ans :p

En espérant que ça t'ait plu Almayen !