Musique écoutée : Irene Adler's Theme - OST Sherlock serie


Chapitre 2 : La Tour protège le Roi

Arthur souleva légèrement les lourds rideaux de velours vert et regarda le ciel. La pluie s'était arrêtée pendant la nuit. L'orage était enfin passé. Cependant, de lourds, sombres et menaçants nuages pointaient à l'horizon et le vent était encore violent.

« La tempête n'est pas terminée », se dit Arthur, en posant son front contre la fenêtre glacée.

Il ferma les yeux, cherchant des forces que le peu de sommeil n'avait pas rendues à son corps. La fatigue lui pesait, l'égarement rendait ses épaules lourdes. Ses mains se crispèrent sur les carreaux alors qu'il essayait de combattre la peur qui se formait dans ses entrailles. Il se demanda si une autre personne était morte cette nuit… Quoiqu'il en soit, il lui fallait faire vite, l'orage reviendrait bientôt, il devait profiter de ce moment pour appeler de l'aide.

Il se hâta vers la chaise où il avait plié et préparé ses vêtements la veille et enfila son pantalon et sa chemise qu'il boutonna rapidement tout en jetant un coup d'oeil vers l'horloge.

Presque huit heures.

Dieu soit loué, il était encore tôt ! La plupart des invités n'étaient certainement pas levés. Arthur craignait que certains d'entre eux n'aient l'idée de s'enfuir du manoir s'ils apercevaient le répit de l'orage et il était crucial que personne ne parte, afin que le tueur soit démasqué.

Arthur s'arrêta soudain à cette pensée. Pourquoi cette histoire lui tenait-elle tellement à coeur maintenant ? Pourquoi résoudre cette énigme lui paraissait-il crucial ? Lui aussi désirait s'enfuir de ce château maudit après tout, lui aussi avait peur… Il pourrait s'enfuir là maintenant… Alors pourquoi se sentait-il incapable de partir ?

Arthur se tourna vers le garçon qui dormait encore profondément, blotti sous les lourdes couvertures. Il sourit à la vue de la forme endormie. Il s'assit lentement sur le lit, mesurant ses mouvements pour ne pas réveiller celui qui avait partagé son lit et il tendit la main pour dégager la couette qui cachait le visage de Ciel. Arthur s'approcha et caressa la joue du jeune homme du bout des doigts. Sous ce contact, une chaleur étrange lui monta aux joues et sa tête se mit à bouillonner.

Il s'approcha davantage et s'allongea près du garçon, laissant sa main caresser son visage et ses cheveux. Il ne voulait pas le réveiller, mais une fièvre enflammait sa poitrine, et il ne put résister.

Il embrassa les lèvres de Ciel, déposa sur sa bouche des baisers tendres et suppliants. Le Comte grimaça et poussa un petit gémissement endormi, visiblement agacé d'être ainsi réveillé. Sans ouvrir les yeux, il plaqua une main paresseuse sur le visage de son assaillant et se tourna dans le lit pour ne plus lui faire face, plaçant la couverture sur sa tête. Arthur se mit à rire, la bouche fermée pour ne pas l'éveiller davantage.

Mais ce rire fut court, car une pression sourde serrait déjà son coeur, alors que sa gorge devenait sèche. Le poids du regret l'étreignait, pendant qu'il se levait du lit et qu'il quittait la chambre sans bruit.

Il traversa le couloir, essayant de mesurer ces pas lorsqu'il passait devant les chambres qui étaient occupées par les invités, car il ne tenait pas à les réveiller. Il voulait être seul pour réfléchir, à propos des meurtres et des circonstances étranges dans lesquelles ils avaient été commis… mais aussi pour penser à Ciel. Jamais ce qui s'était passé la veille n'aurait dû être.

Il s'était laissé envoûter par ce visage qui possédait à peine les caractéristiques de la masculinité. Et la force et la détermination qui émanaient du corps du garçon agacer et intriguer. Sa stature droite et austère, ses gestes mesurés, son maintien impeccable et ses manières élégantes engageaient immédiatement un respect incontestable, alors que son apparence suggérait la jeunesse. Comment ne pas être charmé par cette ambivalence ? Ciel le fascinait, il fascinait tout le monde à vrai dire, Arthur en était certain.

Il s'arrêta soudain, en haut du grand escalier, la main se crispait sur la rambarde de bois lustré. Il porta la main à son visage et se rendit compte que la sueur perlait de son front. Si un autre avait été désigné pour dormir avec Ciel lors de son confinement, cette personne aurait-elle profité de cette occasion, comme lui l'avait fait? Arthur secoua la tête, troublé. Non, il n'avait pas voulu cela, rien n'avait été prémédité, il n'était pas un monstre. Il avait été séduit par ce jeune homme blessé, mais qui détenait encore un courage et une froideur déconcertante. Et hier, il avait été capable de découvrir la chaleur sensuelle qui sommeillait dans son coeur de glace. Cette nuit-là, il l'avait aimé. Et ce désir lui faisait perdre la raison. Oui sa raison était en danger.

Ce manoir, ce comte, ce mystère… il se sentait pris au piège, il se perdait dans l'inconnu. Un manoir où s'empilent les cadavres, un garçon qui ne connait pas l'innocence, des pièces d'échec qui se réparent seules… Pouvait-il encore se fier à ses sens ? Il en doutait maintenant. Il se rendit compte qu'il tremblait.

Une forme attira son regard et le sortit de ses pensées. Tanaka, digne et irréprochable dans son costume de majordome, traversait le hall au bas de l'escalier. Arthur l'appela et se dirigea vers lui, descendant l'escalier à grandes enjambées.

Le majordome le salua d'une brève inclination de tête. Arthur eut un mouvement de recul alors qu'il se tenait près du nouveau majordome en chef. Avec son aspect sévère de vieil homme trop sage, sa peau trop pâle, presque maladive, et son accoutrement trop parfait, il ressemblait à un cadavre avant la mise en bière.

« Monsieur s'est levé tôt, désirez-vous votre petit déjeuner ? »

Arthur sortit de sa contemplation quand le majordome prononça ces mots, et balbutia :

« Non Tanaka, je voudrais savoir où je pourrais me servir d'un téléphone ? Le temps est calme, mais cela ne va surement pas durer, je pense que la tempête reprendra dans l'après-midi, et je voudrais joindre Scotland Yard pour les informer de notre situation.»

Tanaka fixa le jeune homme un instant.

«Le Jeune Maître a-t-il autorisé cet appel ? » demanda-t-il lentement.

Arthur se raidit et il sentit un soudain frisson de frustration lui parcourir l'échine; ce n'était pas la réponse qu'il aurait imaginée.

« Non, monsieur le Comte dort encore, mais je pense qu'au vu des circonstances, nous pouvons nous passer de sa permission » Arthur s'approcha un peu plus de Tanaka, et ajouta d'une voix glaciale. « À moins que nous ne soyons tous des prisonniers ici, je pense avoir le droit de téléphoner. »

Tanaka sourit, s'inclina à nouveau et répondit : « Veuillez m'excuser, monsieur, je ne voulais pas vous offenser. Simplement, le Jeune Maître seul prend des décisions dans ce manoir. Cependant il semble vous faire confiance. Le téléphone est dans le bureau du Jeune Maître. Veuillez me suivre.»


Arthur raccrocha le téléphone et poussa un long soupir de soulagement en plaçant sa tête dans ses mains. Il leva les yeux vers l'horloge.

8h30. L'inspecteur au téléphone lui avait affirmé qu'ils pourraient être sur place dans un peu moins de deux heures.

Quel était son nom déjà ? Amberline ? Abberline ? Arthur l'avait oublié. Pourvu qu'ils amènent le coroner pour qu'il puisse examiner les cadavres. La cave était froide, mais l'humidité ambiante risquait d'abimer rapidement les corps. Il songea à un instant à aller vérifier, mais à la pensée de descendre à la cave pour examiner l'état de putréfaction des cadavres, la nausée lui montait déjà aux lèvres. «C'est assez indigne de la part d'un médecin », se dit-il sarcastiquement.

Deux heures… Pourquoi ce fichu manoir devait-il être aussi éloigné de Londres ! Il réfléchit encore. Au vu des évènements de la veille, les invités ne se lèveraient pas avant dix heures. Il devait donc s'arranger pour qu'aucun des invités ne quitte le manoir avant que la police arrive. Il se leva et sortit en hâte du bureau, essayant de retrouver le chemin des cuisines où il pensait trouver les serviteurs en train de préparer le petit déjeuner des invités. Il y trouva seulement Bard, immobile, assis sur une chaise devant la table où étaient déposées des tartes qui seraient sans doute utilisées pour le déjeuner. Le serviteur avait une cigarette à la main, qu'il laissait brûler sans la fumer à en juger par les cendres qui étaient déjà tombées sur le sol à ses pieds.

Ses yeux fixaient le mur en face de lui. Quand il aperçut Arthur pénétrer dans la pièce, il se leva :

«Monsieur ne devrait pas se trouver dans les cuisines, ce n'est pas la place d'un invité».

Arthur ne sut quoi répondre. « Il fallait que je vous parle »

Bard haussa les épaules : « Il fallait sonner ».

Arthur se mit à rire, le visage encore chaud d'avoir parcouru tous les couloirs du château pour

trouver la cuisine.

« Oui, évidemment. Je ne suis pas habitué à tout cela, sonner des serviteurs, me faire servir.»

Bard ricana et se rassit : « Tant mieux, je ne suis pas habitué à être sonné.

- J'ai appelé la police, des officiers seront là dans environ deux heures. Et j'ai peur que certaines personnes ne profitent de l'arrêt de la pluie pour partir. Est-ce qu'il serait possible de faire en sorte que…

- Ne vous inquiétez pas pour ça, Finni a déjà démonté les roues des carrosses qui ont amené les invités, comme l'a demandé le Jeune Maître. Ça lui a pris environ cinq minutes par carrosse.

Personne ne partira d'ici, pas dans les voitures avec lesquelles ils sont arrivés en tout cas.

- Finni met cinq minutes pour démanteler les roues d'une voiture ? » s'exclama Arthur en écarquillant les yeux.

-Ouais je sais, il est pas en forme en ce moment… Ce qui est arrivé à Sebastian l'a un peu déboussolé. » Bard tira une bouffée sur sa cigarette, l'air absent. Puis il claqua des mains en se levant. « Bon j'dois réchauffer le p'tit déjeuner. Mei rin vous l'apportera dans la salle à manger si ça vous convient ? »

- Heu non, je pense déjeuner vers neuf heures trente, avec le Comte.»

Bard acquiesça et se dirigea vers la cuisinière. Arthur sortit alors qu'une douce odeur de café chaud commençait déjà à imprégner la pièce.


10h

« Que dites-vous ? La police est en route ? »

Arthur ne put s'empêcher de sourire à l'expression de pur soulagement qui s'était peinte sur le visage de la jolie chanteuse d'opéra. Elle était charmante ce matin, et il retrouvait le beau visage qu'il avait admiré le premier soir et non une face torturée par la frayeur et l'angoisse. Serait-elle aussi apaisée de savoir que la police était en route si elle avait elle-même commis ces meurtres ou un de ses meurtres ?

En dehors de lui-même et du Comte, seuls Woodley, Irène et Grimsby étaient levés à cette heure.

Les cernes qui se dessinaient sous leurs yeux témoignaient d'une nuit agitée. Avaient-ils veillé de peur de mourir ?

« Ne devrions-nous pas préparer nos affaires ? Une fois que la police aura examiné les lieux, nous serons en mesure de quitter cet endroit. » dit Grimsby en se levant, abandonnant un déjeuner qu'il avait à peine commencé. Irène l'imita aussitôt.

- Je ne me ferais pas d'illusion si j'étais vous » les interrompit le Comte, en touillant lentement son thé, sans même lever les yeux vers ses convives. « L'orage reviendra rapidement, et je doute que la police ait le temps d'inspecter l'ensemble du manoir avant qu'il n'éclate. Et ils ne resteront pas enfermer ici pour le faire. Ils prendront les cadavres et repartiront rapidement. Et si j'étais eux, je garderais tous les suspects enfermés dans un même endroit. » Il porta la tasse à ses lèvres et regarda le couple avant d'ajouter avec un sourire. « Et quelle meilleure prison qu'un manoir isolé en pleine tempête ? » Il but une gorgée et reposa la tasse.

Chacun des convives tressaillit, choqués par les remarques de leur hôte tout autant que par son ton à la fois sinistre et amusé. Grimsby prit le bras d'Irène qui semblait sur le point de défaillir, et ils quittèrent la pièce d'un pas furieux. Woodley se leva, le visage rouge d'une colère qu'il avait du mal à réprimer. Malgré tout, il sourit au Comte.

« Quelle imperturbabilité de la part d'un môme qui hier encore s'accrochait au cadavre de son majordome. » Il jeta sa serviette sur la table et quitta la pièce par la porte où avaient disparu Irène et Grimsby.

Arthur se tourna vers Ciel qui occupait la place principale à la table. Aucune réaction ne transparaissait sur le visage du garçon qui savourait son petit déjeuner, comme il l'aurait sans doute fait lors d'une journée ordinaire. Arthur ne pouvait supporter cette froideur. Elle l'exaspérait. Il avait vu un autre Ciel et il ne voulait plus de cette façade de noble méprisant.

« Était-ce nécessaire ? demanda-t-il soudain au jeune homme qui l'ignora superbement. Perdant son sang-froid, Arthur s'écria : « Ce que tu as dit était tout simplement odieux. On dirait que la situation t'amuse. Des gens sont morts bon sang ! »

Ciel lui jeta un coup d'oeil méprisant. Ah, enfin une réaction ! Pas au sens de ses mots ou son ton, non bien sûr. Ce qui avait troublé Ciel, c'était la familiarité avec laquelle Arthur s'était adressé à lui.

- C'est assez amusant, dit Ciel à mi-voix, en arrachant délicatement un morceau de sa croissance du bout des doigts, l'assurance que peut prendre une personne lorsqu'elle a partagé l'intimité d'une autre. »

Arthur tressaillit. L'allusion provoqua un désagréable sentiment de honte qui se matérialisa en un faible frisson qui parcourut sa colonne vertébrale. Il détourna le regard ne sachant pas comment continuer la conversation qui avait débouché sur un sujet sur lequel il n'avait pas envie de discourir, alors même que ses propres sensations et réflexions étaient encore confuses. Néanmoins, il ne pouvait ignorer cette provocation de la part de Ciel. Le Comte savait certainement qu'Arthur, comme tout homme ayant reçu une sérieuse éducation morale et religieuse, ne pouvait pas être à l'aise après cela. Et il était hors de question que le Comte puisse utiliser cette nuit pour le déstabiliser à sa guise.

Il se racla la gorge et se tourna complètement sur sa chaise, faisant ainsi face au Comte, qui sembla un instant surpris que l'écrivain n'abandonne pas la table.

« Si tu veux que nous parlions de ce qui s'est passé…

- Non merci », l'interrompit Ciel en crispant ses doigts fins sur sa cuillère. « Je ne suis pas une femme. Je n'attends rien de vous. Gardez donc vos explications, vos mots enflammés et vos promesses pour une autre qui aimera les entendre. Je souhaiterais simplement que cela ne constitue pas une raison pour oublier vos manières en ma présence. »

Arthur sentit son coeur se mettre à battre plus fort, et chaque battement lui paraissait douloureux, un rythme insupportable qui résonnait à ses tempes en un tamtam furieux.

« Et moi, je souhaiterais que vous n'utilisiez plus ce qui s'est passé comme une tactique d'intimidation comme vous venez de le faire. »

Ciel soupira en jetant sa cuillère sur la table en un signe de frustration et il se recula contre le dossier de son siège, tournant à la tête de côté pour ne pas avoir à regarder Arthur. Il semblait fatigué à cet instant, presque fragile.

« Ce n'était pas de l'intimidation, c'était une simple attaque de ma part afin que tu reprennes ta place. »

Offensé, Arthur ouvrit la bouche, s'apprêtant à l'interrompre, mais Ciel continua en se tournant brusquement vers lui : « Tu m'as reproché mes mots et mes attitudes. Aurais-tu osé le faire hier ?»

Arthur ferma lentement les lèvres, secoua légèrement la tête et détourna son regard comme si l'oeil que Ciel braquait sur lui pouvait le brûler.

« Non bien sûr que non », continua le garçon, en souriant tristement. « Tu veux me reprocher mon détachement parce que tu le trouves effrayant ? » Il se pencha vers lui, comme pour lui révéler un secret que lui seul devait entendre. « Réveille-toi. Comment puis-je agir autrement? Avant de critiquer mon attitude, demande-toi ce que j'ai à perdre. Je ne peux pas céder à la panique ni même la feindre comme eux. » Il fit une grimace dédaigneuse et un signe de tête vers la porte où étaient sortis les trois invités. « Je n'ai pas le luxe de la faiblesse, mon statut me l'interdit. C'est pourquoi leurs geignements m'exaspèrent, moi qui n'aie pas le droit d'avoir peur. »

Il posa doucement les coudes sur la table, croisa les doigts pour y déposer son menton, et murmura, l'oeil noyé dans le vide.

« Tout ce qui arrive ici est plus grave pour moi que pour quiconque. J'ai récemment fait quelque chose, qui a quelque peu… bouleversé la Reine. »

Arthur regardait les doigts entremêlés de Ciel se contracter et se serrer nerveusement.

Le Comte continua d'une voix rieuse, mais où l'humour n'avait pas de place :
« Cette soirée était une occasion de me racheter. Et voilà le résultat: trois cadavres en une nuit. Comment vais-je expliquer leur mort à la Reine ? »

Dans cet unique iris bleu qui fixait le néant, Arthur crut entrevoir une douleur qui lui coupa le souffle. Il n'avait pas pensé à tout cela. Les responsabilités du Comte n'avaient jamais effleuré son esprit. Il était étranger aux exigences de la noblesse, et il s'en félicitait maintenant qu'il entrevoyait le fardeau que le jeune homme devait porter. Ses épaules paraissaient bien maigres pour supporter seules les pressions de son monde. À nouveau, il eut envie de le prendre dans ses bras et de l'emmener loin de ce manoir, loin de tout. Avant que la raison ne l'arrêtât, il attrapa une des mains de Ciel, l'emprisonna dans les siennes et la porta à ses lèvres, pour en embrasser les phalanges. Il comprenait la signification romantique de ce geste, mais il souhaitait avant tout apporter un semblant de réconfort et de soutien au garçon. Le jeune comte le regardait sans bouger, mais Arthur le sentit trembler.

La porte s'ouvrit soudain, Arthur lâcha immédiatement la main de Ciel et Meir in entra dans la pièce, s'inclina rapidement et s'exclama : « Jeune Maître, les officiers arrivent.»


Trois calèches noires s'arrêtèrent devant l'entrée principale du manoir. De la première sortirent six officiers en uniformes. Le second carrosse, plus usé que les autres, était vide.

« Il sera sans doute utilisé pour le transport des cadavres jusqu'à Londres », se dit Arthur.

La troisième voiture n'avait que trois occupants. Tanaka se pencha vers Arthur et lui murmura :

« L'homme à l'air sévère en tête est le commissaire de Scotland Yard, Lord Randall. À ses côtés, il s'agit de son adjoint, le détective Abberline. Je dois m'excuser, car je ne connais pas le troisième homme. »

Arthur remercia le majordome d'un court hochement de tête et observa le trio. Le troisième homme aux cheveux grisonnants, que ne connaissait pas Tanaka, portait une valise semblable à celle des chirurgiens.

Un médecin légiste sans aucun doute !

Arthur soupira de soulagement et s'avança vers Lord Randall en lui tendant la main.

« Je vous remercie d'être arrivé aussi vite. Je suis Arthur Conan Doyle, c'est moi que vous avez eu au téléphone ce matin.

- Ne me remerciez pas. Croyez moi, si j'avais pu éviter de venir dans cette tanière du Diable, je l'aurais fait volontiers, » grommela-t-il en serrant la main d'Arthur, et en jetant un coup d'oeil noir à Ciel qui était resté dans l'encadrement de la porte, n'ayant fait aucun pas pour les accueillir. «Mais les victimes sont des sujets importants de la Reine, il me fallait donc venir. Cependant, nous ne pourrons pas rester, la tempête risquerait de nous forcer à rester dans cet antre diabolique si nous ne nous dépêchons pas et nous ne pouvons pas laisser Londres sans surveillance. Je vous demanderais donc de réunir rapidement tous les invités pour que nous ayons l'ensemble des dépositions à notre départ. »

Il pénétra dans le manoir, sans saluer le Comte, qui l'ignora avec autant de ferveur.

Mal à l'aise devant l'impolitesse de son chef, Abberline serra nerveusement la main d'Arthur et salua timidement le Comte qui lui répondit d'un hochement de la tête.

« Je suis le détective Abberline, c'est moi qui ai répondu à votre appel ce matin. Voici le coroner Wynne Baxter, qui examinera les corps après que nous ayons entendu les dépositions.»

Arthur salua le médecin, un homme d'âge mûr, malgré sa chevelure grise.

Abberline se tourna vers Arthur et lui dit à voix basse.

« Veuillez excuser l'impolitesse du commissaire, il n'aime pas venir dans ce manoir, car il n'apprécie pas les activités de la famille Phantomhive. »

Les activités de la famille Phantomhive ? De quoi parle-t-il ? Arthur s'apprêtait à l'interroger, mais Abberline ne prêtait déjà plus attention à lui. Il fixait Tanaka qui parlait avec Lord Randall, d'un air surpris. Il fronça les sourcils et se tourna vers Ciel.

« Où est votre majordome, monsieur le Comte ? »

Ciel baissa la tête et murmura : « Sebastian a été retrouvé mort la nuit dernière, détective

Abberline. »

Le rire du commissaire Randall se fit entendre du hall d'entrée alors qu'il donnait son chapeau et son manteau à Tanaka.

« A la bonheur, cette tragédie a peut-être du bon après tout. Nous vous attendons dans le salon, Comte. »

Une expression outrée se peignit sur le visage du détective Abberline et dans un élan protecteur il se tourna vers Ciel, geste qui provoqua une désagréable sensation dans le ventre d'Arthur.

« Nous allons trouver le coupable, monsieur le Comte », dit le détective avec douceur.

Ciel acquiesça et rentra dans le manoir, suivi d'Arthur et de Baxter. Abberline fit signe aux officiers de la suivre et la porte du manoir se referma derrière eux.


Lord Randall retira ses lunettes, les posa sur la table, où s'était regroupé l'ensemble des occupants du manoir. Il se renfonça dans son siège, visiblement perturbé. L'assistance ne disait mot et attendait ses observations.

« Mesdames et messieurs, je vous remercie tous de votre collaboration. Nous avons maintenant l'ensemble de vos dépositions et nous allons toutes les examiner. »

Il prit une longue inspiration, essuya la sueur qui lui chatouillait la moustache et fixa les personnes présentes devant lui.

« Mais à l'heure actuelle, je ne peux dire qui est coupable et qui ne l'est pas. Or la tempête approche et nous ne pouvons nous attarder loin de la capitale. Je dois donc tous vous demander de rester dans le manoir. »

Des exclamations s'élevèrent aussitôt parmi les personnes attablées. Le commissaire se leva et leva les mains devant lui, demandant le calme.

« Laissez-moi continuer s'il vous plait ! Vos témoignages ne sont fiables que si les autres invités corroborent vos dires, vous êtes donc dépendants les uns des autres pour prouver votre innocence. Si l'un de vous disparait, ou décide de s'enfuir, il sera encore plus difficile de tirer au clair cette affaire.

- Je me fiche d'être enfermé Commissaire, mais je ne resterai pas dans ce manoir. Séquestrez-moi dans une de vos cellules, je serai sûr de ne pas être tué au moins ! s'exclama Woodley, paniqué.

- La loi nous interdit d'enfermer une personne contre laquelle nous n'avons pas de charges directes. Nous pourrions vous loger dans un hôtel que l'on ferait sécuriser, mais il nous faut l'accord du ministre de la Justice pour engager des dépenses dans ce sens. Et nous ne pourrons obtenir cet accord aujourd'hui. Je vous demande donc de rester ici une nuit de plus.

- Une nuit seulement si l'orage le permet, s'enquit Charles, agacé.

- Si cela peut vous rassurer, le détective Abberline restera cette nuit, avec l'un des officiers, si l'un d'eux se porte volontaire. »

Abberline sursauta à cette annonce et se tourna vers son chef qui lui lança un regard qu'il connaissait bien : « Oseriez-vous désobéir à un ordre!»

Penaud, il détourna le regard et baissa la tête.

« Bien, cela étant entendu, il nous faut maintenant examiner les corps. Mademoiselle s'il vous plait, dit le commissaire en désignant Meir in, qui sursauta. Veuillez conduire le docteur Baxter à la cave. Monsieur Conan Doyle, en votre qualité de médecin et vu que vous êtes le seul occupant de ce manoir à n'avoir pu commettre aucun meurtre, je souhaiterais m'entretenir avec vous. Vous aussi, monsieur le Comte. Quand à vous, Ladies and Gentlemen, je vous demanderais de rester calme et de ne pas céder à la panique. Si le tueur est parmi vous, nous le trouverons. »


« Donc nous avons trois cadavres», dit Lord Randall. « Je vais attendre la confirmation du légiste pour ce qui est de l'heure de la mort, mais si l'heure indiquée sur l'horloge cassée que vous avez trouvée est juste, alors le majordome est mort en dernier. Et d'après ce que vous m'avez dit, il serait le principal suspect pour le meurtre du jeune Phelps, dit le commissaire en se grattant le menton.

- C'est ce qu'il semble, monsieur le Commissaire, » dit Arthur, pencher en avant, les bras sur ses cuisses et les mains jointes, en une posture de réflexion alors qu'il essayait de se remémorer les évènements. « Seul Sebastian possède la clé qui peut ouvrir la chambre du Comte et la porte était fermée quand nous sommes arrivés et nous avons dû la détruire pour y rentrer. Cependant, nous ne pouvons dire qui l'a tué, lui. À en juger par les blessures, il semblerait que deux tueurs aient participé à ce meurtre. Et pour ce qui est de Lord Siemens… »

Arthur hésita et se mordilla la lèvre avant de continuer, « seul le Comte aurait pu commettre l'assassinat, car il n'a pas d'alibi. Mais par la suite, il a été enfermé dans une des chambres sous ma garde, il ne peut être le tueur ni de Phelps ni de son propre majordome. Ma théorie est que nous avons affaire à plusieurs tueurs, qui agissent ensemble ou séparément, selon les meurtres…»

Le commissaire lança un regard glacial vers le jeune garçon.

« Quel dommage… Si vous n'aviez pas été confiné jeune Comte, dit-il l'oeil brillant, je vous aurais fait tomber et même Sa Majesté la reine n'aurait pas pu vous sauver. »

Arthur se leva, outré par les accusations haineuses de Lord Randall. « Ciel n'aurait pas pu commettre ses meurtres ! Je vous ai expliqué cela ! Et aucun grief ne justifie un tel acharnement de votre part. »

« Ciel ? » répéta l'inspecteur en haussant un sourcil. Arthur rougit à son erreur, mais ne baissa pas les yeux. Le commissaire se tourna vers le garçon qui n'avait pas réagi à l'échange entre les deux hommes. À vrai dire il n'avait rien dit, ni rien fait pour aider ou freiner les recherches des officiers.

Son détachement était déconcertant, comme s'il assistait à une scène d'un spectacle ennuyeux, qui n'avait rien à voir avec lui. Lord Randall regarda le comte de haut en bas, une mou de dégoût sur son visage et se tourna vers Arthur.

« Vous ne savez pas de quoi ce garçon est capable, monsieur Conan Doyle. Et je vous conseille, pour votre propre bien, de ne pas le sous-estimer. »

Soudain des cris se firent entendre du grand hall et tous se levèrent comme un seul homme et se précipitèrent vers la source des bruits.

« Il est vivant ! Il est vivant ! » répétait Mei rin, qui se précipitait vers eux.

-Qui est vivant Mei rin ? s'exclama Arthur.

- Sebastian !

Ciel pâlit soudain et une expression d'effroi se dessina sur son visage. Il recula alors que Meir in s'apprêtait à le prendre dans ses bras, folle de bonheur. Mais il plaqua deux mains tremblantes sur ses épaules pour l'empêcher de l'étreindre. Sa poitrine se soulevait rapidement au rythme de son coeur qui battait à se rompre, assez pour lui faire mal.

Le médecin légiste, le tablier taché de sang, s'avançait vers eux à grandes enjambées tout en balbutiant, essoufflé : « Les battements de son coeur sont très faibles, il a perdu beaucoup de sang, mais il respire encore. Il faut l'emmener à l'hôpital de toute urgence, même s'il y a peu de chance qu'il survive au voyage. »

Abberline se précipita vers la cave en criant aux officiers de prendre des civières et demanda à Tanaka de préparer la voiture pour le départ. Arthur resta muet, les pieds comme plongés dans du ciment. Il se retourne vers Ciel et aperçut celui-ci qui disparaissait dans le salon qu'ils venaient de quitter, fermant soigneusement la porte derrière lui.

Troublé, il se précipita vers le médecin légiste qui s'apprêtait à retourner à la cave et lui attrapa le bras pour l'immobiliser et lui faire face. Sa tête lui tournait, il se sentait nauséeux, d'autant plus que l'odeur de sang moisi qui tachait les vêtements du légiste était presque insupportable :

« Docteur, dit-il d'une voix tremblante, je suis moi-même médecin et j'ai examiné le corps. Je vous certifie qu'hier il était mort. Il avait perdu beaucoup de sang, ses yeux étaient vitreux, son coeur ne battait plus… »

Il s'arrêta, la gorge sèche, perdant le fil de ses pensées. Le stress et le doute l'assaillaient. Il lâcha le bras du médecin et se prit la tête dans les mains. Il sentait l'hystérie prendre le contrôle de ses nerfs.

- Comme je l'ai dit, dit le coroner avec douceur et mesure, il ne survivra sans doute pas au voyage, il est très abimé…

- Il ne s'agit pas de cela», s'exclama Arthur en levant les mains au ciel, exaspéré. Il respira profondément, essayant de retrouver son calme. Il passa fermement la main sur son visage, tentant de reprendre ses esprits et continua : « Il a une blessure à la tête extrêmement profonde et nous l'avons retrouvé avec tisonnier enfoncé dans la poitrine…

- Avez-vous tenté de le réanimer ?

- Pourquoi faire? Son coeur ne battait plus… mais son maître lui a donné deux ou trois gifles qui auraient pu réveiller un mort », rajouta-t-il avec un sourire dépourvu de joie, presque fou. Il se reprit pourtant. « Honnêtement, docteur, qui pourrait survivre à de telles blessures ?

- Peut-être faut-il croire au miracle, dit le médecin légiste en haussant les épaules.

Arthur émit un rire nerveux. « Je suis un homme de science docteur, et un agnostique avant tout et d'un point de vue scientifique…

- D'un point de vue scientifique, nous commençons tout juste à entrevoir ce qu'est réellement la mort, monsieur Conan Doyle. Combien de personnes déclarées mortes ont été enterrées vivantes ? Combien de cercueils furent découverts avec l'intérieur du couvercle lacéré par les ongles des malheureux qui s'étouffaient dans leur tombe ? Certaines choses nous échappent. Cet homme est vivant, il a eu de la chance. Certains d'entre nous sont plus coriaces face à la mort. Croyez-moi, j'en ai vu des cas bizarres et incroyables. Et nous sommes peut-être en présence de ce qu'on appelle un miracle médical. Mais pour le moment il faut que vous me laissiez examiner les autres corps, et j'ai peu de temps pour cela, je ne pourrais pas les observer avec objectivité si je n'évalue pas le lieu dans lequel ils ont été placés. C'est essentiel pour évaluer l'heure de la mort. Reposez-vous,monsieur Conan Doyle, vos nerfs sont mis à rude épreuve dans cette sinistre affaire. Vous y perdrez la raison si vous ne vous autorisez pas un peu de calme. »

Arthur déglutina avec peine et hocha la tête, laissant le médecin repartir. Il se sentait fatigué, il voulait s'allonger et dormir, dormir pendant des semaines, dans son propre lit, retrouver la douceur de son foyer, retrouver… sa femme.

Mon Dieu, sa femme Louisa! À aucun moment au cours de ses deux jours, il n'avait pensé à son épouse. Il se souvint du soulagement qu'il avait ressenti lorsqu'il avait reçu l'invitation de la maison Phantomhive. Malgré le mystère qui entourait cette demande soudaine, il avait été heureux de faire ce voyager jusqu'au manoir, heureux de s'éloigner d'elle, de sa femme, qu'il ne supportait plus de voir souffrir alors que la tuberculose lui rongeait les poumons. Il avait cru aimer cette fille de son enfance, mais il avait compris que cet amour n'était que de la pitié pour une jeune femme condamnée.

Alors que la tristesse étreignait son coeur aussi vivement que la fatigue, Arthur se décida à retourner dans le salon pour profiter du confort d'un des fauteuils, pour demander une tasse de café serré et cela même si le déjeuner était servi dans peu de temps. Alors qu'il pénétrait dans l'élégante salle, il aperçut Ciel qui regardait par la fenêtre, immobile. Arthur s'approcha, curieux de savoir ce que le Comte regardait avec tant d'intérêt. Il s'arrêta à ses côtés sans le toucher et suivit son regard. La fenêtre donnait sur l'avant du manoir et on apercevait les trois voitures. Des officiers transportaient Sebastian, dont le corps avait été recouvert d'une légère couverture. Ciel suivait l'étrange procession de l'oeil, sans émotion.

Cette apathie mit rapidement Arthur mal à l'aise.

« Tu ne vas pas le voir ? » demanda-t-il .

Pas de réponses.

« Avec ses blessures, insista-t-il, il y a peu de chance qu'il survive. Tu devrais peut-être aller le voir ou lui parler.

- Inutile.»

Ciel sourit, fatigué. Sa voix était vide et faible.

- Tu n'as pas l'air heureux qu'il soit en vie…

- Disons que je devrais faire plus attention aux souhaits que je fais, c'est tout, murmura le jeune homme, si faiblement qu'Arthur eut peine à distinguer les mots prononcés.

- Il devrait être mort, Ciel…

- Ce n'est pas le cas, soupira le Comte qui quittait la fenêtre et se dirigeait vers l'un des fauteuils.

- Tu le savais !

Arthur ne pouvait supporter davantage cette façade d'apparence calme et aseptisée. Quelque chose n'allait pas et il voulait, il avait besoin de savoir.

- De quoi est-ce que tu parles? demanda Ciel avec lassitude. Il se tourna vers Arthur, une main sur le dossier du fauteuil sur lequel il avait eu l'intention de s'installer une seconde plus tôt.

- Tu savais qu'il n'était pas mort, cracha Arthur, en pointant son index accusateur vers le garçon. Tu le savais ou du moins tu t'en doutais.

- Ne sois pas ridicule, dit Ciel en croisant les bras, j'ai été choqué et j'ai réagi de manière excessive.

- Je ne te parle pas du moment où nous avons découvert le corps de Sebastian, je parle de ce que tu as dit dans la chambre la nuit dernière.

Ciel tenta de l'interrompre, mais Arthur poursuivit de plus belle :

« Tu ne croyais pas à sa mort, tu pensais qu'il faisait semblant, qu'il jouait un jeu, qu'il s'amusait avec toi. À ce moment-là, j'ai cru que tu délirais, que c'était ta douleur qui parlait plus que ta tête. Mais il est vivant ! Mais maintenant… maintenant, je ne sais plus. Je me souviens de chacune de tes paroles et à t'entendre il était impossible qu'il soit mort !

- Je te l'ai dit, j'étais choqué !» s'écria Ciel, visiblement exaspéré. «Nos paroles et nos actes n'ont plus aucun sens dans ce genre de situation, ce qui s'est passé entre nous hier en est la preuve non ? »

Oh comment Arthur aurait aimé gifler cet insolent pour jouer ainsi avec son coeur et sa raison!

Mais il n'en fit rien, et il se contenta de se mordiller la lèvre inférieure, tout en jetant des regards égarés sur ce qui l'entourait, la respiration haletante.

« Qu'est-ce qui se passe ici ? demanda-t-il soudain.

- De quoi parles-tu ? Deviens-tu fou ? Si la mémoire te fait défaut, sache que nous avons trois meurtres sur les bras, un tueur parmi nous… et un écrivain dont les nerfs lâchent à ce qu'il semble!

- Non ! dit Arthur en secouant son doigt. Qu'est-ce qui se passe réellement ici? Une série de meurtres, plusieurs meurtriers, mais aucun véritable suspect… mais aussi une pièce d'échec que tu brises et qui se répare seul… et maintenant un homme avec un trou dans la tête et dans la poitrine qui ne meurt pas après avoir croupi des heures dans une cave?

- Le médecin légiste te l'a dit, ce genre de choses arrivent …

- Arrête de te moquer de moi ! » Arthur était furieux maintenant.

Il s'approcha de Ciel et emprisonna ses épaules dans ses mains et serra. Il se doutait qu'il lui faisait mal, mais il s'en fichait.

« Il y'a quelque chose de pourri dans ce manoir, quelque chose de profondément noir, d'étrange et de malsain. Et tu sais quelque chose Ciel !»

Le garçon plaqua les deux poings sur sa poitrine et le repoussa violemment.

« C'est monsieur le Comte pour toi ! N'oublie pas ta place !

- Cela t'a arrangé que je l'oublie la nuit dernière ! »

Arthur ne vit pas la gifle arriver, mais il sentit la douleur et l'empreinte brûlante que la main de Ciel laissa sur sa joue. Il regarda le garçon qui lui faisait face, l'oeil sombre et la respiration saccadée.

« Reprends-toi ! dit sèchement le Comte. Il n'y a rien de surnaturel dans cette affaire, mais notre situation est effrayante et elle t'échappe. Alors tu te laisses troubler par des détails qui deviennent vite inquiétants. Or j'ai besoin d'un homme intelligent qui peut résoudre cette affaire avec rationalité. Si tu n'en es pas capable, autant laisser Abberline se charger seul de l'affaire. »

Arthur laissa échapper un faible râle et serra les poings. La porte s'ouvrit soudain et Tanaka pénétra dans le salon : « Monsieur, dois-je faire servir le déjeuner ? »

Ciel s'apprêta à répondre, mais il fut coupé par Arthur : « Vous servirez le déjeuner pour les invités à l'exception de moi-même et du Comte, nous déjeunerons en même temps que le détective Abberline après le départ de la police. N'oubliez pas de préparer des plats à emporter pour le commissaire, le coroner et les officiers, qui risquent de regagner Londres après l'heure du déjeuner. Il est normal de leur préparer de quoi se rassasier vu le chemin qu'ils ont dû parcourir aujourd'hui.»

Tanaka jeta un coup d'oeil à son jeune maître qui se contentait de fixer Arthur. Le majordome finit par s'incliner et quitta la pièce.

Ciel et Arthur se dévisagèrent un instant, puis Arthur recula et s'inclina devant le Comte, qui se figea, stupéfait.

« Si vous me permettez, Monsieur le Comte, je vais me retirer, dit Arthur. Je souhaiterais discuter de l'affaire avec le détective Abberline. Plus vite nous aurons résolu ce mystère, plus vite les invités et moi-même pourront quitter ce manoir. »

N'attendant pas de réponse, il se redressa et se dirigea vers la porte, tout en déclarant :

«Je vous conseille de divertir vos invités afin qu'ils ne se retrouvent pas dans le chemin des inspecteurs. Un billard peut-être? Ou une partie d'échecs? Bien que je trouve votre manière, de jouer est un peu trop désinvolte à mon goût. »

Sur ces mots, il ouvrit la porte et sortit.


« Du poison ? Vous êtes sûr, docteur ?

- En effet, approchez monsieur Conan Doyle. Comme vous le soupçonniez, l'arme, qui a été enfoncée dans le cou de Monsieur Phelps et qui a créé ces deux marques, a été imprégnée de poison, ce qui explique la couleur quelque peu violacée de la peau à cet endroit, dit Baxter, en tournant la tête du pauvre Phelps, dont le visage avait déjà pris une couleur olivâtre.

- Des aiguilles empoisonnées alors ? demanda le détective Abberline.

- Oui ou autre chose. Le parallélisme des piqures me fait également penser à une morsure.

- De vampire, Docteur ? ricana le détective.

- Bien sûr que non, quoique mon expérience des cas étranges ne m'incline pas à rejeter ce genre d'hypothèse fantasque de temps en temps. Mais ici, je penserais plutôt à la morsure d'un serpent… Pour le savoir, il faudrait que je puisse analyser le poison ou le venin, mais peut-être a-t-il disparu de son corps maintenant. Certains poisons sont éliminés par le corps, même après la mort, ce qui rend difficile leur identification…

- Docteur, vous pensez qu'un serpent mortel se balade dans le château ? demanda Arthur, dont l'idée d'un reptile se faufilant dans sa chambre ne lui plaisait guère.

Baxter se mit à rire en regardant les deux hommes.

- Je ne l'espère pas, je l'avoue. Sinon vous devrez annoncer aux occupants du manoir qu'il y a un ou des assassins parmi eux, ainsi qu'un serpent venimeux. Mais les serpents s'approchent rarement des grandes habitations comme celle-ci. Ils sont effrayés par les vibrations après tout. S'il y'a un serpent dans le château, il n'est pas arrivé seul; quelqu'un l'y a introduit. »

Arthur soupira, la sueur perlait sur son front. Il ne pouvait imaginer un des invités ou des serviteurs introduisant un serpent dans le château.

« Je dois partir », dit le coroner en rangeant ses couteaux et ses pinces dans son sac de chirurgien. «Nous aimerions rejoindre Londres avant l'orage. Pour ce qui est de Lord Siemens je vous ai laissé mes observations sur ses documents. L'heure que vous m'avez indiquée, 1h10, correspond à l'état actuel du corps,» dit-il en tendant un certain nombre de feuilles à Arthur. «Je n'ai pas grand-chose d'autre à ajouter sur Phelps, sinon que d'après les lividités cadavériques et la raideur du corps, la mort est survenue entre 2h et 5h du matin. Je pense que vous pouvez donc vous fier à l'horloge qui indiquait 2h40.

- Docteur, l'interrompit Abberline, que pensez-vous des blessures sur ses mains ?

- Elles sont sans importance Détective Abberline.

- Comment sans importance ? Il s'agit peut-être de blessures défensives, dans ce cas une attaque de serpent serait…

Il s'interrompit quand Baxter éclata de rire.

- Expliquez-lui monsieur Conan Doyle » dit le légiste. Il fit signe aux officiers de disposer des corps et remonta les escaliers.

Arthur s'approcha du détective.

- Il ne s'agit pas de blessures défensives, mais des morsures que les rats ont laissées en commençant à le dévorer depuis qu'il est dans la cave.

Abberline pâlit et balbutia :

- oh… hum… charmant.

- Élémentaire mon cher Abberline, dit Arthur en posant sa main sur son épaule, alors qu'ils sortaient de la cave.

L'orage grondait à nouveau, menaçant de faire voler les vitres en éclat, sous la pression du vent et de la pluie. Abberline et Arthur étaient assis face à face dans des fauteuils voltaire, un verre de scotch à leur côté, devant la petite table basse qui était recouverte d'un certain nombre de documents, copies de dépositions, observations du médecin légiste, etc.

Après le déjeuner, ils avaient décidé de passer le reste de l'après-midi ensemble afin de discuter de l'affaire. Arthur se sentait apaisé en présence d'Abberline, qui était un homme intelligent, certes, mais qui détenait également une forte intégrité et des valeurs qui lui rappelaient les siennes, contrairement à la plupart des personnes qui occupaient actuellement le domaine.

« Ils doivent être arrivés à Londres, dit Abberline en regardant par la fenêtre. Du moins, j'espère qu'ils n'ont pas été surpris par la tempête sur la route. Sinon ils auront peu de chance de rejoindre le Royal London Hospital avant que le majordome ne meure. Il est pourtant crucial qu'il reste en vie, il a peut-être vu ses agresseurs, ce qui nous permettrait d'avancer… » Abberline tapa de la main sur l'accoudoir de son fauteuil, profondément frustré. « Cette affaire est un véritable mystère complet, rien ne concorde, aucun raisonnement ne tient la route!

- Ce qui me gêne le plus, Détective Abberline, soupira Arthur, en portant son verre à ses lèvres, c'est l'absence de mobile. Je n'arrive pas à comprendre les raisons de ces meurtres. Les trois, enfin je veux dire, les deux victimes et Sebastian n'avaient aucun lien entre eux. Les invités ne se connaissaient pas avant le banquet, à part de réputation. Georg Von Siemens était le directeur honoraire de la Bamberger Banque. Et Patrick Phelps était le responsable de construction navale et du commerce maritime de la compagnie Blue Star Line et également un cadre de la supervision de la division du commerce. Le seul lien qui pouvait exister entre eux a été révélé lors d'une discussion que j'ai entendue à propos de prêts que Lord Siemens souhaitait accorder par l'intermédiaire des banques allemandes à l'industrie lourde de son pays pour concurrencer l'Angleterre. Ils étaient donc concurrents sur le même marché.

- Très prétentieux de sa part…» déclara Abberline. «Tout en écartant les divers documents disposés sur la table, comme si un indice pouvait soudain surgir à la simple relecture des notes de police.

- Il s'agissait en effet d'un homme prétentieux, se rappela Arthur, sans oublier mal élevé et grossier lorsque l'alcool passait ses lèvres.

- A-t-il eu des propos impolis, qui auraient pu offenser certaines personnes ?

- Des mots rudes pour les invités, des attitudes inconvenables envers les femmes… Mais rien qui puisse justifier un meurtre. Rien ne justifie ces meurtres.»

Arthur se souvint d'une anecdote et se mit à rire.

« J'étais tellement à court d'idées que j'ai même imaginé que Sebastian et la servante avaient organisé l'assassinat de Lord Siemens pour faire accuser le Comte et s'enfuir pour se marier.

- Cette histoire est encore plausible, du moins pour le premier meurtre, dit Abberline, intrigué, ils étaient les premiers sur le lieu du crime, non ?

Arthur se resservit un verre et secoua la tête.

- Non, cela ne colle pas. Ils n'auraient pas pu commettre le meurtre et refermer la porte de l'intérieur avant que nous accourions, même en utilisant le stratagème de l'aiguille et du fil que le Comte a suggéré. À vrai dire, personne n'aurait pu, pas aussi vite. Et puis j'ai interrogé les serviteurs au sujet d'une possible relation entre le majordome et la servante, avec souplesse bien entendu. La question les a beaucoup amusés. À en croire leurs dires, Sebastian ne vit que pour son jeune Maître.

- Oui je le pense également, dit Abberline, qui semblait tout à coup perdu dans ses pensées, comme s'il se remémorer certains événements. «Je les ai déjà vus ensemble… D'ailleurs en y pensant, avant aujourd'hui, je ne les ai jamais séparément. C'est pour cela que j'ai été surpris de ne pas voir Sebastian au côté du Comte. Leur relation est assez… je dirais « fusionnelle », car aucun autre mot ne me vient à l'esprit. Cet homme peut parfois faire démonstration de capacités incroyables… Mais je suppose que le Comte ne peut s'entourer que de personnes exceptionnelles pour sa tâche de « Chien de Garde » de la Reine.

-«Chien de garde» ? répéta Arthur, intéressé. «Woodley a utilisé ce terme hier en parlant du Comte, mais je vous avoue que je n'ai pas compris de quoi il voulait parler.

- Vous ne savez pas grand-chose à propos de Ciel Phantomhive n'est-ce pas ? déclara le détective, toujours penché sur ses papiers.

- Non en effet », avoua Arthur. En tout cas rien d'avouable, se retint-il ajouter…

Abberline se redressa lentement, et jeta un coup d'oeil vers les portes du salon, s'assurant qu'il ne serait pas écouté. Il se leva de son fauteuil qui faisait face à son interlocuteur et se plaça sur la banquette située à la gauche d'Arthur, raccourcissant l'espace entre eux. Il se pencha vers l'écrivain et commença à lui parler d'une voix mesurée.

- Je vous demanderais d'être discret à ce sujet, car je ne pense pas qu'être autorisé à en parler librement, et de plus je ne sais que ce que le commissaire m'a révélé récemment. En fait, il semblerait que la famille Phantomhive soit une société secrète sous les ordres de la Reine, qui contrôle le monde souterrain du royaume, qu'il s'agisse des trafics de drogues, de contrebande, de prostitution ou toutes autres activités illégales qui pourraient déstabiliser le pays, un peu comme le ferait la police. Seulement les membres de la famille Phantomhive sont autorisés à utiliser à leur guise des procédés illégaux et parfois même maléfiques et cruels. La Reine rémunère ses activités lugubres par l'intermédiaire de pots-de-vin versés au Comte par la police. C'est pour cela qu'on les appelle les « Chiens de Garde » de la Reine ou encore les « Nobles Diaboliques ».

Arthur se recula contre son siège, tout en fixant Abberline.

« Ciel Phantomhive est le seul représentant de cette famille aujourd'hui», dit-il. «Vous me dites qu'un garçon aussi jeune contrôle, à lui seul, toute la vermine londonienne ?

- Un garçon ? » répéta Abberline en haussant les sourcils. Il sourit tristement et continua : «Moi aussi j'ai tendance à le regarder avec indulgence, mais vous devez avouer qu'il a une langue plutôt acérée pour quelqu'un qui possède un aussi doux visage. Et quand son oeil se braque sur vous, cela vous inspire une peur inexplicable, car vous vous savez pris au piège. Ce sont des yeux sans innocence qui vous fixent. Son intelligence, sa maturité, cette lueur qui assombrit ses yeux… tout cela trahit un âge bien plus avancé, qui n'a rien à voir avec son corps.

- Ce n'est pas moi qui vais vous contredire sur ce point, » dit Arthur en vidant son verre d'un trait, grimaçant lorsque le liquide lui brûla la gorge. Il était soulagé par cette discussion, qui lui fournissait d'inlassables excuses pour justifier son comportement envers Ciel et pour ne pas se sentir coupable des sentiments quelque peu malsains qui lui aspiraient le jeune homme. Abberline attrapa soudain une feuille sur la table et la regarda un instant. Arthur savait qu'il s'agissait de la liste des personnes présentes dans le manoir.

- Qui a créé la liste et a préparé les invitations selon vous Arthur ?

- Je n'en sais rien, le Comte et son majordome sans doute.

- Il faudrait que nous sachions comment les invités ont été triés. Peut-être que cela nous donnerait de nouvelles pistes. Parce que je dois avouer que pour l'instant cette histoire me dépasse.

- Comme nous tous…


Arthur s'était isolé dans sa chambre et tentait de soulager avec peine le mal de crâne qui menaçait de lui faire exploser la cervelle. L'ensemble des invités était encore réuni dans la grande salle, il n'avait donc pas à craindre la venue d'un tueur, quel qu'il soit... Il était épuisé et s'est allongé sur le lit entièrement vêtu, un bras par-dessus son visage. Il n'entendit pas la porte s'ouvrir.

« Alors comme ça, il y a un serpent venimeux dans le château. »

Arthur sursauta et se redressa d'un bon. Il aperçut Ciel dans l'encadrement de la porte, qui le regardait d'un air enjoué, presque moqueur.

- Mais comment… ? commença Arthur.

- C'est Ran mao», expliqua Ciel en entrant dans la pièce, « qui a entendu un officier dire à un autre officier que le médecin légiste vous avez dit à Abberline et vous, qu'un serpent avait tué Phelps ».

Le jeune homme s'assit sur le lit à côté d'Arthur tout en continuant sa tirade. « Ce qu'elle s'est empressée de répéter à Lau qui l'a ensuite dit à… tout le monde en fait. Abberline est en train d'essayer de calmer les invités qui sont plutôt agités. Je me suis éclipsé pendant la dispute. »

Arthur hésita un instant à rejoindre l'officier pour l'aider à retenir les fauves, mais il estima, avec un égoïsme assumé, qu'il méritait le calme qu'il s'octroyait actuellement.

« C'est bien ce que nous voulions éviter, » dit Arthur en reposa sa tête sur l'oreiller. Il porta sa main à son front, le massant avec force, « surtout qu'il s'agit d'une hypothèse non vérifiée. Bien sûr dans le doute, il voudrait mieux que vous évitiez de dormir dans votre chambre. Quoique je doute que vous en ayez eu l'intention. »

Sa voix devenait faible, alors qu'il commençait à s'endormir. Il sentit pourtant des doigts doux et froids lui toucher les paupières, provoquant des frissons des plaisirs dans son crâne douloureux. Les doigts effleurèrent ses joues et s'attardèrent sur ses lèvres avant de descendre le long de sa poitrine, gardant toujours un toucher aussi léger qu'une plume et continuèrent à glisser le long de son ventre, et plus bas et …

Toujours allongé, Arthur ouvrit les yeux et attrapa la main du garçon, lui comprimant les phalanges sans lui faire mal.

« Cela ne se reproduira plus, Ciel», déclara-t-il sans lâcher la main du jeune homme. «Plus jamais.»

Le comte dévisagea le jeune homme, sans chercher à dégager ses doigts de son étreinte.

« Si tu le dis, dit-il enfin, j'aurais tout de même aimé avoir mon mot à dire.»

Il fixait le jeune écrivain, le dévisageant avec insistance, une pointe de défi dans le regard puis dégagea ses doigts de la main d'Arthur d'un geste sec.

«Tu me prends encore pour un enfant», ajouta-t-il en secouant doucement la tête. «Alors qu'hier, nous étions égaux. Nous étions deux et j'ai aimé, autant que toi. Cesse de te sentir coupable, cela me vexe. Si tu penses avoir assez de force pour me contraindre à quoi que ce soit, c'est pure prétention de ta part.

- Oui…» soupira Arthur avec lassitude. «Je commence à croire que je ne peux pas gagner avec toi. Tu as l'air d'un ange, mais tu es un véritable démon. »

Ciel se mit à rire, un rire perlé et doux.

« Qui sait ? Tu m'as peut-être percé à jour ? » dit-il en lui adressant un sourire désarmant.

Arthur sentit sa résistance fondre alors qu'il plongeait son regard dans l'oeil bleu marine qui le fixait. Le sourire Ciel disparut doucement, replacé par une expression intense et… dangereuse.

« J'aimerais que tu me laisses maintenant.

- Non » répondit Ciel en se penchant vers le l'homme allongé à ses côtés.

Arthur cessa de respirer et posa ses mains sur les épaules du jeune homme, mais il n'avait pas la force ou l'envie de le repousser.

« Arrête Ciel, murmura-t-il, c'est… c'est mal.

- Oui je sais », chuchota-t-il avant d'embrasser l'homme qui resserrait déjà ses bras autour de son corps tremblant.


Royal London Hospital, 20h

L'infirmière portait un bac d'eau chaude, des serviettes et des pansements qu'on lui avait demandé d'apporter dans la chambre 17B, dans lequel se trouver un patient qui avait reçu de multiples blessures, à la tête et au torse. Les chirurgiens avaient fait leur possible, mais l'homme était si mortellement touché qu'il ne passerait sûrement pas la nuit. Elle avait pourtant reçu l'ordre de nettoyer les plaies et de changer les pansements toutes les deux heures pour éviter les infections.

Elle arriva devant la chambre et poussa la porte battante du coude. Elle pénétra dans la pièce puis se tétanisa, laissant glisser de ses mains le bac rempli d'eau et les serviettes qui tombèrent au sol.

Devant elle, un bel homme, aux cheveux noirs et aux yeux cuivrés, et en pleine forme, était assis sur le lit, à la place où aurait dû être étendu un mourant qui vivait ces dernières heures. Impeccable et immaculé dans son costume à queue de pie noir, le jeune homme se tenait bien droit, les mains appuyaient sur le lit de chaque côté de ses cuisses, les jambes croisaient en une posture détendue et désinvolte, un sourire épanoui sur les lèvres.

Observant la jeune femme, il dodelina doucement de la tête, visiblement amusé; et avec la grâce d'un danseur, il se souleva du lit, son corps semblant n'avoir aucun poids. Il avança, l'eau qui couvrait le sol clapotait à chacun de ses pas alors qu'il approchait de la jeune femme. Elle le regardait comme on regarde un fantôme, les yeux écarquillés et les muscles tendus. Il s'arrêta à quelques centimètres de l'infirmière qui en oublia de respirer et doucement il lui prit la main.

Il y déposa un baiser à la manière d'un gentleman, et lui dit d'une voix charmeuse :

« Je vous remercie des soins que vous m'avez prodigués, milady. Je me sens beaucoup, je vais rentrer. Je crains que mon Jeune Maître ne s'égare en mon absence. »

Elle resta immobile, figée alors qu'il la dépassait et sortait de la chambre.

Il avança dans le couloir sombre et disparu dans l'obscurité.

Dehors, le tonnerre gronda.

Fin du chapitre 2


Notes d'Autrice :

Voilà !

Oui je sais c'était sans doute long à lire, je m'en excuse. Les prochains chapitres le seront moins (c'est un mensonge…) et je les posterai donc plus vite ! J'ai essayé de sortir les théories les plus plausibles avant le chapitres 43 et même s'il y a maintenant des choses qui diffèrent puisque le chapitre a été publié, je n'ai pas le courage de revisiter mon chapitre, qui est très long…

Sebastian a été peu présent mais il sera très présent dans les suivants. Il fallait que je trouve comme le faire revenir!

N'hésitez surtout pas à me dire ce que vous en pensez ! REVIEW please ! J'ai galéré !

Notes de contexte :

Arthur Conan Doyle a vraiment une femme, appelée Louisa Hawkins. Il l'a épousé à 23 ans et vu la date où ce passe l'histoire, il doit avoir 28 ans et est donc marié depuis 4 ans. (Oui j'ai fais des recherches pour donner un certain réalisme).

Fred Abberline était un détective qui enquête sur Jack l'éventreur et il est interprété par Johnny Depp dans From Hell. Et c'est ainsi que je me le représente dans l'histoire.

Les médecins légistes du XIXème siècle au Royaume-Uni s'appelaient des coroners. Le mot est d'ailleurs encore utilisé.

Vynne Baxter, le médecin légiste de mon histoire, était un des principaux médecins légistes qui a examiné les corps des prostitués assassinées par Jack l'éventreur.


N'hésitez à me suivre sur les RS mais SURTOUT n'oubliez pas de voter pour les chapitres de cette histoire, cela m'aide énormément en tant qu'autrice et également de commenter les chapitres, au cours ou en fin de lecture, c'est toujours un immense bonheur de lire vos réactions.

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